Quelle place occupent les ressources minérales dans notre vie quotidienne ?
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Vous êtes-vous déjà demandé quelle place occupent les ressources minérales dans notre vie quotidienne ? On les trouve partout, dès le réveil. Au petit-déjeuner. Sur le trajet de l'école. Dans la salle de classe. À la pause déjeuner. Dans la salle informatique. Dans la rue. Lors des moments de loisir. Au dîner. Dans la salle de bain. Et au coucher. Les ressources minérales sont essentielles à notre quotidien. Elles sont utilisées dans tous les domaines d'activités pour leurs propriétés physiques et chimiques très variées, comme par exemple leur solidité, leur conductivité, leur couleur. C'est pour cela que nos objets du quotidien contiennent plein de ressources minérales différentes. Connaissez-vous le nombre de minéraux contenus par exemple dans un réveil ? Un vélo ? Un tablette ? Une cannette, une voiture ou du dentifrice ? Les ressources minérales sont indispensables à la création des objets que nous utilisons au quotidien. Parmi les principales ressources minérales utilisées, on peut mentionner les minéraux renfermant du cuivre, car ce métal est un très bon conducteur, les minéraux renfermant le cobalt, car améliore la puissance des batteries des véhicules électriques, les minéraux renfermant du tungstène, car cet élément est très résistant, les minéraux de terres rares, car elles participent à la transition énergétique, et le sable, qui est la 3e substance la plus consommée par l'homme. Maintenant, passons aux questions/réponses.
D'où viennent les ressources minérales ?
Les ressources minérales viennent du sous-sol, des mines et des carrières exploitées par l'homme. Le géologue est le spécialiste du sous-sol. Les ressources minérales sont exploitées dans des carrières, notamment pour le sable, le gravier, les roches, ou dans des mines, pour en extraire de l'or, du cuivre ou du fer par exemple. Elles peuvent être exploitées à ciel ouvert, sous forme de grandes fosses, ou en souterrain, en creusant des galeries dans le sous-sol. Qu'elles soient à ciel ouvert ou en souterrain, les mines peuvent descendre jusqu'à quelques centaines de mètres, contre quelques dizaines de mètres pour les carrières. Les mines et les carrières ne se répartissent pas aléatoirement, puisque c'est la nature du sous-sol qui détermine leur localisation, autrement dit, la géologie.
Comment les ressources minérales sont-elles créées ?
C'est la tectonique des plaques qui crée les chaines de montagnes, les bassins et les océans. Par exemple, lorsque deux plaques tectoniques entrent en collision, il peut alors se former une chaine de montagnes. Quand les conditions de pression et de température sont réunies, la formation de gisements de minéraux est possible. C'est la dynamique de la vie de la Terre qui permet de former des gisements.
Et à quoi servent les ressources minérales ?
Les ressources minérales sont présentes à peu près partout. Même là où on ne les attend pas. On les trouve par exemple dans les médicaments, les maisons, et notamment les murs, les vitres, les tuiles, le mobilier de jardin, ou encore dans les voitures, les crayons pastel et même dans le papier.
Mais les ressources minérales sont-elles vraiment indispensables ?
Oui, elles sont vraiment indispensables, et pour le moment, nous n'avons pas encore trouvé d'alternative à ces ressources, car elles assurent une trop grande diversité de fonctions. C'est pour cela que nous devons les utiliser de façon raisonnée et responsable. Les ressources minérales disponibles aujourd'hui ont mis des dizaines, voire des centaines de millions d'années à se former. Imaginez que le siècle dernier, l'homme a exploité autant de ressources minérales que depuis qu'il existe, soit quelque dizaines de milliers d'années. Une consommation rapide. Le principal enjeu, outre les ressources disponibles, c'est l'accès aux futurs gisements, toujours plus complexes et profonds, nécessitant des technologies avancées et toujours plus couteuses. Nous devons donc concevoir nos produits de façons plus durable et réutiliser davantage les matériaux déjà extraits afin de préserver nos ressources minérales.
Les métaux stratégiques pour la transition énergétique
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Merci pour votre invitation et votre sollicitation à plancher devant vous. Ce sujet, si vous suivez l'actualité, est revenu sur le devant de la scène depuis quelques mois. Je vais vous donner quelques grandes lignes de compréhension et en aucun cas un panorama exhaustif car ça serait trop fastidieux et nécessiterait beaucoup plus de temps. Avant de commencer cette conférence, j'aimerais dire deux mots, et ce seront les seuls, sur qui nous sommes au BRGM. Nous sommes un EPIC, un établissement public à intérêt commercial, comme le CEA, sous la tutelle du Ministère de la recherche qui représente à peu près un millier de salariés et qui est aujourd'hui l'établissement de référence en France pour tout ce qui est connaissance du sol et du sous-sol et l'application des géosciences dans différents domaines et qui joue le rôle de service géologique national. À ce titre-là, on a à la fois une activité de recherche et d'appui aux politiques publiques qui est importante. Les deux représentent à peu près 35% de notre activité. Et puis deux activités plus particulières : la gestion des anciens sites miniers sur le territoire et un certain nombre de contrats qu'on mène avec des entreprises, notamment à l'étranger. Nous sommes localisés principalement à Orléans avec des directions régionales dans l'ensemble des régions. Isabelle, ici présente, représente le BRGM en région et sera ravie d'échanger avec vous sur les compétences du BRGM. Dans les enjeux sur lesquels on travaille, dans le cartouche en haut à droite, on en a six principaux : l'eau, les risques, la connaissance du sous-sol, l'utilisation du sous-sol pour la transition énergétique et les ressources minérales. C'est à ce titre-là que je suis devant vous puisque c'est un thème structurant de notre activité. Dans le cette présentation, je vais donc les structurer autour de quatre parties principales. Dans un premier temps, je vais vous montrer de quelle manière la transition énergétique qu'on déploie nous fera passer d'une dépendance aux énergies fossiles, qu'on connaît bien, ayant vécu dedans jusqu'à maintenant, à une dépendance aux métaux extrêmement forte. L'approvisionnement de ces métaux est loin d'être simple. Les filières d'approvisionnement sont complexes et difficiles à maîtriser. Et tout ça, sachant qu'on dépend essentiellement des importations, nous interpelle sur comment on peut renforcer notre résilience en se réappropriant ces chaînes de valeur. Donc, premier point... Donc... quel va être l'impact de la transition énergétique sur nos besoins en ressources minérales au sens large du terme ? La transition énergétique, je pense que tout le monde ici la connaît bien. L'enjeu principal est rappelé sur cette figure présentant les émissions de gaz à effet de serre depuis les années 80, donc le trait plein jusqu'à aujourd'hui. Le pointillé, c'est la tendance actuelle. Ça nous montre que notre modèle économique, notre modèle sociétal actuel, n'est pas durable : il induit des émissions de GES extrêmement importantes et si on fait rien, ça perturbera le climat de manière durable et importante. Si on veut limiter cet impact, vous le savez tous, il faut réduire considérablement nos émissions de GES et une partie de ces émissions sont liées aux questions d'énergie. Quand on regarde notre mix énergétique mondial, ou les différentes sources d'énergie qu'on consomme, sur la figure en haut à droite, la taille de la bulle représente la contribution de chacune. Vous voyez le charbon en rond noir à 29%, vous voyez le pétrole à 31%, le gaz à 21%... Je l'ai positionné en fonction de 2 critères importants : combien de CO2 ça émet sur l'axe vertical, plus c'est haut, plus ça en émet, et le facteur de capacité à produire de l'énergie au moment où on en a besoin. Plus on est à droite, plus on est capable de répondre à la demande, et à gauche on est sur des énergies intermittentes. Vous comprenez bien que si on veut réduire les émissions de GES, il faut réduire ce qui est en haut, ce qui émet le plus, donc les énergies carbonées qui aujourd'hui représentent à peu près 80% de notre consommation mondiale. Et il va falloir développer de manière significative, et c'est le chemin qu'on a commencé à prendre, les énergies bas carbone, qui sont de deux types : le nucléaire, que vous connaissez bien pour la plupart d'entre vous, et les énergies renouvelables qui ont, sur cette figure, une particularité : elles se décrochent notablement sur la gauche. Donc leur capacité de production est intermittente, ce qui va évidemment complexifier considérablement la transition énergétique. Cette transition énergétique, et on verra ce que ça veut dire en terme de matière, vise principalement à améliorer notre efficacité énergétique et donc viser une meilleure utilisation de l'énergie disponible, augmenter les énergies bas carbone, nucléaire et renouvelable, et comme dans ce nouveau mix énergétique on a des énergies intermittentes, il va falloir, pour gérer cette intermittence, qu'on ait un réseau suffisamment développé et intelligent, si je peux me permettre, pour gérer les pics de production, les pics de demandes, etc, et des capacités de stockage pour gérer l'intermittence. Et tout ça a un coût matière qui n'est pas un anecdotique. Si on zoome maintenant un peu sur ces énergies de demain au sens de la transition énergétique, donc nucléaire et renouvelable, vous avez ici une figure qui vous présente la manière dont on anticipe leur croissance d'ici 2040. Cette figure, comme beaucoup de celles que je vais vous présenter, provient d'un travail fait par l'AIE et publié l'an dernier sur les prévisions de d'évolution des mix énergétiques à l'échelle mondiale et des besoins en ressources minérales : en vert le photovoltaïque, en bleu l'éolien, le réseau électrique, qui doit évoluer pour pouvoir gérer ces nouvelles sources d'énergie, en bleu foncé. Puis il faut utiliser cette énergie. On va le voir sur la mobilité avec les véhicules électriques, ici en rouge. Et ce que vous avez, c'est que la première donnée, donc la première barre, c'est l'année 2020 ou 2019. La 2e, c'est un scénario qui correspond aux politiques qui ont été décidées dans différents pays. Et la 3e barre correspond à un scénario de développement durable pour tenir l'objectif d'1,5 degrés d'augmentation de température maximale définie par l'accord de Paris. La figure se passe de commentaires. Les moyens de production, que ce soit du photovoltaïque ou de l'éolien, vont être amenés à grandir considérablement. Les taux de croissance annuelle vont multiplier au moins d'un facteur 3. Le réseau électrique devra aussi s'accommoder et tout ça, c'est des matières derrière. Et c'est pire sur l'usage de l'énergie car sur la mobilité, on parle d'un facteur de croissance de 25 sur les véhicules électriques. Tout ça, évidemment, entraîne des besoins en matière conséquents. Voici une illustration. Par exemple, vous avez un schéma d'éolienne. Vous voyez qu'une éolienne aujourd'hui de 3 GW va nécessiter des quantités de béton et d'acier tout à fait conséquents, pour ce qui est des matières classiques, mais également des matières moins classiques. On parle de terres rares, qui représentent plusieurs tonnes, potentiellement, ou de cuivre. Certains métaux dont on avait pas forcément l'usage, comme les terres rares, sont un peu nouveau dans le paysage et ne sont pas forcément facilement accessibles et disponibles. Il faut se rendre compte que le besoin en matière derrière chacune des sources d'énergie est loin d'être le même. Si on regarde des choses simples comme l'acier, et les technologies de production d'énergie depuis l'hydraulique à gauche jusqu'au solaire à droite, la quantité d'acier qu'il faut pour avoir une puissance installée identique est radicalement différente et plus on va vers les énergies à faible densité, donc éolien ou solaire, les énergies renouvelables, plus il faudra des matières, de l'acier, du béton, et un certain nombre d'autres éléments exotiques pour construire votre infrastructure. Je ne parle même pas de la production électrique, puisqu'il faut encore rajouter l'intermittence. Qu'est-ce que ça donne, concrètement, si on fait un petit zoom rapide ? Enfin, un panorama ? Ici, vous avez, par exemple, sur la figure du bas, les moyens de production électrique, l'éolien, le solaire, le nucléaire, le charbon, le gaz, et vous avez la quantité de matières qu'il faut à chaque fois en kilos pour 1 mégawatt installé. Vous voyez qu'entre une centrale à charbon et la même puissance installée en éolienne offshore, les plus efficaces, il va vous falloir six fois plus de matières pour avoir la même puissance installée, sachant qu'avec l'intermittence ça produira pas la même chose. Et les couleurs ne sont pas les mêmes car on n'aura pas besoin des mêmes métaux. Il y a des choses similaires, comme l'acier qui est partout, mais vous voyez qu'on va voir apparaître des terres rares, on va voir apparaître du zinc, etc... Des éléments qui pour le moment n'était pas encore autant mobilisés. Voilà les moyens de production. La figure du haut compare un véhicule classique, en bas, "conventionnel car", et un véhicule électrique au-dessus. C'est un facteur 6. C'est à dire qu'une voiture électrique effectivement émet moins de CO2, mais entre la batterie et tout le reste, vous avez besoin de 6 fois plus de ressources minérales pour être capable de construire le véhicule et donc pour pouvoir voir l'usage d'une facilité de transport. Donc, quand on met tout ça bout à bout, ça mène à des choses qui sont assez conséquentes. Donc vous avez ici sur la figure de gauche, l'augmentation dans l'ensemble, tout cumulé, des besoins en ressources minérales pour, encore une fois, les deux scénarios que je vous ai présenté pour 2040 : le scénario des politiques déjà décidées et le scénario ambitieux du 1,5 degrés. Il faudra 4 à 6 fois plus de ressources minérales que ce qu'on utilise aujourd'hui. Et si on zoome un peu plus, élément par élément, sur la droite, pour certains éléments, ça fait peur. Il faudra 42 fois plus de lithium ! Les taux de croissance sont extrêmement importants et nous interrogent sur est-ce que ces matières existent dans le sous-sol et aurons-nous la chance d'y accéder ? Vous voyez que les terres rares ont un facteur 7 et des éléments plus classiques comme le nickel ou le graphite, ce qu'on utilise déjà, ont des facteurs aux alentours d'une vingtaine, donc extrêmement importants. On retrouvera des métaux majeurs, historiques, habituels et des nouveaux-venus dans le paysage qui vont évidemment jouer un rôle important. Voilà pour les données et chiffres à l'échelle mondiale. Maintenant la question qu'on se pose, c'est : qu'en est-il pour la France ? On a déjà une énergie plus décarbonée, donc est-ce qu'on a ce même challenge à relever ? Quand on regarde nos émissions de GES, ici à gauche, vous voyez qu'elles sont déjà en baisse. On n'a pas ici la comparaison mais elles sont basses par rapport à beaucoup de pays, gardez ça en tête, grâce à notre nucléaire, notamment. Deuxièmement, vous voyez que quand on regarde ce qui contribue majoritairement, c'est le transport, le résidentiel et l'agriculture. Tout ça, bout à bout, approche les 2/3 de nos émissions de CO2. Donc le CO2 émis par la production d'énergie, par l'industrie de l'énergie, est très faible, ce qui nous différencie du reste du monde. Ça ne représente qu'à peine 10% de nos émissions. Néanmoins, aujourd'hui, le gouvernement a décidé d'une stratégie nationale bas carbone, qui vise une neutralité carbone en 2050 : on émettra autant de CO2 qu'on en fera disparaître à cette date-là. Quand on regarde en détail cette stratégie, dans cette figure-ci, certaines couleurs vont totalement disparaître, Pour ceux-là, on va supprimer les émissions de CO2. Je vais revenir dessus. D'autres, on cherchera à les réduire, mais on ne pourra pas les annuler. Dans celles qui vont disparaître, si je les prends dans l'ordre d'apparition, vous avez en haut en bleu les transports. À la fin, il n'y en a quasiment plus. Effectivement, on a l'ambition en France, c'est la politique actuelle, de réduire totalement les émissions de GES liées au transport. D'où la question de l'électrification du transport, du problème des batteries, etc. On en parlera beaucoup car c'est très structurant sur notre avenir industriel. Vous voyez également la couleur verte, le résidentiel, pour lequel on a aussi l'ambition d'éliminer nos émissions. Et pour le 3e point, vous voyez que c'est également... L'industrie de l'énergie, c'est le bleu foncé en bas. Je n'ai pas de pointeur, mais il est au-dessus du noir. Il était déjà petit mais on a l'ambition de le mener à 0. Il restera des émissions résiduelles sur l'industrie et l'agriculture, compensées par des puits de carbone, notamment du captage du CO2. Il faut qu'on se pose la question des besoins matières non seulement sur la production d'énergie, d'électricité, mais aussi sur l'usage de cette électricité et en particulier la question majeure sur les transports qui est le premier poste aujourd'hui d'émissions de GES. Quand on met tout ça bout à bout, voilà à quoi on arrive. Pour ceux qui ont oublié leurs cours de chimie, qui remontent peut-être à un peu loin, voici un tableau de Mendeleïev avec les éléments chimiques. Ceux qui sont coloriés sont des éléments dont on va avoir besoin pour la transition énergétique. Si j'avais fait cette conférence il y a un siècle, j'aurais peut-être colorié 4 cases. 5 ou 6, maximum. Aujourd'hui, on en colorie plutôt 30 ou 40. Donc vous voyez qu'on va avoir besoin de beaucoup de minéraux, de matières différentes, et ça, c'est totalement nouveau. Les différentes couleurs que vous voyez sont en fonction des différents secteurs. Par exemple le bleu, c'est le stockage de l'énergie donc le jaune foncé, c'est sur le nucléaire, vous reconnaissez le bore, le zirconium, le hafnium, etc. Donc voilà, je ne vais pas le détailler. Vous aurez accès au transparent pour entrer dans le détail, mais voyez qu'on a besoin de beaucoup de ressources minérales différentes. On a besoin de beaucoup plus en quantité, je vous l'ai dit. Grosso modo, il va falloir sortir du sous-sol et utiliser plus de ressources minérales entre maintenant et 2050, donc les 30 ans qui viennent, que ce que l'humanité a sorti du sous-sol et utilisé depuis qu'elle a commencé à faire ça il y a 2 500 ans. C'est une rupture de pente qui est plus que conséquente, donc ça peut poser des questions sur des conflits d'usage parce que, évidemment, les ressources sont limitées. Dans les conflits d'usage, il n'y a pas que la transition énergétique qui a besoin de minéraux. On a effectivement un deuxième moteur important qui est simultané et requiert aussi beaucoup d'éléments minéraux : la transition numérique, la digitalisation, qui est extrêmement rapide. Voici une carte avec les taux d'usage d'Internet. On se dit qu'on est au bout du développement, mais il y a un continent vide, l'Afrique. On n'a pas fini de développer Internet. Cette figure est la quantité de données échangées par jour... non par mois, pardon. Là aussi, elle se passe de commentaires. Les courbes sont plutôt exponentielles qu'autre chose. On est dans un monde où le numérique est partout et il faudra du numérique pour la transition énergétique. Et en plus, ce numérique consomme plus d'énergie, comme vous voyez sur la figure à droite. La courbe, c'est la consommation énergétique liée juste au numérique. Aujourd'hui, c'est à peu près 4 à 5% de l'énergie mondiale. Les modèles à l'heure actuelle disent que sans doute, là aussi, ce ne sont que des modèles, d'ici une dizaine d'années, ça pourrait représenter jusqu'à 20% de l'énergie mondiale. Qui dit énergie dit infrastructure, dit besoins matières, etc, qui vient se rajouter aux besoins précédents. Donc on a deux effets "Kiss Cool", si vous me permettez l'expression, qui vont dans le même sens et qui poussent à cette accélération sur les ressources minérales. Quant au digital, on pense toujours à nos objets numériques dont on ne sait plus vivre sans qui tiennent dans nos poches, mais il y a beaucoup de matières et d'infrastructures derrière. On a tendance à l'oublier. D'abord, il y a l'infrastructure de réseau Internet. Vous avez ici une carte des réseaux des grands câbles sous-marins qui structurent le réseau Internet. Aujourd'hui, ça représente plus de 1,3 millions km. C'est en 2021. Ce sont des câbles optiques avec des ressources classiques, style acier, cuivre, etc, mais aussi des matières plus exotiques comme du germanium. Au final, les quantités de matières ne sont pas anecdotiques. Et aussi, on a de plus en plus de données. La courbe à droite montre l'explosion des données qu'on accumule de partout : nos photos, documents, etc. Il faut des data centers pour gérer tout ça qui ont aussi de la microélectronique et ça appelle des quantités d'énergie et de matières importantes. Tout ça vient se rajouter... Voici, par exemple, un objet qu'on manipule tous les jours. Vous avez ici le cas d'un smartphone. Vous voyez que chacune des couleurs que vous avez autour de l'appareil, c'est un élément chimique différent. On va retrouver des terres rares, du tungstène, du gallium, etc. Tout un tas d'éléments qu'il faut approvisionner et qu'on retrouve en quantité significative. Si on regarde la quantité qu'il y a dans chacun de ces objets, pour certains, c'est plus important que ce qu'on trouve dans un minerai du sous-sol. Par exemple, la teneur en or que j'ai dans cet objet, c'est à peu près, en moyenne... plusieurs centaines de fois plus concentré que le minerai d'or exploité dans le sous-sol. Ces quantités de matières, mises bout à bout, sont conséquentes. Et on a besoin de ces mêmes éléments pour la transition énergétique. Donc quand on regarde quels sont les éléments chimiques dont on a besoin pour le numérique sur le tableau de Mendeleïev, on voit qu'un certain nombre d'éléments se recoupent avec le tableau précédent sur l'énergie. Pour simplifier les choses, j'ai fait le croisement des 2 tableaux. Tous ceux qui sont en bleu ne servent que pour l'énergie, ceux en vert ne servent que pour le numérique et ceux qui sont bicolores servent pour les deux. Tout ça pour vous montrer qu'on ne peut pas réfléchir transition énergétique sans parler de transition numérique ni réfléchir transition numérique sans parler de transition énergétique car l'un a besoin de l'autre et ça fait appel aux mêmes ressources en matière. Ce qu'il faut retenir de cette première partie, c'est cette figure, à droite. On est passé d'un monde assez simple où on cherchait quelques éléments chimiques dans le sous-sol qui étaient relativement concentrés et facilement accessibles, aujourd'hui à une palette d'éléments extrêmement variés. Et je n'ai pas de doute que si je fais l'exposé dans 10 ou 20 ans, on finira par avoir tout le tableau de Mendeleïev. Et surtout avec des quantités nettement plus importantes. Maintenant qu'on a présenté ce "défi", puisque c'est bien un défi auquel on a à faire face, ce contexte global... Le 2e point que je voulais aborder et essayer d'apporter un certain éclairage, c'est de vous faire prendre conscience de la difficulté que va représenter la réponse à l'ensemble de ces besoins et de la complexité des chaînes d'approvisionnement. Je ne vais pas vous décrire ce qui se passe pour le cuivre, le lithium, le cobalt ou le nickel. Je vais mettre en exergue les éléments qui me paraissent structurants et qu'on retrouve de manière générale pour pas mal d'éléments chimiques. Alors le premier point, on l'a déjà mentionné : un élément sert rarement pour qu'une seule chose. On a potentiellement des conflits d'usage. On aura des arbitrages à faire entre est-ce qu'il vaut mieux accélérer la transition énergétique ou la transition numérique ? Est-ce qu'il vaut mieux privilégier l'aéronautique ? Il est probable que dans un monde en tension, dans un monde fini, auquel on a à faire face demain, on puisse pas forcément répondre, à des tarifs accessibles, à l'intégralité des demandes Un très bon exemple sur ce sujet-là, c'est le cuivre. Vous voyez que le cuivre sert pour à peu près 40% sur tout ce qui est, on va dire... transmission et génération d'électricité. Mais ce n'est pas son seul usage et ça peut servir aussi évidemment dans la construction, les transports et tout un tas d'autres industries. Si on doit multiplier de manière conséquente le cuivre dont on a besoin pour la transition énergétique, on parle de 9 M de tonnes supplémentaires par an d'ici 2040. Saura-t-on répondre aux autres besoins ou est-ce qu'on risque de les mettre en défaut ? C'est une question importante. Est-ce que même on va savoir répondre à cette demande ? C'est ce que vous voyez ici. Premièrement, ce que vous avez ici, c'est l'évolution de la production de cuivre sur la figure de gauche, - c'est la courbe, la partie basse de la figure, en couleur foncée - grâce aux mines et aux installations en service aujourd'hui. On voit que d'ici quelques années ça va baisser car il faut lancer de nouveaux projets pour pallier l'épuisement d'un certain nombre de mines qui sont assez anciennes. Si vous rajoutez les projets en cours, ça vous donne la couleur bleu clair. Ça permet de prolonger un peu plus, mais on a toujours un trou derrière. Donc on ne va pas s'en sortir juste avec les mines actuelles. Il faut faire de l'exploration et ouvrir des nouvelles mines, sinon, ce sera impossible de répondre à la demande. Pour la demande, je vous ai remis les 2 scénarios qu'on connaît : le scénario STEPS, qui sont les politiques actuelles, et le scénario SDS, le scénario ambitieux 1,5 degrés d'augmentation de température. Mais est-ce qu'on a de quoi ouvrir les mines ? Je passe à la figure de droite. Vous avez la production annuelle depuis une dizaine d'années comparée aux réserves, sachant que les réserves se lisent sur l'axe de gauche et la production sur l'axe de droite. Il y a un facteur 10 entre les 2, un écart important entre ce qu'on produit et les réserves. En fait, les réserves sont là, en tout cas sur le cuivre. Il y en a encore beaucoup dans le sous-sol. Par contre, comment est-ce qu'on va pouvoir y accéder ? Car les ressources sont de moins en moins concentrées et c'est donc de plus en plus énergivore pour y avoir accès. L'acceptation sociétale sur ce type d'activité industrielle n'est pas forcément facile et l'impact environnemental peut être important. Il y a tout un tas de sujets à prendre en compte. Et ça veut dire que le prix du cuivre augmente, comme vous voyez ici. Voici les évolutions du prix du cuivre depuis une vingtaine d'années et certes, il y a des hauts et des bas, des cycles, les économistes nous décrivent ça très bien, mais indépendamment de ces cycles, on est sur une tendance à l'augmentation et les gens sensés sur le sujet disent que ça ne baissera pas. Donc il faut se dire qu'on va être dans un monde où le cours du cuivre va effectivement monter même s'il continuera à jouer au yoyo à certains moments, Ça, c'est le premier point. On a des réserves importantes, pas pour répondre à toutes les demandes, mais pour le cuivre, c'est le cas. Par contre, ça va être extrêmement compliqué, coûteux et long de pouvoir y accéder. 2e point, on parle toujours de la mine. Souvent, on voit juste la mine puis l'objet fini. Mais entre la mine et l'objet fini... Par exemple, la ligne électrique qui se promène pas loin de chez vous. Il y a un nombre important d'industries et d'étapes de transformation qui peuvent être autant de goulets d'étranglement ou tant de points de difficulté pour pouvoir, in fine, construire votre véhicule électrique ou votre ligne électrique. Alors je prends un exemple ici. J'ai changé d'éléments pour présenter un peu d'autres minéraux. Donc ici, le cas du lithium, c'est un élément fondamental pour les batteries. Le lithium peut provenir de deux types de ressources : soit on le tire de ce qu'on appelle des saumures, des eaux salines qu'on concentre et au milieu du sel, on a du lithium. C'est ce qu'on fait dans le triangle du lithium : Chili, Argentine et Bolivie. Ou ça peut provenir de roches dures comme on fait en Australie et peut-être un jour en France. Et vous voyez sur le schéma à gauche avec les différentes étapes de transformation, qu'entre la colonne de gauche où on est sur les saumures et les roches dures à droite, il ne se passe pas la même chose. On n'a pas tout à fait les mêmes étapes. Et encore, c'est très simplifié. Et ce que vous ne voyez pas complètement, c'est que chacune des étapes n'est pas forcément dans le même pays. Dans le cas des roches dures sur la colonne de droite, si je prends le cas des ressources en Australie, je vais prélever la roche du sous-sol et faire les étapes de traitement physique, de broyage, de dissolution, etc, sur place, évidemment. Mais la partie de séparation pour extirper le lithium de tout ça est principalement faite en Chine. Et le produit obtenu, comme le carbonate de lithium, n'est pas utile pour la batterie. Il faudra le retransformer encore pour faire une batterie avec. Donc on a des étapes les unes derrière les autres et maîtriser nos approvisionnements, c'est maîtriser ces étapes. Si on loupe une partie du schéma, ce qu'on appelle la chaîne de valeur, on peut raconter n'importe quoi. Ça peut conduire à des choses assez complexes. Je suis toujours sur le cas de mon lithium et le schéma compliqué en haut à gauche, ce sont les étapes de transformation. Je pars à gauche en prélevant une partie du lithium dans le sous-sol ou dans les saumures et vous voyez que je vais... Donc ça, c'est la partie en vert. On a ensuite des industries de transformation dans différents pays, en orange. J'ai des flux qui sortent parce que j'ai des pertes, la matière n'est pas récupérée à 100%, et puis j'ai besoin de la matière pour d'autres usages que mes batteries. Mais du coup, le flux, représenté par la taille des flèches, est de plus en plus petit. Et le flux de mes batteries, le dernier en haut à droite, est petit par rapport à ce que j'ai sorti. J'ai eu plein de pertes en cours de route et d'utilisations potentielles différentes et chacun de ces nœuds, de ces bifurcations, est une étape dans la chaîne de transformation de la matière qu'on doit maîtriser pour avoir le lithium pour faire des batteries. Ce faisant, ça m'amène à un point important, on parlera d'empreinte environnementale... Ce n'est pas vrai pour 100% des batteries, mais pour certaines aujourd'hui en France, le lithium dans certaines batteries de véhicules électriques a été extrait de mines au Chili, transformé en hydroxyde aux USA, au Japon, on fabrique des précurseurs pour les électrodes des batteries, les cellules de batterie en Corée du Sud, on refabrique la batterie aux USA, et enfin le véhicule arrive en France. Le lithium dans votre batterie a fait 3 fois le tour du monde et plus de 50 000 km déjà. On parlera d'empreinte CO2 et de maîtrise des chaînes d'approvisionnement... Le jour où une épidémie interrompt ces approvisionnements, ça devient compliqué de construire une résilience pour nos industries et d'assurer la pérennité de nos activités industrielles. 