Lorsqu’il s’agit de garantir la production d’eau potable, la dépendance des ressources en eau de surface aux épisodes de sécheresse impose d’avoir une vision à moyen et long terme de l’évolution potentielle du climat et de son impact sur les ressources en eau. Pour répondre à cet enjeu sur le sud de la Manche, le BRGM a réalisé une étude pour évaluer l’impact du changement climatique sur l’évolution des débits des rivières normandes de la baie du Mont-Saint-Michel exploitées pour la production d’eau potable.
2 octobre 2022
Carte générale des rivières normandes de la Baie du Mont Saint Michel et sous-bassins versants modélisés avec le logiciel EROS, sur fond de carte géologique.

Carte générale des rivières normandes de la Baie du Mont Saint Michel et sous-bassins versants modélisés avec le logiciel EROS, sur fond de carte géologique.

© BRGM

Le besoin

Dans le département de la Manche, la succession d’étiages sévères et de sécheresses estivales et hivernales a mis en évidence la précarité de certaines ressources (de socle principalement). Or, la production de l’alimentation en eau potable du département de la Manche est assurée, pour près de 40% de la population (principalement les agglomérations et le Sud-Manche), à partir de captages d’eaux superficielles. La dépendance des ressources en eau de surface aux épisodes de sécheresse impose de pouvoir disposer d’une vision à moyen et long terme de l’évolution potentielle du climat et de son impact sur les ressources en eau. Cette connaissance permet d’anticiper les épisodes de sécheresse futurs et de prévoir des stratégies d’adaptation pouvant être intégrées à la gestion du territoire et de ses ressources en eau. C’est dans ce contexte que le Syndicat Départemental de l’Eau de la Manche (SDEAU 50) a sollicité le BRGM pour réaliser un retour d’expérience sur les épisodes de sécheresse estivales et hivernales des dernières années et évaluer la reproductibilité de ces situations à l’horizon 2050.

Evolutions moyennes des QMNA5 des 12 grappes de rivières simulées par le modèle EROS avec comme données climatiques d’entrée les 5 modèles climatiques et la RCP 8.5.

Evolutions moyennes des QMNA5 des 12 grappes de rivières simulées par le modèle EROS avec comme données climatiques d’entrée les 5 modèles climatiques et la RCP 8.5.

 © BRGM

Les résultats

Le BRGM a mis en place un modèle hydrogéologique sur le secteur d’étude à l’aide du logiciel BRGM EROS, de type dit « global » ou « à réservoirs » semi-spatialisé permettant de simuler les niveaux de nappe et les débits de rivières en distinguant les sous-bassins versants. Calé sur la période historique 1994-2020, il a permis de mettre en évidence une forte disparité de fonctionnement des différents cours d’eau en terme de soutien apporté par les eaux souterraines aux débits d’étiage. Des projections climatiques les plus adaptées aux conditions climatiques de la Normandie ont été utilisées pour forcer les modèles globaux et analyser leurs impacts sur les débits à l’horizon 2050. Au final, 10 scénarios de prévision des débits pour chacune des 12 grappes de rivières modélisées ont été pris en compte.

Une première analyse globale des résultats a montré des grandes tendances qui semblent se dessiner sur les différents cours d’eau (avec des intensités variables selon les cours d’eau) :

  • une augmentation du débit moyen (moyenne annuelle), qui s’explique par le fait que, en moyenne, 4 modèles climatiques sur les 5 utilisés prévoient plus de précipitations dans le futur (dans le détail, ce nombre est variable selon l’horizon temporel et la RCP considérés) ;
  • une augmentation de la variabilité des débits (i.e. des épisodes extrêmes plus fréquents) ;
  • une augmentation de l’amplitude des pics de crue.

Des estimations des pénuries de production d’eau potable (en terme de nombre de jours) à l’horizon 2050 ont par ailleurs été réalisées.

L’utilisation

Ce travail permet désormais au SDEAU50 de disposer de moyens d’anticiper d’éventuels manques d’eau à l’horizon 2050 sur les différentes ressources en eaux superficielles du Sud Manche et, le cas échéant, de réfléchir aux mesures d’adaptation qui pourront être mises en œuvre et de planifier les investissements correspondant à ces actions.

Affleurent au Nez de Jobourg, Manche

Face au changement climatique et donc des épisodes de plus en plus fréquents de sécheresse, nous devons nous adapter au potentiel manque d’eau potable dans les années à venir. Grâce à l’étude menée par le BRGM, nous mettrons en place des stratégies pour maintenir le niveau des cours d’eau et prévenir le risque d’assèchement. Il s’agit donc d’une collaboration réussie, que nous allons poursuivre sur le nord de la Manche. La gestion des ressources en eau sera ainsi effective sur l’ensemble de notre territoire.

Mickaël Hamel, responsable Pôle ressource en eau du Syndicat Départemental de l’Eau de la Manche (SDEAU50)

Les partenaires

  • SDEAU 50 Syndicat départemental de l’Eau de la Manche
  • AESN