Les pegmatites sont des roches contenant des substances minérales (ex. lithium) utilisées dans les technologies vertes (ex. batterie au lithium pour les véhicules électriques) (Haute-Vienne, 2015).
© BRGM - J. Duron
Quels besoins en matériaux et métaux pour la transition énergétique ?
La transition énergétique des pays européens est une ambitieuse mutation du mix énergétique pour réduire les émissions carbonées, qui amène à une plus grande part d’énergies renouvelables, l’électrification des moyens de transport et également la réduction de certains postes de consommation notamment les bâtiments.
Cette transition ne sera pas neutre en demande de matériaux structurels (acier, béton, cuivre, aluminium) mais également en métaux rares (cobalt et lithium pour les batteries, certaines terres rares pour les générateurs de certains types d’éoliennes…), d’où la question initiale du projet Surfer et que plusieurs pays se posent également : la transition énergétique va-t-elle remplacer une dépendance aux énergies fossiles et fissiles par une dépendance aux métaux ?
Évaluation comparative de la croissance de la demande mondiale en différents métaux impliqués dans la transition énergétique entre 2017 et 2025. Échelle logarithmique.
© BRGM / Source : Krysmine et COMES (Comité pour les métaux stratégiques)
Le projet Surfer
Le projet Surfer fournit des éléments de réponse sur la faisabilité de la transition énergétique française au regard des besoins en matières minérales, énergie, eau et sols qui en découlent. L’étude consistait à évaluer, sur la période 2015-2050, « l’intensité » de ces matières premières dans les différentes technologies nécessaires à la transition énergétique en France. C’est-à-dire les quantités de matières minérales (béton, métaux), énergétiques (combustibles fossiles, uranium), d’eau et de sol mobilisées, rapportées à la puissance des installations.
Le BRGM a ainsi produit, entre 2016 et 2020, une importante base de données qui a pour vocation, dans le cadre de ce projet piloté par l’Ademe, d’être utilisée en particulier par le CNRS pour modéliser trois scénarios de mix énergétique à l’horizon 2050 : 90% d’électricité renouvelable, 50% d’électricité d’origine nucléaire et le statu quo.
L’objectif final serait, au sein de ces scénarios, d’éclairer sur la pertinence du déploiement d’une technologie par rapport à une autre, à partir du critère d’intensité en matières premières.
Être le plus exhaustif possible
Toutes les technologies qui entrent en jeu dans la transition énergétique ont été prises en compte dans cette étude. Au total, pas moins de 33 filières technologiques ont été étudiées, couvrant la quasi-totalité du système énergétique. On y retrouve celles liées à la production de l’énergie – électricité, gaz, chaleur, carburants, à son acheminement vers les utilisateurs, à savoir les réseaux notamment électriques et de chaleur, à son stockage, dans les batteries par exemple, et à son utilisation, c’est-à-dire les consommations finales dans le bâtiment et le transport essentiellement.
Concernant la liste des matières sélectionnées, le BRGM s’est attaché à être le plus exhaustif possible, en incluant dans son étude les substances « structurelles » (cuivre, aluminium, fer, béton) et technologiques (lithium, cobalt, nickel, manganèse, silicium métal, néodyme, praséodyme…) – de priorité 1 en raison des tensions sur leur approvisionnement –, mais aussi les autres métaux (zinc, plomb, argent, indium, tungstène, chrome…) et différents éléments (azote, phosphore, potassium, sélénium, zirconium…). Sans oublier les flux énergétiques, l’eau et les sols.
Les données ont été collectées à partir de plusieurs sources : les publications scientifiques présentant des inventaires de produits, de technologies ou encore des comparaisons entre filières, les rapports techniques d’institutions internationales, européennes ou françaises, les fiches techniques des constructeurs, les études d’impact des installations, les analyses du cycle de vie…
Malgré une littérature abondante, mais parfois difficile à synthétiser, pour les technologies récentes telles que l’éolien, le photovoltaïque, les véhicules électriques ou encore les batteries, les données sur les besoins matières d’autres technologies émergentes comme les énergies marines et anciennes comme les centrales thermiques au charbon étaient rares, voire inexistantes.
Matrice d’évaluation de la criticité développée par le BRGM dans le cadre des travaux du comité pour les métaux stratégiques (COMES). Substances étudiées et positionnement mis à jour en 2020.
© BRGM / Source : COMES
Un outil stratégique pour la prise de décision
Les intensités matières ont été définies grâce à l’évaluation des besoins ‘directs’ dans toutes les filières, en portant une attention particulière aux périmètres de celles-ci, afin que les intensités matières soient équivalentes en termes d’unité fonctionnelle. Ces intensités ont été ensuite complétées en prenant en compte dans l’analyse, le niveau de criticité de chaque substance, à partir de notre connaissance des marchés et des potentialités futures, notamment du recyclage, qui pourrait contribuer à diminuer les besoins en matériaux primaires.
Livrable de cette étude ambitieuse, le recueil des intensités matières des technologies du système énergétique en France a été publié en mai 2021 sur le site de l’Ademe. Les intensités matières correspondent à la quantité de matière minérale (pour une dizaine de substances) ainsi qu’à l’eau, l’énergie et les sols mobilisés pour une performance énergétique donnée.
Ce rapport constitue, sur la base des connaissances actuelles, un outil stratégique pour les prises de décisions en lien avec les filières technologiques de la transition énergétique et les conditions d’approvisionnement en métaux et matériaux. Il est le fruit d’un travail conséquent de recherche bibliographique (plus de 200 références analysées). Il s’est attaché à fiabiliser les données, alerter sur le manque de représentativité le cas échéant et distinguer les sous-technologies. Par la suite, les intensités matières pourraient permettre d’estimer les flux et stocks de matières mobilisés selon différents scénarios énergétiques et d’étudier les risques d’approvisionnement associés.