3e point important... c'est qu'une partie de ces métaux ne sont pas extraits pour eux-mêmes. On ne les trouve pas tout seuls dans le sous-sol et on les extrait plutôt en tant que produit secondaire d'un autre métal qu'on a été chercher. C'est ce que vous voyez sur cette figure, donc... plus la couleur est rouge, plus le métal est obtenu comme produit secondaire d'une industrie de transformation et plus c'est bleu, plus on a été le chercher lui-même dans le sous-sol. Par exemple, pour le fer en bleu au milieu, on a des mines de fer où on va le chercher. Par contre, on n'a pas de mines de cobalt. On va le chercher dans le minerai de fer ou de cuivre ou dans d'autres ressources. C'est important, car ça veut dire que derrière c'est encore plus complexe que ce que j'ai dit. On peut identifier où sont les mines de fer et ses industries de transformation, etc. Mais s'il n'y a pas de mines pour un élément, ça dépendra d'autres éléments et de la logique d'autres éléments. C'est un point que les géologues et minéralogistes connaissent bien. C'est à dire qu'on a des éléments porteurs, que vous voyez au centre du cercle en bleu, qui forment des minéraux de manière autonome dans les roches, donc on peut les identifier, les trouver directement. Et puis tous les autres sont des éléments d'accompagnement, soit dans des minéraux secondaires, soit qui sont en impureté, ou en substitution dans les minéraux primaires. Donc tous ceux qui n'apparaissent pas dans le premier cercle, il faut aller chercher comme produits secondaires du traitement d'un métal plus important. Et donc le jour où vous voulez maîtriser un marché d'un produit qui n'est pas extrait pour lui-même du sous-sol, ce n'est pas simple. La logique du marché n'est pas liée à l'élément que vous cherchez, mais à l'élément primaire. Vous pouvez avoir des effets de variation de production et la logique de l'adéquation entre l'offre et la demande est extrêmement compliquée. Comme une illustration vaut mieux qu'un grand discours... En plus sur un cas où la France joue un rôle important. C'est le hafnium. Ça sert beaucoup en électronique, dans le nucléaire, et dans d'autres endroits. Je ne vais pas vous détailler ça, mais il n'y a pas de mine de hafnium, donc ce n'est pas comme ça qu'on le récupère. Il est souvent mélangé dans les minéraux de zirconium, ce qui donne la zircon dans les gaines de combustible et le nucléaire. On a une seule manière pour produire le hafnium : quand on purifie le zirconium pour faire des gaines de combustible, on enlève le hafnium et il vaut mieux, car ce n'est pas sympathique pour les réacteurs, Donc on doit le faire et du coup on récupère du hafnium. Le hafnium, un élément dont on a besoin pour un certain nombre d'objets de la vie moderne et de production énergétique est finalement lié au nucléaire. Si on arrête de produire des combustibles nucléaires, on n'aura plus de hafnium. Sauf qu'on en a besoin dans nos iPhones et dans un tas de choses en dehors du nucléaire. Ce couplage d'ensemble rend extrêmement complexe ces questions d'approvisionnement parce que les choses sont étroitement intercorrélées. Je ne peux pas parler de tout ça sans parler des batteries électriques. On a vu que ces batteries sont à "fois 25" en termes de quantité de matière dont on a besoin. Donc c'est un des enjeux majeurs, parce que le transport est le plus gros poste d'émissions de GES, donc il faut qu'on le résolve, et deuxièmement, c'est où on a la plus grande augmentation de quantités de matières nécessaires. C'est ce que vous voyez à nouveau ici, vous voyez l'augmentation tout à fait considérable qui est attendue, je dirais, sur les... d'ici 2040. Alors... Ces batteries dans les véhicules électriques, en quoi elles consistent ? En fait, sans trop entrer dans les détails, il faut s'imaginer qu'on a, d'un côté, une cathode, qui va être essentiellement fabriquée avec du nickel, du manganèse, du cobalt et éventuellement du lithium. On peut y rajouter un tas d'éléments en traces, pour améliorer les propriétés de matériaux, mais on va rester sur les majeurs. Vous avez une anode, le pôle négatif, essentiellement du graphite qu'on fonctionnalise en rajoutant des éléments trace et du lithium entre les deux, l'électrolyte, qui permet les échanges de charge. Et... C'est assez simple dans le principe, sauf que quand on regarde ses constituants, un certain nombre d'éléments, en rouge ici, sont "critiques", car on a un problème de sécurisation de leur approvisionnement. Je pense notamment au cuivre, au lithium, au nickel, au cobalt, au graphite... Vous vous dites : "Mais vous les avez tous dit !" Oui, on n'est pas loin d'une situation où l'intégralité des matières dont on a besoin pour faire des batteries ne vient pas du sol européen et on n'a pas de... Enfin, il y a un vrai enjeu pour sécuriser ces approvisionnements. Je passe cette figure. Pour autant, l'Europe se mobilise fortement sur ce sujet-là. Vous avez tous entendu parler du plan batterie et des gigafactories qui se construisent un peu partout en Europe. On a la chance d'accueillir 3 projets significatifs en France. Il y en a 22 aujourd'hui en Europe. Ce sont des usines à plusieurs milliards d'investissements qui produiront des batteries pour nos futurs véhicules électriques pour basculer le transport en électrique sur la scène européenne. Sauf que quand vous regardez... La figure ici à droite, c'est les trois étapes de fabrication d'une batterie. Je récupère la matière, je la transforme, je fabrique les précurseurs et je fais ma batterie. Et ce que vous avez... Alors, ça ne se voit pas très bien parce que ce n'est pas très net... Quelles sont les sources d'approvisionnement pour chaque étape ? Alors déjà, c'est où l'Europe ? Si vous ne la voyez pas, c'est normal, c'est la première ligne. Donc sur la première étape, on a 1 % d'autonomie sur les matières premières. On a 9 % ou 8 % d'autonomie sur la transformation, 9 % sur la fabrication des matériaux d'électrodes, donc vous voyez qu'on est dépendants à plus de 90 % de nos importations pour être capables de réaliser cette transformation. Et voici la liste des pays. Celui qu'on voit bien, la grande barre rouge, je ne vous surprendrai pas, ce sont les Chinois. On est très dépendants en approvisionnement de la Chine pour l'ensemble de cette industrie qui est pourtant la clé de la réussite de la transition énergétique sur le sol européen. Alors... Ça, c'était pour les batteries. Je pourrais raconter la même histoire pour d'autres sujets. Il y en a un autre, c'est le cas des aimants permanents. On en a besoin dans les éoliennes pour produire de l'électricité et dans les moteurs pour retransformer l'électricité en force motrice. Et aujourd'hui, on fait ça avec des terres rares. Ça introduit des besoins en terres rares extrêmement importants. Et quand vous regardez la chaîne d'approvisionnement des terres rares, la partie tout en bas, elle est, là aussi, complètement dominée par la Chine. c'est à dire que 70 % des activités de mines sur les terres rares sont en Chine. Sur la partie transformation, donc fabriquer des métaux séparés, c'est à 90 % en Chine et à 100 % pour les terres rares lourdes. La fabrication des alliages, on est à 90 %, la fabrication des aimants permanents, on est à 90 %. Il n'y a pas d'éoliennes offshore sans aimants permanents ou de voitures électriques sans aimants permanents. Donc 90 % des éoliennes, 90 % des voitures électriques, ont une part importante de leur valeur ajoutée, de ce qui fait leur fonctionnalité qui est en Chine et sur laquelle on a aujourd'hui une maîtrise assez faible. Alors là, ce n'est pas une histoire, je dirais... Cette histoire mérite qu'on s'arrête 2 secondes, parce qu'il y a 30 ans, 60 % de la transformation des terres rares à l'échelle mondiale se faisait à La Rochelle. Et malheureusement, on a laissé cette industrie partir pour plein de bonnes raisons qui rejoignent, globalement, la désindustrialisation qu'on a connu évidemment dans notre pays et le fait que la réglementation environnementale en Chine soit, sur ce sujet-là, beaucoup plus permissive. La Chine a rapatrié l'ensemble de ce savoir-faire avec notre aide car on était contents de voir ça partir en Chine. Et puis ils ont remonté la chaîne de valeur, commençant par de la mine, puis de la transformation, puis la séparation des terres, donc ils sont les seuls à savoir le faire, puis la fabrication des aimants. Ils ont intégré l'ensemble de la chaîne de valeur et 90 % des aimants mondiaux proviennent de Chine. Cette stratégie a été pensée sur le long terme et n'est pas du tout un fruit du hasard. Alors, quid du nucléaire dans tout ça ? Et j'en finirai là-dessus sur cette 2e partie. Je reprends une figure de tout à l'heure mais que j'ai transformé non plus en capacité installée mais en électricité produite. Combien de métal faut-il dans un réacteur nucléaire pour produire une quantité d'électricité par rapport aux autres technologies ? Et bien, la figure parle d'elle-même. Le nucléaire est une énergie extrêmement intensive qui mobilise peu de ressources par rapport à la quantité d'électricité produite. Donc on a 16 fois moins de ressources minérales dans un térawattheures électrique produite par du nucléaire que dans un TWh produit ici par des éoliennes offshore. Du coup, les besoins en ressources minérales pour le nucléaire tel qu'on anticipe son développement... Alors, on pourrait discuter ces scénarios de l'AIE, mais ça ne changerait pas grand-chose, C'est inférieur à 0,2 % de l'ensemble de nos besoins pour la transition énergétique. Donc le nucléaire a cette force d'avoir des besoins faibles en ressources minérales. Il a des inconvénients, mais c'est un de ses atouts qui mériteraient d'être creusés et sans doute plus valorisés. Donc, dernier point... Tout ça m'amène à notre situation en Europe et à comment est-ce qu'on peut chercher à rectifier tout ça. On est fortement dépendants de l'étranger sur une grande partie de nos approvisionnements minéraux. Cette figure a un certain nombre d'éléments chimiques. Je vais pas vous les détailler, mais quand on est à 100 % tout en haut, c'est qu'on dépend à 100 % des importations. On a 0 production sur le territoire européen. Je ne parle même pas à l'échelle de la France. Puis à droite, on a des situations plus contrastées où on a un certain niveau d'autonomie. Mais pour beaucoup de matières, on est totalement dépendants de l'étranger, Le rouge étant, là encore, la situation de nos amis chinois. Et cette dépendance couvre beaucoup de pays. Cette carte, c'est les approvisionnements européens sur un certain nombre de ressources minérales. On y retrouve les grands pays miniers que sont l'URSS, la République démocratique du Congo, les pays d'Amérique latine, les États-Unis, le Canada, l'Australie... et j'en passe. L'Afrique du Sud pour les platinoïdes. Et les taux de dépendance peuvent aller jusqu'à quasiment 100 % sur certaines ressources. Et pour certains de ces pays, ça représente l'essentiel de leur activité. Donc ils sont eux-mêmes extrêmement dépendants de nous là-dessus. Un joueur qui est particulièrement présent, c'est la Chine. Voici, pour un certain nombre d'éléments métalliques, la place de la Chine à l'échelle mondiale. Le trait rouge à 20 %, c'est la part de la population chinoise dans la population mondiale. Si les choses étaient équitablement réparties, ça devrait autour de 20 %, mais pour beaucoup d'éléments, ils sont plus présents que ça. Et si on regarde aujourd'hui la manière dont la croissance de la production de minéraux à l'échelle mondiale se fait, sur cette figure à droite, l'Europe, c'est le petit trait bleu constant qui ne bouge pas beaucoup et les autres pays se développent énormément, notamment l'Asie en jaune qui est portée par la Chine qui investit considérablement sur ses ressources minérales. Est-ce qu'on est condamnés à faire le constat de cette dépendance éternellement ou y a-t-il moyen de se réapproprier ces chaînes de valeur et de rectifier la situation ? C'est mon dernier point avant de vous laisser la parole. Le premier point, c'est le recyclage. Il faut qu'on le développe, car la ressource est chez nous. C'est une opportunité en termes de création de valeur et d'industrialisation. On a des quantités de déchets, sur la figure en bas, qui augmentent. Aujourd'hui, en gros, à l'échelle européenne, on produit 7 kilos de déchets électronique-électrique par habitant, ce n'est pas anecdotique, pleins de cuivre et d'autres éléments métalliques. Donc développer le recyclage est une option intéressante. On est loin d'être très avancés dans ce domaine. Voici le taux de recyclage, sur un tableau de Mendeleïev, des différents éléments. Quand on est dans les couleurs rouges... Je n'arrive pas bien à voir... ...on a un recyclage extrêmement faible qui est quasiment nul. Et quand on est sur la gamme verte, on est entre 25 % et 50 %. Sur la gamme bleue, on est au-dessus de 50 %. Il n'y a que 3 éléments chimiques qu'on recycle à plus de 50 % et le reste est à moins de 50 %, donc il y a un effort à faire. Est-ce que ça va résoudre notre problème ? C'est un point important. Je vous donne la réponse : non. Pourquoi ? C'est un schéma théorique, mais intéressant. Imaginez qu'on a produit une quantité de matières, d'objets qui contiennent une ressource d'intérêt, donc en bleu. Quand on va vouloir les recycler, on va récupérer des objets, en bleu clair, mais on en perd, car on n'a jamais 100 % de récupération, en jaune. Une flèche est perdue. Puis aux étapes de traitements physiques, chimiques, etc, là aussi, on ne va jamais récupérer 100 %, selon la thermodynamique. La flèche verte sera récupérée mais la violette sera définitivement perdue. On n'aura jamais 100 %. Il y a toujours une perte. C'est un point important : on ne pourrait vivre que sur du recyclage que si on avait des besoins décroissants et une décroissance égale à la perte à chaque étape de recyclage. Sauf que nos besoins sont croissants. Nos besoins, on l'a vu depuis tout à l'heure... Par exemple, la courbe rouge, nos besoins en cuivre, augmente de manière considérable Si je me place en 2100 par exemple, parce que c'est plus simple, donc le point 9 en haut à droite, j'ai un besoin à cette date-là qui correspond au point 9, sauf que la quantité de matières dans les objets en fin de vie, c'est le point 8. Les objets durent un certain temps, je ne les recycle pas tout de suite. Ce décalage temporel entraine un décalage dans la quantité disponible dans laquelle je ne récupère qu'une fraction. Donc le recyclage ne pourra pas répondre aux problèmes. Et les spécialistes disent que le recyclage, dans le meilleur des cas, pourrait couvrir la moitié de certaines ressources, pas plus. Donc de toute façon, le recours à des activités minières nouvelles est assez important en quantité, clairement, et incontournable si on veut développer ou déployer la transition énergétique et numérique. Y a-t-il encore des ressources dans le sous-sol ? On a dit que oui. On a l'impression que le sujet est un peu nouveau en France, car on l'a un peu évacué, mais ce n'est pas le cas dans d'autres pays. Si je regarde la carte à droite, chacun des points, c'est des projets miniers. Cette carte date de 2020 ou 2021. Vous voyez qu'il y en a un paquet. Des quantités d'argent colossales sont dépensées. La Chine, c'est plus de 200 milliards. Les États-Unis, plus de 200 milliards, presque 300. Dans tout l'Europe, c'est aux alentours de 70 milliards. C'est peu. Et si je zoome sur la France, il n'y a aucun point rouge. C'est évidemment un effet du hasard, mais voilà, on a une vraie question. Si on veut déployer tout ça, il nous faut des ressources minérales. On ne peut pas forcément s'appuyer sur des ressources étrangères. Est-ce facile d'accéder aux ressources ? Entre le moment où on a besoin de lithium ou de cuivre et où on ouvre une mine, si on fait tout le plus vite possible, on en a pour en moyenne au moins 15 ou 16 ans, C'est qu'on voit sur la figure ici. Et encore, c'est sans aller dans des pays avec des réglementations assez longues en termes de traitement, etc, ce qui mène à des durées longues. Donc il y a une inertie, mais on est habitués dans le nucléaire. L'inertie est énorme sur le système. Entre le moment où on a besoin de cuivre et où on l'a, il va s'écouler 10 ou 15 ans, minimum. Tout à l'heure j'ai dit qu'on va avoir un déficit de cuivre entre 2020 et 2030 donc c'est une bonne question. Deuxièmement... il va falloir intégrer, c'est important dans la stratégie française, l'impact environnemental. C'est déraisonnable de développer des mines comme dans certains pays ou dans le passé. Aujourd'hui, les mines doivent respecter l'environnement en termes de CO2, de prélèvement d'eau, de pollution, d'utilisation des sols, etc. Et c'est compliqué, parce que l'impact change d'un élément à un autre, d'un procédé à un autre, d'un pays à un autre... On veut maîtriser nos chaînes de valeur et nos approvisionnements et on veut s'approvisionner sur des ressources bas carbone, respectueuses des populations, etc. C'est très difficiles à tracer, car ça va être site-dépendant. Ça va dépendre du site systématiquement. Et il faut prendre en compte l'intérêt des populations locales. C'est un point structurant du développement durable dans lequel la France s'inscrit parfaitement. Sur ces ressources, on imagine qu'on a plus rien en France, qu'on a épuisé le sous-sol. C'est rigoureusement faux. L'inventaire minier français qu'on connaît aujourd'hui et qui identifie des ressources d'intérêt mondial date des années 70 en termes d'acquisition de données. On n'a rien refait depuis, on n'a pas de connaissance au-delà de 200 ou 300 m de profondeur. Aujourd'hui, quand on interroge nos spécialistes sur le sujet, et au BRGM, on a évidemment un certain nombre, on est capables de faire de la cartographie prédictive. Même si on n'est pas sûrs de trouver, la probabilité d'avoir des ressources d'intérêt est importante. Je n'en ai mis qu'une, mais je pourrais en mettre des dizaines. Voici la cartographie prédictive sur le lithium sur le continent européen. La France n'est pas mal lotie du tout. On a des ressources de lithium d'intérêt économique potentiel, certaines qui seraient assez faciles à exploiter, que ce soit en termes de roches dures, donc mines souterraines, etc, ou dans des saumures profondes qu'on peut pomper et dont on peut récupérer le lithium. Un démonstrateur vient de démarrer récemment. Eramet a communiqué largement sur le sujet. Donc c'est faux de penser qu'on n'a pas de ressources. C'est un sujet qu'on a évacué. On préfère que ça se fasse à l'autre bout du monde. Mais c'est une vraie question et notre ministre de la transition écologique a des propos clairs sur le sujet. Il faut qu'on assume les choix politiques qu'on a faits, notamment la transition énergétique, et les besoins en ressources minières que ça impose. Je passe ce sujet. Et puis évidemment, on n'aura pas toutes les ressources dont on a besoin en France, donc il faut aussi sécuriser des ressources à l'étranger avec des contrats à long terme et uniquement sur des approvisionnements responsables. C'est la thématique de la diplomatie des ressources minérales. On a la chance d'avoir encore quelques acteurs miniers, même s'ils ne sont pas parmi les plus grands, et d'avoir une connaissance d'un nombre de territoires de jeu, notamment l'Afrique, sur laquelle le BRGM travaille depuis des décennies et les spécialistes aiment dire que la moitié de la géologie de l'Afrique est dans les armoires du BRGM à Orléans. On a une bonne connaissance du sujet, donc on doit l'utiliser pour essayer de développer et sécuriser certains de nos approvisionnements. Un petit mot pour conclure. Je ne peux pas terminer cet exposé sans vous parler de l'actualité récente, à savoir le travail commandité à Philippe Varin par le gouvernement et le rapport qui a été remis le 10 janvier 2021 qui vise à faire des propositions sur la sécurisation de nos approvisionnements en métaux stratégiques. C'est un travail conséquent qui a été mené en 3 mois, sur lequel le BRGM a été évidemment largement sollicité. Il a conduit à des décisions prises par le gouvernement correspondant aux recommandations du rapport, que je ne vais pas vous détailler de manière très approfondie mais juste vous donner les grandes lignes. La première, on doit réinvestir sur ces chaînes de valeur pour sécuriser ces approvisionnements. Donc la création d'un fonds d'investissement pour les métaux stratégiques pour la transition énergétique est en train de se mettre en place. On doit, je vous l'ai dit, œuvrer de manière beaucoup plus concertée entre l'ensemble des acteurs privés et publics à l'international pour sécuriser des approvisionnements responsables et durables, préservant l'environnement et les populations locales. Il y a le lancement d'une diplomatie des ressources minérales sur ce sujet. Également, la nomination d'un délégué interministériel, chargé de coordonner tout ça, est en cours. La création d'un observatoire des métaux critiques auprès du BRGM pour connaître l'ensemble de ces filières d'approvisionnement, en faire des simulations, des tests de résilience, d'anticiper des crises, etc. Et développer une labellisation, une certification, sur ces mines responsables. Il n'est pas question de réouvrir des mines "à la Zola". L'enjeu aujourd'hui, c'est de faire des mines propres, à faible impact, respectueuses des populations mais il faut le garantir. Il est question de créer un label, une certification, avec un rôle majeur mené par la France au niveau européen pour mettre en place cette normalisation à l'échelle européenne. J'en arrive à la conclusion pour vous dire que... Vous l'avez compris, on a vécu un siècle shooté au pétrole et au gaz, enfin au pétrole puis au gaz, voire au charbon, puis au pétrole, puis au gaz pour être précis. Pour lutter contre le changement climatique, il faut sortir de cette dépendance tout en ayant conscience qu'on aura une nouvelle dépendance, les ressources minérales, avec des nouvelles dépendances géopolitiques. Vous les voyez clairement apparaître sous-jacentes à ma présentation. Je pense que l'ampleur des demandes et des besoins doit nous interpeller et que ça sera sans doute - c'est mon point de vue - un frein possible au déploiement de la transition énergétique quand on voit l'ampleur des besoins qu'il va falloir couvrir. Qu'il y a un fort enjeu de sécuriser nos approvisionnements. C'est un prérequis pour retrouver notre souveraineté industrielle. et toutes ces nouvelles activités minières n'ont de sens que si elles sont durables, responsables. Ce credo extrêmement fort nécessite encore du développement, du R & D, mais aussi une certification, une traçabilité, sur les approvisionnements et des contrôles aux frontières, sinon du dumping se mettra en place. Donc voilà les axes forts de ce qu'il faut retenir de tout ça avec un travail du BRGM pour construire une vision synthétique sur ces sujets qui se poursuit et qui est un challenge et un défi extrêmement importants. Merci. J'ai été un peu long, je m'en excuse. Je vous laisse de ce pas la parole. Je ne doute pas que des questions vont émerger. Merci. Bonjour. J'ai une question toute simple, Au transparent numéro 30, vous faites un rapport entre nucléaire et moulinets à vent un rapport de 16, et qui a été exprimé en TWh. Or si un moulinet... S'il n'y a pas de vent, il n'y a pas de TWh, donc le rapport devient infini... Transparent 30. Effectivement, la dernière figure était en TWh Elle intégrait le fait qu'une éolienne ne fonctionne à terre que 21 % du temps en moyenne en France. Donc le l'intermittence est bien pris en compte. Ou 40 % en offshore. La durée de vie n'est peut-être pas prise en compte. C'est sûr qu'entre un réacteur qui va durer peut être 80 ans et une éolienne, 20 ou 30 ans, ce n'est pas pareil. Je ne suis pas sûr que ça soit pris en compte. Bonne remarque. Oui, Montville. Je suis assez marqué par le fait qu'on passe, en production éolien, forcément par des terres rares pour faire des aimants permanents. Ça fait un bon petit bout de temps qu'on sait faire des productions d'électricité sans aimant permanent. C'est quand même très curieux de revenir sur un système antique alors que depuis au moins 60, 70 ans, les flux sont des flux commentés avec des circuits électriques. Je ne vois pas pourquoi on passe par les terres rares et les aimants permanents pour faire des éoliennes. On pourrait très bien avoir des excitations classiques comme on en fait pour des petites machines hydrauliques, sans problème. Je ne suis pas spécialiste du sujet, donc je n'ai pas la réponse à votre question. J'imagine qu'il y a de bonnes raisons. Je peux vous dire que du fait de la dépendance aux terres rares, des travaux sont menés pour essayer de s'en départir. Sur les éoliennes à terre, on sait faire sans terres rares. Par contre, sur les éoliennes en mer, on continue à faire avec. Il y a une question de densité de puissance, mais je ne saurais pas vous donner plus de détails. Je pense que c'est le fait que ce ne sont pas les électriciens majeurs, les constructeurs électriciens majeurs mondiaux, qui ont été au début des éoliennes. Si ça avait été des gros groupes bien structurés, il auraient pris autre chose, mais c'est un raisonnement. Peut-être, mais ils sont tous à la manœuvre sur ce sujet-là. Il n'en manque pas un à l'appel. S'il y a une solution, j'ai du mal à croire qu'ils ne l'ait pas déployée. Si oui, ils ne tarderont pas à le faire. Merci de votre exposé. En tant que pharmacien, j'ai une certaine culture chimique et le tableau de Mendeleïev me parle à partir de l'hydrogène. Qu'en est-il de l'énergie de l'hydrogène ? Où en est le problème par rapport à tout ce que vous nous avez exposé ? Je n'ai pas présenté l'hydrogène parce que j'ai déjà été trop long, mais l'hydrogène n'est qu'un vecteur intermédiaire. Il y a beaucoup de développement sur l'hydrogène. Mais dire, "j'ai une surproduction électrique, "comment la stocker sous forme d'hydrogène?" et ensuite réutiliser cet hydrogène... Alors, il y a différentes solutions, mais on peut, dans des piles à combustible, le réutiliser directement pour produire de l'électricité. Donc ça ne change pas grand-chose au paysage global, si ce n'est qu'on a des besoins spécifiques pour la production d'hydrogène et pour les piles à combustible, notamment sur les platinoïdes. C'est bien étudié et intégré dans les chiffres globaux quand je disais : voici l'ensemble des technologies décarbonées et les besoins qu'on a. Ça intègre l'hydrogène. Mais l'hydrogène n'est qu'un vecteur intermédiaire de stockage. D'abord, merci pour cet exposé. Alors, je précise que je ne suis pas scientifique et que vous avez eu le talent... J'ai vraiment suivi votre présentation extrêmement claire, donc très pédagogique. Merci. La question que je me pose, c'est très intéressant... Je venais ici notamment pour entendre d'un scientifique ce que j'ai lu dans les bouquins de Guillaume Pitron. Et on retrouve tout à fait ça. Donc ça veut dire qu'il a raison et que vous avez raison. Je ne suis pas sûr qu'on puisse en conclure qu'on a raison ! Mais on retrouve tout ce qu'il raconte sur le digital et sur les métaux... Vous avez lu ses deux livres ! J'ai lu ses deux bouquins, qui sont très intéressants. Ma question est la suivante : étant gosse, j'ai baigné dans le nucléaire puisque mon père a fait sa carrière au CEA, mais pour quelle raison s'acharne-t-on sur l'éolien et les panneaux solaires alors que vous avez montré... Le graphe est frappant ! ...que grâce au nucléaire notamment, on s'affranchit de la plus grosse partie du tableau de Mendeleïev, Donc pourquoi est-ce qu'on s'acharne ? Et ça pose une question sous-jacente que j'aimerais que vous évoquiez sur la dépendance à l'uranium pour les centrales nucléaires. - J'ai le droit à un joker ? - Pardon ? - J'ai le droit à un joker ou pas ? - Oui, merci en tout cas ! Non, non, je vais vous répondre plus sérieusement, mais... c'est un choix quelque part politique d'un certain nombre de partis où d'élus que de considérer que les risques inhérents à la filière nucléaire sont supérieurs à ses intérêts. Ce n'est pas mon analyse, mais en tant que citoyen et en tant qu'élu, pour certains, ils ont le droit de porter ce point de vue. Après, quand on creuse les tenants et les aboutissants, on s'aperçoit que ça nous mène dans des chemins compliqués et que... comme le résumé bien Jean-Marc Jancovici, le plus court chemin pour décarboner notre industrie et lutter contre le changement climatique ce n'est pas de quitter le nucléaire. On est d'accord là-dessus. Après, voilà... Le jeu de la démocratie suppose que tous les points de vue puissent s'exprimer suivi de votes et d'élections et que le point de vue majoritaire