Dans le cadre du projet de recherche européen H2020 NAIAD, le BRGM a réalisé une enquête afin d’évaluer les préférences de la population pour la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature visant à réduire les risques d’inondation à l’échelle du bassin versant du Lez.
3 mars 2021
Le bassin versant du Lez : occupation du sol

Le bassin versant du Lez : occupation du sol (2012).

© BRGM

Enjeux et besoins

Les solutions fondées sur la nature (SfN) sont de plus en plus promues comme moyen de réduire les risques liés à l'eau, en particulier les risques d'inondation. Au-delà de ce bénéfice principal, ces solutions fournissent également toute une diversité de services écosystémiques : lutte contre le changement climatique, amélioration de la qualité de l'air, régulation de la température en ville, protection de la biodiversité...

Elles peuvent toutefois également générer certains effets négatifs (allergies, moustiques, contraintes d’urbanisation…). Un obstacle majeur au développement de ces solutions est par ailleurs lié au fait que les règles de financement des politiques publiques sont basées sur la seule prise en compte des bénéfices de la prévention des inondations. Or, ces bénéfices ne sont souvent pas suffisants pour compenser les coûts de mise en œuvre.

Mieux connaître les préférences de la population est une étape clé pour les acteurs locaux en charge de l’élaboration des politiques publiques basées sur des SfN. Cela permet en effet d’évaluer correctement l’opportunité de mettre en œuvre ces solutions, d’anticiper les oppositions, et de réfléchir à d’éventuels mécanismes de compensation pour les catégories de population impactées négativement.

Travaux menés

Le bassin versant du Lez (640 km²), couvre 43 communes du département de l’Hérault, dont Montpellier. Il se caractérise par un climat méditerranéen avec des précipitations concentrées dans le temps, entraînant des crues parfois rapides et violentes. La plupart des dommages causés par les inondations sont dus à des phénomènes de ruissellement urbain. La forte attractivité de Montpellier (282 000 habitants, 4e commune de France en termes de gain de population sur la période 2012-2017) a entraîné une urbanisation rapide du bassin au détriment de 3000 ha de zones naturelles et agricoles. D'importants investissements ont été réalisés pour gérer le risque inondation mais le risque d’inondation par ruissellement, accentué par le rythme d’urbanisation, reste un défi majeur.

Dans le cadre du projet de recherche européen H2020 NAIAD, le BRGM a réalisé une enquête afin d’évaluer les préférences de la population pour deux types de SfN visant à réduire les risques d’inondation à l’échelle du bassin versant du Lez :

  • La préservation des espaces naturels et agricoles (limitation de l’étalement urbain par la densification de l’habitat) ;
  • L’introduction de la nature en ville (désimperméabilisation des espaces publics, parkings drainants végétalisés, fossés végétalisés le long des rues, bassins de rétention).

Ces SfN ont été identifiés au cours d’un processus de consultation avec les principaux acteurs du territoire.

Les travaux menés visaient également à mettre en évidence les co-bénéfices et effets négatifs qui leur sont associés, et identifier les facteurs influençant ces préférences.

La démarche s’est organisée autour d’une enquête de type expérience des choix afin d’évaluer les préférences de la population pour des SfN. L’expérience des choix est une méthode basée sur des modèles statistiques dont l'objectif est d'analyser les facteurs qui influencent les choix des individus (dans notre cas, le choix de stratégies de gestion du risque inondation basées sur des SfN). Les facteurs peuvent être à la fois les caractéristiques des stratégies proposées et les caractéristiques individuelles des personnes interrogées.

L’approche s’est déroulée en trois principales étapes :

  1. La construction du questionnaire par la réalisation de deux ateliers et d’entretiens auprès des acteurs du territoire, et sa validation lors d’une phase de test;
  2. La diffusion du questionnaire en ligne et la collecte des réponses ;
  3. L’analyse économétrique des résultats.

Résultats obtenus

L’analyse met en évidence les principaux services écosystémiques et effets négatifs associés aux SfN, une évaluation de la valeur monétaire qu’attribuent les habitants à ces solutions, et l’influence des caractéristiques individuelles des habitants sur ces préférences.

Les résultats obtenus auprès de 400 ménages résidant sur le bassin versant du Lez confirment la diversité des services écosystémiques et des effets négatifs associés aux SfN. L’introduction de la nature en ville est en moyenne perçue comme générant moins d’effets négatifs que la préservation des espaces naturels et agricoles. Les répondants associent également davantage d’effets négatifs aux niveaux de mise en œuvre les plus ambitieux.

Les ménages attachent, en moyenne, une valeur positive aux co-bénéfices nets générés par ces différentes SfN, estimés entre 141 et 180 €/ménage/an selon le niveau d'ambition.

Il existe toutefois une importante hétérogénéité des préférences, avec des différences de valeurs importantes entre les ménages, et près de la moitié des répondants qui attachent une valeur marginale très faible voire négative à la mise en œuvre des SfN aux niveaux les plus ambitieux. L’âge, le revenu, la localisation des répondants le long d'un gradient urbain-rural, et l’importance relative accordée aux services récréatifs sont des facteurs explicatifs de cette hétérogénéité des préférences.

A titre de comparaison, les bénéfices associés à la réduction du risque inondation par l’introduction de la nature en ville au niveau le plus ambitieux ont été évalués à 29 M€, pour des coûts de mise en œuvre estimés à 148 M€ (hors coût d’opportunité des terrains). En première approximation, considérant que 225 000 ménages vivent sur le bassin versant, la valeur totale actualisée des co-bénéfices nets moyens associés à ces SfN est estimée à 363 M€. Ces résultats montrent que les co-bénéfices nets générés par ces solutions pourraient être suffisants pour justifier des programmes d'investissement des autorités locales dans des SfN ambitieuses.

Cependant, les résultats montrent également une forte hétérogénéité des préférences, qui peuvent refléter des inégalités des effets de ces solutions à l'échelle du bassin versant. Il est important de prendre en compte ces différences dès la phase de conception des SfN, afin d’anticiper des oppositions éventuelles, réfléchir à d’éventuels mécanismes de compensation et ainsi faciliter l’adoption des SfN.

Partenaires

Ces travaux ont été financés par la Commission Européenne dans le cadre du projet de recherche H2020 NAIAD.

Publication

Hérivaux and Le Coënt (2021), Introducing nature into cities or preserving existing peri-urban ecosystems? Analysis of preferences in an urbanizing catchment. Sustainability 13(2), 587.