D’où vient la pollution par les nutriments (azote et phosphore) des eaux dans le massif du Jura ? Quelles sont les voies de transferts depuis les rejets au sol, sous terre dans les karsts, vers les sources et les rivières ? Quels sont les leviers d’action à envisager avec les acteurs du territoire pour faire évoluer durablement la qualité des eaux ?
20 octobre 2023
Prélèvement des eaux pour des analyses géochimiques renseignant sur son origine et son temps de résidence dans les aquifères karstiques (grotte Sarrazine, 2021).

Prélèvement des eaux pour des analyses géochimiques renseignant sur son origine et son temps de résidence dans les aquifères karstiques (grotte Sarrazine, 2021).

© BRGM

Enjeux et besoins

La dégradation de la qualité des eaux des rivières comtoises observée depuis plusieurs décennies se traduit notamment par des excès en nutriments, témoins des activités anthropiques passées et actuelles. Dans le massif du Jura, l’impact des pratiques agricoles et des rejets domestiques et industriels est aggravé par la vulnérabilité des paysages karstiques qui favorise l’infiltration de l’eau tout en limitant les processus de filtration au niveau du sol.

Les travaux scientifiques internationaux concernant le devenir des polluants dans l’environnement sont très mal renseignées pour les milieux karstiques, ce qui donne peu de références sur l’impact environnemental des activités humaines en Franche-Comté.

Réduire l’exposition des populations et plus généralement de l’environnement aux pollutions diffuses nécessite de tenir compte des effets combinés des activités anthropiques et du changement climatique sur la ressource en eau. Concernant la problématique de contamination des eaux par les nutriments, cela passe par une meilleure connaissance :

  • de l’évolution de la ressource en eau en quantité et en qualité, au regard des évolutions hydro-climatiques, de l’occupation du sol et des rejets en azote et phosphore ;
  • du fonctionnement hydrogéologique des aquifères karstiques et des échanges karst-rivière ;
  • des transferts de nutriments depuis le sol, vers le milieu souterrain, les sources et les cours d’eau.

Cela passe ensuite par une adaptation du territoire vers des mesures correctives pour diminuer les rejets, qu’ils soient issus de l’agriculture, des habitats ou de l’industrie.

Les retombées opérationnelles sont multiples. Elles visent à identifier les zones contributives aux pollutions, à déterminer les leviers qui permettront de limiter les apports de nutriments vers les eaux et à guider les modalités de gestion et d’adaptation du territoire.

Traçage artificiel pour connaître les temps de transfert de l’eau depuis la surface vers la source du Verneau (2020).

Traçage artificiel pour connaître les temps de transfert de l’eau depuis la surface vers la source du Verneau (2020).

© BRGM

Programme de travail

Le projet NUTRI-Karst s’articule en quatre tâches :

  • Tâche 1 : Réponses des agro-hydro-systèmes du massif du Jura face au changement climatique et aux activités anthropiques. L’objectif est d’évaluer les effets du changement global sur la qualité des eaux des rivières comtoises à large échelle, en retraçant les évolutions à moyen-long terme des différentes variables climatiques, agronomiques, hydrologiques et physico-chimiques, et en analysant les relations qui existent entre elles à l’aide d’outils de traitement du signal et d’outils statistiques.
  • Tâche 2 : Caractérisation hydrogéologique et délimitation des zones contributives au débit des rivières à l’échelle des systèmes karstiques et du bassin de la Loue. L’objectif est de mieux comprendre ce qui conditionne les interactions surface/souterrain aux différentes échelles de l’aquifère et du bassin versant, en appliquant une approche pluridisciplinaire (jaugeages & profils en long, traçages artificiels, hydrogéochimie) sur le bassin de la Loue, pour aboutir à un modèle hydrogéologique 3D et la délimitation des zones contributives au débit des rivières.
  • Tâche 3 : Transferts de nutriments d’origine agricole aux échelles du sol, de la source karstique et du bassin. L’objectif scientifique est de mieux comprendre l’impact des pratiques agricoles et la dynamique des transferts de nutriment dans les sols, vers les sources et les rivières. Cette tâche se base en partie sur les données acquises dans le cadre du réseau QUARSTIC aux différentes échelles de la source, du sous-bassin et du bassin de la Loue. L’instrumentation du site pilote du Verneau pour un suivi des eaux d’infiltration (lysimètre, pertes, réseau souterrain) dans le cadre de ce projet va permettre de caractériser les transferts à l’échelle d’une parcelle représentative des pratiques agricoles et du fonctionnement karstique des principaux aquifères du bassin de la Loue.
  • Tâche 4 : Porter à connaissance pour construire une vision partagée des causes de la perturbation des rivières comtoises. L’objectif est de créer un dialogue entre acteurs de terrain et scientifiques permettant un partage des savoirs profanes et techniques, étape préalable à la discussion des mesures correctives à mettre en place. Cette tâche se base sur des enquêtes et ateliers participatifs multi-acteurs en vue d’aboutir à la construction d’une feuille de route collective. Un transfert de connaissance auprès des agriculteurs sera également réalisé en parallèle de la valorisation des résultats du projet dans des revues techniques et la communication à travers des séminaires régionaux.
Logos des partenaires du projet Nutri-Karst.

Logos des partenaires du projet Nutri-Karst.

© Nutri-Karst

Le projet NUTRI-Karst en quelques mots

  • 5 ans, fin de programme en 2024
  • Production scientifique assurée par 2 agronomes, 4 hydrogéologues, 1 géochimiste, 1 technicienne
  • Moyens mis en œuvre : production de données (suivis physico-chimiques, hydrogéologiques, agronomiques), développement d’approches hydrogéologiques dédiées aux hydrosystèmes karstiques cultivés (analyse des données, modélisation)
  • Un comité de suivi dans le but de fédérer les différents acteurs locaux autour du projet et regroupant les collectivités (Départements, EPTB, EPAGE, syndicat de rivière, PNR,…), les services de l’Etat (DDT, DREAL, OFB, DRAAF), le secteur agricole, et de la pêche et la société civile (CIGC, fédérations de pêche…)
  • Partenaires :
    • BRGM (coordinateur)
    • Chambre Interdépartementale d’Agriculture Doubs - Territoire de Belfort
  • Financements : d’un montant de 1,3 millions d’euros, le financement du projet est assuré à 50% par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, le reste du financement du projet est apporté grâce à la participation financière des partenaires.