l'emporte. Mais ce n'est pas le point de vue le plus rationnel. Ce n'est pas joué définitivement. Je suis assez d'accord sur ce fait. Beaucoup de pays font marche arrière là-dessus. Soyons clairs, la transition énergétique a été pensée dans une logique nationale au départ, sauf que tout le monde est arrivé à la conclusion qu'en déployant la même transition sur tous les pays, on a un problème de ressources. C'est ce que montrent les chiffres que je vous ai donnés. Si on veut tous faire de la voiture électrique, à commencer par les 1,4 milliards de Chinois, on aura un problème. Même s'il y a beaucoup de lithium sur Terre. Donc à un moment, il faut qu'on sorte d'une période où tout le monde imaginait faire la même chose pour réfléchir à des solutions qui doivent être beaucoup plus dépendantes des spécificités de chaque pays, que ce soit d'un point de vue géographique, technologique, politique, etc. Bonsoir. Je ne vois pas sur vos tableaux les productions de minéraux provenant de la Nouvelle-Calédonie. Est-ce qu'on considère que la Calédonie, c'est la production nationale ? Le nickel, par exemple, est une ressource importante en Nouvelle-Calédonie. Sauf erreur de ma part, mais je laisserai le soin à... à Isabelle de me corriger si je me trompe, la Nouvelle-Calédonie est indépendante d'un point de vue minier même si elle reste un territoire français. Pour autant, on a des contrats avec la Nouvelle-Calédonie et on est fortement impliqués sur les activités minières. Mais c'est un fournisseur parmi d'autres. Merci. Et la production de nickel de Nouvelle-Calédonie par rapport à celle de l'Australie n'est pas dans les mêmes ordres de grandeur. Donc ça en fait partie. Et il y a du cobalt associé aux minerais de Nouvelle-Calédonie qui n'est pas extrait par tous les opérateurs. Oui Christophe, Loïc Martin Didier, retraité du CEA. Une question à plus long terme : est-ce qu'on a une idée comment se placera la fusion dans ce problème de matières, de métaux stratégiques, que ce soit sur les problèmes du lithium ou sur les bobinages, etc ? Non, je n'ai jamais vu d'études sur le sujet. Le peu que j'en connais me ferait dire que l'intensité quand même... La quantité d'énergie qu'on produit par rapport à la quantité de matières de l'installation est telle que les besoins seront facilement "absorbables" par les ressources qu'on connaît aujourd'hui. Donc je n'anticipe pas de grosses difficultés mais je n'ai pas mené d'études sur le sujet. C'est plutôt une intuition qu'une démonstration. Gérard Cognet. Merci, Christophe, pour cette présentation. Il y a quelques années, on a vu une grande agitation sur des ressources en terres rares qui seraient au Groenland, à tel point que Trump avait envisagé d'acheter le Groenland. Qu'en est-il de la réalité ? Le Groenland est un territoire très riche d'un point de vue minier, En terres rares, mais en plein d'autres éléments aussi. Néanmoins, les terres rares au Groenland contiennent, comme dans pas mal d'endroits, également de l'uranium et du thorium. Ça veut dire que les matières qu'on laisse de côté sont radioactives et le gouvernement groenlandais s'est fortement opposé son exploitation et a voté une loi interdisant à ce jour l'exploitation de ce type de minerai pour des raisons de radioactivité. Après, une loi, ça peut se modifier, mais aujourd'hui, les populations et le gouvernement sont farouchement opposés à cette exploitation. Mais le Groenland est un pays très riche. Merci. Bonsoir. J'avais deux petites questions, une directement liée à vos slides. au slide 37, vous disiez que la manière la plus rapide pour ouvrir une mine, il y a un temps incompressible de 17 ans. Je voulais savoir ce qui faisait ce délai-là, en grande partie. Ma 2e question est plus d'ordre général : est-ce que vous attendez, dans les années à venir, à une évolution structurelle du positionnement de votre établissement au regard de la nécessité de ce que vous appelez la diplomatie, notamment avec les pays africains dans lesquels il y a une grande partie des réserves ? Alors petit un, le temps incompressible, c'est qu'entre le moment où vous dites, "tiens dans telle région, "il y a un potentiel de ressources économiquement intéressantes" et où vous ouvrez une mine, il y a plein d'étapes. Vous allez faire de la caractérisation aéroportée, des prélèvements sur le terrain, des forages et des sondages. Si vous confirmez que c'est intéressant, encore faut-il le "cuber", c'est à dire, c'est quoi la quantité réelle que vous allez sortir du sous-sol ? Pas dans l'absolu, mais à un coût économiquement intéressant, car c'est pas pour boire le bouillon. L'ensemble de tout ça, auquel on rajoute les étapes indispensables pour avoir un permis d'exploration, d'exploitation, les enquêtes publiques, etc, vous êtes entre 15 et 20 ans en général. Sauf pour le cas des saumures, par exemple, d'Amérique du Sud. Comme la ressource est directement accessible, c'est beaucoup plus rapide. Et c'est sans prendre en compte, je n'ai pas encore vu d'évaluations concrètes, le nouveau code minier sorti récemment qui rajoute des étapes de consultations des populations locales avant l'ouverture de tout site. Qui dit consultation, rajoute inévitablement un certain nombre de mois ou d'années à ces chiffres. Sur la partie rôle du BRGM, le BRGM, c'est Bureau de recherches géologiques et minières, donc l'aspect ressources naturelles et mines fait partie de notre ADN depuis notre création en '59. Jusqu'à la fin des années 70, on était opérateur minier. On était un établissement d'expertise et de recherche et on exploitait un certain nombre d'installations. On a perdu ce côté industriel mais on a un vrai savoir-faire. Et aujourd'hui, on est mobilisés en soutien technique à l'État, à la fois sur cette partie vision stratégique, veille technologique, veille économique et également sur la partie diplomatie des ressources sur laquelle on est mobilisés aux côtés du ministère des Affaires étrangères et de l'industrie. André Lacroix. Pardon, une question et puis une demande. Une question : vous n'avez parlé que de ressources terrestres. Pourtant, au fond des mers, il y a beaucoup de choses. Ça, c'est ma question. Et est-ce que vous pouvez nous brosser très, très rapidement, les ressources actuelles en uranium ? Avant, la France était sur le Niger, etc. Maintenant c'est beaucoup plus vaste. Est-ce que vous pouvez nous faire un petit exposé rapide sur les ressources uranifères, actuellement ? Merci. Alors, sur les ressources des grands fonds marins. J'étais interrogé il y a 15 jours par le Sénat sur le sujet. Effectivement, il existe des ressources qu'on connaît pas bien car on n'a récupéré que quelques échantillons, c'est extrêmement limité, qui sont soit des nodules polymétalliques soit des concrétions sur des eaux thermales qui ressortent en profondeur. Ce sont les deux grandes typologies avec des concentrations sur un certain nombre de métal d'intérêt qui sont a priori intéressantes. Je mets tout de suite 2 bémols là-dessus. Le "a priori intéressantes", ça veut dire que dans un échantillon, il y a effectivement pas mal de ressources. Néanmoins, la grande question de toute l'industrie minière, c'est de savoir si c'est économiquement intéressant. Est-ce que le coût pour retirer cette matière est compatible avec le prix auquel je peux le vendre ? Qui est capable de répondre pour les grands fonds marins ? On a 0 réponse sur cette aspect-là. Et le 2e point, qui est encore beaucoup plus important, c'est qu'il sera pertinent d'exploiter les ressources minières des fonds marins quand on aura démontré que leur impact environnemental est inférieur à celui d'ouvrir une mine dans le pays X, Y ou Z. Et ça, on en est très loin. On sait pas comment fonctionnent les écosystèmes à 2 ou 3 000 m de profondeur. On sait pas comment ils vont se restaurer. Donc le premier enjeu, c'est la décision qu'a pris le président de la République, c'est d'investir dans l'exploration. Donc oui, il faut qu'on comprenne mieux ces environnements. On a beaucoup à en apprendre. Avant d'aller faire de l'exploitation, il va s'écouler un peu de temps et il faut démontrer qu'on soit capable de le faire dans des conditions viables. Pour avoir pas mal traîné mes guêtres autour des sujets de l'environnement. je doute que l'impact au fond des mers soit inférieur à l'impact d'une mine en Bretagne, dans le Massif central ou je ne sais pas où en Europe. C'est juste une réminiscence du syndrome NIMBY bien connu qui est que quand c'est loin des yeux, on croit que l'impact est plus faible. Et sur les ressources en uranium... J'oubliais la 2e question. ...aujourd'hui on a des ressources importantes disponibles qui nous garantissent, avec le rythme actuel de développement du nucléaire tel qu'il est anticipé, grosso modo un demi-siècle ou un siècle d'autonomie. Mais il faut tout de suite préciser en disant cela que... Une notion sur laquelle je n'ai pas insisté, c'est la différence entre réserve et ressource. Quand on dit qu'on a des réserves, on dit : "Je suis capable de chercher tant de matières à tel prix." Si le prix est 2 fois plus cher, je peux chercher beaucoup de matières, donc j'augmente mes réserves. Les réserves dépendent fortement du coût de la matière. Comme pour le coût de l'uranium. Son coût joue peu sur le coût de l'électricité produite par le nucléaire. Donc on a une élasticité sur les réserves en uranium. Si on se prenait un facteur 5, 6 ou 7 sur le prix de l'uranium, on augmenterait les réserves économiquement accessibles sans impact significatif sur le coût de l'électricité. C'est évidemment un premier potentiel de croissance qui est important. Après on est loin d'avoir exploré toutes les régions du monde et il y a un tas d'endroits avec des réserves qui ne sont pas encore identifiées et mises en exploitation, que ce soit en Afrique ou en Chine, par exemple. Donc il y a du potentiel, sans parler de la 4e génération et de l'utilisation plus extensive de l'isotope 238. Bonsoir. Tout d'abord, merci pour votre présentation très instructive et pédagogique. Vous avez montré de belles courbes exponentielles sur la consommation attendue des métaux. Vous avez expliqué que beaucoup de métaux vont être critiques dans leur approvisionnement. Est-ce que, comme on l'a fait avec le pétrole pour estimer des moments où on atteindra un pic de production à partir duquel l'extraction devient très difficile, est-ce qu'on a une idée d'un pic équivalent pour les métaux que vous avez présentés ? Est-ce qu'on peut se dire que d'ici 2100, le fait que le recyclage ne marche pas et que la consommation explose, il y en aura plus assez pour tous ? La question se pose différemment car ces ressources n'ont pas la même origine. Le pétrole, c'est de la matière organique qui, il y a 200 millions d'années, a été piégée à un endroit bien précis et s'est transformée sous l'effet de la pression et de la température. Donc on a une ressource finie et en dehors de ces endroits où elle s'est déposée, il n'y en a pas. Les ressources minérales, ce n'est pas ça. On a eu la nucléosynthèse après le Big Bang, on a créé un certain nombre d'atomes et il y en a partout. N'importe quel élément aura quelques atomes d'uranium. Mais c'est insignifiant. Les ressources, il y en a partout et on cherche les endroits où elles sont suffisamment concentrées. Du coup, vous avez pas de vrai épuisement des ressources. La vraie question, c'est qu'à un moment vous allez dépenser plus d'énergie pour chercher tels matériaux que l'énergie que vous allez récupérer en fabriquant une centrale, un panneau solaire ou une éolienne. Auquel cas, vous êtes au bout de ce qui est accessible. Et il ne vous reste que l'espoir d'améliorer l'efficacité énergétique des technologies. Donc le débat ne se positionne pas de la même manière. Et je pense pas qu'on puisse parler du... du peak copper ou du peak je ne sais pas quoi... Ce n'est pas la même approche. Merci. Je suis frappé par le nombre d'idées fausses qui sont transmises dans la société par les médias concernant les éoliennes, etc, à travers le manque d'informations concernant la rareté des métaux que vous venez d'exposer. Est-ce que le BRGM envisage de faire des articles ou d'avoir un plan média pour rétablir la situation et la connaissance dans la société française ? Le BRGM fait beaucoup de médiation scientifique, en termes de communication, que ce soit au titre du BRGM ou pour le compte des pouvoirs publics. Je peux vous renvoyer sur un site que j'aurais pu préciser qui s'appelle Mineral Info, le site d'information sur toutes les ressources minérales et qui est géré par le BRGM pour le compte des ministères. Et d'autre part, on est déjà relativement présents dans les médias. Il ne se passe quasiment pas une journée sans qu'on ait une sollicitation. Néanmoins, je vous rejoins sur le fait qu'on a été assez timorés ou timides dans la prise de position sur un nombre de débats, C'est quelque chose qu'on souhaite rectifier, au niveau de la direction générale, avec la présidente, dans les années qui viennent. Ça ne se change pas d'un claquement de doigts. Il faut qu'on porte des messages un peu plus clairs. Pour alimenter le débat public, chacun est libre, évidemment, d'utiliser cette information comme il le souhaite. Joël Allard, retraité de l'aéronautique. Vous avez parlé du recyclage de matériaux et du fait qu'une petite partie des matériaux peut être recyclée. Je me pose la question du bilan carbone du recyclage de matériaux. Considérant que quand il faudra recycler des matériaux dans les décennies à venir, l'énergie sera peut-être encore fossile en grande partie, donc je me pose la question : en termes de bilan carbone, est-ce que ce sera positif par rapport à l'extraction dans des mines ? C'est une bonne question et c'est un critère important pour les équipes qui développent des procédés de recyclage. Le recyclage n'a de sens que s'il a moins d'impact que chercher une ressource primaire dans le sous-sol. Sinon on a un problème. Et ce n'est pas uniquement le bilan carbone, mais aussi la consommation en eau, en produits chimiques et la consommation énergétique. Un vrai critère important derrière tout ça, c'est le retour sur investissement énergétique. Ce sont des choses qu'on regarde. Néanmoins, aujourd'hui on peut vous rassurer. C'est à dire que pour les matériaux et éléments qui ont été étudiés, on sait concevoir des procédés intéressants d'un point de vue environnemental et énergétique. Si je peux me permettre d'intervenir, les procédés utilisés pour le recyclage sont les mêmes procédés qu'on utilise pour extraire des métaux ou d'autres minéraux des ressources minérales. On utilise exactement les mêmes techniques, que ce soit de l'hydrométallurgie ou de la pyrométallurgie. Voilà, donc on extrait aussi de la même manière. Ce qui compte aussi dans le bilan carbone, ça va être la récupération, pour pouvoir recycler, des choses qui sont disséminées dans la technosphère, qui sont utilisées par tout le monde. C'est donc cette récupération des métaux qui va aussi avoir un coût en CO2 dans le transport de la matière pour les récupérer auprès des gens et les ramener dans des usines de recyclage. Et ça, effectivement, ça a aussi un bilan en CO2. Je vais rajouter un point. Ce point-là est extrêmement important et ça nous amène à une réflexion... Quand je dis "nous", ce sont les scientifiques qui travaillent sur ce sujet, au BRGM ou ailleurs. C'est qu'il va sans doute falloir qu'on construise des chaînes d'usage. Je m'explique. Si on purifie de manière parfaite un élément chimique, il ne reste aucune impureté, il sera plus facile à recycler que si on en a fait un alliage avec plein d'autres éléments chimiques en traces. Dans le cas où on met des éléments en traces, je ne suis pas sûr qu'il sera rentable de chercher un pouillème mélangé à plein de choses d'un point de vue énergétique. Il faut qu'on réfléchisse à l'ordre dans lequel on utilise une matière. D'abord, je vais l'utiliser dans quelque chose de concentré pour facilement la recycler et à l'étape où je l'utilise dans quelque chose de dispersé et que ça coûte trop cher de la récupérer, ce sera une dernière étape après plusieurs usages différents. Il faut organiser l'usage de la matière, sinon on va se prendre le mur. Bonsoir, merci beaucoup pour votre présentation. J'aimerais rebondir sur votre commentaire sur l'organisation de la répartition de la matière. Je suppose que ces choses devront passer par des institutions et une discussion politique. Est-ce que vous identifiez aujourd'hui des institutions qui pourraient avoir ce rôle ? Ou est-ce que ce sont des institutions à créer et quelles formes elles pourraient prendre ? Merci. Je me garderai bien de répondre à la dernière partie, savoir la forme qu'elle doit prendre. Par contre, ce qui est clair, c'est qu'on a besoin d'organiser nos filières industrielles et on a déjà des outils pour ça, même s'il ne sont pas parfaits. Je pense aux Comités Stratégiques de Filière sur un nombre de grandes filières qui sont là pour coordonner les différents acteurs industriels sur un objectif, par exemple, l'aéronautique ou l'automobile, et qui fonctionnent assez bien. L'analyse qu'on a fait dans le rapport Varin remis au gouvernement sur la fragilité des filières industrielles s'est appuyée sur ces comités stratégiques qui permettent d'organiser et de structurer une activité. Est-ce qu'ils pourront structurer les chaînes de valeur ? Je ne sais pas. Je pense que c'est sans doute le marché qui va gouverner ça parce que le prix de la matière dépendra de son niveau de pureté ou de dispersion et que de ce fait, ça peut organiser spontanément les usages dans un sens puis dans un autre. Donc ce sera un mélange entre du normatif via des institutions et des coûts de matières qui seront pas les mêmes. Bonjour, Salomé Queffeulou du RVE du CEA de Marcoule. Je travaille dans le recyclage de batteries Lithium-Ion depuis 4 ans et déjà, je vous remercie pour cette présentation. Ça montre à tout le monde l'importance du recyclage bien qu'il soit une part faible de la solution. Mais ça donne aussi un sens au métier que je peux faire, et mes collègues aussi. Mais c'est vrai que ça nous... Pour une réaction un peu plus émotionnelle, ça nous... Il faut donner un petit peu d'espoir, disons, parce que... en voyant tout ça, on est un peu... Ça déprime. Si je peux me permettre de rebondir sur ce propos, si le message que vous retirez... Enfin, je souhaite corriger le message que j'ai donné. Non, il était dans le bon sens, mais si on prend du recul et on voit la big picture, on... Désolée, je suis quelqu'un de très émotionnel. Je vais me calmer mais... je suis passionnée par mon métier et à voir tout ça, on se dit : "Mon Dieu, mais on va où ?" Mais je vais continuer à travailler, pas de problème ! Et essayer de trouver des solutions, bien entendu. Mais voilà, c'est vrai que ça fait un peu peur. Peut-être... Il y a plusieurs éléments par rapport à ça. Je comprends que ça fasse peur dans la complexité des problèmes. C'est à dire qu'il faut tuer une bonne fois pour toutes les solutions simples et ceux qui essaient d'en vendre. Il y en a pas. On est face à un monde complexe et on est surtout face à une situation où toutes les solutions sont bonnes à prendre. Et on n'a vraiment aucun droit d'en laisser de côté si elles répondent à l'enjeu du changement climatique et de la lutte contre l'effet de serre. Évidemment, le recyclage est extrêmement important. C'est une partie de la solution, mais pas l'intégralité de la réponse. Ça, c'est un point important. Le 2e point, c'est qu'il faut avancer et qu'on s'améliore sur l'efficacité énergétique. Il y a sans doute une certaine sobriété énergétique qui fait qu'on va peut-être aplatir les courbes plus que ce que je vous ai montré. Il y a un point que je n'ai pas suffisamment détaillé, qui ressortait dans une décision prise à l'issue du rapport Varin : la technologie évolue très vite. On le voit sur les batteries, j'imagine que vous suivez ça, mais aussi sur les moteurs et tout un tas de sujets. Donc ce bilan est fait avec les technologies d'aujourd'hui. Si on fait l'exposé dans 5 ou 10 ans, on aura un point de vue différent car on améliore les technologies à grande vitesse. Je ne dis pas que la technologie va tout résoudre et que ce n'est pas la peine de se bouger et faire des efforts. Néanmoins, c'est une partie de la solution. C'est à dire que... Par exemple, jusqu'à il y a pas longtemps, on faisait des batteries avec des cathodes NMC, nickel, manganèse, cobalt. Aujourd'hui, des grands pays comme la Chine basculent et se disent que pour certains usages, on ferait mieux d'avoir des cathodes lithium, fer, phosphate. Donc, ils ont moins besoin de cobalt, de nickel, etc. Ça change toutes mes images. Parce qu'on apprend en marchant, sur tout ça. On est face à des problèmes nouveaux, donc on se rend compte que... Il faut sortir des solutions simples et uniques. On essaie d'appliquer les mêmes technologies et solutions pour un tas de problèmes différents mais il faut faire des choses sur mesure. On n'aura pas la même batterie pour un véhicule de ville avec quelques km par jour qu'un véhicule de longue distance, un camion ou un bus. On commence juste à intégrer ça et donc ça va permettre d'élargir la palette des possibles et aussi de réduire, je dirais, l'ampleur des montagnes qu'on a à monter collectivement. Merci, je vous prie de m'excuser.
Colloque "Enjeux du sous-sol au 21e siècle" - Sécuriser l'approvisionnement en ressources minérales
Transcription
Merci à tous d'avoir retrouvé vos sièges dans cette magnifique salle du Collège de France. Nous allons débuter la seconde table ronde, et je vais inviter les intervenants de cette seconde table ronde à monter sur scène. Cette table ronde sera animée par Myrtille Delamarche, qui est rédactrice en chef de L'Usine des matières premières, je ne crois pas me tromper en le disant. Vous pouvez vous placer comme vous le voulez. Nous mettrons ensuite vos noms en face de vos places, là où vous êtes installés. Et je vais passer... Je la laisse quand même d'abord se servir un petit verre d'eau car on sait qu'il est parfois bon de s'humecter la gorge avant de prendre parole. Et je vais laisser... On va mettre les noms des différents intervenants face à eux. On va peut-être afficher l'intitulé de la table ronde. Voilà, cette seconde table ronde va s'ouvrir sur un thème ô combien important pour le BRGM, qui est celui des ressources et de la sécurisation de l'approvisionnement en ressources minérales stratégiques. Et pour discuter de ce thème autour d'une animation que va faire Myrtille Delamarche, nous allons donc proposer différents points de vue, différents sujets, différentes expressions. Et maintenant, j'en ai sans doute trop dit, donc je laisse Myrtille Delamarche prendre la suite.
Effectivement, on m'a confié cette seconde table ronde et le rôle de vous empêcher de vous endormir. On va parler de comment sécuriser l'approvisionnement en ressources minérales stratégiques. Je ne vous cache pas qu'en tant que journaliste spécialisée, je vois passer, de sources très sérieuses, toutes aussi sérieuses les unes que les autres, des projections diverses et variées sur nos besoins en ressources à l'avenir et notre capacité à s'approvisionner dans ces ressources. Je lis dans la très sérieuse revue de la Société de l'industrie minière que d'ici 2025, il nous faudrait rehausser la production mondiale de dysprosium de 664 %, celle de cobalt de 34 900 %... Je suis sérieuse. Que le seul Royaume-Uni, pour électrifier à 100 % son parc automobile, aurait besoin de deux fois la production mondiale actuelle de cobalt, de l'entièreté de celle de néodyme, des 3/4 du lithium mondial... Bref, beaucoup de projections alarmantes. Donc je voulais voir avec mes invités quel était leur ressenti sur ces matières et les solutions pour pallier ces risques. Pour en parler, je reçois aujourd'hui Victoire de Margerie, cofondatrice et vice-présidente du World Materials Forum. Bonjour. Philippe Chalmin, professeur d'histoire économique à l'Université Paris-Dauphine, fondateur du Cercle Cyclope. Bonjour. Paolo De Sa, consultant en industries extractives, ancien responsable mines et énergies à la Banque mondiale. Et Christian Polak, expert terres rares et minéraux stratégiques, conseiller senior du département stratégie et business development chez Orano Mining. Il est également président du conseil de l'École de géologie de Nancy.
Bonjour.
Et pour le BRGM, je reçois Pierre Toulhoat, directeur général délégué.
Bonjour.
Comme je le disais, il existe de très nombreuses évaluations de la criticité des métaux et minéraux. Ces métaux sont critiques et stratégiques pour qui ? Selon quels critères ? Paolo De Sa, je crois que vous avez des éléments tirés d'une étude de la Banque mondiale.
Voilà, tout à fait. Merci. Bonjour à tout le monde. Félicitations au BRGM pour son anniversaire et merci de l'invitation. J'ai dirigé le groupe de mines et hydrocarbures de la Banque mondiale pendant un certain nombre d'années. Ce groupe vient de publier récemment, en 2017, des prévisions sur la croissance de demandes de certains minéraux qui seront utilisés de plus en plus dans certaines industries de pointe, ici, l'étude couvre surtout les énergies renouvelables, éolien et solaire, surtout, l'industrie automobile et le stockage d'énergies. Et donc les chiffres, les résultats de ces projections de l'étude de la Banque mondiale, comme vous voyez, sont affolants, avec le lithium comme toute première vedette pour les batteries... et en justifiant l'engouement vers le développement de gisements de lithium, soit par évaporation en Amérique latine, le fameux triangle de Bolivie, Argentine et Chili, soit une roche dure en Australie... Le cobalt, dont le monde dépend, malheureusement, les pays dont la stabilité politique n'est pas très forte, surtout la République démocratique du Congo, et, dans une moindre mesure, la Zambie, et certains matériaux connus, comme les terres rares. Je voulais quand même remarquer que même pour des produits un peu conventionnels, comme le cuivre, dont les projections de la Banque mondiale tablent sur une croissance d'ici 2050 d'environ 7 %. Pour ces nouvelles industries, dans l'ensemble, ça pose des problèmes importants en termes de développement de nouveaux gisements qui pourraient répondre à cette croissance-là. Un bon nombre des gisements de cuivre qui sont en exploitation sont anciens. Il y a pas mal de clôtures prévues dans les années qui viennent, au Chili, dans d'autres pays. Donc les sociétés minières, actuellement, se précipitent vers des gisements de cuivre connus mais non développés, surtout en Amérique latine, mais il y a aussi, par exemple, l'Australie, qui cherche désespérément un autre méga-gisement de cuivre pour redynamiser son industrie minière à ce niveau-là. Donc il y a beaucoup d'incertitudes, comme vous l'avez remarqué sur ces projections. On a beaucoup parlé dans la 1re table ronde de la rupture climatique, de la rupture numérique. Moi, je voudrais, en tant qu'économiste, mettre l'accent sur la rupture industrielle, la révolution industrielle 4.0 qui a démarré, qui va changer beaucoup les méthodes de production et les métaux demandés par les industries nouvelles, si je peux me permettre, mais aussi la rupture commerciale. On vit actuelle dans une période de guerre commerciale qui éclate partout et qui donc risque de mettre en cause le modèle de développement économique des 20 dernières années basé sur les échanges et sur la mondialisation. On croyait, jusqu'à très peu de temps, que la Chine allait produire tout, allait être l'usine manufacturière du monde et que tous les pays allaient arrêter de produire. Les États-Unis sont en train de remettre drastiquement cette notion en question. Ils sont en train de redemander à ces entreprises de rapatrier une partie importante de sa production industrielle avec soit des subventions, des investissements domestiques, soit avec des tarifs à l'exportation qui chamboulent de façon très importante le commerce international et l'ordre commercial international basé sur l'Organisation mondiale du commerce. Là, on se pose la question : qui va être la nouvelle usine manufacturière du monde ? Quels pays vont remplir cette position ? Ça ne sera plus seulement la Chine, ça, c'est sûr, mais on ne sait pas ce qui va se profiler à l'horizon et surtout quelles seront les politiques d'approvisionnement de ces nouvelles puissances industrielles. Le 2e slide est déjà là. Les États-Unis, face à cette période d'incertitude, se sont déjà dotés d'une initiative de sécurisation des approvisionnements en matières premières, qu'ils ont appelée Initiative sur la gouvernance des ressources énergétiques, qui a comme objectif affiché de réduire la dominance de la Chine sur la manufacture des industries de pointe et sur l'approvisionnement et donc sur la consommation de ces matériaux dits stratégiques. Donc les États-Unis ont nommé 35 substances comme étant stratégiques, c'est un peu le produit du passé. Il y avait déjà une liste depuis les années 60. Il y avait des listes de matériaux stratégiques. On n'a pas enlevé des matériaux, on a ajouté de nouveaux produits. Mais ce qui est intéressant, et on en parlera plus tard, c'est que la stratégie des États-Unis, contrairement à la stratégie de l'Union européenne, par exemple, s'est basée sur le développement de l'or, s'est basée essentiellement sur une politique de facilitation d'investissements étrangers dans la mine, dans la production, la découverte et le développement de nouveaux gisements miniers. Et les pays qui se sont ralliés à cette initiative des États-Unis sont surtout des pays avec un fort potentiel minier qui espèrent bénéficier de cette initiative pour voir une croissance importante de leurs investissements dans l'industrie minière.
Merci. Pierre Toulhoat, dans le cadre du World Materials Forum, le BRGM et un certain nombre de partenaires ont travaillé sur une autre forme d'évaluation de la criticité des matériaux pour l'industrie. Vous pouvez nous en dire quelques mots ?
