Quelle est l’origine du tremblement de terre du petit village du Teil, survenu en novembre 2019 et qui a provoqué de sérieux dommages ? La tectonique, ou une activité humaine qui aurait pu être un déclencheur ? Les travaux du BRGM apportent des réponses liées à un déclenchement d’origine plutôt hydraulique.
7 avril 2022
Site du Teil proche de l'épicentre du séisme du 11 novembre 2019.

Site du Teil proche de l'épicentre du séisme du 11 novembre 2019. 

© BRGM - C. Allanic

Le Teil, Ardèche, 8 000 habitants et épicentre d’un tremblement de terre… Le village a connu le 11 novembre 2019 à 11h52 un séisme de magnitude élevée : magnitude locale 5,4, et magnitude « de moment » 4,9. Pas de victimes, mais des dégâts matériels très importants. Des personnes ont dû être déplacées, et le séisme a été ressenti jusqu’à Montélimar à environ 7 km de là (près de 40 000 habitants).

La localité est située dans la vallée du Rhône, sur une zone de failles connue. Il s’agit pourtant d’un épisode d’une magnitude rare en France, le dernier de cette ampleur remontant à 1967, à Arette dans le piémont béarnais des Pyrénées, qui était d’une magnitude locale de 5,3.

Le séisme du Teil a eu des implications sur la centrale nucléaire de Cruas-Meysse, à 14 km, fermée pendant un mois, suscitant une forte inquiétude des populations dans la région.

Réévaluer l’aléa séismique en France

Ce tremblement de terre est donc un événement marquant, singulier en France. Les chercheurs sismologues se sont immédiatement penchés sur le sujet. Il existe en effet à proximité de l’épicentre une carrière exploitée historiquement par l’entreprise Lafarge Holcim France, et très vite le CNRS s’est emparé de la question. Une étude menée en décembre 2019 par un groupe de travail de la communauté scientifique française autour du CNRS a conclu que si le séisme est probablement naturel, non induit par une activé humaine, la présence de la carrière toutefois aurait pu être un déclencheur. Le BRGM, travaillant en partenariat de recherche avec le groupe cimentier Lafarge Holcim, a mis en avant une autre hypothèse. Les résultats montrent que le déclenchement de l’événement serait dû à la réactivation d’une faille par une surpression d’origine hydraulique.

Visualisation 3D du système de failles autour de la carrière du Teil montrant les zones d'intersections en profondeur. Modèle géologique généré par GeoModeller.

Visualisation 3D du système de failles autour de la carrière du Teil montrant les zones d'intersections en profondeur. Modèle géologique généré par GeoModeller.

© BRGM - Intrepid Geophysics

Un modèle géologique complet de la zone en 3D

Les chercheurs du BRGM ont réalisé des modélisations mécaniques pour prendre en compte la configuration particulière de la topographie en surface, mais aussi l’historique des volumes excavés par l’exploitation de la carrière depuis 1850 ainsi que la géométrie du système de failles.

Les données d’humidité du sol acquises par le satellite européen SMOS et la modélisation des variations de la hauteur de la zone non saturée à l’aide du code ComPASS du BRGM, ont montré que les infiltrations d’eau ont eu un impact sur la recharge, avec des surpressions hydrauliques qui sont justement maximales à l’intersection du système de failles. On parle ici de sismicité dans le domaine intraplaque avec la possibilité d’une « rupture de surface » simultanée sur deux failles distinctes.

Simulation par le code ComPASS des variations de la pression hydraulique sur la faille de La Rouvière dans le mois précédant le 11 novembre 2019.

Simulation par le code ComPASS des variations de la pression hydraulique sur la faille de La Rouvière dans le mois précédant le 11 novembre 2019.

© BRGM

Un déclenchement hydraulique du séisme provoqué par des précipitations importantes

La seconde étape des travaux, de février à mai 2021, a confirmé le programme initial et affiné les résultats, notamment sur la localisation de la zone de surpression hydraulique maximale à l’intersection du système de failles.

Ces recherches ont pu confirmer l’hypothèse du BRGM : un déclenchement hydraulique possible du séisme. Le BRGM montre que bien sûr rien ne s’oppose à une origine tectonique du séisme du Teil. Mais qu’il peut aussi s’agir d’une secousse déclenchée par un événement externe : ici, à l’origine du déclenchement, le chargement hydraulique dû à un épisode de précipitations pluvieuses intenses dans le mois précédant l’événement sismique.

Plus largement, le séisme a non seulement révélé la nécessité de réévaluer l’aléa dans la zone, mais il a aussi relancé un débat sur la nature de l’activité sismique en France métropolitaine dans le domaine intraplaque. Le BRGM, qui fait partie des organismes français collectant les observations sismologiques relatives à la France, intègre naturellement dans ses missions ce type de travail.

Il s’agit aussi d’un projet très original et transdisciplinaire mêlant géologie, géophysique, géomécanique, sismologie et hydraulique, qui ouvre un nouveau champ de recherche autour du sujet de l’hydrosismicité intraplaque à l’échelle européenne, le tout en lien avec le changement climatique global. De telles hypothèses sur l’hydrosismicité avaient déjà été avancées aux États-Unis depuis 20 ans ; elles sont ici confortées en France métropolitaine…