Point d’orgue de cinq années de recherche en partenariat avec Total et le CNRS, le e-séminaire Convergence, les 9 et 10 février 2021, a clôturé les projets Orogen, Source to Sink et Fluids menés par des équipes interdisciplinaires - au premier rang desquelles le BRGM - dans la continuité du chantier Pyrénées du Référentiel géologique de la France (RGF). Trois projets de recherche qui ont apporté de nouvelles réponses à des questions scientifiques cruciales pour la compréhension de la formation des chaînes de montagnes, des transferts de sédiments et du rôle des fluides profonds.
Ces travaux de grande ampleur, centrés sur la chaîne pyrénéenne mais élargis aussi à des orogènes ou des problématiques analogues en Espagne, au Maroc, en Guyane ou encore à Oman, constituent une contribution essentielle aux connaissances en géologie, en termes de concepts et de méthodologies. Les résultats ont été restitués et valorisés sous des formes diverses, pour certaines innovantes : brevet, publications dans les revues scientifiques internationales de rang A, dont un numéro spécial du Bulletin de la société géologique de France (BSGF) pour Orogen, vade-mecum sur Source to Sink, cartes, coupes, diagrammes temporels...
Lyschs crétacés de Zumaïa (Espagne) visités lors d’une winterschool organisée dans le cadre du projet Orogen.
© BRGM - T. Baudin
Orogen : l’étude des processus avant, pendant et après l’orogenèse
« Orogen visait à repenser les conditions de formation et de démantèlement des chaînes de montagnes, en prenant en compte l’héritage à travers le cycle de Wilson », résume Isabelle Thinon, cheffe du projet pour le BRGM. L’exploration de la chaîne pyrénéenne et des bassins sédimentaires d’avant-pays a conduit à améliorer certaines méthodologies d’investigation, à commencer par les outils de mesure de la thermicité Raman pour les basses températures. L’acquisition, le traitement et la valorisation des données 3D de sismique passive ont également été optimisés et utilisés pour la connaissance profonde d’un bassin et d’une chaîne de montagnes.
Orogen a conduit à discuter les concepts géologiques existants et à en proposer de nouveaux, notamment sur le rôle de l’héritage et l’évolution des processus physiques, thermiques et chimiques en fonction des conditions de déformation, ainsi que sur la maturité des systèmes rift-marges et orogéniques. Ces avancées permettent d’être plus prédictif dans les géométries des formations sédimentaires, des structures crustales et de leurs évolutions. « Applicables à différentes problématiques, elles améliorent nos prospectives de recherche des réservoirs d’eau souterraine, des ressources énergétiques, comme la géothermie, et des aléas », avance Isabelle Thinon.
Carte "Source to Sink" du système péri-pyrénéen au Bartonien (40 Ma) : paléogéographie, paléogéologie, isopaque et taux d’exhumations.
© BRGM
Source to Sink : une recherche intégrée sur les transferts de sédiments
Source to Sink a permis d’approcher l’ensemble du système de routage sédimentaire. « C’est une révolution méthodologique qui consiste à passer d’une vision centrée sur les bassins sédimentaires à une vision intégrant les processus à la source, à savoir la génération du sédiment, l’influence du climat, la vitesse de soulèvement, et les processus de transfert », explique Éric Lasseur, responsable thématique pour le BRGM.
Des outils ont ainsi été développés, qui permettent de prédire les géométries sédimentaires ainsi que la nature des sédiments et donc la qualité des réservoirs. « Ce type d’étude peut être appliqué aux problématiques d’hydrogéologie, de géothermie ou encore de stockage, pour lesquelles peu de données sont disponibles », souligne Jean-Yves Roig, chef du projet. La connaissance des systèmes sédimentaires depuis la source vers la zone de sédimentation favorise également la prédiction de la distribution des gîtes minéraux et des polluants naturels.
« Nous avons réalisé pour la première fois des cartes à des pas de temps clés qui intègrent la paléogéographie ‘traditionnelle’ mais aussi la reconstitution des zones en érosion, la distribution des zones de transfert et la dynamique de la déformation », indique Éric Lasseur. Ces synthèses inédites favorisent également la compréhension des réservoirs fracturés et, ainsi, des risques sismiques.
Échantillonnage d’une eau thermominérale sulfureuse (Préchacq-les-Bains, Landes).
© BRGM – F. Gal
Fluids/Cerise : quels liens entre les eaux thermales et les fluides profonds ?
Pas moins de 22 eaux thermales et minérales susceptibles de contenir des gaz d’origine mantellique ont été prélevées lors de trois campagnes d’échantillonnage effectuées dans les Pyrénées et le bassin d’Aquitaine, suivies d’analyses chimiques, isotopiques et de datations. « L’action Cerise du projet Fluids cherchait à établir des corrélations entre la composition des eaux thermales et minérales et les remontées de fluides profonds et à conceptualiser le fonctionnement de systèmes hydrothermaux, avec un focus sur les contributions mantelliques », explique Joachim Tremosa, chef du projet pour le BRGM.
Les résultats ont livré des informations précieuses sur la circulation des fluides en profondeur. Du méthane a notamment été détecté, d’origine thermogénique ou abiotique selon sa localisation. « Le méthane abiotique suggère la production associée d’hydrogène natif », indique Joachim Tremosa. Une ressource potentielle qui reste toutefois à évaluer…
Cette réalisation est unique par l’ampleur de la collaboration (150 chercheurs), les résultats scientifiques (53 sujets de thèses et postdoc réalisés, avec plus de 100 publications dans la littérature scientifique), les perspectives de l’implication des géosciences dans les sujets de transition mais aussi comme support d’enseignement pour l’intégration des thématiques et peut-être les métiers du futur.