Tout d'abord, je voudrais dire que la criticité, bien sûr, c'est un concept qui allie l'intensité de la demande, l'offre qui est en face de la demande et les enjeux stratégiques associés aux différents minéraux qui sont derrière. Le BRGM travaille régulièrement bien sûr pour ses ministères de tutelle, pour évaluer et produire ces fiches de criticité. Mais depuis relativement peu, on a travaillé, dans le cadre du World Materials Forum, sous l'impulsion de Victoire, pour essayer de fournir des évaluations de criticité qui ne soient pas spécifiques d'un pays, d'un gouvernement ou bien d'un continent, mais qui puissent être appropriées par les acteurs industriels et de manière assez collective, par contre en ciblant un certain nombre de grands marchés ou de grands domaines d'utilisation. On a produit une méthodologie qui est simple. Beaucoup d'équipes travaillent sur la criticité et produisent des algorithmes, des formules extrêmement complexes. On a voulu être à la fois simples et pragmatiques. À partir des 6 critères que vous voyez... Pardon, juste la slide précédente. Le nombre d'années de réserves, à partir de la base incontournable de nos collègues de l'USGS, l'équivalent américain du BRGM. Des incertitudes sur l'approvisionnement. Le degré d'exposition politique de la zone où est produite le minéral en question. Une évaluation qualitative de la recyclabilité. Certains métaux sont très facilement recyclés. D'autres, comme les fameuses terres rares, par exemple, sont recyclables à plus de 1 %. Les questions reliées à l'incertitude sur la demande, avec beaucoup d'oscillations dans la demande et des technologies qui sont encore très labiles. L'évolution technologique très rapide est extrêmement importante dans ces études de criticité. Et enfin, la vulnérabilité sur un certain nombre de secteurs clés. Qu'est-ce qui se passe si jamais on a tout d'un coup une rupture d'approvisionnement ? Avec nos collègues de CRU et de McKinsey, et bien sûr les collègues du BRGM, qui sont très motivés pour travailler là-dessus, on a cartographié cette criticité sur la base du tableau périodique des éléments. On a coté en rouge évidemment les métaux qui nous apparaissent les plus critiques au regard des critères que je viens d'évoquer. Évidemment, ça recouvre ce que Paolo De Sa vient de nous présenter. On retrouve les mêmes ingrédients avec les métaux liés à la transition énergétique. Et vous voyez un exemple. Le cobalt apparaît avec une très forte criticité parce qu'il est plus exposé politiquement que le lithium. Le lithium est finalement relativement abondant dans la croûte terrestre. Il faut aller le chercher, mais il y en a dans beaucoup de roches dures, sur beaucoup de boucliers anciens. On voit apparaître évidemment les 3 terres rares les plus utilisées pour la transition énergétique, pour l'électronique en général. Et puis on a vu apparaître le tungstène qui est vraiment en rouge vif, qui a beaucoup d'usages qui sont en train de se transformer, notamment autour des hautes technologies. Et puis des métaux un peu moins attendus comme l'étain. L'année précédente, on a vu le zinc. La situation s'est améliorée, mais l'étain, par exemple, est un métal qui est sous très forte tension et qui continuera à l'être. On étudie bien sûr, depuis qu'on a commencé ce travail, on regarde tous les ans comment ça évolue. Et je crois que Victoire va commenter un peu les progrès, comment est-ce que ce système de criticité, on le regarde de manière dynamique, et comment on voit les efforts, que ce soient des industriels pour s'adapter ou bien des pays pour faire évoluer leur politique.
Effectivement, mais Avant qu'on en arrive aux solutions, je voudrais évoquer un autre risque parce qu'outre cette criticité qui est à géométrie variable, il existe un autre facteur qui est la volatilité des cours. Philippe Chalmin, vous pouvez nous éclairer un peu sur la fixation des différents prix des métaux ?
Bien. En me rappelant que nous fêtons les 60 ans du BRGM, je me dis que la vie était quand même beaucoup plus simple il y a 60 ans. C'est qu'il y a 60 ans, un géologue du BRGM pouvait aller se coucher et il savait que le lendemain matin, il retrouverait au même niveau de prix le cuivre, peut-être moins le cuivre, l'aluminium, le nickel, le minerai de fer, mais aussi le vanadium, le cobalt, puisque l'on avait à l'époque des systèmes de cartels. Le prix mondial de l'aluminium, c'était l'Alcan world price. Le prix du nickel, c'était le prix d'Inco. Le prix du cobalt... Alors, on pouvait discuter, c'était normalement le prix de la Gécamines. Le prix du vanadium, c'était le prix d'Heiveld. Le prix du pétrole, faut-il le rappeler, c'était le prix d'abord du cartel des compagnies puis de l'OPEP. Et puis nous étions dans un univers monétairement stable. C'est-à-dire que le dollar et le franc de l'époque ne variaient pas, si ce n'est quand le gouvernement français dévaluait pendant que les Français étaient sur la plage un week-end du mois d'août. Donc on était dans un monde marqué au coin de la stabilité. Oui, il y avait déjà des marchés à terme. On a le 1er marché à terme des métaux qui fonctionnait au LME, c'était un contrat sur l'étain. Mais ces marchés à terme restaient quand même relativement limités. Nous étions dans un monde de cartels, appelons un chat un chat. Le prix de l'acier se discutait entre gens de bonne compagnie qui étaient les grandes compagnies sidérurgiques. Tout ceci a totalement disparu. Et aujourd'hui, ma seule certitude est que le prix demain sera différent d'aujourd'hui, ce qui introduit, bien entendu, une incertitude majeure dès lors que vous vous intéressez au développement d'un produit. J'entends Pierre Toulhoat me dire : "Le cobalt, c'est dangereux." Et spontanément, je me dis "oui". 60 % des réserves de cobalt en République démocratique du Congo, bien peu démocratique, comme vous le savez, c'est effectivement dangereux. Le problème, c'est que depuis le début de l'année, le prix du cobalt a perdu 45 % de sa valeur. Au point que Glencore, le 1er producteur mondial, a fermé sa mine de Mutanda. Même évolution en ce qui concerne le lithium. Par contre, je vous incite, juste pour le moment, à regarder le palladium, puisque le palladium étant utilisé pour les pots catalytiques de nos voitures à essence et non plus diesel, le palladium a encore hier battu un record. La volatilité, aujourd'hui, elle est là. Et alors, il faut introduire une 2e différence entre, je dirais, les métaux qui ont des modèles de formation, des prix relativement transparents. Et là, je veux parler des marchés à terme. Vous pouvez dire tout ce que vous voulez du London Metal Exchange, etc. Et je sais que, en particulier en France, nous avons tendance à ne voir là que vaines spéculations. J'attire votre attention sur le fait qu'à partir du moment où je sais que demain, le prix sera différent d'aujourd'hui, je suis obligé d'anticiper, je suis donc obligé de spéculer. "Speculare" en latin, ça veut dire se projeter en avant, regarder dans le lointain. Et donc il est clair qu'au cœur de l'activité minière, il y a de plus en plus cette fonction spéculative. Soit elle se passe par le biais des grands marchés à terme, ce qu'on appelle les marchés de "futures", le London Metal Exchange, le marché de Shanghai de plus en plus, un peu celui de New York où vous retrouvez les principaux métaux, les 6 grands métaux non ferreux. Il y a maintenant à Londres un contrat sur le cobalt qui commence à être à peu près représentatif. Mais le problème, c'est que sur nombre de petits marchés, ce qu'on appelle des "minor metals", qui occupent une bonne place dans ce tableau, vous n'avez pas suffisamment de profondeur spéculative et vous avez ce que l'on appelle des marchés OTC, "over the counter", marchés de gré à gré dont les mercuriales sont d'une fiabilité discutable, ce qui pose peut-être encore plus de problèmes. Nous avons eu récemment, sur nombre de petits métaux, un véritable scandale puisqu'il s'était créé une sorte de bourse en Chine, le Fanya Metal Exchange, qui avait accumulé des stocks que le gouvernement chinois, ils ont fait faillite, ces braves gens, essaie d'écouler sans trop perturber les marchés. Nous avons, au point de vue presque de la théorie économique, des marchés largement imparfaits qui n'offrent pas la transparence suffisante. Il y a des agences de presse comme Metal Bulletin, dont la fonction est de publier des cours et des prix. Leur représentativité est parfois douteuse, et ça explique en particulier qu'on puisse avoir des extrêmes, puisque même si les prix sont des prix de référence, les volumes passant par les marchés sont souvent relativement simples. Donc nous sommes dans des situations très imparfaites, mais il ne faut pas se faire d'illusions, le temps de la stabilité est un temps révolu. Donc dans tout projet minier, il faut intégrer ce risque spéculatif qui est bien entendu de ne pas savoir ce que, demain, sera le prix d'un métal. Je pense que, finalement, l'éclatement de la bulle sur les 24 derniers mois de ce que j'appelle les métaux électriques, c'est-à-dire les métaux qui avaient profité du boom théorique des batteries... J'entends bien que la demande de cobalt va exploser. Le problème, c'est qu'actuellement, le marché est tellement excédentaire que personne ne s'y retrouve. Et donc on voit bien, à l'heure actuelle, que cette instabilité, elle est là. Et ne nous faisons pas d'illusions, la communauté internationale, en la matière, n'a pratiquement... n'a fait que peu d'efforts et il y a peu d'espérances pour que l'on revienne à une situation de marchés un peu plus stables.
Merci. Christian Polak, le marché de l'uranium ne connaît pas ces soubresauts. Je voudrais que vous m'en disiez un mot, et puis qu'assez rapidement... Pas à cette vitesse-là. Et que rapidement, vous me donniez votre lecture de ces marchés de métaux critiques.
Je vais d'abord commenter ce slide sur les métaux critiques. Effectivement, pour compléter les propos de M. Chalmin, il y a quelques petites choses qu'il faut quand même souligner sur les métaux critiques. D'abord, ce sont des marchés tout petits. Quand on parle des commodités, on parle de centaines de milliers de tonnes, de millions de tonnes de cuivre ou d'aluminium. Ici, on va parler de quelques tonnes, de quelques dizaines de tonnes, de centaines de tonnes. C'est-à-dire que la production mondiale pourrait tenir largement dans la salle pour un certain nombre de ces métaux. Donc vous voyez physiquement que l'on a un sujet assez important, c'est de se dire qu'on produit peu et on produit relativement cher, et on produit quand on veut et on essaye de suivre des conditions plutôt opportunistes du marché. Au niveau de l'offre, on peut décomposer un peu, sur ces métaux-là, la grande famille de ces métaux-là. D'abord, vous avez les fournisseurs monopolistiques, un pays d'Extrême-Orient que je ne citerai pas qui est largement producteur et dominateur du marché du tungstène, de l'antimoine et des terres rares. Ce pays guide les prix. Quand on parle des prix, la variation, la volatilité des prix des métaux, il se trouve que pour ces métaux-là, les prix sont à la botte de la Chine. C'est clair que quand il y a un producteur qui menace à l'horizon, comme par hasard, les prix baissent et ce producteur disparaît. On a vu ça en France dans les années 80, avec la disparition de la production de tungstène. Quand les Chinois sont arrivés sur le marché, ils ont squeezé la production en mettant des produits pas chers sur le marché. Ils ont fait fermer les mines et à ce moment-là, ils ont raugmenté les prix mais des produits semi-finis pour être sûrs qu'ils puissent à nouveau essayer de squeezer le marché des transformateurs de tungstène. Ils ont fait la même chose sur l'antimoine et ils ont fait la même chose sur les terres rares. On parlait tout à l'heure de La Rochelle. L'ambition de La Rochelle dans les années 80 n'est plus du tout celle qu'elle est aujourd'hui. Vous avez un autre sujet aussi, c'est les longs délais entre l'utilisation, l'achat de ces métaux et leur utilisation finale. Prenez un réacteur d'avion qui utilise des alliages avec du rhénium dedans, quand on achète du rhénium, va falloir le purifier, le mélanger, l'allier. Avant de l'usiner, d'en faire une pale et ensuite d'assembler ces pales dans un réacteur d'avion, ça prend plusieurs années. Donc entre l'achat et l'utilisation, le prix du métal peut fortement varier. Et curieusement, les gens du rhénium savent très bien gérer cette variation des prix. Lorsqu'un grand avionneur dit qu'il va fabriquer 300 avions, le fabricant producteur de rhénium réfléchit et dit : "Il faudra attendre 3-4 ans. "Il va falloir que ces gens nous prennent du rhénium. "On va augmenter les prix juste au moment où ils vont venir sur le marché." Donc on a une certaine légitimité de la part de ces producteurs de suivre le marché et d'y coller, et pouvoir effectivement faire bouger les prix. Alors, ces petits producteurs sont aussi... Les producteurs de ces métaux sont malheureusement... On a cité le Congo de M. Tchisekedi, qui est le nouveau président, en espérant qu'il amène un pays démocratique, comme son pays l'indique. Donc de production de cobalt, mais aussi du fameux coltan qui est l'abréviation d'un minerai qu'on appelle la colombo-tantalite, qui contient surtout du tantale. Le tantale est un métal qui est extrêmement utile pour tous nos appareils électroniques. Je rappelle que si on n'avait pas des condensateurs au tantale qui sont les plus puissants sur le marché, nos appareils téléphoniques ressembleraient aux talkies-walkies des années 70. Donc c'est des métaux qui sont indispensables à notre industrie électronique. Et malheureusement, une bonne partie du tantale provient du Congo et suscite malheureusement beaucoup de conflits. On appelait ça les "conflict minerals". Curieusement, les "conflict minerals", on les appelle les 3 TG, c'est-à-dire l'étain, le tungstène, le tantale et gold pour l'or. Et curieusement, il n'y a pas le cobalt dedans alors que le Congo est largement producteur, et qu'il y a une production assez sauvage de cobalt, qui est significative, qui provient aussi du Congo. Donc on a un souci effectivement de l'origine de ces matières, de la traçabilité de ces matières pour que ces matières rentrent dans le marché mondial. Il y a ensuite des produits fatals. C'est la 3e partie de l'offre. C'est les produits fatals mais qui sont complètement inélastiques. Vous fermez un certain nombre de mines de zinc, vous avez moins d'indium. Même si vous voulez plus d'indium, va falloir le sortir du minerai de zinc parce que c'est un sous-produit du minerai de zinc. Et c'est vrai aussi pour le germanium. Donc vous avez un certain nombre de produits sur lesquels quoi que vous fassiez, vous allez être dépendant d'un autre métal, d'une autre commodité. Si on produit plus de cuivre et de molybdène, on aura plus de rhénium aussi. Donc il y a une liaison malheureusement que, industriellement, il est très difficile à gérer. Donc ça, c'est du côté de l'offre. Du côté maintenant de la consommation, il n'y a pas de stock aujourd'hui, on stocke très peu. Pourtant, ça tiendrait au milieu de la salle si on travaillait sur du rhénium, c'est 40 tonnes par an. En plus, c'est lourd. Ça ferait un tout petit volume. Il n'y a pas de stockage, il n'y a pas de "warehouse" comme pour les commodités. Il n'y a pas de cotation des prix, effectivement, c'est très variable. On a des idées entre traders. Dans le Metal Bulletin, on voit parfois des prix qui représentent une certaine réalité, mais souvent très en retard par rapport à la réalité du marché du jour. Il y a une forte demande de la part des pays industrialisés et en fort développement : la Chine, l'Inde et les États-Unis. Et ce sont des achats qui sont plutôt à court terme et opportunistes. C'est des marchés de petits volumes. Moi, quand je suis arrivé dans l'uranium il y a 15 ans, j'ai été très surpris. Dans l'uranium, on est capable de vendre de l'uranium pour dans 10, 20, 30, 40 ans. On fait des contrats sur 40 ans. En arrivant dans ces petits métaux, je me suis dit : pourquoi ne pourrait-on pas envisager de construire un modèle de prix de telle sorte que nos avionneurs, nos électroniciens, nos fabricants de batteries puissent lisser convenablement les prix, prévoir les prix, de telle sorte aussi que les mineurs puissent avoir une rente sur un certain nombre de décades, de dizaines d'années et que finalement, le marché soit stabilisé, qu'on ait les productions, les quantités et les prix qui vont avec ? Il y a une réflexion à faire parce que sur l'uranium, ça fonctionne. J'ai un autre slide derrière, après. C'est pour vous donner quelques prix et caractéristiques des produits. Je reviens sur les quantités. Vous avez le prix en dollars en ordonnées, et en abscisse, la production avec les volumes. En bleu, les monopoles, donc les Chinois sur gallium, germanium, indium, tungstène et néodyme, et les métaux de conflit, le tantale, auxquels j'associe le cobalt, et un certain nombre d'autres petits produits. On parlait du scandium en cette année 2019 assez critique. Le rhénium, le béryllium qui est largement dominé par les Américains, pour une fois, et le niobium par le Brésil. Donc vous voyez cette courbe avec évidemment cette tendance. Plus le marché est gros, plus les prix sont réduits, ce qui a une certaine logique. Sur la pyramide de droite, est-ce qu'on fait des mines pour ces produits d'une façon spécifique ? Il y a beaucoup de sous-produits, et de construire une mine pour extraire 10 tonnes ou 5 tonnes de produit, c'est très difficile, voire ça n'a aucun intérêt pour les industriels. Là, on tombe dans le développement de mines artisanales. Et donc le risque, c'est ce qui se passe en Afrique centrale, c'est qu'on a des productions artisanales de la part de villageois, de la part de seigneurs de la guerre parce que ça se produit facilement et rapidement. Je signalerais au passage, puisqu'ici, nous sommes pour les 60 ans du BRGM et que le BRGM a fait un beau travail en Guyane pour déterminer des grands placers de tantalites... Je ne sais pas s'il y a des industriels que ça peut intéresser, mais la qualité de cette tantalite est excellente, comme d'ailleurs dans tout le bouclier guyanais, qu'on retrouve aussi en Afrique, au Ghana et en Côte d'Ivoire, là, il y a un sujet à faire dans des pays où, heureusement pour l'instant, j'espère qu'ils n'arriveront jamais, il n'y aura jamais de conflits. Donc avis aux industriels pour aller chercher du tantale. Nouvelles mines, c'est nouvelles mines en coproduits. Après, en mono-produits, il y a de moins en moins de place, c'est petit et les prix augmentent fortement. Voilà un petit peu mon approche des métaux critiques. Et puis pensez à ces petites mines sur nos territoires qui ne demandent pas des gros investissements. Il faut aussi réfléchir, entre l'utilisateur final, par exemple les avionneurs, et le producteur de rhénium, d'essayer de trouver un prix qui puisse satisfaire tout le monde sur une très longue période.
Merci. Puisqu'on voit qu'il reste encore des modèles à inventer pour ouvrir de nouvelles mines, et on parlera d'où on les ouvre un peu plus tard, je voulais savoir dans quelle mesure et avec quelles limites on pouvait compter sur le recyclage pour participer à ces approvisionnements, Paolo De Sa.Merci. Je voudrais commencer par dire que le recyclage est effectivement essentiel pour garantir l'approvisionnement en matières premières et secondaires pour les industries consommatrices. Mais à mon avis, c'est peut-être une position un peu controversée, on ne fait pas assez en termes de recyclage. Les métaux font beaucoup plus que les plastiques, par exemple, quand on commence à se rendre compte de la dimension en termes de pollution planétaire, mais on ne fait pas assez. Je voulais commencer par annoncer, si je peux me permettre, trois idées reçues sur le recyclage des métaux qui polluent un peu la discussion sur l'économie circulaire, quand on parle d'approvisionnement en matières premières. La 1re idée reçue qui n'est pas vraie, c'est que les métaux peuvent se recycler à l'infini. Ce n'est pas vrai parce que malheureusement, dans le processus de recyclage, il y a deux facteurs qui interviennent et qui réduisent beaucoup la valeur des métaux et le rendement des métaux, c'est le triage et la contamination. D'un côté, on trie très mal les différents éléments. Par exemple, dans les téléphones cellulaires, il y a beaucoup de métaux et beaucoup d'éléments. Mis à part l'or, on n'est pas capable d'enlever les différents métaux et de les traiter avec les procédés nécessaires pour qu'ils puissent maintenir une certaine pureté et leur valeur intrinsèque. L'autre côté donc qui est lié à celui-là, c'est la contamination. Par exemple, les voitures. On recycle pas mal d'acier des voitures, mais les voitures sont des ordinateurs sur 4 roues. Il y a de plus en plus d'électronique et de cuivre. Le cuivre pollue l'acier et les ferrages qui proviennent de... Elles ne sont pas proprement triées et le cuivre n'est pas enlevé. Donc c'est des produits de très mauvaise qualité qui ne servent pas à la production. Ce sont des produits de très faible qualité. La 2e idée perçue, c'est que dans le monde du futur, dans 20 ans, on peut vivre uniquement avec la production de métaux secondaires issus du recyclage. C'est les projections sur la consommation de métaux, surtout liés aux énergies renouvelables, qui se matérialisent dans ces croissances exponentielles. On l'a déjà dit, il y a beaucoup de produits dont la production primaire est très limitée, donc on ne peut pas envisager dans l'immédiat un recyclage très important, capable de remplacer la production primaire. Et donc on aura toujours, pour des problèmes de qualité, c'est-à-dire réduire la pollution du recyclage, et pour des problèmes de qualité, on aura toujours besoin d'ajouter du minerai nouveau, des minerais primaires à la production du recyclage. Et la 3e idée, c'est qu'on va manquer de métaux primaires. Souvent, dans les discussions d'économie circulaire, on conclue qu'on n'aura pas suffisamment de minerais pour alimenter la demande future, donc qu'il va falloir faire autre chose. Je suis d'accord, il va falloir faire d'autres choses, mais s'il y a des problèmes au niveau de la production de métaux primaires, ce n'est pas lié à la géologie. Il n'y a pas un problème de géologie qui entraînerait une incapacité du monde à remplir ses besoins en termes de matières premières. Les problèmes qu'on a évoqués pendant la 1re table ronde sont surtout des problèmes à la surface, pas du sous-sol. C'est surtout une très mauvaise acceptation des populations, grandissantes par ailleurs, sur les impacts environnementaux et sociaux de la mine. Au niveau environnemental, les sociétés minières ont beaucoup travaillé, donc il y a des progrès importants enregistrés. Mais au niveau social, et là on parle surtout des pays en voie de développement, riches en matières premières, il y a des conflits sociaux grandissants autour du développement des mines, qui doivent être gérés par les sociétés minières, sinon, on va vraiment tomber dans un problème de pénurie de minerais. L'autre slide, c'était juste pour vous donner quelques idées, de comment le recyclage des métaux pour l'instant est faible et comme il faudrait améliorer les techniques et les normes de recyclage pour augmenter cette participation. L'exemple le plus connu et le plus réussi, c'est l'acier. L'acier, ça marche très bien pour des chutes internes dans la sidérurgie ou pour les chutes d'acier manufacturé, par exemple dans l'industrie automobile. Mais dès que ça sort en consommation, la complexité du produit est telle que les ferrailles deviennent de plus en plus polluées et donc leur utilisation est de plus en plus compliquée. Et donc même si on parle de taux de recyclage de 70-80 % pour les ferrailles d'acier, en effet, aujourd'hui, la consommation mondiale d'acier n'est remplie par des métaux secondaires qu'au niveau de 30 %. Donc il y a un gisement de progrès énorme. Et l'acier, c'est le cas de succès des métaux. L'aluminium, c'est moins, c'est autour de 25 %. Et ça, c'est dû beaucoup aux schémas de responsabilité des producteurs d'aluminium qui collectent leurs cannettes. Au niveau de l'industrie automobile, et ça, c'est un autre exemple, avec le recyclage d'aluminium dans les moteurs d'automobile, le métal devient très pollué. Après le 2e ou le 3e recyclage, il doit être abandonné ou utilisé dans d'autres destinations. Et on ne parle pas des produits électroniques, où là, malheureusement pour les substances critiques, les matériaux stratégiques dont on a parlé, les taux de recyclage varient entre 1 et 5 %. Donc effectivement, je m'excuse de répéter l'idée, mais afin qu'on puisse vivre uniquement du recyclage, Il va falloir qu'on fasse beaucoup d'améliorations dans les méthodes. Merci.
Merci. On va devoir faire un peu rapidement sur la fin de cette question. Pierre Toulhoat, juste un mot sur les usages et la durée d'immobilisation de ces métaux qu'on pourrait recycler. Paolo De Sa a déjà bien décrit les freins au recyclage. La durée d'utilisation, je vais juste illustrer un paradoxe. On essaie de promouvoir la lutte contre l'obsolescence programmée et donc de faire durer les produits, les dispositifs le plus longtemps possible. Évidemment, ça ralentit leur disponibilité pour le recyclage. Donc on a une tension qui n'est pas simple à gérer. Et tant que la consommation croît, on va toujours courir après la disponibilité des produits. Donc c'est vraiment intrinsèque à cette notion de recyclage et son efficacité, la variable durée de vie moyenne des produits et puis la croissance de la consommation. L'autre point, ça a été aussi évoqué, c'est les usages dispersifs. C'est-à-dire qu'on va disperser les produits avec des propriétés très spécifiques. Patrick Dugue, mon collègue qui s'occupe précisément de ça au BRGM, rapportait récemment des échanges avec des collègues du Leti, qui conçoivent des circuits électroniques de plus en plus sophistiqués avec des nanocouches. Donc un certain nombre des métaux dont on parle vont être sur des couches nanométriques. Comment les récupérer ? Quels processus, quels procédés de recyclage ? Comment fragmenter cette matière pour récupérer efficacement ces métaux ? C'est compliqué. Il y a une autre problématique à laquelle il faut s'attaquer, c'est finalement : est-ce qu'on a besoin de recycler pour revenir à un produit pur ou bien à un oxyde ? En fait, il faut essayer de penser un cran plus loin et d'imaginer ce qu'on va pouvoir faire de familles de métaux que l'on va pouvoir recombiner, soit pour refaire des produits en sautant les étapes, soit pour faire de nouveaux produits. Et là, il y a de vrais défis scientifiques. Le recyclage n'est pas juste un procédé. On sait souvent que l'hydrométallurgie a quand même pas mal d'années derrière d'expérience, mais c'est de nouveaux concepts, des révolutions de pensée qui vont permettre de penser différemment le recyclage et l'usage du produit. Je pense que là, on a beaucoup de discussions encore à avoir.
Christian Polak, si l'on doit considérer la mine urbaine comme une mine, que pouvez-vous nous dire sur sa teneur de coupure ?
La définition de la teneur de coupure, pour les géologues et les mineurs, c'est une donnée qui est fondamentale, c'est à partir de quel niveau, quelle teneur... A partir de quel niveau, quelle teneur le minerai que vous allez exploiter peut être économique. Appliqué au recyclage, on arrive à des choses complètement étonnantes parce qu'on veut recycler, recycler, recycler. On a une dispersion qui peut se faire, on a une dilution dans les aciers ou les alliages d'aluminium. Là, je prends l'exemple du tantale. C'est des courbes à main levée, juste anecdotiques, mais qui montrent la difficulté que l'on aurait à vouloir extraire le tantale de tous les appareils téléphoniques, de tout l'électronique dont je vous ai parlé auparavant. Vous avez des teneurs dans les appareils, si je prends ça comme un minerai, dans un téléphone qui font de l'ordre de quelques dizaines, enfin quelques grammes à la tonne, voire 10 g à la tonne, on convertit, vous avez en abscisse en ppm. C'est une échelle logarithmique. Et puis en ordonnée, vous avez le pourcentage de la teneur. Donc vous voyez très bien en jaune la courbe de recyclage. Si on devait recycler directement l'appareil téléphonique, on voit qu'on a des teneurs extrêmement faibles. Moi, en tant que mineur, j'ai accès à du minerai. Vous avez la courbe bleue du milieu, avec une teneur de coupure autour des 150 ppm, 150 g à la tonne, c'est énorme, relativement abondant, j'en ai beaucoup, et puis j'ai un procédé qui est extrêmement simple qui me permet de sauter de 150 ppm à soudainement plusieurs dizaines de pourcents par une concentration mécanique de minéralurgie classique. C'est de la gravité, c'est du magnétisme, c'est des techniques extrêmement simples, très faciles. C'est pour ça, on revient sur les placers de Guyane, c'est des concentrations de quelques centaines de grammes, mais très rapidement, on arrive à des teneurs de plusieurs dizaines de pourcents. C'est des technologies très simples, robustes, mais qui sont inapplicables aujourd'hui au téléphone. On parlait de nouvelles technologies. Aujourd'hui, il n'y a pas de technologie qui amène les teneurs de téléphone à des teneurs acceptées par les métallurgistes. Parce que la teneur minimum acceptée par les métallurgistes, c'est 5 % de tantale. En dessous, ils n'en prennent pas. Donc c'est presque de ramasser les petits condensateurs par des pinces pour pouvoir les sortir. Donc là, il y a un défi technologique aujourd'hui. On parlait d'hydrométallurgie. L'hydrométallurgie n'est pas la solution. La solution sur l'hydrométallurgie arrive à la fin, sur le concentré de tantale quand il est extrêmement riche. Il faut trouver des procédés mécaniques, physiques qui soient le moins cher possible pour pouvoir essayer d'extraire ces petits métaux.
Merci. Philippe Chalmin, au-delà des difficultés technologiques de ce recyclage, vous parliez aussi, quand on préparait cette table ronde, des temps d'investissement pour les recycleurs sur des matières dont ils ne sont pas certains de pouvoir vendre leur production à la sortie.
