Le BRGM publie une note sur le séisme survenu à La Laigne (Charente-Maritime) le 16 juin 2023. La communauté scientifique est fortement mobilisée pour améliorer la compréhension du phénomène en cours.
21 juin 2023

Un fort séisme est survenu le 16 juin 2023 à 18h38, à 11 km au Nord de Surgères et à 35 km à l’Est de la Rochelle. Sa magnitude de moment est évaluée entre 4.8 et 4.9 d’après l’Observatoire de la Côte d’Azur (OCA) et l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP). Ce séisme a été ressenti dans une grande partie de l’Ouest de la France, de Bordeaux au Sud jusqu’à Caen au Nord, et jusqu’à Clermont-Ferrand à l’Est. Plusieurs répliques ont été enregistrées à ce jour, les deux plus importantes ayant eu lieu le 17 juin à 04h27 et 09h31. Plusieurs équipes (Institut Terre et Environnement de Strasbourg, German Research Center for Geosciences) ont déterminé des mécanismes au foyer pour caractériser la source : les résultats indiquent un mécanisme en décrochement, témoin d’un cisaillement le long d’une faille subverticale.

La magnitude relativement importante du séisme, combinée à une très faible profondeur du foyer estimée à seulement 3 km d’après le BCSF-RéNaSS (Bureau central et sismologique français - Réseau national de surveillance sismique) s’est traduite par une forte intensité des secousses dans la région épicentrale, estimée à ce jour à titre préliminaire à VI par le BCSF-RéNaSS sur une échelle qui en compte 12 : ce niveau d’intensité correspond au niveau à partir duquel des dommages modérés peuvent apparaitre sur les bâtiments les plus vulnérables. Les remontées de terrain montrent des dommages dans la zone épicentrale autour de la commune de La Laigne en Charente-Maritime.

La communauté scientifique est fortement mobilisée et des déploiements instrumentaux sont en cours depuis le 17 juin sur la zone épicentrale via le Réseau sismologique et géodésique français (Résif) pour enregistrer les répliques et améliorer la compréhension du phénomène en cours.

Contexte géologique du séisme La Laigne

Contexte géologique du séisme La Laigne (étoile jaune). Localisation des failles potentiellement actives selon la BDFA IRSN (Jomard et al., 2017) et des structures tectoniques répertoriées sur les cartes géologiques au 1/50000 (BRGM).

Les structures faillées majeures (traits fins noirs) sont indiquées, ainsi que les formations géologiques, resp. du plus ancien au plus récent : socle hercynien (rouge, marron), âge Crétacé (vert), Jurassique (bleu), Tertiaire (orange/jaune).

© BRGM - carte géologique au million / Chantraine et al., 2003

Contexte géologique et sismotectonique

La région touchée par le séisme se situe sur la bordure nord du bassin d’Aquitaine au sud des reliefs du massif sud-armoricain. Plus précisément, elle correspond en partie au bassin versant de la Sèvre Niortaise et forme la bordure sud du marais Poitevin. La zone épicentrale se situe approximativement à mi-distance entre La Rochelle (Charente-Maritime) et Niort (Deux-Sèvres).

Les formations géologiques du sous-sol sont constituées d’une couche sédimentaire de calcaires marneux et argileux d’environ 150 à 200 m d’épaisseur d’âge jurassique (entre env. 175 et 150 millions d’années), faiblement plissée vers le SSO. Cette couverture repose sur un socle composé de roches métamorphiques (micaschistes, gneiss) et volcano-sédimentaire d’âge Cambrien (env. 500 millions d’années). Ce socle ancien affleure à environ 30 km au nord, constituant les reliefs du Massif Sud-Armoricain. Ces formations sont recouvertes localement par au moins 2 à 10 mètres d’argiles (illite et kaolinite dominantes) d’origine fluvio-marine, déposées il y a 19 000 ans lors de la remontée du niveau marin dans les dépressions du marais Poitevin. Ce niveau superficiel d’argiles a pu induire un effet de site, amplificateur du mouvement sismique. Ce point sera à vérifier et quantifier par des mesures in situ.

