La connaissance de la qualité des eaux souterraines est un enjeu majeur pour déployer des politiques publiques adaptées. Avec les deux projets ACCES et BEMOL, le BRGM cherche à mieux évaluer la présence et la provenance de polluants émergents via des développements de méthodes analytiques et des campagnes de mesures.
7 avril 2022
Schéma explicatif du potentiel transfert des produits phytosanitaires et leurs métabolites depuis le sol vers les eaux souterraines.

Schéma explicatif du potentiel transfert des produits phytosanitaires et leurs métabolites depuis le sol vers les eaux souterraines.

© BRGM

L’expertise des équipes de scientifiques du BRGM, allant de l’analyse à la compréhension du comportement des polluants dits d’intérêt émergent, permet de caractériser la présence dans les eaux souterraines de molécules aujourd’hui peu recherchées. Ainsi, le BRGM développe et déploie de longue date des méthodes analytiques pour la recherche de nouveaux composés dans les eaux.

Le BRGM, particulièrement avancé dans la recherche des polluants émergents

L’enjeu est important. Deux exemples : parmi les contaminants susceptibles d’atteindre les eaux souterraines, on trouve les métabolites (ou produits de dégradation) des produits phytosanitaires. On trouve aussi le bisphénol A, plastifiant utilisé pour les emballages de produits dans l'industrie agro-alimentaire (plastiques d'emballages alimentaires, les cannettes et les boîtes de conserve). Ce dernier est classé comme perturbateur endocrinien, avec des effets néfastes sur la fonction reproductrice qui ont entraîné son interdiction en France.

L’étude de ce type de polluants est d’un intérêt majeur pour orienter les politiques publiques, en particulier en termes d’environnement et de santé. Il faut évaluer leur présence, leur provenance via des campagnes de terrain. Le BRGM y travaille, notamment dans le cadre de deux projets de recherche.

Chromatogramme 3D d’un échantillon d’eau souterraine analysé en chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse haute résolution.

Chromatogramme 3D d’un échantillon d’eau souterraine analysé en chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse haute résolution. Chaque point de couleur est une entité (masse et temps de rétention associés à une intensité de signal) qui correspond à une molécule naturelle ou anthropique. 

© BRGM - C. Soulier

ACCES : une nouvelle approche analytique pour évaluer l’occurrence des métabolites de produits phytosanitaires

On compte en France environ 350 substances actives entrant dans la composition des produits phytosanitaires. La majorité peut conduire à la formation de métabolites dont certains pourraient migrer vers les eaux souterraines. Pour le vérifier, le BRGM, avec la Chambre d’agriculture de Dordogne, l'Institut de chimie organique et analytique d’Orléans et le Syndicat mixte des eaux de la Dordogne, met en œuvre une approche analytique innovante : la spectrométrie de masse haute résolution. Elle permet de caractériser la présence ou l’absence des métabolites. Le projet ACCES, qui prendra fin à la mi-2022, fixera les potentialités de cette nouvelle approche analytique et donnera des éléments de réponse quant à l’occurrence de certains métabolites dans les eaux souterraines.

Le spectromètre de masse est utilisé pour analyser des échantillons à la recherche de métabolites de substances phytosanitaires.

Le spectromètre de masse est utilisé pour analyser des échantillons à la recherche de métabolites de substances phytosanitaires.

© BRGM - C. Boucley

BEMOL étudie la présence et l'impact des bisphénols

Finalisé en 2021, avec une suite déjà en cours, le projet BEMOL, piloté par l’INRAE et associant le BRGM et le CHU de Tours s’intéresse quant à lui, aux bisphénols, notamment au bisphénol A (BPA), reconnu comme perturbateur endocrinien et nocif pour la fonction reproductive des animaux et des femmes et hommes. Ces composés, dont le bisphénol S (BPS), sont utilisés en substitution du BPA : il est donc important d'étudier leur présence dans l’environnement, ainsi que l’exposition et les effets chez l'humain, sachant que les premières données obtenues par les partenaires du projet vont dans le sens d’effets similaires pour les BPA et BPS.

De façon concrète, BEMOL évalue l'exposition environnementale des bisphénols dans les six départements de la région Centre-Val de Loire et leurs effets possibles. Quels niveaux de contamination environnementale des eaux en bisphénols ? Quels niveaux d’exposition entraînant des effets sur la reproduction ? Comment le BPS peut affecter la reproduction ? Quelles sont les interactions avec le statut métabolique de l'individu ? Des tests sont réalisés en utilisant des tests in-vitro et un modèle sur la brebis.

Grâce aux développements analytiques et aux campagnes de mesures effectuées, la présence de bisphénols (principalement A et S) a été mise en évidence sur le territoire régional pour la première fois. Les effets du BPS portent sur l’altération de la production d’hormones de cellules ovariennes. Il modifie aussi la qualité de l’ovocyte chez la brebis. Des essais qui ont aussi permis d’identifier des voies d’expositions indirectes aux bisphénols via l’environnement pouvant affecter la fécondité.