On retrouve là un petit peu la même problématique que la mine. J'ai bien conscience d'être un béotien dans ce parterre. Je suis toujours frappé de voir que le temps de la mine est toujours plus long qu'on ne le pense. La dernière grande mine de cuivre, il me semble qu'elle a mis une bonne vingtaine d'années à être développée. Et donc on a, de toute manière, y compris pour la mine, le choc entre le court terme dû aux marchés et le long terme de l'investissement. Et pour le recyclage, c'est pareil. J'ai été interrogé il y a quelques années par une des grandes entreprises françaises, comme il n'y en a que deux, je vous laisserai deviner, du recyclage et de la récupération, qui me disait : "Il faut que, vraiment, on s'intéresse à tous vos petits machins, à tous vos petits métaux stratégiques et autres. Mais est-ce que vous pourriez nous dire, sachant que le temps de mettre en œuvre les process, etc, le temps d'arriver à ouvrir une usine et donc d'avoir tous les voisins protestant contre l'éventuelle pollution induite, etc," il va se passer quand même entre 5 et 10 ans entre le moment où on lance l'idée et le moment où celle-ci se réalise, qu'est-ce qui sera stratégique dans 10 ans ? Est-ce que, par exemple... Je parlais du palladium tout à l'heure. Le palladium, c'est intéressant. Je vous signale qu'actuellement, on fait plus que récupérer le palladium, on vole des voitures pour leur pot catalytique. Ça, c'est au moins tout à fait... Est-ce que dans 10 ans, les technologies n'auront pas tellement évolué que le palladium sera revenu à la place qu'occupe le platine aujourd'hui ? Nous sommes tous dans l'excitation. J'ai bien regardé les projections de la Banque mondiale. Horizon 2050 : +965 % de lithium. Franchement, qui est-ce qui sait... D'abord, est-ce qu'il y aura encore des voitures en 2050 ? On va imaginer qu'elles seront électriques. Qui est-ce qui sait ce que seront les batteries qui feront fonctionner lesdites voitures électriques ? Y aura-t-il encore du cobalt et du lithium ? Pour l'instant, je crois que dans cette salle, et vous entretenez, je l'espère, le doute scientifique, personne ne peut l'affirmer. Donc je me pose le même problème pour la production que pour le recyclage éventuel. Paolo De Sa a dit que le recyclage posait des problèmes. Il y a un métal qui est quand même très bien recyclé, justement sur les batteries, c'est le plomb. Pratiquement 60 % du plomb que nous consommons dans le monde, c'est du plomb de 2e fusion. Alors peut-être que ça s'use avec le temps, mais je crois que ça fonctionne relativement bien. Et c'est vrai que la collecte des batteries électriques usées, ça paraît relativement facile. Ensuite, je ne sais pas si c'est facile ou non à recycler, mais ce sont quand même des processus industriels lourds. Et si dans 10 ans, je me retrouve avec du lithium ou du cobalt recyclé dont personne ne voudra, et donc avec un prix de marché qui sera totalement déprimé, j'ai incontestablement un problème.
Victoire de Margerie, on a montré tous les freins du recyclage. Donnez-nous un peu d'espoir, vous qui discutez avec des grands groupes industriels de leur stratégie.
D'abord, je voudrais commencer par remercier Michel et Pierre de m'avoir invitée. C'est un grand honneur pour le World Materials Forum d'être représenté aujourd'hui. Je voudrais aussi remercier toutes les équipes du BRGM qui nous aident depuis 4 ans pour faire la fameuse présentation que Pierre a faite tout à l'heure. J'ai vu Dominique, j'ai vu Patrice. Je ne sais pas si Gaëtan est là. En tout cas, merci à vous trois de ce travail super parce que c'est vraiment d'une grande qualité et ça a recueilli la validation et le respect de toute la communauté industrielle qui y participe. Donc je voudrais dire qu'on a comme partenaires, World Materials forum, le patron d'Anglo American, le patron de Rio Tinto. On a aussi Ivanhoe Mines, on a Umicore, on a JX Nippon Mining and Metals dont soit le grand patron, soit le No2 vient à Nancy et valide quand même le résultat de ce qu'a présenté Pierre. Visiblement, ça a l'air de leur convenir et ils ont l'air de trouver que ça leur apporte quelque chose. Donc pour nous, c'est une belle reconnaissance. Et on a aussi la très belle reconnaissance des utilisateurs parce qu'on a aussi à Nancy, tous les ans, les grands patrons ou les No2 de Peugeot, de BMW, de Renault, d'Airbus, etc, qui sont tous dans la salle et qui aussi valident cette analyse et qui nous font leurs commentaires et qui nous permettent de l'améliorer d'année en année. Pierre vous a présenté la version 4. On est déjà en train de travailler à la 5. Le grand avantage, comme l'a dit Pierre tout à l'heure, c'est qu'on voit les améliorations. C'est-à-dire, nous, notre but, c'était d'organiser un certain découplage entre la croissance économique et la profitabilité des industriels d'un côté, et de l'autre côté, l'utilisation des ressources naturelles puisqu'on a une seule planète, pas deux, donc il faut bien qu'on vive avec. Et à partir de ça, Pierre vous a montré la colonne de gauche, et moi, je vais vous parler de la colonne de droite, c'est-à-dire les plans d'action. Et comme l'ont dit mes collègues depuis tout à l'heure, le problème de ces plans d'action, c'est qu'ils sont frappés, en tout cas pour 3 sur 5, par une grande incertitude. La 1re incertitude, c'est sur l'ouverture des nouvelles mines. Parce que bien sûr, il faut des capacités supplémentaires, en tout cas pour ceux qu'on a montrés en rouge, mais ces capacités supplémentaires sont frappées par 2 incertitudes : les fameux fly up que Philippe Chalmin a extrêmement bien commentés et la 2e incertitude, ce sont les législations en matière d'environnement qui, selon les pays, ne sont pas du tout les mêmes et qui sont en train d'évoluer de manière pas forcément coordonnée. C'est aussi un des objectifs du World Materials Forum de mettre un peu autour de la table tous les gouvernants pour discuter avec eux de la façon dont il faudrait réglementer la collecte et le recyclage ou l'ouverture des nouvelles mines. Donc à ce titre, on a aussi à Nancy, tous les ans, les grands représentants des différentes zones. On aura, on l'espère, l'année prochaine la personne qui va diriger cette initiative américaine que vous avez énoncée, puisque maintenant, il y a un sous-secrétaire d'État aux matériaux critiques aux États-Unis, et on espère bien qu'il sera avec nous à Nancy au mois de juin prochain. Donc tout ça pour vous dire que les nouvelles mines avec un design écologique, c'est un vrai sujet, et je vais vous en donner juste un exemple. On est allés chercher la personne qui vient d'investir 400 millions de dollars pour acheter la mine de Mountain Pass et la redémarrer. On va tous la visiter au mois de janvier. Et visiblement, l'ensemble des écologistes de la région du Nevada et de Las Vegas ont l'air de trouver que ça se fait dans des conditions écologiques respectables. Donc on risque de retrouver des terres rares en Amérique du Nord, alors qu'ils avaient fermé la mine depuis plus de 10 ans, pour donner un petit côté un peu positif quand même sur le fait qu'il y a des tas de choses qui avancent. La 2e chose, on va parler de la substitution. Là aussi, je suis d'accord avec ce que vient de dire Philippe Chalmin. La substitution, ça dépend énormément des choix technologiques qui sont faits. Par exemple, en ce moment, on parle beaucoup de combien de temps on va mettre pour mettre au point la fameuse technologie des "solid states" pour passer des batteries électriques dites liquides à des batteries électriques dites solides et avec évidemment beaucoup moins de cobalt dans les cathodes, ce qui rendrait tout le monde aujourd'hui très content. Je vais rentrer dans les détails dans 2-3 minutes pour vous parler un petit peu des différentes technologies qui sont en cours d'étude. La chose qui est extraordinairement positive là-dessus, c'est que tout le monde travaille la main dans la main. Moi, j'étais hallucinée, je vous le dis franchement, de découvrir que le département de l'Énergie américain a signé un accord avec le groupe allemand BSF et qu'ils se partageaient les frais de R et D pour développer des cathodes sans cobalt. Je pense qu'il y a 10 ans, ça ne serait jamais arrivé. Ça prouve au moins que l'incertitude de temps en temps amène les gens à prendre des décisions intelligentes. C'est assez sympa. Un 3e type de solution qui, en revanche, a une certitude beaucoup plus avancée que les 2 premières, car la 1re, comme je vous l'ai dit, c'est les fly up sur les prix, la 2e, c'est les incertitudes sur la technologie. En revanche, réduire le scrap de tous les process industriels, alors là, ça marche super bien. Merci, l'intelligence artificielle, merci tous les systèmes digitaux qui permettent aujourd'hui à toutes les étapes de fabrication des différents produits d'améliorer le taux de scrap. Pour vous donner un exemple, il y a 20 ans... On a un critère qu'on aime beaucoup, nous, qui s'appelle le "buy-to-fly". Maintenant, on l'adapte pour tout le reste, donc on l'appelle "buy-to-use". C'est en gros le nombre de kilos de matériaux dont on a besoin, qu'on a besoin d'acheter pour qu'à la fin, il y ait une certaine quantité dans l'avion qui vole. Aujourd'hui, pour 1 kg d'aluminium dans un avion qui vole, ou de titane ou de composite, on a besoin d'en acheter 10 kg. Ça veut dire qu'on passe de 10 à 1 sur tous les phénomènes, je dirais, de fabrication de la pièce et de son installation dans l'avion. Vous allez me dire : "C'est beaucoup d'avoir besoin d'acheter 10 kg d'alu pour en avoir un qui vole." À titre de comparaison, je préfère... Je vais pas vous poser la question, vous êtes très nombreux, mais pour vous donner la réponse, à votre avis, pour avoir un kilo de cuivre dans un smartphone, il en faut combien ? Je vous laisse... Non ? 700. D'accord ? C'est 10 pour 1 pour l'aluminium dans l'avion. C'est 700 pour 1 pour un morceau de cuivre dans un smartphone. Vous allez me dire "c'est horrible", c’est vrai, mais c'est beaucoup mieux qu'avant. Les avions, c'était 25 sur 1 et maintenant, c'est 10 sur 1. Les smartphones, c'est 700 sur 1 et c'était le double il y a 10 ans. Donc tout ça progresse, mais les marges de progression sont énormes et que si on utilise intelligemment tous ces nouveaux systèmes d'intelligence artificielle dans tous les process industriels, ça, c'est assez prédictible. Là, il n'y a pas de fly-up. Tous les industriels sont très contents de réduire le scrap sur leur ligne de fabrication. Donc ça, ça marche très bien. Quatrièmement, tous les dessins des nouveaux composants pour les faire plus légers. Alors ça, une fois de plus, je défends un peu aujourd'hui l'industrie aéronautique parce que je la trouve très attaquée dans le domaine du CO2 dans les médias, alors que pour nous, dans notre domaine de la réduction de l'utilisation des matériaux, c'est toujours eux qui ont donné l'exemple. Ça fait des dizaines d'années qu'ils le font pour réduire le kérosène, et ils le font de manière superbe. Ils réutilisent beaucoup de matériaux. Ils ont aujourd'hui un des plus beaux taux d'utilisation des produits. Pour vous donner un autre KPI, on utilise sa voiture personnelle à peu près 5 % du temps. Si on la passe chez Uber ou chez Lyft, ça passe à 40 %. Vous allez me dire : "C'est déjà pas mal." Mais les avions, c'est beaucoup mieux, ils sont déjà à 75 %. Ils sont à 75 % grâce à des processus de maintenance incroyables, grâce à l'intelligence artificielle pour utiliser et réutiliser les "spare parts". Ce sont des gens qui font déjà énormément de choses. Je trouve ça injuste qu'ils se fassent taper sur les doigts parce que c'est grâce à l'industrie aéronautique que toutes les autres industries, à commencer par l'automobile et les smartphones, utilisent ou réutilisent des solutions qui marchent. Donc je vous ai parlé de réduire le poids. Et la dernière partie, on en a déjà beaucoup parlé, qui est la partie recyclage. Sur la partie recyclage, je voudrais aussi dire quelque chose, parce qu'on a parlé de l'acier et de l'aluminium. Moi, je ne suis pas géologue, je suis métallo, c'est un cran en dessous, mais la métallurgie, c'est pas mal aussi. Dans la métallurgie, effectivement, l'acier, ça marche super bien. L'aluminium, ça pourrait marcher beaucoup mieux. Pas qu'il soit moins facile à recycler, l'aluminium est beaucoup plus facile à recycler que l'acier, mais il n'est pas aimantable. L'acier, ça se collecte avec des aimants. L'aluminium, ça ne se collecte pas. Quand c'est mélangé avec autre chose, vous n'arrivez pas à retirer les canettes. Ça montre que la problématique, là, n'est pas technologique. C'est une vraie problématique de collecte. Pour la collecte, je vais vous donner un exemple que j'ai trouvé merveilleux. Nous avions, au mois de juin, deux personnes qui sont venues nous expliquer comment elles essayaient de faire de la collecte et du recyclage des déchets. On avait le président du système de collecte et de recyclage français Citeo, qui a un budget de fonctionnement d'un milliard d'euros tous les ans. Budget de fonctionnement qui est alimenté par tous les grands utilisateurs d'emballages en France. C'est aussi bien Coca-Cola, Danone, Unilever, Procter & Gamble, Nestlé, tous les gens qui utilisent les emballages. Ils payent un petit "levy" et ça fait en gros un budget d'un milliard d'euros qui est distribué par Eco-Emballages, maintenant Citeo, à toutes les collectivités locales françaises pour organiser la collecte et le recyclage des déchets. Et à côté, nous avions la maire d'une ville qui s'appelle Surabaya, qui est la 2e ville d'Indonésie, 7 millions d'habitants. Et ils ont commencé leur dialogue... Elle a dit : "Je vous le dis simplement, quand je suis arrivée comme maire de Surabaya"... Elle est toute petite, elle mesure 1 m 50, elle a un grand foulard parce qu'elle est évidemment musulmane. Et Jean Hornain, le patron de Citeo, mesure 1 m 95. Les deux étaient à côté en train de discuter. Elle a dit : "Je commence par vous dire humblement que quand j'ai été élue maire, c'était un bordel noir, c'était sale partout, il y avait des déchets partout, et je n'avais pas un centime." Et Jean lui a dit : "J'ai un milliard, mais même avec un milliard, c'est compliqué." Ça a fait rire tout le monde. Elle nous a expliqué comment elle a fait et c'était hallucinant. Et aujourd'hui, ils ont un système qui fonctionne parce qu'ils ont réussi à motiver toute la population pour pouvoir collecter les déchets. Alors que chez nous, on considère que ce n'est pas notre job. C'est la grosse différence sur le recyclage. C'est un problème culturel, c'est pas un problème d'argent, c'est que les gens se sentent responsables d'aller chercher eux-mêmes les déchets. Tout ça pour dire que les 5 grandes catégories d'action, elles sont plus ou moins toutes appliquées partout, sur tous les matériaux dits critiques, et elles sont accompagnées d'incertitudes différentes selon les métaux. J'en ai choisi deux... Je ne sais pas qui a les slides. C'est vous, Myrtille ? Non ? Voilà. Est-ce que je peux avoir la slide d'après ? Merci, c'est gentil. Voilà.
Question suivante.
Ah bon ? Pardon. Je m'arrête.
Très bien. En mesure de rétorsion de notre retard, je saute le point 5 et j'en arrive à la question où vous pourrez passer vos slides. Les entreprises dont vous parliez qui travaillent sur toutes ces questions d'approvisionnement, de réduction du gaspillage, de la baisse du poids des matières dans leurs objets, on a vu là récemment sortir plusieurs rapports expliquant qu'elles avaient finalement une connaissance moyenne de leur chaîne d'approvisionnement, de leurs besoins. Il y a eu un rapport du CGE, il y a eu plusieurs évaluations qui n'étaient pas très encourageantes. D'abord, Pierre Toulhoat, si vous pouvez nous en dire un mot, et je sais que Victoire, vous souhaiteriez répondre.
Il y a eu, depuis une dizaine d'années et encore plus depuis 5 ans, de nombreux rapports. Myrtille vient de citer le rapport récent du Conseil général de l'économie qui a été émis au 1er semestre et qui s'est en partie reposé sur une enquête auprès des industriels sur la conscience qu'ils avaient ou pas de difficultés d'approvisionnement. Et en fait, moins de 20% des industriels s'étaient réellement posé la question, notamment dans les PME-PMI, où ils font confiance aux marchés pour trouver les métaux dont ils ont besoin. Bien sûr, des grands groupes sont organisés, mais en France, je pense que par rapport à d'autres pays, ce n'est pas le cas de l'Allemagne, ce n'est pas le cas du Japon, le tissu industriel a une connaissance moindre de ces problèmes-là. Ce sondage l'a clairement montré. Il y a des efforts de pédagogie, et je pense qu'on peut compter sur le commerce notamment pour essayer de diffuser, au-delà des groupes industriels présents, vers un tissu beaucoup plus large d'entreprises.
Victoire, vous disiez qu'ils en parlent beaucoup en interne, dans les CA, dans les comex, mais finalement, peu de choses sont communiquées. Je vous ai juste donné mon expérience de conseil d'administration de sociétés qui utilisent des matériaux critiques. Donc évidemment, ça fait partie des sujets qui sont discutés. On a des comités des risques qui permettent de regarder ça, mais on n'en fait pas une communication non plus parce que ça fait partie aussi des secrets de notre organisation. Je pense que communiquer dessus, ça donnerait des informations intéressantes à nos concurrents. C'est pas ce qu'on a envie de faire. Ce qui est difficile, c'est à la fois de sécuriser l'écosystème, comme l'a dit Pierre, donc de faire comprendre à l'écosystème qu'on s'en occupe, qu'on met des actions en place, et en même temps, ne pas trop en dire pour pas donner des informations qui permettraient d'influer notamment sur la fixation des prix. Ça y est. OK. Donc Myrtille m'a donné la possibilité de vous raconter un petit peu des actions précises. Comme vous l'a dit Pierre, on a identifié des matériaux critiques. Leur criticité se réduit, heureusement. Il y en a qui disparaissent chaque année de l'indice des rouges. Et même le cobalt, qui était le plus rouge de tous, est en train effectivement de devenir moins rouge, pas à cause des variations de prix que mentionnait Philippe Chalmin mais simplement grâce à des actions qui ont été mises en place pour réduire cette criticité. Je vous ai remis en rouge pourquoi tout est rouge. Vous voyez que le cobalt est le seul matériau qui est rouge sur toutes les dimensions qu'a évalué Pierre tout à l'heure, donc c'est quand même assez perturbant. Mais ce qui est assez incroyable, c'est la réaction qui a été faite, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, cette alliance entre le Department of Energy américaine et le groupe allemand BSF, qui est quand même assez intéressante. Il y a eu aussi énormément de micro-mines qui ont été mises en fabrication dans des pays largement démocratiques que sont l'Australie et le Canada, par exemple. Et là, on a un certain nombre... Je ne suis pas géologue, mais j'ai cru comprendre qu'on avait souvent du nickel et du cobalt dans la même mine. Visiblement, ça a rendu ces mines-là beaucoup plus rentables en pouvant jouer sur les deux métaux, alors que s'ils n'en avaient eu qu'un seul, le cobalt, je pense qu'ils auraient eu un peu plus de mal à décider de la mise en route de l'investissement. Ça, par exemple, ça a été des mines à taille raisonnable avec deux métaux et pas un seul et en plus un écodesign qui a permis d'avoir un environnement extrêmement favorable à la mise en investissement. Je vous ai déjà parlé... Ah oui. Un autre point qui est très intéressant, c'est que les smartphones, aujourd'hui, si vous voulez, le cobalt et le nickel se sont beaucoup développés à cause des batteries, mais ces batteries, dans les 10 dernières années, elles étaient à 80 % des batteries de smartphones. Et toute la progression des années qui viennent, ce n'est plus les batteries de smartphones. On a atteint le niveau quasi asymptotique. Maintenant, ça ne sera que des batteries électriques. La progression ne viendra que des batteries de voiture. On a eu les batteries de smartphones jusqu'à aujourd'hui. Vous remarquerez que leur recyclage n'était pas à l'ordre de priorité des Apple, Samsung et Huawei. Mais à partir du moment où ça devient des batteries de voitures, comme il y a des régulations sur les voitures qui obligent les voitures à recycler 80 % de leurs composants, en parallèle du développement des voitures électriques, il y a eu des développements de technologie et de recyclage. Et ce qui est assez impressionnant... Au Japon, JX NMM et Sumitomo sont à fond dans la recherche pour mettre au point des process de recyclage de cobalt. On a eu l'annonce très récente de BMW, Umicore et Northvolt, donc 1re usine quand même de batteries pour véhicules électriques en Suède, et tout de suite, un accord avec BMW et avec Umicore pour mettre en place le système de recyclage qui est associé. Donc on voit bien que ce n'est pas du tout la même chose sur le recyclage des "mêmes" batteries. Sur les smartphones, personne ne s'en est occupé. En revanche, sur les voitures, il y a vraiment un effort maous. Je ne sais pas si les technologies là encore vont fonctionner, mais depuis le début de l'année 2019, l'ensemble des annonces qui ont été faites est quand même assez hallucinant. On espère qu'au mois de juin l'an prochain, on aura beaucoup de retours sur la partie technique et sur ce que ça donne.
Je crois que sur ce modèle action-réaction, vous aviez une 2e matière...
Je ne sais pas si...
Les terres rares.
Les terres rares, j'ai déjà parlé de Mountain Pass. Je pense que c'est quand même pas ridicule. On attend toujours qu'à La Rochelle, les gens viennent, mais c'est un peu... J'en profite pour faire mon plaidoyer pro domo pour la mine en France parce que je ne suis pas du tout comme Pierre, une spécialiste, mais qu'il n'y ait pas de tungstène dans les Pyrénées et qu'il n'y ait pas de... Bref. J'ai du mal à comprendre, mais peut-être qu'un jour, je finirai par comprendre pourquoi on ne nous autorise pas à redémarrer. Ce qui est intéressant aussi, c'est l'incertitude technologique. On parlait des moteurs à induction. C'est assez étonnant parce que Tesla, par exemple, a changé deux fois son fusil d'épaule. On ne sait pas très bien si, dans le futur, ils utiliseront des moteurs qui auront besoin de terres rares ou pas. Elon Musk a joué en faisant des effets d'annonce des deux côtés. Je voulais parler aussi des petites start-ups. On a des start-ups amusantes. Quand je suis arrivée là-dedans, on m'a dit : "C'est impossible de recycler les terres rares." En tout cas, il y en a une qui a un process qui visiblement fonctionne, qui est au Texas et qui est une toute petite... C'est une spin-off d'une université américaine. Et avant même que les États-Unis ou l'Europe découvrent qu'ils existent, ils avaient déjà vendu 5 ans de leur production au Japon. Vous voyez quand même qu'en termes de scanning des technologies, les Japonais sont meilleurs que nous. Les Américains n'étaient même pas au courant chez eux qu'ils avaient ça. C'est assez génial. On les a quand même nominés à notre concours de start-ups à Nancy en juin et on était très heureux de les accueillir. Et puis sinon, juste un petit point sur tout ce qui est aimants permanents et les projets de recherche de Fraunhofer, qui sont assez extraordinaires avec des résultats, là démontrés, qui sont, si ça marche, assez étonnants. Je vous laisse lire les chiffres car 80 et 96 %, ce sont des beaux chiffres.
On a compris qu'il y avait des grands groupes qui avaient une vision de ces risques-là et finalement toute une partie des PME et des ETI qui avaient encore du chemin à faire. Christian Polak, sur le dialogue le long de la chaîne de valeurs et la coopération stratégique entre les différents acteurs.
Je le soulignais tout à l'heure, je crois qu'on a un grand choc culturel entre un utilisateur final, je reprends l'aéronautique, qui est effectivement très en avance pour réduire la consommation de kérosène par des éléments composites, des alliages plus légers, par des designs, et puis le mineur de base, sur des petits métaux, je ne parle pas de grands métaux, et j'inclus le cobalt et le nickel, le cobalt dans des grands métaux, car là, on a des investissements industriels assez importants... C'est le dialogue qu'il peut y avoir entre ces deux parties. Il est très difficile parce qu'ils ne parlent pas le même langage. D'un côté, vous avez le petit mineur qui a besoin d'1, 2, 3 millions de dollars pour lancer sa mine. Ce sont de toutes petites capacités. De l'autre côté, vous avez des budgets de milliards. Et entre les deux, le dialogue se monte difficilement, voire il n'existe pas. Je crois qu'à travers justement des organisations comme le World Materials Forum, on a l'opportunité de faire se rencontrer des gens qui ne se rencontreraient pas, qui ne pourraient pas se rencontrer. Difficile pour un petit mineur du fin fond du Brésil ou d'Afrique ou du sud-est de l'Asie d'aller frapper à la porte à Toulouse ou à Seattle pour demander le responsable des achats. Je crois qu'il y a des organisations qui pourraient permettre de faire ça, à l'intermédiaire des sociétés minières ou des geological surveys comme le BRGM, qui permettraient de traduire dans des mots pratiques des deux côtés le besoin et la nécessité de travailler ensemble.
On a là parlé de ce que pouvaient faire les entreprises pour pallier ce risque, comment mieux travailler ensemble, comment mieux communiquer, comment mieux évaluer. Il y a quand même un acteur qu'on n'a pas évoqué, c'est les pouvoirs publics et les institutions. Quel rôle ? Quelle stratégie ? Est-ce qu'il est urgent d'avoir une politique d'approvisionnement ? Philippe Chalmin, peut-être sur ces questions.
Il y a une sorte de cycle des préoccupations. Lorsque le BRGM est né il y a 60 ans, c'était le moment où était à peu près complété le stock stratégique américain de ce qui était les métaux stratégiques de l'époque. Il y avait de l'étain à l'époque. Ils avaient stocké pratiquement un an de production mondiale d'étain qui a été stratégique à ce moment-là, qui ne l'a plus été et qui apparemment va le redevenir. C'était à l'époque... On était en pleine guerre froide, on croyait à la 3e guerre mondiale. Ensuite, souvenez-vous, on a eu les années 70, le rapport "Halte à la croissance", la fin du monde était proche, pratiquement tous les gisements de métaux seraient épuisés pour la fin du siècle, on parlait du XXe siècle. Et il y a eu d'ailleurs à ce moment-là, souvenez-vous, au lendemain de la guerre des Falklands, la constitution de stocks stratégiques au Royaume-Uni. En France, on a eu, souvenez-vous, une caisse des matières premières où on stocka dans le plus grand secret un certain nombre de métaux stratégiques de l'époque. Les métaux stratégiques de l'époque, il faut rappeler que c'était effectivement une dimension géopolitique. C'était ce qu'il y avait de l'autre côté du rideau de fer et ce qu'il y avait en Afrique australe, l'Afrique du Sud, avec l'Apartheid, apparaissant éminemment fragile. Ce qui était frappant, c'est qu'on a réédité "Halte à la croissance" aux alentours de 2010 ou de 2011 et on a vu ressortir exactement les mêmes problématiques lors de la dernière grande flambée des prix des matières premières, c'est-à-dire entre 2007 et 2014. Bien entendu, les conditions géopolitiques ont changé. La dépendance vis-à-vis de la Russie, finalement, préoccupe moins que celle vis-à-vis de la Chine, ça a été largement souligné. On a le souci bien entendu de la République démocratique du Congo et de la région au sens quand même relativement large, sachant que quand on regarde bien la géographie minière, les compagnies minières ont tenu compte finalement de ce risque, puisque les eldorados miniers ont été notamment le Brésil et l'Australie. Ce sont finalement des réactions à la tension des prix et à la tension géopolitique des années 70. Il est clair qu'aujourd'hui, il est nécessaire que les pouvoirs publics aient une réflexion sur ce genre de thèmes, même si en France, on en a toujours été quand même un peu loin. Je me souviens qu'en 2010, souvenez-vous, la France présidait le G20, et l'un des thèmes abordés a été la régulation des marchés de matières premières. La présidence française s'est essentiellement intéressée à un sujet tout à fait éminemment intéressant qui était la régulation des marchés agricoles. Nos amis allemands, eux, s'intéressaient avant tout à l'approvisionnement de leurs industries en métaux stratégiques. Il y avait véritablement presque deux poids deux mesures. On parlait agriculture au Medef, et par contre, à l'équivalent allemand du Medef, eux, leur préoccupation était celle de l'approvisionnement en métaux stratégiques. Maintenant, est-ce que l'on peut aller tellement plus loin ? J'avoue que je ne le sais pas. On peut avoir toutes les commissions possibles et imaginables. Il n'en reste pas moins que les hasards de la répartition minière, le fait aussi, je voudrais attirer votre attention là-dessus, ne le prenez pas, chers amis mineurs, mal, la mine est rarement un facteur de bonheur. Je suis désolé de le dire. On en parle beaucoup pour le pétrole, on parle de la malédiction du pétrole. Je crois franchement qu'on peut aussi parler de la malédiction de la mine. Et ce n'est pas à partir de la mine, malheureusement, que l'on bâtit des stratégies de développement économique. Le Zaïre, enfin la République démocratique du Congo, est, vous le savez, un scandale géologique. C'est le pays le plus malheureux d'Afrique. Et malheureusement, je frémis lorsque je vois tous les tripatouillages autour des projets miniers en Guinée, ceci pouvant permettre à M. Alpha Condé éventuellement d'avoir un 3e mandat au-delà de 80 ans. Malheureusement, la malédiction des matières premières est une réalité. Elle l'est pour l'énergie, elle l'est pour la mine. Ça veut dire que les pays où l'essentiel des ressources est concentré sur l'exploitation minière sont des pays géopolitiquement très instables et potentiellement dangereux. Ça, malheureusement, l'histoire nous montre qu'il y a très peu de contre-exemples.
Merci. Victoire de Margerie, je vois que vous brûlez de répondre.
Je voudrais quand même évoquer quelques contre-exemples : la Norvège dans le "oil and gas", l'Australie et le Canada dans la mine me paraissent être de bons exemples.
Tout le monde n'est pas un protestant norvégien. Je pourrais citer... Non. Dans le domaine de la mine, il y a... Le Chili a bien géré la rente du cuivre. Codelco a été remarquablement bien géré et ils ont bien géré la rente du cuivre. Et, bon, je ne l'ai pas de première main, on me cite toujours le cas du Botswana dans la gestion de la rente du diamant. Et on pourrait citer la Malaisie qui est sortie du sortilège malais et qui ne dépend plus aujourd'hui des matières premières. L'Australie, le Canada, nous parlons d'autres pays où le poids de la mine est quand même beaucoup moins important. On parle de pays qui sont à des niveaux de développement économique qui leur permettent de passer au-delà. Mais je vous rappelle...