La structuration actuelle du massif sud-armoricain et de la bordure nord du Bassin aquitain est héritée de plusieurs évènements géodynamiques successifs :

  • l’orogénèse hercynienne créant les reliefs du Massif armoricain (~290-420 Ma);
  • l’ouverture du golfe de Gascogne (~150-84 Ma);
  • la convergence des plaques ibérique et eurasienne depuis 90 Ma créant la chaine des Pyrénées et les Alpes (50 Ma à l’actuel).

Le socle de la chaine hercynienne, constituant le Massif Armoricain aujourd’hui érodé, se prolonge sous la couverture sédimentaire du Bassin Aquitain. Il en est de même pour les failles majeures dont on peut suivre les traces depuis la Bretagne jusqu’au Limousin. Les orientations des failles majeures sont principalement NNO-SSE à NO-SE, comme la faille de Cholet-Bressuire-Oradour-sur-Glane orientée NO-SE, longue de 170 km mais segmentée par d’autres accidents, et la faille de Parthenay orientée NNO-SSE. Il existe aussi des segments de failles orientés ONO-ESE à EO identifiés sur le littoral charentais et en mer.

Ces failles hercyniennes sont des discontinuités préexistantes qui ont été réactivées tout au long des temps géologiques pendant les différents évènements géodynamiques (voir les résultats des projets Convergence et RGF Pyrénées). De nos jours, certaines de ces failles majeures fonctionnent toujours, avec un mouvement principalement décrochant (plus localement inverse ou normal), en réponse au régime compressif NS à NO-SE, induit par la convergence de la plaque Afrique vers la plaque Eurasie. Dans le secteur de l’épicentre, c’est le cas de la faille de « Surgères-Blanzay-Aulnay-Échelle » cartographiée au SE de l’épicentre. Cette structure probablement décrochante est cartographiée par segments (incertains néanmoins) recoupant les formations jurassiques depuis Mauzé-sur-le-Mignon jusque possiblement le socle en Corrèze.

La réactivation de ces failles du socle peut parfois se propager jusqu’en surface recoupant les dépôts sédimentaires récents sus-jacents. En profondeur ou proche surface, ces réactivations peuvent générer des séismes.

Si le contexte géodynamique est globalement connu à l’échelle des plaques, la connaissance géologique du sous-sol à l’échelle de la région des Charentes Maritimes et régions avoisinantes (terre et mer) ne permet pas aujourd’hui d’affilier ce séisme à une structure tectonique connue. Dans cette région historiquement sismique, des études ont été initiées il y a quelques années, à terre comme en mer, au BRGM en collaboration avec des équipes universitaires pour compléter cette connaissance du schéma structural. Cependant, des investigations avec acquisitions de données plus ciblées (structurale, géophysique, géomorphologique, etc.) sont nécessaires à l’échelle locale pour comprendre le contexte du séisme de La Laigne.

Carte des séismes historiques issus de la base de données SisFrance dans la région du séisme de La Laigne (16/06/2023).

Carte des séismes historiques issus de la base de données SisFrance dans la région du séisme de La Laigne (16/06/2023).

© SisFrance

Sismicité historique

La région est associée à une sismicité modérée, liée à la réactivation d’un système de structures tectoniques héritées décrites ci-dessus. Elle est marquée par des événements historiques dont les plus importants ont généré des dommages. Les séismes de 1972 à l’île d’Oléron (magnitude de moment Mw 5.0, intensité épicentrale I0 7), de 1772 à Parthenay (Mw 5.7, I0 7.5), de 1780 vers Luçon (Mw 5.1, I0 6.5) ou de 1835 dans le Haut Poitou (Mw 4.7, I0 6) sont les événements répertoriés les plus importants de la zone. Les magnitudes de moment estimées Mw sont extraites de l’article de Manchuel et al. (2018), les intensités épicentrales I0 du catalogue Sisfrance (BRGM/EDF/IRSN, www.sisfrance.net). Ces événements historiques, emblématiques du potentiel sismogène de la zone, sont distribués dans un périmètre d’une cinquantaine de kilomètres autour de la zone épicentrale. Comme le séisme du 16 juin 2023, ils sont associés à une distribution des intensités macrosismiques témoignant de dégâts dans la zone épicentrale.

