Afin d’améliorer la connaissance des pressions sur des masses d’eaux de surface à fort enjeux, le BRGM, l’Ifremer et le Parc naturel Marin de Mayotte ont réalisé un suivi des contaminants chimiques sur trois bassins versants possédant les trois types de sources de contamination potentiellement présentes à Mayotte (domestique, agricole, industrielle) le long d’un continuum terre-mer (rivière, estuaire et lagon). L’originalité du projet a consisté en l’utilisation d’Échantillonneurs Intégratifs Passifs (EIP) et de techniques analytiques non ciblées.
1 septembre 2022
Déploiement d’échantillonneurs passifs et prélèvements ponctuels, Bassin de l’Ourovéni, juillet 2021.

Déploiement d’échantillonneurs passifs et prélèvements ponctuels, Bassin de l’Ourovéni, juillet 2021.

© BRGM

Le besoin

Les connaissances sur les pressions anthropiques spécifiques à Mayotte sont encore très faibles et, en conséquence, les paramètres de surveillance de la qualité des masses d’eau ne sont pas forcément adaptés au territoire. Pour répondre à cette problématique, le Parc Naturel Marin de Mayotte, l’FREMER et le BRGM ont développé une approche novatrice qui consiste à caractériser au mieux l’impact des pressions sur les milieux en identifiant les molécules présentes dans les eaux de surface et dans les eaux marines. Pour cela, deux outils complémentaires et innovants ont été déployés : les échantillonneurs intégratifs passifs (EIP), qui, grâce à un prélèvement continu sur plusieurs jours, permettent d’accumuler les contaminants et d’intégrer les variations dans les milieux pour une extraction efficace de toutes les molécules, même à très faible teneur, et le screening non ciblé, qui permet de rechercher de manière non orientée, et donc plus large, les molécules d’intérêt, notamment celles dont la présence pourrait ne pas être suspectée.

Les résultats

Dans le cadre de cette étude, une première campagne exploratoire incluant déjà des EIP a été menée sur quatre bassins versants possédant les trois types de sources de contamination potentiellement présentes à Mayotte (domestique, agricole, industrielle) afin d’en sélectionner trois pour des études plus approfondies.

Sur ces trois bassins, des campagnes d’exploration du continuum ont été mises en œuvre à travers 7 stations de mesures (3 en rivière, 1 au niveau de l’estuaire et 3 dans le lagon) au cours de deux campagnes en conditions contrastées : juillet 2021 (étiage) et janvier 2022 (début des hautes eaux). Le BRGM était plus particulièrement en charge de la définition des pressions sur le territoire, du déploiement et de l’analyse des EIP de type POCIS et membrane silicone adaptés respectivement aux molécules organiques polaires et apolaires. Le BRGM était également en charge des prélèvements d’eau ponctuels et des analyses ciblées et non ciblées.

L’analyse des données acquises a montré que :

  • Des molécules ont été détectées dans les différents bassins grâce aux échantillonneurs intégratifs passifs à des niveaux non mesurables par échantillonnage ponctuel classique ;
  • Des molécules jamais identifiées auparavant sur les trois bassins ont été mises en évidence ;
  • La dynamique dans les continuums est globalement celle attendue (contamination de plus en plus importante de l’amont vers l’estuaire et dilution dans le lagon), toutefois certaines stations présentent des caractéristiques différentes, nécessitant des investigations complémentaires.

L’étude a également permis de montrer l’existence d’une relation entre les contaminants présents et les pressions continentales identifiées.

Déploiement d’échantillonneurs passifs et prélèvements ponctuels, Bassin de l’Ourovéni, juillet 2021.

Déploiement d’échantillonneurs passifs et prélèvements ponctuels, Bassin de l’Ourovéni, juillet 2021.

© BRGM

L’utilisation

L’étude a conduit à une meilleure connaissance des molécules présentes dans les rivières mahoraises, et que l’on retrouve, pour certaines, dans le lagon. Il est ainsi envisageable de poursuivre l’amélioration des connaissances et de mieux suivre les pressions qui s’exercent sur les milieux naturels en intégrant ces molécules aux suivis réguliers des masses d’eau. Une révision des listes de surveillance en élargissant le spectre des substances chimiques recherchées à Mayotte dans le contexte de la Directive Cadre de l’Eau peut ainsi être envisagée par les services de l’État. 

Ces approches ont permis, en première intention, d’identifier le long des continuums des points spécifiques d’attention nécessitant des investigations supplémentaires qui permettront de quantifier les molécules identifiées, en ciblant cette fois les molécules d’intérêt réellement présentes dans les milieux.

La méthode ainsi mise en œuvre à Mayotte pourra être appliquée sur d’autres territoires.

Prélèvements d’eau, La Réunion

Nous savions déjà que les polluants exercent une pression majeure sur les milieux aquatiques mais à présent, grâce à cette étude, nous disposons de données chiffrées, quantifiées. Nous pouvons transmettre cette information aux élus, aux collectivités publiques ou encore à la population, en pointant certaines molécules et donc certains usages. Par ailleurs, ce projet contribue à la reconnaissance de la technique innovante et récente d’échantillonnage passif qui permet de qualifier les polluants.

Clément Lelabousse, chargé de mission pôle Qualité de l’eau, Parc naturel de Mayotte, Office français de la biodiversité/Direction outre-mer

Les partenaires

  • Parc Naturel Marin de Mayotte
  • IFREMER