Ils ont commencé avec ça il y a quelques années et ils se sont développés ensuite dans des secteurs industriels. On pourrait espérer que certains pays d'Afrique que vous notez soient simplement 50 ou 100 ans en retard par rapport...
Malheureusement, vous avez une corrélation directe entre le mal-développement africain et leur dépendance aux produits primaires.
Si vous permettez, je voudrais juste revenir... La raison de mon souhait d'intervenir n'était pas... Je ne m'attendais pas à ce que vous parliez de la malédiction de la mine, mais je voulais réagir à autre chose que je trouve intéressant sur la réaction des pouvoirs publics en matière de sécurisation d'accès aux métaux critiques. Je pense que les technologies sont aussi un sujet intéressant. On parle énormément de la voiture électrique. Depuis 18 mois, l'hydrogène est en train de réintéresser tout le monde, alors que c'était plutôt un sujet germano-japonais. C'était un peu... Ça venait après la voiture électrique. Et en fait, on m'a donné un chiffre la semaine dernière que j'ai trouvé intéressant. Le coût de revient d'une pile à combustible, c'est 15 % de matériaux. Celui d'une batterie de voiture, c'est 70 % de matériaux. La sécurisation du matériau n'est pas aussi importante pour l'hydrogène que pour les voitures électriques. Je pense que c'est un sujet qui est en train d'interpeller un petit peu nos régulateurs notamment européens. C'est juste ça que je voulais dire. Entre temps, il y a eu cette incursion sur la malédiction de la mine.
Comme je veux participer, j'ajouterai quand même cette étude récente sur les mines d'or en Afrique de l'Ouest qui ont plutôt participé à sortir les gens de la pauvreté et à les faire aller à l'école, etc. Mais fin de la discussion sur cet aspect-là. Paolo De Sa, sur la stratégie américaine dont on parle beaucoup en ce moment.
Je ne vais pas parler éternellement des États-Unis. Je veux simplement simplifier un peu. Les pays consommateurs ont adopté 3 types d'approche pour sécuriser leurs approvisionnements. Certains pays sont surtout basés sur le commerce. C'est le cas des pays qui ont des sociétés traders importantes : l'Allemagne, le Japon, avec les guerres commerciales actuelles. Cette stratégie est un peu fragile. D'autres pays ont adopté une politique d'investissement, et ça ne veut pas dire que ce soient exactement leurs sociétés minières qui investissent, mais garantir un climat, on a parlé de la politique américaine de gouvernance, garantir un climat favorable aux investissements miniers, et là, c'est surtout les États-Unis, mais maintenant, de plus en plus la Chine. Et d'autres pays ont adopté l'innovation technologique comme un chemin essentiel pour la sécurité d'approvisionnement vers le long terme. Si je ne me trompe pas, c'est plutôt l'approche de l'Union européenne. Je crois qu'effectivement, il faut miser beaucoup plus là-dessus, sur la technologie. La technologie, on en a parlé longtemps ici, je ne vais pas m'étendre dessus. En termes de réduction de la consommation intrinsèque de minéraux et métaux dans les produits, technologies de substitution, remplacer le cobalt par d’autres produits en cas d'instabilité politique inversée... Mais revenons sur le recyclage. Beaucoup reste à faire sur les technologies de recyclage au niveau métallurgique. Il y a deux éléments que j'aimerais souligner, deux contraintes importantes au recyclage : la collecte, comme cela a été souligné, et les coûts. Malheureusement, la filière de recyclage a des coûts plus importants liés à la contamination, liés aux difficultés d'avoir des économies d'échelle dans la collecte de métaux, donc à des coûts qui ne sont pas très bons par rapport aux grandes mines australiennes et canadiennes. Et donc je crois que pour aider un peu le développement du recyclage, les pouvoirs publics doivent adopter des politiques de réglementation. Il faut des normes plus strictes, même au niveau de l'Union européenne. Enfin, la politique de recyclage de certains pays européens jusqu'à il y a 2 ans, c'était d'exporter vers la Chine et dire : "Ça y est, c'est recyclé." Maintenant, la Chine dit : "On n'accepte plus de déchets."
Donc les gens se retrouvent avec une quantité énorme de déchets et ne savent pas les collecter et les valoriser de façon économique.
Pierre Toulhoat, sur la stratégie... Allez-y. Un petit mot pour vous répondre. Il y a un exemple très intéressant, c'est EcoTitanium. Je ne sais pas si vous connaissez un peu le titane. Dans l'aéronautique, en Europe, ils ont réussi à mettre en place une filière économique qui a un bon coût de revient et qui est organisée par un groupe minier français qui s'appelle Eramet avec sa filiale qui s'appelait...
Le seul exemple de recyclage de titane de qualité aéronautique.
Donc ils ont garanti la qualité du minerai qu'ils récupèrent. C'est superbe et c'est économique. Ça peut se faire quand c'est organisé par une industrie. Philippe Chalmin, un mot.
Oui, très brièvement. Paolo De Sa vient de parler de la sensibilité des filières de recyclage aux débouchés chinois. Les Chinois viennent de nous rendre un immense service, parce que jusque-là, soyons honnêtes, on fourguait aux Chinois beaucoup de nos déchets, que ce soient notamment des vieux papiers, des vieux plastiques, sans faire véritablement d'efforts de classification, de traitement, etc. Les Chinois ont mis le holà. Ça pose un énorme problème, mais si on veut exporter je dirais non plus du déchet mais de la matière secondaire, là, la Chine est prête à importer. Mais elle n'est plus prête... Il faut bien faire cette différence entre ce qui est le déchet et ce qui est la matière secondaire. Il y a un gros chemin entre l'un et l'autre.
J'ajouterai qu'elle achète aujourd'hui plus cher certaines de nos matières que les acheteurs français sur des qualités parfaitement triées et propres. Pierre Toulhoat, quand même, sur la stratégie ou la non-stratégie de la France en termes d'approvisionnement.
La France y réfléchit, bien sûr. La France a encore quelques groupes miniers qui travaillent sur un certain nombre de métaux mais sont très loin de couvrir l'ensemble du spectre nécessaire. Je voulais quand même faire quelques petites remarques. Le BRGM, service géologique national, est le seul des grands services géologiques européens qui ne reçoive pas d'aides spécifiques, ciblées, bien sûr issues de subventions, pour aider les pays en développement à développer leurs infrastructures géologiques, bien sûr éventuellement à découvrir leur potentiel minier ou à sécuriser l'ensemble des chaînes. Nos homologues allemands ont à peu près 10 % de leur budget qui est directement consacré à ça et ils travaillent bien sûr en lien avec les acteurs industriels pour créer ce climat de confiance, qui a été rappelé par Christian Polak, qui permet de bâtir des stratégies de long terme avec des acteurs de la mine. Je pense qu'il faut essayer de réfléchir à ça plutôt que de fermer les yeux et de dire : "Non, on ne veut plus refaire la Françafrique d'autrefois." Échapper à la malédiction de la mine qu'a évoqué Philippe Chalmin et dire que certains pays africains nous demandent à nous, BRGM, parce qu'ils nous connaissent et ils savent qu'on a découvert pas mal de gisements métalliques en Afrique et dans le monde... Ils nous disent : "On veut échapper à un certain nombre de pays voraces et on aimerait que la France, qui nous a montré qu'elle savait découvrir des gisements, mais aussi on sait que le BRGM est capable de nous aider à mettre en place des réglementations environnementales correctes, un code minier qu'on puisse appliquer et former nos collaborateurs." Le BRGM, sur financement de la Banque mondiale, c'est compétitif et il faut y aller, il faut que le BRGM soit bon et il est bon, gagne un certain nombre de projets. Mais on est encore très loin des attentes d'un certain nombre de pays. Je vais maintenant assez fréquemment à des grands-messes en Afrique du Sud ou dans un certain nombre de pays africains, et les dirigeants de ces pays disent : "Le BRGM, "on ne vous voit pas, on aimerait vous voir plus. Comment est-ce que vous pouvez nous aider ?" Et quand on s'adresse pour le moment à nos tutelles, le ministère des Affaires étrangères, c'est pas dans la politique. Il y a un effort... C'est une décision politique prise au plus haut niveau du gouvernement, et quelque part, il faut en accepter les conséquences. Il y a d'autres moyens d'agir, mais ce moyen à travers la coopération, la création d'un climat, c'est ce qui a préludé à l'initiative RGI qui a été évoquée par les Américains avec un certain nombre de pays. On peut le faire au niveau européen, en se regroupant. Ce n'est pas facile, mais ce sont des décisions qui doivent être prises au plus haut niveau par les pays, ce sont des décisions politiques.
Puisqu'on parle de soutien à la découverte de mines, on en arrive quand même à ma question préférée. Est-ce qu'on peut se permettre de refuser la mine en France ? Philippe Chalmin, peut-être, puisque vous vous y êtes intéressé. C'est l'occasion de vous réconcilier.
Non. Attendez. Je vais être... La malédiction des matières premières est une réalité. Maintenant, elle n'est pas forcément inéluctable. Et je pense effectivement que l'on peut avoir, et un pays comme la France aurait pu et aurait la potentialité de montrer que ce que vous appelez une écomine, moi, j'appelle ça une mine durable et responsable, c'est imaginable. Je dois avouer que je sors d'un exercice qui s'appelle Montagne d'Or qui me montre que dans l'environnement gaulois, et la Guyane, ça fait partie de la Gaule, comme vous le savez, c'est totalement impossible, d'autant plus que la mine en France a de fortes chances d'être prise en otage par des gens que je qualifierais souvent d'irresponsables, mais qui voient dans la mine un moyen de communication intéressant pour toucher le grand public sur des sujets sur lesquels on peut facilement faire de la caricature. En clair, après Notre-Dame-des-Landes, après le barrage de Sivens... On a eu Sivens, Notre-Dame-des-Landes, Montagne d'or, quelques-uns de ces sujets qu'un certain nombre d'organisations, d'ONG, dont la représentativité m'a toujours laissé dubitatif, ont pu agiter vis-à-vis du grand public. Malheureusement, sortant de l'expérience Montagne d'Or, voyant ce qui se passe, comme Victoire le rappelait, dans nos belles vallées pyrénéennes où, autrefois, il y a eu de la mine, même au Pays basque côté espagnol, nous avions des mines de fer... Malheureusement, j'ai peur que là où la France pourrait, avec Montagne d'or... Alors d'accord, c'était une caricature, Montagne d'or. L'or, ça sert pas à grand-chose et c'est un suppôt du capitalisme le plus infect, comme vous le savez. Les promoteurs de cette mine, c'était des Canadiens, des Russes, ça sentait l'oligarque à plein nez. On était non pas en forêt primaire parce que les orpailleurs étaient déjà passés par là, mais on était dans ce qui apparaissait l'Amazone. L'Amazone, c'est devenu une sorte de territoire sacré. Il y avait de sympathiques peuples primaires. On avait oublié qu'ils n'étaient pas seuls et qu'ils ne représentaient plus que 3 % de la population, que dans l'arrondissement de Saint-Laurent-du-Maroni, alors là, justement, la mine pouvait être une chance, quand on a 35 % de chômage et 75 % d'emplois publics... Tout ceci a été balayé, et on préfère effectivement, très probablement, abandonner ce projet pour, je le répète, de basses raisons politiques. Malheureusement, j'ai peur qu'en France, le débat soit largement biaisé. Et ce n'est pas que sur la mine que l'obscurantisme en matière scientifique... Il se trouve que j'ai siégé au Conseil des biotechnologies. C'est un autre sujet, celui des OGM, dont on pourrait parler. Je m'en arrête là. Mais c'est un peu une réaction du cœur, même si je n'attendais pas de la mine qu'elle apporte le développement économique de la Guyane dont elle avait besoin. Je me disais que dans l'environnement français, avec la réglementation, avec le suivi dont les autorités françaises étaient capables, avec la collaboration et la coopération du BRGM qui avait travaillé là-dessus, on pouvait montrer un exemple et montrer qu'on pouvait faire une mine d'or plus propre que la mine d'à côté en Guyane. Malheureusement, ce ne sera très probablement pas le cas.
Effectivement, Pierre Toulhoat... Pardon. Le BRGM a participé à établir tout un tas de référentiels sur la mine verte, sur les bonnes pratiques, etc. La mine telle qu'elle pourrait s'envisager sur nos territoires demain, c'est plus "Germinal".
C'est plus "Germinal". Le BRGM, bien sûr, mais pas que le BRGM. Il y a eu beaucoup de projets pour essayer de diminuer les impacts. Mais en même temps, le BRGM est aussi chargé par l'État de gérer l'héritage minier. Tous les problèmes sont encore loin d'être résolus. Donc en fait, il faut aussi apprendre de ce qui a été fait, de ce qui reste à faire pour améliorer et penser l'après-mine dès la conception. Je pense que c'est souvent ça qui a manqué au projet, comment exploiter durablement les mines, et c'est ce qui a nourri beaucoup de nouveaux projets sur la mine durable et responsable. C'est d'anticiper les conséquences de l'exploitation, d'avoir une exploitation qui soit la plus économe possible, éviter de rejeter des résidus miniers à l'extérieur et en particulier s'il s'agit de mines de sulfure parce que le sulfure, dès qu'on le met en surface, va s'oxyder et générer des effluents acides. Donc une nouvelle conception de la mine, ça nécessite bien sûr des investissements, c'est développer dans certains endroits, on a même parlé de mines chirurgicales où on va essayer d'extraire uniquement ce dont on a besoin et de laisser tout le reste au fond. Bien sûr, Christian Polak va me dire qu'il faut être réaliste et savoir que ça peut se faire dans certaines conditions, mais pas partout et pas pour n'importe quel gisement. Mais il y a la possibilité d'exploiter des mines dans des conditions tout à fait correctes. Il faut, pour convaincre l'ensemble des parties prenantes et le public, montrer aussi qu'on est capable de gérer correctement tous les héritages miniers qu'on a encore sur les bras. Malheureusement, il y a un certain nombre d'actualités qui font que ce n'est pas toujours aussi simple d'avoir des discours très clairs en la matière. Mais on y croit quand même.
Un mot, Victoire, et puis Christian Polak.
Je trouve que ce que vient de dire Pierre est très important. Il faut qu'on soit prêts à pouvoir utiliser tout ce qui a été développé par le BRGM pour faire des mines propres le jour où l'environnement public sera favorable. Je suis moins négative et pessimiste que mon voisin de droite parce que j'ai une petite expérience dans le fait de développer des start-ups de deeptech en France et c'est toujours pareil. La France ne veut pas être le 1er à essayer. Donc une fois que Mountain Pass, par exemple, aura redémarré, ils vont se dire : "Les Américains y arrivent, donc on doit pouvoir le faire." Et ça tombera bien parce que Pierre et son équipe auront un super truc à plugin et on pourra redémarrer la mine propre en France. Moi, je pense qu'ils ont besoin... Nos pouvoirs publics ne veulent pas prendre le risque d'être les premiers à approuver quelque chose qui ne va pas marcher. Donc ils vont attendre que quelqu'un d'autre fasse, que ça se passe bien, et à ce moment-là, nous, on aura le toolkit et on n'aura plus qu'à le faire. En tout cas, c'est comme ça que je le vois. Victoire, nous, on a les Verts. Ils n'ont pas une influence des Verts, aux États-Unis.
Si. En Californie, c'est l'enfer.
En Californie, d'accord.
Mountain Pass, c'est à la frontière de la Californie et du Nevada.
Christian Polak, faites-nous rêver un peu avec la mine du futur, la mine digitale, l'électrification et même l'ISR en fait.
Je ne vais pas parler de la mine prise en otage. Elle est prise en otage en France, c'est clair. Il se trouve qu'il y a à peu près 135 pays à l'ONU et il y en a un certain nombre qui vivent de la mine pour qui la mine n'est pas nécessairement un malheur, c'est aussi un vecteur économique pour certains pays bien régulés. Mais on va de plus en plus vers des mines régulées, organisées, avec des contrôles environnementaux de plus en plus sérieux. Donc là, je reprends ce que Pierre disait, c'est qu'il est très important d'avoir, dans tous les pays qui vont accueillir des mines, des fonctionnaires de qualité, des fonctionnaires bien formés. On a des problèmes de formation, pour trouver des gens qui répondent à des questions et qui posent des questions intelligentes, progressives et constructives. Ça, on a un énorme besoin pour un certain nombre de pays. Donc la mine du futur, c'est avant tout les gens, avoir des gens formés et des administrations qui tiennent la route avec des fonctionnaires bien rémunérés de telle sorte que ces gens-là puissent appliquer une régulation des lois, des permis qui puisse bien accueillir la mine. Donc la mine, là, n'est pas en otage et n'est pas un vecteur de malheur à partir du moment où c'est bien encadré. On cite l'Australie, le Canada, c'est l'extrême, mais je citais effectivement le Botswana, mais c'est aussi juste de la Namibie, qui exploite intelligemment ses ressources minières. Alors, après, la mine intelligente, je crois qu'on a un petit quelque chose.
On a une petite animation très courte.
Je partirai là-dessus après. Ça a valeur au nucléaire et à l'uranium, bien entendu. Dans le sens où, effectivement, la mine propre... Propre, ça veut dire quoi ? Ça veut dire pas de déchets, pas de résidus, il y a toujours des déchets et des résidus. On va essayer de les minimiser et d'en produire le moins possible. Les mines que l'on imagine, je reviens pas à "Germinal", mais soit on fait un grand trou à ciel ouvert, soit on fait un grand puits, on va faire un trou au fond. Dans tous les cas, la matière remonte, elle s'accumule à l'extérieur. Donc ça, c'est les mines à ciel ouvert ou souterraines. Il y a aussi d'autres types de mines qu'on utilise au Kazakhstan, qui sont utilisées aussi en Ouzbékistan, aux États-Unis, un peu en Australie. C'est plus de 50 % de la production mondiale d'uranium qui est utilisée par cette technologie qu'on appelle l'institut recovery ou l'institut leaching. C'est une grande entreprise de plomberie, à savoir que l'on fait des forages en surface, on injecte des solutions soit acides, soit basiques dans des horizons géologiques où l'uranium est présent. L'uranium passe en solution, il est repompé par un autre puits de telle sorte qu'en surface, ce sont uniquement des tubes qui circulent, des pompes. On fixe l'uranium sur des résines et on réinjecte l'eau et l'acide. Et ainsi de suite, le cycle se fait. Ce qui fait que l'impact en surface est extrêmement faible. C'est juste des pistes où il y a des sondeuses qui circulent. Vous allez me dire: "Et l'aquifère ? On va polluer l'aquifère." Il faut savoir que déjà, si l'uranium baigne dans un aquifère, franchement, je ne boirai pas l'eau de cet aquifère. Généralement, ce sont des eaux salines qui sont marquées et qui sont impropres à la consommation. On ne travaille pas l'extraction de l'uranium dans des aquifères potables. C'est une technique originale qui est très spécifique à l'uranium. Le cuivre, des productions ont été faites dans le passé. Ça recommence un peu en Arizona, dans des milieux un peu fracturés. Il faut que les milieux soient poreux, fracturés. C'est une technologie propre, bien sûr, mais c'est quand même assez exceptionnel. Après, dans les autres technologies, pour que ça soit propre, plus acceptable, on parlait tout à l'heure des jumeaux numériques, on va faire des jumeaux numériques aussi de nos mines. Ça commence déjà à l'exploration. Le géologue, avec ses crayons de couleurs, malheureusement, c'est fini. Ça avait un petit côté bucolique très sympathique. Je pense que pratiquement toute l'assemblée y est passée à partir d'un certain âge, mais beaucoup moins maintenant. Et donc on utilise des tablettes et on est immédiatement connecté à partir du moment où on fait un point, une mesure. Tout est mesuré : le GPS, la position, les analyses et aussi le taggage de tous les échantillons. Parce que quand on a des milliers d'échantillons, déjà au niveau des pierres récupérées sur les affleurements mais aussi au niveau des sondages, on peut se perdre facilement, on ne va plus savoir exactement où est le sondage, à quelle profondeur. Il faut faire un taggage extrêmement sérieux, très poussé. Tout ça, merci la technologie 4.0. Ça nous permet d'aller très vite, très loin et d'insérer ainsi des données le plus vite possible et de pouvoir créer des ressources le plus vite possible, de pouvoir modéliser ça. L'exploration mène à la modélisation. Après, il y a la mine elle-même. Vous avez vu circuler des camions, des camions qui circulent. On sait exactement où ils sont, on sait ce qu'ils ont chargé, on sait d'où ils viennent. Là aussi, on peut penser que c'est très chouette aussi parce qu'on peut aussi faire en sorte que ces camions circulent sans chauffeur, ce qui se fait déjà en Australie sur des mines de fer géantes. Des flottes de camions sont automatisées, il n'y a plus de chauffeurs. Et c'est géré à partir de centres dans de l'air conditionné. Donc c'est très pratique, ça coûte moins cher à l'entreprise. C'est mieux et c'est plus sûr parce qu'on sait exactement les positions des camions. Je mettrai un petit bémol sur le 4.0, notamment sur les chauffeurs. Quand on va dans des pays, la mine, qu'est-ce qu'on attend ? Ça va amener bien sûr du travail, des emplois. Or, quand on arrive au milieu de la forêt tropicale ou au milieu du désert, les emplois, on ne va pas trouver des ingénieurs et des techniciens dans ces milieux-là, donc il faudra les faire venir de l'extérieur, ce qui fait que les communautés locales qui habitent ces régions vont être un peu frustrées : "Qu'est-ce qu'on peut faire ?" Vous demandez ce que vous pouvez faire dans la mine, tout le monde va lever la main : "Je veux être chauffeur !" Tout le monde peut être chauffeur. À partir du moment où on met des camions automatisés, vous comprenez bien qu'au niveau des communautés, ça peut poser quelques problèmes. Donc il faut quand même faire ça parcimonieusement. Ça peut se faire en Australie, mais ça ne peut pas nécessairement se faire partout, les camions automatisés. C'est juste une petite parenthèse sur l'application de la technique jusqu'au bout. Il faut quand même penser aux populations, et leur 1re demande, c'est de travailler et d'avoir des emplois les plus les plus simples possibles pour pouvoir s'initier au travail de la mine. Alors après, c'est le process. Vous amenez le minerai dans les usines. Dans les usines, il y a des pompes, il y a des broyeurs, des concasseurs, des usines de flottation, des bains d'acide, des niveaux... Et il y a plein de paramètres qui touchent ces équipements, toutes ces machines, et on accumule tous ces paramètres. C'est du data mining, du data qui va s'accumuler. Et on traite ça avec de l'intelligence artificielle. On combine les deux de telle sorte qu'on puisse voir des courbes d'usure sur des pièces, sur ces équipements de telle sorte qu'on saura exactement, on va essayer de sortir de ce magma d'informations à la longue, des courbes d'usure, on saura exactement intervenir sur l'appareil au bon moment.
On va devoir raccourcir.
Je raccourcis, alors. Donc ça, c'est la mine du futur. Après, je termine sur l'environnement parce que c'est important. Sur l'environnement aussi, grâce aux drones, on va faire de la stabilité de talus, et on sait très bien que les talus, c'est un point important. On a vu les malheurs qui sont arrivés au Brésil et au Canada récemment. L'environnement aussi peut être soumis à cette évolution technologique 4.0. Il y a des solutions pour la mine du futur. C'est les formations, des gens bien formés et également une technologie la plus en pointe possible, faire des jumeaux numériques de telle sorte qu'on stoppe la mine sale.
Merci. Est-ce qu'on a quand même quelques minutes pour quelques questions dans la salle ou pas ?
On a un tout petit peu de retard, mais on peut peut-être prendre une ou deux questions mais de façon rapide, s'il y en a dans la salle. M. Christmann, que je vois ici. On va prendre un micro. Je vais aller vers lui. Si vous pouvez, s'il vous plaît, exprimer vos questions de façon courte et concise, mais te connaissant, ce sera le cas.
Bonjour. Patrice Christmann. Je voudrais tordre le cou... Philippe a eu le malheur d'utiliser une expression qui me rend toujours de mauvaise humeur, c'est la malédiction des matières premières. Statistiquement, il n'y a pas de malédiction des matières premières. Une analyse de régression avec les indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale, avec les indicateurs de développement humain des Nations unies ne montre aucune corrélation statistique entre la valeur des productions minières et ces indicateurs, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas des cas négatifs, mais autant de cas positifs. Ça, c'est un point. Deuxièmement, quand on regarde d'où vient la production minière mondiale, qui sont les principaux producteurs de matières premières ? Je viens de vérifier mes données. 53 % en valeur de la production minière mondiale 2016 vient de 13 pays. Parmi ces 13 pays, il n'y en a qu'un seul qui fait partie du groupe, de ce la Banque mondiale appelle les pays à revenu médian faible, c'est l'Inde. Tous les autres pays, les 12 autres sont tous des pays soit dit riches en référence à la classification de la Banque mondiale, soit des pays à revenus supérieurs. Donc ce fameux problème de la malédiction, il faudra arrêter de parler de ça comme du syndrome hollandais. Le vrai problème est un problème de gouvernance, comme Christian l'a indiqué. Beaucoup de pays souffrent de problèmes de gouvernance liés à des élites politiques plus ou moins corrompues, à des problèmes humains de formation, etc. Christian a très bien souligné ça. C'est ça sur quoi il faut travailler. Parler de la malédiction des matières premières, c'est ignorer par exemple le rôle que les matières premières ont joué dans l'histoire de l'industrie, dans l'histoire notre propre pays, de l'Europe et de la plupart des nations développées. Nous sommes tous nés de l'agriculture et de l'exploitation minière, pour nos joies et nos peines. Nous nous sommes diversifiés à partir de là, mais c'est les piliers de notre civilisation. Merci.
Philippe Chalmin.
Je ne peux pas laisser passer ça. Non, parce que... La malédiction des matières premières, ça n'est pas que la Dutch disease, mais c'est aussi l'influence que cette rente peut avoir sur les gouvernements, sur la corruption des âmes, des corps et des cœurs. Malheureusement... C'est pour ça que j'ai été amené à parler de la malédiction des matières premières, pour dire simplement que les pays producteurs étaient souvent des pays beaucoup plus fragiles, et que l'exploitation non pas des matières premières, mais la gestion de la rente les fragilisait. Ensuite, on peut regarder comment a été utilisée la rente. Pour moi, cher Patrice, on va aller encore plus loin dans l'histoire, je remonte bien avant la Dutch disease qui était le mal néerlandais lié à l'exploitation du gaz de Groningue. Mais le déclin de l'Espagne, à partir du Grand Siècle, il se mesure avec l'arrivée de l'or et de l'argent du Nouveau Monde car il a conforté finalement des élites latifundiaires. Et l'Espagne, qui domine l'Europe au XVIe siècle, va peu à peu reculer pratiquement jusqu'à la fin de l'époque de Franco. Donc quelque part, lorsque je parle de la malédiction des matières premières, bien sûr que vous avez raison, même si le développement économique, le décollage économique des pays européens à la fin du XVIIIe, il ne se fait pas sur les matières premières. Le décollage économique, la révolution industrielle en Angleterre au XVIIIe siècle, elle n'a rien à voir avec les matières premières, mais nous les avons utilisées. L'Australie, le Canada ont été les grands bénéficiaires et ont su effectivement, en tant que pays développés, gérer la rente. La Norvège a su gérer la rente. N'allez pas me dire qu'il y a un seul des pays du Golfe arabo-persique aujourd'hui qui peut être un exemple de gestion de la rente du pétrole et du gaz, soyons sérieux. Et regardez sur l'Afrique qui nous intéresse quand même plus en direct. Quel est le pays qui a su gérer sa rente des matières premières ? Je parle bien de la gestion de la rente. Je sais bien que la Banque mondiale n'aime pas quand on parle de "commodity curse". Je suis désolé, en tant qu'historien, c'est une réalité. Et c'est une réalité que l'on doit prendre en compte dans la mesure où elle est facteur d'instabilité et de volatilité des prix.
Philippe, je crains que vous n'ayez découragé les autres questions.
Nous étions dans une phase de questions et de réponses courtes et concises, mais le débat est là et il est fructueux, donc c'est tout à fait intéressant. On peut peut-être prendre encore une question dans la salle et puis nous irons vers nos grands témoins. Est-ce qu'il y a encore une question ? M. Nicolas Charles. C'est moi qui y vais puisque je suis de ce côté de la salle.
Alors, c'est plus une remarque, on va dépassionner complètement le débat. Je vais évoquer quelque chose qui n'a pas du tout été mentionné pendant la table ronde, c'est un peu dommage. Quand on parle d'approvisionnement en ressources minérales au sens large, on n'a pas du tout évoqué la dernière industrie extractive principale en France que sont les matériaux, les minéraux industriels, et dont certains vont devenir stratégiques et qu'il va falloir penser également à sécuriser. Et il serait aussi important de mentionner qu'en 30 ans, on a perdu trois fois le nombre de carrières en France.
Merci, Nicolas. Je ne sais pas s'il y a une réaction à cette remarque venant de...
Je remercie Nicolas de cette remarque parce qu'on a toujours tendance à l'oublier bien sûr en France, mais aussi dans beaucoup de pays en développement où c'est une question absolument cruciale et qui est aussi porteuse à la fois de développement et puis d'approches responsables. Donc merci, Nicolas, de l'avoir mentionnée.