Les séismes d’Oléron de 1972 ou de Luçon de 1780 semblent avoir été d’une ampleur équivalente à celui du 16 juin 2023, aussi bien en terme de magnitude (Mw 4.9 à 5.1), d’intensité épicentrale (I0 6 à 7), ou de distribution des intensités macrosismiques.

Plus localement, autour de l’épicentre du séisme du 16 juin 2023, des événements historiques plus modérés ont été répertoriés. Notons par exemple l’événement du 5 avril 1950 associé à une magnitude de moment Mw 3.4 et à une intensité épicentrale I0 5. Cela illustre le fait que des événements similaires aux événements de magnitude supérieure ou égale à 5 mentionnés ci-dessus peuvent se produire dans cette zone marquée par une sismicité distribuée et d’anciennes structures héritées.

Carte des intensités EMS98 générées par Shakemap en utilisant les paramètres du séisme du BCSF-Rénass et les données des 2 stations sismologiques Résif CHIF et UNIO.

Carte des intensités EMS98 générées par Shakemap en utilisant les paramètres du séisme du BCSF-Rénass et les données des 2 stations sismologiques Résif CHIF et UNIO.

© BRGM

Shakemaps et scénarios de dommages

Une shakemap (carte de mouvements forts) et un scénario de dommages ont été produits par le BRGM à partir de la plateforme Vigirisks. Ces travaux intègrent les paramètres du séisme (latitude, longitude, profondeur) données par le RéNaSS et la magnitude Mw 4.9 fournis par les organismes OCA et GFZ, ainsi que les données temps réel des stations sismologiques Résif CHIF et UNIO. La shakemap a été produite avec l’outil shakemap 4.0 de l’USGS en utilisant la cartographie des effets de site par défaut (proxy basé sur la pente). Nous obtenons une intensité maximale VII, en accord avec les effets macrosismiques constatés sur le terrain - notamment au niveau de la commune de La Laigne - qui suggèrent une intensité VI ou dépassée. Cette shakemap préliminaire indique par ailleurs une forte sévérité des secousses (VI ou plus) dans un rayon de 20 km environ, suggérant des dommages concentrés autour de l’épicentre. A noter que cette shakemap ne prend pas en compte les estimations préliminaires d’intensité établies par le BCSF sur la base de témoignages macrosismiques internet, et utilise un modèle d’atténuation global sans doute à ajuster au contexte local.

Les estimations de dommages ont été produites par l’outil Vigirisks à partir de la shakemap décrite ci-dessus et la description des enjeux exposés issus des travaux réalisés en collaboration avec la CCR. Les résultats ci-dessous indiquent des dommages de degré D3 selon l’échelle EMS98. Cela correspond à des dégâts sensibles à importants, avec des dégâts structuraux modérés et dégâts non structuraux importants. Ils montrent en revanche une faible probabilité de dégâts D4 et D5 (dégâts structuraux importants à très importants). Ces résultats sont statistiques et sont représentés à l’échelle des communes, ayant pour but de donner un ordre de grandeur des dommages et une estimation de l’étendue de la zone impactée et du nombre de communes impactées.

En images : 9 questions sur les séismes

Qu’est-ce qu’un séisme ? Quels mécanismes entrent en jeu et quels risques existent ? Comment s’en prémunir ? Peut-on les prédire ? Le BRGM fait le point en 9 questions.

© BRGM