On va conclure sur les questions avec François. Je répète : court, concis.
Ma question sera très courte. Puisqu'on va reconstruire l'Europe, est-ce que dans les traités européens, les problèmes des sous-sols vont être mutualisés ? Est-ce qu'il n'est pas temps de réfléchir à une politique minière globale au niveau européen plutôt que chaque pays, comme notre pays français agricole et d'AOC est incapable d'avoir des mines... Plutôt que de jouer sur les mots à chaque fois en économie minière etc., mais en partage du sous-sol, dans les traités futurs européens de cette Europe qui ne fait même plus sa recherche minière de façon cohérente ?
Alors, Pierre ?
Merci, François, pour ce défi. Je crois que chaque pays européen garde sa compétence au sens réglementaire, administratif, en matière d'approvisionnement en métaux. Même si l'Europe, notamment la DG Grow, a eu beaucoup d'influence pour essayer de provoquer une réflexion commune au niveau européen en termes de décisions administratives ou politiques sur les substances minérales, je pense qu'on est encore extrêmement loin de la situation que tu proposes. Même si effectivement, l'Europe serait certainement plus responsable globalement si elle maîtrisait l'ensemble de la chaîne de décisions, l'Europe qui est en train de se reconstruire, il y a encore un peu de temps.
Merci à vous tous, acteurs de cette seconde table ronde, pour ces échanges si fructueux, parfois contradictoires, mais c'était une animation tout à fait profitable à l'intérêt de cette table ronde. Donc encore une fois, un grand merci pour vos différentes interventions. Et puis sur cette seconde table ronde, nous allons aussi avoir nos grands témoins. Je vais inviter tout de suite Claude Mandil à prendre parole pour nous délivrer, tout comme Bernard Cabaret l'a fait tout à l'heure, une petite mise en perspective historique en regardant l'évolution du BRGM depuis le temps où Claude Mandil était directeur général. Je parle de la période de 1988 à 1990. Claude Mandil.
Ça fait 30 ans. Bon. Puisque c'est son anniversaire, je peux dire, d'abord, j'aime le BRGM. On n'a pas le temps, bien sûr, mais je fourmille de souvenirs et d'anecdotes sur les très bons moments, très brefs mais très bons moments que j'ai passés au BRGM. Je vous en donne juste une quand même parce que vous le méritez à cette heure. C'est le tout début, je venais d'être nommé au BRGM. On me dit : "Il faut absolument que tu ailles à Orléans." Donc le soir, je vais à Orléans, je couche, je ne sais pas si ça existe toujours... À l'époque, il y avait un appartement pour le directeur général dans l'hôtel de passage. Je prends mon petit déjeuner le matin, à l'époque, c'était chez M. Longevial, tout le monde l'appelait Mangemal. Et... J'ai oublié de vous dire que mon métier précédent, que j'avais quitté 3 jours avant, était un métier pour lequel je n'étais absolument pas fait. Je m'en suis rendu compte, c'est pour ça que je l'ai quitté. C'était d'être le patron d'un établissement financier public. Et tous les matins, à mon bureau, dans cet établissement, j'étais accueilli par le secrétaire général, qui était arrivé avant moi, qui était un garçon charmant mais très cérémonieux, qui me disait : "M. le président, je vous informe que le taux de l'argent au jour le jour à New York a augmenté de deux dixièmes hier." "Merci." Et je me disais en moi-même : "Mais ça ne m'intéresse pas." Et puis alors là, je reprends le fil. Donc je suis en train de prendre mon petit déjeuner à La Source et il y avait quelqu'un d'autre à la table. Je dis : "Bonjour, je suis le nouveau directeur général." Il me dit : "Bonjour. Je suis le prospecteur de Madagascar." J'ai dit : "Ah bon ? Quelles sont les nouvelles ?" Il me dit : "Je suis venu avec des carottes pour faire des analyses et je suis très content parce que la teneur des carottes est de 2 ppm plus importante qu'on ne le pensait." Je me suis dit : "Mais c'est pas croyable, c'est exactement le même type de nouvelle, mais celle-là, qu'est-ce qu'elle m'intéresse !" Je vais être sérieux, puis je vais essayer de pas être long. Je voudrais faire 3 recommandations au BRGM, puisque c'est son anniversaire. La première, elle est plutôt relative à la 1re table ronde qu'à la seconde, mais c'est ma marotte à moi. Je supplie le BRGM d'être enthousiaste et actif et... oui, je n'ai pas d'autre qualificatif, sur la capture et le stockage du CO2. C'est une technique indispensable, déniée en France, et c'est pas grave. Bien sûr, vous allez faire le nécessaire au BRGM pour que les stockages ne fuient pas. Mais si jamais ils fuient un tout petit peu, c'est pas grave. Il y aura quand même l'essentiel du CO2 qui aura été stocké plutôt que de ne pas l'être. 2e recommandation, je crois que le BRGM devrait, je baisse la voix parce qu'il faut quand même le dire à voix basse, devrait en secret préparer le moment où on pourra de nouveau faire de la mine en France. Parce que je crois que ce moment va arriver, un jour ou un autre, mais je crois qu'il va arriver. Je fais partie des optimistes. Probablement, je ne serai plus là, même certainement, mais il va arriver. Quand j'entends dire que le tantale est un métal stratégique et qu'il y en a en Guyane, quand j'entends dire qu'on est inquiet pour l'approvisionnement en étain et que nous savons combien il y en a dans tout le massif armoricain, je me dis qu'on marche sur la tête. Et donc, préparons... Vous avez entendu la philippique, enfin surtout le débat qui a suivi la philippique de Philippe Chalmin où les deux personnes étaient moins en désaccord je crois qu'il n'y paraissait. Mais précisément, s'il est vrai que certains pays en développement se portent mal d'un excès d'activité minière, eh bien il incombe aux pays développés de produire ces métaux dans des conditions satisfaisantes. Et puis ma 3e recommandation, je sais pas très bien comment la présenter parce que c'est pas mon métier, il s'agit de communication. Il faut que le BRGM participe, avec d'autres bien sûr, à la réhabilitation du sous-sol auprès de l'opinion publique générale. Notre opinion n'aime pas le sous-sol. Ça lui fait peur, peut-être parce qu'on enterre les morts dans le sous-sol, je sais pas. Et le résultat, c'est que quand on n'aime pas quelque chose, on ne va pas y voir. Alors pourquoi étudier le sous-sol puisqu'on n'aime pas le sous-sol ? Et ça, c'est grave. Je crois qu'il faut vraiment, je ne sais pas comment, mais c'est le métier des communicants, faire en sorte que notre pays et notre opinion publique, sans doute plus généralement l'Europe, mais enfin, je crois qu'il faut se limiter à la France parce que les sensibilités sont différentes, que notre opinion publique se réconcilie avec son sous-sol. Voilà. Bon anniversaire.
Merci beaucoup. En tant que communicant, je suis particulièrement sensible à la 3e recommandation que vous avez exprimée, dont j'ai pris bonne note. Et puis 2d grand témoin qui va vous suivre, Yves Le Bars, que je vais prier de rejoindre le même pupitre. Yves Le Bars, lui, a été, d'ailleurs du temps de Bernard Cabaret, directeur général du BRGM de 1997 à 1999. Yves Le Bars, on vous écoute.
Je vois dans le programme "19 h : cocktail dinatoire". Ce n'est pas moi. Comme vous le voyez sur cette slide, j'ai été directeur général à peu près la même durée que ce que Claude Mandil vient de dire, mais c'était il y a 20 ans. Et donc, je suis aujourd'hui très honoré de ce retour 20 ans après parmi vous. Je ne peux pas faire une conclusion, tout juste être un témoin, réagir, dans une institution à laquelle j'ai contribué il y a une dizaine d'années, qui est l'Institut des hautes études pour la science et la technologie. On dit "rapport d'impression". Qu'est-ce qui... Voilà. Beaucoup d'irrationnel. Mais malgré tout, des réalités. Alors, oui, dans ces 20 années, j'ai continué de fréquenter la géologie puisque j'ai été président de l'Andra, et puis j'ai eu aussi l'occasion de travailler avec un ancien du BRGM, Paul-Henri Bourrelier, pour lequel j'ai énormément d'estime, à l'Association française pour la prévention des catastrophes naturelles. Et puis enfin, j'ai rencontré la mine. Alors, souvent sous cet angle de la malédiction, dans le travail que je fais actuellement, avec des acteurs des pays du Sud. Puisque j'interviens après cette 2e table ronde, je voudrais dire bravo, bravo à la conduite et bravo à ce que vous avez dit, tous. J'avoue, pour avoir entendu nombre de conférences sur ces thèmes, que j'ai beaucoup gagné à vous entendre. J'ai enfin eu une explication sur la criticité, pas celle que l'on connaît dans les déchets radioactifs ou l'uranium, mais la criticité dans la fragilité de la ressource. Alors, petit retour quand même sur ces 20 dernières années, plutôt sur les deux années d'il y a 20 ans. C'était plus qu'une transition, c'était une période de rupture. Et vous l'avez peut-être aperçu dans ce que madame la présidente nous a dit tout à l'heure, en donnant quelques dates. C'est dans cette période qu'a été conclue la fin de la propriété minière, des actifs miniers, qui a été portée par le BRGM, et ce n'était pas une mince rupture. Vous vous rappelez, quand on a parlé de La Source, vous vous rappelez Yanacocha, avec Bernard Cabaret, si on a un certain nombre de cheveux blancs, il y en a quelques-uns qui viennent de là. Ça a été aussi la période de la création d'Antea et de la nécessité de centrer l'activité du BRGM dans sa dimension d'établissement public. Alors, à ce moment-là, donc, le BRGM est passé d'un mandat qu'il avait de l'après-guerre, assurer la sécurité en ressources minérales, de même qu'en parallèle, on demandait au CEA d'apporter la maîtrise de l'atome à la France, avec tous les... les dispositifs qui ont été créés à partir du CEA, Areva en est un et l'Andra en est aussi un autre. Passer de cela aux sciences de la Terre pour l'environnement, les géosciences pour le développement durable, c'est-à-dire centrer sur des enjeux collectifs différents. Et c'était la fin de la dualité entre le service minier d'un côté et le service géologique de l'autre, la carte géologique. C'est aussi deux cultures qui devaient se fondre, avec une place de la recherche plus forte traduite par la tutelle recherche en 1998, peut-être. Alors, avec des tensions, évidemment, les tutelles pas toujours en cohérence dans ces moments un peu difficiles. Et puis avec l'idée que c'est un marché ouvert qui permettra d'assurer la satisfaction de nos besoins en ressources minérales, avec des entreprises d'autres pays, tant pis, puisque, sauf quelques très rares... quelques rares exceptions, les entreprises françaises avaient baissé pavillon. Alors, aujourd'hui, on voit bien qu'il y a un nouveau contexte qui nous a été bien détaillé autour de ces deux tables rondes et surtout cette dernière. On voit bien les aspects géostratégiques. Même si j'ai été prévenu assez tard que je devais vous dire un petit mot juste avant... le cocktail dinatoire, j'ai trouvé quelques images récentes. C'est vrai, dans les terres rares, la production, la Chine, c'est 88 %, me dit-on, des productions dans le monde, même si la Chine n'a que 47 % des ressources en terres rares. Hypothèse basse 2015. La Russie, 17 %, le Groenland, 8 %. Ah. Ça, c'est un chiffre que le chef d'État qui regarde Fox News en robe de chambre n'a pas oublié. Alors, je fais un peu comme Claude vient de nous faire, donner quelques conseils au BRGM. Avec une anecdote, quand même. Quand je suis arrivé au BRGM... 2 anecdotes. 1re chose, il faut aller en Arabie saoudite. Parce que le principal contractant, c'est l'Arabie saoudite. C'est lui qui avait contribué à la prospérité du campus d'Orléans. Et puis, 2e anecdote, je vais dormir un certain nombre de fois, évidemment, 2, 3, 4 jours par semaine, selon, 4 nuits par semaine à Orléans. La chambre était tout au bout du couloir : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8... 12, 12bis, 14. Je ne sais pas si l'implication de la recherche dans l'activité du BRGM a fait transformer le 12bis en 13, mais... Je ne sais pas. Vous me direz tout à l'heure. Donc, 1er conseil. Je crois que, travaillant beaucoup, enfin... étant impliqué dans... des ONG, des associations, des plateformes pour la solidarité et en particulier la dimension internationale de la solidarité, en Afrique, au Maghreb tout particulièrement, mais aussi en Afrique de l'Ouest, etc., je constate la très faible connaissance par nos contemporains de ce qui se passe dans ces pays, de leur potentiel, de leurs conditions, on en a cité un certain nombre. Et je crois qu'il est extrêm... Pour moi... J'ai découvert la richesse de la capacité d'implication internationale du BRGM. Donc je dis le BRGM cultivé. Alors, il y a une revendication que je trouve tout à fait sympathique. Je me rappelle qu'à un moment, il y avait un fonds qui permettait d'aider les États africains à connaître la réalité de leur potentiel minier. Et c'est vrai que c'est subversif, ça. Ça permet de négocier bien mieux avec monsieur untel qui dit : "Vous avez un machin formidable, mais enfin, vous n'y arriverez pas." Donc contribuer à la formation et à la capacité de maîtrise des États dans leur politique minière, je crois que c'est vraiment important. Et à travers ça, vous pourrez apporter à la France une connaissance de ce qui se passe de l'autre côté de la Méditerranée. Et puis le 2e, bien évidemment ça a été dit ici : il faut investir fortement toutes les solutions telles qu'elles ont été décrites tout à l'heure. J'ai trouvé ça admirable de donner ces pistes de travail. Il est évidemment qu'il ne faut pas faire "business as usual", ce n'est pas possible. Il faut, ce qu'on dit souvent dans la gestion des ressources, réduire l'utilisation, réutiliser, réparer et recycler. Mais le recycler, c'est en dernier. Et le recyclage, j'ai trouvé ça tout à fait notable que l'on nous dise qu'on recycle 70 %, mais ça ne fait que 30 %, c'est ça à peu près, de la part de l'acier qui est aujourd'hui disponible. Quand une consommation est en croissance, on ne recycle que ce qui a été produit il y a 10 ans. Donc si on en recycle une partie, on apporte peu. Donc, voilà. Avoir 60 ans, pour moi, c'est être jeune, donc longue vie au BRGM, à tout son collectif, qui a bien montré sa vitalité, qui continue de le montrer, ouvert sur la société. Je dirais, la communication, c'est d'abord avoir une connaissance de l'autre. Ouvert sur la société, qui comprend ce qui se passe, et ouvert sur le monde, en étant très ouvert à la science et à tout ce qu'elle peut apporter. Voilà, et donc longue vie au BRGM.
Merci, Yves Le Bars, pour tous ces mots d'encouragement et cette prise de parole de grand témoin.
Terres rares : enjeux stratégiques pour le développement durable
Transcription
Bonjour, mesdames, bonjour, messieurs. Je suis ravi que les terres rares, un sujet un peu exotique, attirent autant de curiosité. Est-ce que quelqu'un a des terres rares sur lui ou sur elle ? Où ça ? Voilà. Dans votre téléphone portable, le petit aimant dans le microphone, dans le haut-parleur, le vibreur, l'écran. Dans le microphone, le haut-parleur, vous avez du néodyme. Et dans l'écran, vous avez de l'europium, du terbium, voire quelques autres terres rares.
Ça, c'est juste un petit avertissement juridique. Les bêtises que je raconte n'engagent que vous, si vous avez le malheur de les écouter. Vous m'écoutez à vos risques et périls. Et vous ne sauriez poursuivre le BRGM devant les tribunaux, si vous avez pris des décisions quelconques, sur la base de ce que je raconte.
Les terres rares, c'est une histoire européenne. Une belle histoire. Ça commence à la fin du XVIIIe siècle, quand un lieutenant de l'armée suédoise, Arrhenius, un jeune lieutenant, était stationné sur les nombreuses îles qui forment l'archipel au large de Stockholm, en bordure de la Baltique. Je ne sais pas s'il s'ennuyait... Il avait une formation de chimiste. Chimiste de l'époque. Il a été visiter une petite carrière. L'endroit qui est marqué avec le point A. Un tout petit hameau, qui s'appelle Ytterby. Ça va tout de suite attirer votre attention, car il y a 3 terres rares dont le nom est lié à ce lieu : le terbium, l'erbium et l'ytterbium. Il est allé dans cette carrière, et dans cette petite carrière, il a observé un minéral noir, d'aspect métallique, très dense. Il n'avait pas la moindre idée de ce que ça pouvait être et il a transmis ça à un ami à lui, un chimiste finlandais, Gadolin, qui l'a analysé, et mis en évidence un oxyde, car à l'époque on était incapables de sortir les éléments des terres rares, mais il y a détecté un oxyde inconnu qu'il a appelé "ceria".
A l'époque, les chimistes appelaient les oxydes, les terres, les alcalino-terreux, pour ceux qui ont fait de la chimie, "terre", c'était le terme qui désignait les oxydes pulvérulents, souvent blanchâtres, de différents métaux. Et puis "rare" parce que c'était quelque chose d'effectivement très rare. Ce type de minerai est peu courant. Donc on appelait ça des "terres rares". En fait, c'est ni terreux, il s'agit de métaux, ni rare parce qu'on en trouve aujourd'hui dans pas mal d'endroits.
Ce sont de très belles pages pour l'histoire de la chimie française, qui a connu ses heures de gloire au XIXe siècle, au XXe siècle, et il en est né une entreprise, qui, aujourd'hui, a été intégrée dans le groupe Solvey, Rhodia. Nous avons la chance d'avoir en France un leader mondial de la chimie séparative des terres rares.
Vous allez voir que les terres rares, les 16... Les 16 vraies terres rares. On en compte tantôt 15, tantôt 16, tantôt 17. Il y a 16 véritables terres rares, toujours intimement mélangées dans les minerais. Et pour les séparer les unes des autres, c'est très difficile, parce que la couche électronique externe comporte 3 électrons. Les propriétés chimiques des terres rares sont voisines les unes des autres et il faut recourir à des astuces assez élaborées en hydrométallurgie pour arriver à les séparer, et le procédé n'a été inventé qu'au XXe siècle.
En France, Paul-Émile Lecoq de Boisbaudran a été l'inventeur du samarium et du dysprosium. C'est un grand maître, un grand génie de la spectroscopie optique. Et puis, plus tard, Georges Urbain, de l'École de chimie de Paris, a découvert le lutécium et créé une société qui s'appelait la "Société des produits chimiques des Terres Rares", avec une usine à Serquigny dans l'Eure qui existe toujours. C'est une usine où par la suite on a développé le Rilsan, qui est une fibre synthétique. Aujourd'hui, c'est une usine du groupe Arkema.
L'activité "terres rares" a commencé à se développer dans les années 20 du siècle dernier, pour fabriquer le mischmetall, un mélange impur de cérium et d'autres terres rares, qui sert essentiellement à faire des pierres à briquet. Les 1ères applications des terres rares, alors qu'on ne savait pas bien les séparer encore, c'était en Autriche. Le baron Auer von Welsbach, à la fin du XIXe siècle, a trouvé comment faire des pierres à briquet avec des terres rares.
Puis une invention qui a révolutionné l'Europe à l'époque, que beaucoup ont perdu de vue, c'est le manchon à gaz. Le manchon à gaz qu'on trouve encore dans les camping-gaz, etc., cette luminescence intense, c'est pas la flamme du gaz, parce qu'une flamme de gaz, c'est bleu, ça éclaire pas des masses. Donc si on veut que ça éclaire, il faut la mettre dans un manchon, qui est imprégné d'oxyde de cérium, avec un peu d'oxyde de thorium, et c'est ça qui génère cette luminescence blanche, extrêmement intense, qui fait que ça éclaire. Cette invention a révolutionné l'Europe. Les Autrichiens ont été les vrais inventeurs. Les Français ont suivi d'une longueur. Et cette usine de Serquigny s'est développée sur la même ligne que les Autrichiens, et l'entreprise autrichienne qui a développé ces 1ères applications des terres rares existe toujours. C'est Treibacher.
La production de terres rares de l'usine de Serquigny a été transférée à La Rochelle, où il y a une des rares usines au monde de séparation hydrométallurgique des terres rares. Elle existe toujours à La Rochelle. C'est dans les mains du groupe Solvay, sous le nom de Rhodia. Le nom de Rhodia a été conservé. Rhodia est un des rares leaders mondiaux dans ce domaine de la chimie séparative des terres rares. C'est une clé stratégique dans le domaine de l'industrie des terres rares.
Que sont les terres rares ? J'expliquais que leur histoire remonte à la fin du XVIIIe siècle, mais le passage à l'échelle industrielle de la séparation individuelle des terres rares est très lié à l'histoire du projet Manhattan, au développement de la bombe atomique lors de la Seconde Guerre mondiale. On a donné aux chimistes qui travaillaient au laboratoire d'Ames, dans l'Iowa, carte blanche pour trouver le moyen de faire la séparation des actinides et enrichir l'uranium et le plutonium. Si jamais on vous demande ça, j'espère que non, soyez prudents et faites-vous les mains sur les lanthanides, qui ont des propriétés très voisines des actinides. Les lanthanides, eux, ne sont pas radioactifs. C'est ce qu'ont fait les physiciens et les chimistes américains.
Les terres rares sont les 15 éléments du groupe des lanthanides. L'avant-dernière ligne du tableau de Mendeleïev. En fait, c'est un éclaté de la 3e colonne du groupe du tableau de Mendeleïev. Des éléments du groupe 3, qui sont tous trivalents à l'exception de l'europium, qui peut être bivalent. Et du cérium, qui peut occasionnellement prendre une valence IV. En principe, ils ont tous 3 électrons. On y ajoute l'yttrium qui a des propriétés très voisines. Ce sont des éléments qui en termes d'orbitale sont du groupe 4f. C'est ce qui leur confère des propriétés magnétiques et luminescentes tout à fait particulières. L'yttrium a des propriétés comparables, c'est aussi un élément du groupe 4f.
Par contre, le scandium a des propriétés électroniques, la couche électronique est commune, mais, en tant que géologue, je ne le mets pas dans les terres rares, car il n'est pas dans les mêmes gisements. Dans les minerais de terres rares, on a invariablement les 16 terres rares mélangées entre elles avec des proportions différentes. Mais le scandium est à part, c'est tout à fait d'autres gisements. La géochimie du scandium est différente de celle des terres rares. Voilà, ça, je l'ai dit. Il y a 3 éléments des terres rares, qui ne sont pas du bloc 4f : lutécium, scandium et yttrium. Mais malgré tout ont quand même des propriétés en termes de luminescence et de magnétisme comparables.
L'histoire des terres rares est une histoire française au départ, puis américaine. Aujourd'hui, c'est une histoire chinoise. Ça, c'est la production mondiale de terres rares. On voit plusieurs choses. On voit que la production mondiale de terres rares, c'est en tonnes, l'échelle de gauche, l'axe des y. C'était une production très modeste, voire confidentielle jusqu'au début des années 80. Après, on voit une phase de décollage. Et on voit une phase importante de production américaine, en bleu pâle, qui s'est mise à décliner tout d'un coup.
Savez-vous ce qui a entraîné le décollage de la consommation de terres rares ? Quelle est la grande invention qui a commencé à consommer de façon intensive des terres rares ? Les pierres à briquet, c'est bien, mais... Pardon ? Non, la télévision en couleur. Les poudres luminophores pour faire les pixels rouges, verts et bleus. Il faut des terres rares. Après sont apparus les aimants permanents, on va le voir. Donc, aux Etats-Unis, le bleu pâle, c'était la production d'une seule mine qui se trouve en Californie, à Mountain Pass. Et qui a été fermée au début des années 90, pour cause de pollution sévère. On va voir que la production des terres rares peut être une activité très polluante. Ça a été le cas et ça a été fermé.
En plus il y a eu un désintérêt complet du pouvoir politique aux États-Unis, comme dans le reste des pays de l'OCDE, en Europe, en France, sur ces questions-là. Personne ne s'en souciait, personne ne comprenait rien aux enjeux des terres rares. Allez parler de terres rares à un politique, le succès est à peu près assuré. Sauf si, par bonheur, il est de formation scientifique. Et donc c'est la Chine qui a pris le relais. Tout bêtement parce que la Chine bénéficie à la fois de gisements absolument extraordinaires par leur taille et leur qualité en termes de tonnage réserve et en teneur de minerai. Et elle bénéficie de main-d'œuvre, j'ose même pas dire bon marché, parce que prête à travailler dans n'importe quelles conditions, et de règles environnementales, même si elles existent sur le papier, leur application est pour le moins lâche.
L'usage des terres rares est complètement piloté par les applications. C'est vrai pour tous les métaux, car on ne produirait pas un métal s'il n'y avait pas des applications industrielles derrière. C'est donc très lié à l'évolution d'un ensemble de hautes technologies, qui, aujourd'hui, représente des enjeux mondiaux considérables. Il n'y a pas un marché des terres rares. Il est complètement inapproprié de dire : "Il y a un marché des terres rares monolythique."
C'est pas vrai du tout. Il y a des marchés des terres rares. Le marché des aimants permanents, le marché des poudres luminescentes, le marché des lasers, le marché des applications médicales... Comme le gadolinium comme produit de contraste pour l'imagerie médicale.
Voilà quelques grandes étapes de ce développement. J'ai parlé de l'invention du manchon à gaz et de la pierre à briquet par Auer von Welsbach. Et puis ensuite, ça s'est aussi développé en France. 1954, c'est l'avènement de la télévision en couleur, avec le succès qu'on sait à l'échelle mondiale. Et puis vous avez les terres rares qu'on trouve à chaque fois dedans. Le 1er laser fonctionnel, 1960. Là, dans les lasers, on en trouve toute une panoplie. Il y a toutes sortes de laser, et selon le type de laser souhaité, on va faire des utilisations différentes des terres rares. Sachant que là, ça consomme très peu. La technologie laser est formidable et nous apporte tous de multiples services. Simplement en termes de poids de matière contenue, c'est pas grand-chose.
Par contre, la poudre luminophore aux terres rares, un événement important, c'est en 1978, la découverte par Phillips de l'utilisation des terres rares pour faire les poudres dites "triphosphores", qu'on trouve aujourd'hui dans les tubes néons et dans les ampoules fluorescentes compactes qu'on a chez nous. Dans l'éclairage à économie d'énergie, aujourd'hui, c'est obligatoire. On est en phase de disparition de l'ampoule à filament tungstène.
Et 1982, c'est la découverte des aimants permanents néodyme-fer-bore, comme le matériau magnétique le plus performant, disponible aujourd'hui à l'échelle industrielle. Il y a d'autres substances magnétiques existant à l'échelle du laboratoire, le nitrure de fer, par exemple, mais ce sont encore des choses qui sont des produits utiles au niveau du laboratoire et qui n'ont pas encore démontré leurs possibilités de production industrielle à grande échelle.
Vous savez pourquoi les aimants en néodyme-fer-bore se sont développés initialement ? Et où ? Pardon ? Non, c'est après. Non, c'était aux États-Unis, chez General Motors. Une voiture américaine des années 50, c'est deux tonnes d'acier, des portières larges comme ça... Vous savez pourquoi ? Parce que vous ne pouviez déjà pas, dans les années 50, fabriquer une voiture en demandant à un Américain de tourner une manivelle pour ouvrir la vitre. Quand même. Donc il fallait un moteur électrique. Le moteur électrique marchait avec un aimant alnico. Vous allez voir la différence de taille entre un aimant alnico, à puissance magnétique comparable, et un aimant en néodyme-fer-bore. C'est incomparable.
À un moment donné, dans l'industrie automobile mondiale, la course permanente, c'est la réduction de poids, et d'efficience énergétique. Une tendance lourde dans cette industrie depuis fort longtemps. Des ingénieurs de chez General Motors ont dit : "On a trouvé un matériau magnétique qui va permettre de réduire la taille des moteurs électriques, et donc l'épaisseur de la portière." Là, on gagne des centaines de kilos d'acier dans la voiture. Ça a été la division de General Motors, qui s'est appelée Magnequench.
Ça a très bien marché, sauf que General Motors était un grand groupe et qu'un jour dans l'état-major, on s'est dit : "C'est quoi, cette filiale ?" Les gens n'ont pas fait gaffe et ont vendu ça aux Chinois. Et contre l'engagement sur l'honneur de la Chine de laisser l'usine aux États-Unis pendant 5 ans. La Chine a dû respecter cet engagement pendant 5 ans et 3 jours environ. Aujourd'hui, les murs existent toujours et c'est un truc pour garder les chiens et les chats. Et voilà.
Un film a été fait par un journaliste français, un film remarquable sur l'extraordinaire aventure des terres rares. Dans la plus grande indifférence politique, on a laissé filer la propriété intellectuelle. Le nerf de la guerre, c'est pas la matière première, c'est la propriété intellectuelle. On me donnerait un tas de dysprosium, un tas de néodyme, deux ingrédients qui entrent souvent dans la production des aimants, je ne saurais pas quoi en faire. Ce n'est pas trivial d'arriver à en faire des aimants frittés de haute qualité.
Les principaux usages aujourd'hui. Les terres rares jouent un grand rôle dans la catalyse, on en trouve dans les pots catalytiques des voitures, où elles jouent un rôle, je crois, sur les NOx, les oxydes d'azote. La catalyse pour le craquage pétrolier. Différentes applications pour le verre, notamment pour la teinture du verre. Le polissage, l'oxyde de cérium est le meilleur agent de polissage qu'on connaisse aujourd'hui. Donc les vitres de votre voiture, les vitres de la mienne, sont polies avec de l'oxyde de cérium. Les batteries nickel-métal-hydrure qu'on trouve dans les voitures hybrides. Les voitures classiques, c'est la batterie au plomb. Et dans les voitures hybrides, on trouve des grosses batteries nickel-métal-hydrure, et là, y a du lanthane, entre autres. Les aimants permanents, les poudres luminophores et les céramiques haute résistance et diélectriques, utilisées dans l'industrie électronique.
Voilà une voiture. La vôtre, la mienne. C'est une voiture quelconque. Même en entrée de gamme, vous avez une idée des terres rares qu'on met en œuvre dans l'industrie automobile, pour en faire quoi, à quel endroit ? Il faut entre 5 et 8 terres rares pour fabriquer une voiture, fût-ce une Clio modeste ou une plus grosse, peu importe. Les terres rares sont indispensables à l'industrie automobile. Et à l'industrie aéronautique, etc. On en trouve partout.
Ça, c'est la répartition. Sachant que la production mondiale tourne autour de 130-140 000 tonnes d'oxydes de terres rares par an. Ça vous dit à peu près quels sont les principaux usages en termes de masse. Sans grande surprise, c'est la catalyse et les aimants permanents, suivis d'assez près par les agents de polissage. Vous voyez que c'est assez équilibré.
Alors, question : c'est transformé où ? On nous parle beaucoup, dans la presse, les médias, des terres rares. C'est un sujet tendance depuis 2-3 ans. Et on a l'impression que c'est vital pour l'Europe. J'en entends beaucoup parler. Yves Meyerfeld indiquait que la Commission européenne a mis en place un réseau européen des compétences en matière de terres rares. Mais quand on regarde où c'est mis en œuvre industriellement, ça se passe pas beaucoup chez nous. Aujourd'hui, on n'a pas beaucoup de brevets dans ce domaine. On a laissé filer tout ça. Donc ça se passe largement en Asie, largement en Chine et puis au Japon. Avec des enjeux stratégiques considérables. 81% de la production mondiale d'aimants permanents, c'est en Chine. Le reste, c'est au Japon, avec une toute petite partie aux États-Unis et en Europe. C'est généralement sous licence Hitachi. Le principal brevet sur la production d'aimants frittés à base de terres rares, c'est Hitachi. Un brevet qui vient à échéance en 2014, l'année prochaine, et la Chine vient d'annoncer qu'elle intente un procès contre Hitachi devant les tribunaux américains, pour prolongation abusive du brevet, puisque Hitachi a annoncé une extension de la validité de son brevet jusqu'en 2029. Il y a 9 sociétés chinoises qui se sont mises ensemble pour intenter ce procès qui va commencer et qui va certainement défrayer la chronique dans les mois et les années à venir, et faire le bonheur de nombreux juristes.
Les poudres luminophores, c'est pareil, ça se passe en Chine et au Japon. En gros, l'industrie transformatrice des terres rares, ça se passe plus en Asie qu'en Europe. Nous avons laissé filer nos industries de haute technologie dans l'indifférence politique, excusez-moi, ça me fait mal au cœur. Ça n'a rien à voir avec un parti quelconque. C'est vrai en France, en Europe, aux États-Unis. C'est une catastrophe au niveau des pays de l'OCDE. On a laissé filer tout ça, sans réagir, dans l'indifférence, au nom de la libre entreprise, des marchés transparents... Les Asiatiques ne pensent pas comme nous. Ils ont compris l'intérêt stratégique des matières premières en général et des terres rares en particulier.
Ça, c'est le taux de croissance annuel de la consommation de ces applications. Voyez qu'on est à des croissances annuelles hallucinantes. 10% pour les aimants permanents, pas loin de 10% pour les poudres luminophores. C'est quelque chose d'extrêmement dynamique. On voit bien la valeur ajoutée qu'apporte l'usage des terres rares dans bien des domaines de haute technologie. Quand je vous ai demandé si vous en aviez sur vous, vous avez répondu "téléphone portable". On pourrait faire le tour de la pièce, ce serait amusant, mais il y en a à pas mal d'endroits. La caméra vidéo qui me filme en est pleine. Tiens, les terres rares ont disparu de mon ordinateur, voilà ce que ça donne. Donc, j'ai dit 135-140 000 tonnes, actuellement. On était à 111 000 en 2011.
C'est un marché de niche. Autant les enjeux technologiques, économiques, stratégiques sont importants, autant c'est un marché de niche. En valeur, fin 2011, c'était 6,5 milliards de dollars. C'est rien du tout dans l'industrie minérale. C'est un tout petit marché. Par contre, si on compte la valeur des produits qui n'existeraient pas sans terres rares, c'est largement plus de 1 000 fois. Il n’y aurait ni aéronautique moderne, ni défense moderne, ni automobile moderne, ni télévision, etc. Si vous comptez la valeur de tous ces segments industriels... Un téléphone mobile, pour vous donner une idée, Orange a fait une étude là-dessus, qui est publique, la valeur totale des matières premières dans un smartphone, c'est 1 dollar ou 1 euro. C'est-à-dire, rien du tout. Et il y a 60 éléments du tableau de Mendeleïev dans un téléphone moderne, en comptant l'oxygène, l'azote, etc. 60 éléments, dont certains très rares. Du palladium, du béryllium, des terres rares, etc. C'est chaque fois un pouième, mais sans ce pouième, il n’y aurait pas de téléphone moderne. Donc c'est pas la valeur du produit, c'est la fonctionnalité qu'apportent ces matières premières qui est considérable.
Regardez par rapport à l'industrie du minerai de fer. C'est 298 milliards de dollars par an. 92% de la masse totale de métaux qu'on produit sur la planète année après année. Tout le reste : aluminium, cuivre, zinc, etc. Tout le reste des métaux ou ce qui s'apparente aux métaux, en comptant les métalloïdes des chimistes, ça ne fait que 8% en tonnage de la production annuelle. Donc marché de niche. Ce qui explique aussi que les grands groupes miniers, comme Rio Tinto, BHP, Vale, très connus dans le fer, dans les métaux non ferreux, ne s’intéressent absolument pas aux terres rares. Pour eux, c'est très compliqué, ça demande des technologies très particulières. On va retrouver des sociétés dont les noms sont très peu connus du grand public, à l'exception de Rhodia, parce que c'est français. Voilà.
C'est un marché très segmenté. J'ai dit et montré que c'était largement dominé par la Chine et le Japon. Ça n'est pas près de changer du jour au lendemain. Les informations disponibles sur ce monde merveilleux et passionnant des terres rares sont limitées. Un certain nombre d'entreprises, celles qui sont cotées en bourse, ont des obligations de publications d'informations. C'est ce qui alimente tous les analystes, y compris moi-même. Par contre, il se passe des tas de choses qui ne sont pas documentées. Tout bêtement parce que c'est financé par des fonds propres, par exemple d'entreprises. Quelques-uns des plus gros projets à venir en matière de terres rares sont très mal documentés. Au Groenland, le gisement Kringlerne est dans les mains d'une société australienne qui n'est pas cotée en bourse, et qui s'appelle Tanbreez. Ça pourrait être le plus gros gisement mondial de terres rares à venir, mais on sait peu de choses, car ils n'ont aucune obligation de transparence.
Evidemment, les informations en provenance de Chine sont particulièrement peu nombreuses. C'est un pays... Je pense qu'ils ont un problème interne d'organisation. Je doute que le gouvernement chinois ait une vision des statistiques solide et fiable. J'ai une expérience des anciennes statistiques russes. Ça doit pas être très différent en Chine. Je doute que le gouvernement chinois sache à 100% et avec fiabilité ce qui se passe sur son territoire. Ça s'améliore. Je pense que la Chine va être de plus en plus transparente car elle a tout à y gagner, mais, pour le moment, y a peu de données fiables venant de Chine, et quand vous avez des données, parfois il vaut mieux être prudent quand vous les utilisez. On n’est pas dans un monde de Bisounours, on parle ici de concurrence entre les nations, dans des domaines de haute technologie, de haute innovation. Et donc, les pratiques, parfois, laissent songeur.
C'est un marché qui peut être rapidement et profondément modifié par l'innovation. Demain, quelqu'un sur la planète... Et y a du monde qui cherche. Au Japon, en Corée, aux États-Unis, en Europe. Par exemple, comment faire des aimants permanents sans terres rares ? Si quelqu'un démontre la faisabilité industrielle... Il ne s'agit pas de le montrer sur une paillasse de laboratoire, il s'agit de montrer qu'on peut faire des aimants de plusieurs kilos, pour mettre dans des éoliennes... Celui qui arrivera à le démontrer va radicalement modifier la donne. Donc c'est un marché très volatil.
Voilà ce que ça donne. Ce sont les variations des cours du prix de certaines terres rares. Je n'ai pris que les terres rares dites légères. Dont la valeur... Monsieur Larsen Lupin est en train de se manifester, non ? Ah, c'est mon téléphone ? C'est un coup du néodyme ! Faites-moi signe si c'est trop pénible. Donc, en 2011, il y a eu une flambée des cours des terres rares, qui est sans précédent dans l'histoire des métaux, qui pourtant est riche de volatilité. Les cours des métaux ont souvent des creux et des bosses, mais ici on a une multiplication par 70. C'était lié à un ensemble de facteurs. Fin 2010, la marine japonaise a arraisonné un chalutier chinois, en mer de Chine, capturé l'équipage. Ils ont très rapidement relâché les marins, mais ils ont gardé le capitaine quelques jours. En représailles, la Chine a stoppé net ses exportations de terres rares à destination du Japon. Or, le Japon, pays riche en industries de haute technologie, est très dépendant de la Chine comme fournisseur de terres rares. Et puis, la Chine a entrepris un vaste programme de mise en ordre de son industrie des terres rares pour réduire les exploitations illégales. Notamment dans le sud. Et aussi pour réduire les impacts environnementaux de l'industrie des terres rares. Un ensemble de facteurs font que... Plus la spéculation habituelle sur les matières premières fait qu'il y a eu un embrasement pour une pareille évolution, et aussi rapide, des prix. Depuis, le soufflé est retombé, mais avec un niveau nettement plus haut que ce qu'il était avant. On est quand même 7-8 fois au-delà de la moyenne des prix de la période 2000 à 2010. Et on est même dans une phase de relatif redémarrage. On est repartis, semble-t-il, vers une hausse. Jusqu'à quand, et où, je ne sais pas.
Les aimants permanents. Voilà l'évolution de la taille, en grandeur réelle, c'est à l'échelle. La taille des aimants permanents. Donc l'aimant alnico. Technologie classique des années 40-50. Et tout en haut, l'aimant néodyme-fer-bore. Tout ça, à puissance magnétique identique. Vous voyez la miniaturisation que ça permet. À gauche, vous avez un moteur de 500 chevaux avec un moteur à induction bobinage cuivre classique. À droite, vous avez la même puissance, 500 chevaux, mais avec un moteur à entraînement synchrone à aimants permanents terres rares. Vous voyez que ça évoque la compacité et la simplicité. Mécaniquement, les moteurs à terres rares, ou les génératrices, on va voir le cas des éoliennes, sont techniquement plus simples, pas technologiquement.
Dans cette affaire d'aimants permanents, il y a un élément qui joue un rôle particulièrement important. Les terres rares sont stratégiques, mais il y en a bien plus stratégiques que d'autres. Vous allez voir pourquoi. Un parfait exemple, c'est le dysprosium. Les aimants permanents, normalement, c'est néodyme-fer-bore, mais on est obligé de les doper au dysprosium, des quantités qui varient entre 2 et 11 % en fonction de la plage de température que l'on veut pour le fonctionnement de l'aimant. L'aimant est caractérisé par un certain nombre de paramètres. Ces paramètres se dégradent avec l'élévation de température. Dans une éolienne, vous avez toujours un peu de frottement, des forces qui entraînent des échauffements. On est obligé de rajouter 4 % de dysprosium dans l'alliage magnétique pour garantir un fonctionnement à une plage de température acceptable sans perdre les capacités et les propriétés magnétiques de l'aimant permanent.
En 2011... Pardon, 2010, la production mondiale de dysprosium est estimée, c'est estimé, rien que pour la Chine, selon les auteurs, on estime entre 10 et 30 % la proportion de production illégale et d'exportation tout aussi illégale à partir de la Chine, histoire de vous montrer ce que valent les statistiques officielles. Quand c'est des productions et des exportations illégales, personne ne connaît la réalité des chiffres. En 2010, on a produit 1 600 tonnes et, avec ça, on peut faire 70 GW de capacité de production électrique à partir d'éoliennes à aimants permanents. On fait des éoliennes en se passant d'aimants permanents. Il y a différentes technologies. Il y a de nombreux usages concurrents des aimants permanents. J'ai parlé du téléphone mobile. Dans les disques durs, par exemple, il y a 2 aimants permanents. Et ainsi de suite. Il y en a partout. Si 20 % de la capacité annuelle de production mondiale d'éoliennes devaient venir d'éoliennes à type génératrices synchrones à aimants permanents, avec la technologie actuelle, il faudrait 460 tonnes de dysprosium supplémentaires en l'état actuel des technologies. Rien ne dit qu'en 2030, on fera encore des aimants permanents, on mettra encore des aimants permanents à base de terres rares dans les éoliennes. Peut-être qu'on fera des génératrices à supraconducteur. C'est une piste qui est explorée. On ne sait pas encore si ça marchera. Mais il y a de nombreuses options technologiques sur la table. Simplement, aujourd'hui, la plus séduisante, c'est bien la technologie à aimants permanents. Pourquoi ? Parce qu'une éolienne classique à induction, c'est un moteur asynchrone, c'est-à-dire que la pale de l'éolienne, quand il y a beaucoup de vent, tourne maximum 20 tours minute. Elle doit entraîner une génératrice à bobinage en cuivre, qui doit tourner à 1 500 tours minute pour une production optimale de courant. Que faut-il entre les 2 ? Une boîte de vitesse. C'est, mécaniquement, une horreur. C'est très complexe, très fragile. Une éolienne a des vitesses qui varient en permanence. La boîte de vitesse reçoit donc des à-coups. Aujourd'hui, les plus grosses éoliennes qu'on commence à installer en offshore, c'est 6 MW, ce sont de sacrées bêtes, et quand vous imaginez qu'il faut envoyer l'hélico, l'équipe pour aller réparer l'éolienne en panne au large d'Ouessant et qu'il y a un vent de force 8, je ne vous raconte pas l'étendue du désastre. L'aimant, comme solution, ce sont des entraînements directs. Donc plus de boîte de vitesse. On élimine une des sources principales de fragilité de l'éolienne. Donc des coûts de maintenance plus bas et une plus grande facilité d'entretien. Ça joue un rôle fondamental. Surtout pour les éoliennes en domaine offshore. En onshore, c'est moins grave. L'accès est plus facile. Mais, même là, la fréquence des pannes est plus grande sur les boîtes de vitesse pour celles qui en ont une. Donc il y a aussi besoin d'autres métaux. Donc... Ah oui, pardon... Il faut savoir que par MW de capacité de production électrique, il faut, si c'est des éoliennes à aimants permanents, il faut, par MW, 600 kg, en moyenne, les chiffres diffèrent un peu, d'aimants permanents, par MW de capacité de production, dans les 600 kg, vous avez 24 % de néodyme et, environ 4 % de dysprosium. Ça vous donne un ordre d'idée.
Il faut aussi du cuivre. Vous avez entre 6 et 10 t de cuivre, selon les estimations, en comptant les réseaux de raccordement. C'est bien de construire des éoliennes, mais encore faut-il construire des réseaux pour les raccorder. Et une bonne centaine de tonnes de fer, entre 100 et 150 tonnes de fer, par MW de capacité installée. Si on regarde les projections à l'horizon 2030, il y en a de disponibles par l'Agence internationale pour l'énergie et le Global Wind Energy Council, ça ferait, à peu près, 670 000 tonnes de cuivre. C'est 4 % de la production mondiale de cuivre. C'est pas rien. C'est 1 % de la production mondiale d'acier. C'est bien parce que ça se recycle sauf qu'il faut attendre 20 ans. Ça rajoute à la demande mondiale pour les métaux et ça illustre bien le fait que les énergies renouvelables, on déplace, en partie, un problème, celui de la génération d'énergie, vers un autre, la production de métaux. Laquelle production de métaux nécessite de l'énergie. Aujourd'hui, on consomme 8 % d'énergie mondiale pour extraire et produire les métaux dont l'humanité a besoin, pour avoir un ordre d'idée. D'ici 2035, il faudrait installer, de manière générale, pratiquement 6 000 GW de capacités nouvelles de production électrique, toutes technologies confondues. Plus, encore, la partie que je n'ai pas calculée, qui doit être à peu près 1/3 des capacités existantes, qui sont en fin de vie. En gros, 20 ou 30 ans pour une installation de production électrique, c'est déjà pas mal. On essaye de faire durer les centrales nucléaires un peu plus longtemps. Je ne sais pas si c'est une bonne idée. Mais, enfin, bon... Il va bien falloir remplacer tout ça. Ça vous donne un ordre d'idée des enjeux.
Si, pour l'éolien, on pourrait passer de 238 GW, ce qui est installé à l'échelle mondiale actuellement, à 1 098 en 2035, dont 175 installées en offshore. C'est le scénario dit de croissance modérée publié par l'Association mondiale pour l'énergie éolienne, ce qui ferait, à peu près, 96 GW par an à l'horizon 2030 et, si on prend l'ensemble du dysprosium, on est à 70 GW. Il y aura un gros problème sur la demande en dysprosium si les technologies n'évoluent pas. C'est un éclaté d'une éolienne à génératrice synchrone à aimants permanents. Les pales, le système de freinage et puis, derrière, cet espèce de gros disque, qui est la génératrice à aimants permanents Donc pas de boîte de vitesse. D'où une relative simplicité de la construction.
Pourquoi le dysprosium est-il un métal critique et hautement stratégique ? Aujourd'hui, on dispose de données précises sur une bonne cinquantaine de gisements à terres rares qui sont en cours d'étude à travers le monde, hors Chine. On dispose de données détaillées sur leurs ressources et la composition de ces ressources. En moyenne, ça donne 0,9 % de dysprosium. Un gisement de terres rares, en moyenne, c'est 1,2 % de terres rares dans le minerai. Donc c'est 98,8 % de fraction stérile de la roche, qu'on va rejeter. Ce n'est que 1,2 %, en moyenne, et, dans ce 1,2 %, vous avez, en moyenne, encore, 0,9 % de dysprosium. Ça vous montre que le dysprosium n'est pas un élément courant dans la nature. Or, il est indispensable à de nombreuses applications.
Des prévisions sur l'offre et la demande, ça vient de Dudley Kingsnorth, qui est l'un des meilleurs spécialistes mondiaux de l'économie des terres rares. On en retrouve quelques-uns dans toutes les conférences internationales. Vous voyez les estimations. Pour tout ce qui est en rouge, vous avez un déficit structurel prévu, un déséquilibre entre l'offre et la demande. C'est un paradoxe. Si on veut produire du dysprosium, il faut produire la quantité de lanthane et de cérium associée, mais il n'y a pas un marché pour absorber de telles quantités de lanthane et de cérium. Vous allez maintenir des cours élevés pour le dysprosium et vous allez déprimer les cours des éléments lanthane et cérium, voire le néodyme, qui est utile aux aimants permanents. C'est la bonne nouvelle, le néodyme ne fait pas partie des terres rares rares. Par contre, l'europium et le terbium, des poudres luminophores, regardez, 0,3 %, 0,2 %. Ça fait pas épais. Quelles que soient les technologies d'éclairage ou de vidéo, pour les écrans vidéo, on retrouve invariablement ces terres rares. La bonne nouvelle, ce sont les ampoules compactes fluorescentes, dont on va parler dans un instant. Avec l'avènement des LEDs, on va pouvoir générer de l'intensité lumineuse en utilisant moins de terres rares.
Ce que je ne vous ai pas montré, tout à l'heure, c'est l'évolution du prix des terres rares les plus rares. Regardez la courbe des prix du dysprosium. Tout à l'heure, on était à un facteur multiplicateur de 70. Là, on avait atteint 106. C'est mieux que la Caisse d'Épargne. Ça dépend à quel moment vous vous situez, évidemment. D'où l'avertissement, au début. D'où vient le dysprosium, en particulier ? Le problème, c'est que la production mondiale de dysprosium vient à 99 % de l'exploitation de ce qu'on appelle des argiles ioniques à terres rares, qui sont une espèce de latérite formée sur des roches préalablement déjà enrichies en terres rares. On trouve ça dans le sud de la Chine. C'est une espèce de sols tropicaux, où se sont enrichies les terres rares lourdes. Le profil de ces argiles ioniques est enrichi par un processus géochimique en terres rares lourdes. Elles sont exploitées localement, mais c'est une horreur. C'est de la déforestation. Il faut bien accéder à la matière première. Ce sont des petites exploitations artisanales à ciel ouvert. On fait des petits forages de 3 m, à mailles très serrées. On y injecte du sulfate d'ammonium, des lixiviants. Ça pénètre dans le sous-sol. On recueille ce jus un peu plus bas, dans la pente. Au bout de quelques semaines, il est chargé et il lixivie les terres rares. Ensuite, on fait évaporer. On recueille un concentré de terres rares, qui, ensuite, est envoyé dans des usines de séparation hydrométallurgiques. On revient au procédé utilisé pour toutes les terres rares. Mais le spectacle n'est pas très jojo. Et l'impact environnemental est considérable. En plus, c'était largement de l'exploitation illégale. Donc une des questions sur le marché du dysprosium, c'est, si la Chine met vraiment en œuvre des normes environnementales contraignantes comme elle a l'air de vouloir le faire parce qu'elle est prise à la gorge par l'état de son propre environnement, il n'y a pas que des problèmes de terres rares, ils sont même épiphénoménaux par rapport au charbon ou à la qualité de l'eau en Chine, etc. cette production de dysprosium va baisser fatalement. La question à quelques millions d'euros, c'est où sont les productions alternatives ?
Autre question. La Chine a un besoin impérieux de ces terres rares. Elle a développé plein d'industries à hautes technologies, à haute valeur ajoutée utilisant les terres rares. Il est très clair que la stratégie économique de la Chine, ce n'est pas de continuer à vendre au monde des blue jeans et des T-shirts bon marché. Ça, c'est fini. C'est en train de quitter la Chine vers l'Éthiopie, le Bangladesh. Il y a toujours, malheureusement, plus pauvre que pauvre pour ce faire ce genre de choses. L'ambition de la Chine, c'est de nous vendre les produits à forte valeur ajoutée, que permet une parfaite maîtrise de toute la filière des métaux depuis la géologie, l'extraction minière, la métallurgie, la chimie séparative, en clair, de nous vendre les avions et les automobiles du futur. L'électronique, c'est bien parti. Trouvez un ordinateur, un téléphone, n'importe quoi qui ne soit pas "made in China". Même s'il y a marqué Apple ou je ne sais pas quoi dessus, l'usine où un bon nombre de composants, pas tous, ont de bonnes chances d'avoir été fabriqués en Chine. Cette boulimie de matières premières de la Chine, et pas seulement sur les terres rares, conduit la Chine, aujourd'hui, à être non seulement un opérateur minier de 1er rang, mais aussi à investir massivement à l'étranger, notamment au Canada, en Afrique et en Australie.
Dernière partie de ce petit panorama sur les terres rares, les questions pour l'avenir. Dans mon hôtel, il y avait une moquette très agréable, que je me suis mis à fumer tout en regardant dans une boule de cristal, ce qui est un exercice un peu hasardeux, parce que la fumée peut obscurcir ce qu'on a dans la boule de cristal... Il faut savoir, déjà, je le répète, qu'on n'a que les informations de sociétés qui sont cotées en Bourse. Tout ce qui n'est pas coté en Bourse n'est pas public.
Parmi les très grands gisements qui pourraient produire des terres rares dans l'avenir, par exemple, c'est les phosphates. Il se pourrait que le Maroc, qui est un grand producteur mondial de phosphates, puisse devenir, un jour, un grand producteur mondial de terres rares. J'ai eu la chance de m'exprimer à ce sujet. J'ai écrit un article, récemment, sur le sujet. Il y avait un symposium organisé au Maroc par l'Office chérifien des phosphates, où je me suis amusé à présenter quelques idées ou quelques données sur les terres rares dans les gisements de phosphate. Il y aussi certains gisements de fer où on trouve de l'apatite, phosphate de calcium, qui, très souvent, contient des terres rares. Il y a toutes sortes de sources potentielles de terres rares qui sont mal documentées, mal connues, mais qui pourraient se mettre à produire.
Il faut savoir que les sociétés cotées en Bourse, pour ce qui est des sociétés minières, sont soumises à des codes imposés par les marchés financiers, qui conduisent à publier les données dans des formats bien spécifiés avec des audits externes, etc. Tout ça est lié à un grand scandale qui a eu lieu à la fin des années 90 dont je ne vais pas parler ici. 49... 50 gisements sont actuellement en cours avancé d'études à l'extérieur de la Chine. 49 et 2 mines en production, ce qui fait bien 51. 2 mines ont été ouvertes hors Chine. La fameuse mine des États-Unis a été modernisée et ré-ouverte. Celle qui avait été fermée pour des raisons environnementales. Mountain Pass, qui appartient à la société Molycorp. En Australie, c'est l'ouverture complète d'un nouveau gisement, qui n'existait pas auparavant, Mount Weld, qui appartient à la société Lynas. Ce gisement est apparié à une usine de séparation des terres rares sur technologie Rhodia, qui a été construite en Malaisie, à Gebeng, et qui est en cours de production. Ça va rajouter à peu près 20 000 tonnes de terres rares au marché, mais, malheureusement, un tout petit peu, seulement, de dysprosium. Ce n'est qu'une toute petite partie de la réponse.
Donc peu d'informations sur les projets que les sociétés autofinancent. Au Groenland, il y a un gisement qui intrigue beaucoup parce que c'est un monstre, qui s'appelle Kringlerne. Il appartient à une société australienne assez mystérieuse, Tanbreez, contrôlée par une holding enregistrée à Londres. Je ne sais pas si vous voyez... Derrière laquelle, certains pourraient soupçonner des intérêts chinois. Mais bon... Il faut savoir qu'une partie des productions dites occidentales futures bénéficieront à l'économie chinoise. C'est la règle. C'est une carte avec les projets... Plus ou moins les 51 projets. Et puis quelques autres. Vous avez la position des mines chinoises, les pentagones représentant les sites en train de produire. Vous avez des projets en développement en Australie, Nolans Bore, Charley Creek. DZP, qui est Dubbo Zirconia, qui sont en cours je dirais assez avancé. Vous avez plusieurs gisements aux États-Unis, au Canada. Vous avez des choses moins avancées, mais extrêmement importantes au Groenland. Le plus gros gisement en termes de tonnage de réserve, mais, malheureusement, pas en termes de teneur en terres rares dites lourdes, en dysprosium, notamment, se trouve à Kvanefjield, pratiquement dans l'extrémité sud du Groenland.
Que faut-il pour répondre à nos besoins en terres rares ? C'est quand même bon de le rappeler. Il faut plusieurs conditions. Il faut, d'abord, des gisements, une connaissance géologique, trouver les gisements. Mais ce n'est pas suffisant. Il faut des capitaux nécessaires à leur développement et à leur mise en production. Aujourd'hui, les coûts d'investissement préalables avant de sortir la 1re tonne de minerai, parce que, pour sortir le minerai, il faut acheter les équipements, construire des installations, apporter la haute tension, l'eau, etc. mettre en place l'installation de traitement des effluents. Et j'en passe, et des meilleurs. Ça fait qu'une nouvelle mine de terres rares, sans usine de séparation des terres rares, c'est entre 100 millions et 1,5 milliard de dollars avant de sortir le 1er kilo de terres rares. C'est le CAPEX, en anglais, "capital expenditure".
Après, on parle de coûts opératoires, les coûts de production au kilo, à la tonne, comme on voudra. À ça, vous rajoutez encore quelques centaines de millions de dollars si vous voulez faire une usine de séparation. On est dans des choses très capitalistiques. C'est un gros problème. J'ai dit que la valeur totale de la production, c'étaient 6 milliards de dollars. Autant vous dire que les investisseurs ne se précipitent pas. Quand vous leur dites qu'il faut 1,5 milliard de capitaux pour démarrer le projet, j'attends de voir qui va les mettre. Parce que je crois à un projet quand je lis qu'il y a des accords qui ont été signés avec X, Y et Z, que le tour de table s'est organisé. On peut alors envisager sérieusement que la production va démarrer. Tant que ce n'est pas le cas, on peut parler longtemps, faire de la publicité, des belles plaquettes. L'industrie sait très bien faire ça.
3e condition. Donc, il faut un gisement. Il faut des capitaux. Il faut construire des usines de séparation. Il faut trouver des gens qui ont le savoir-faire. Ils sont très peu nombreux à travers le monde, qui veuillent bien vous licencier et vous aider à construire l'usine. Ces industriels-là jouent aussi leur propre stratégie. Après, il faut les savoir-faire. La bonne nouvelle, c'est qu'il y a le savoir-faire humain. La propriété intellectuelle est fondamentale et je reproche souvent aux études sur les métaux critiques, je connais un peu le sujet, c'est de ne pas du tout regarder les questions de brevets, etc. et savoir qui contrôle les brevets sur la métallurgie, sur la chimie séparative, sur les matériaux en aval, etc. C'est fondamental et c'est très éclairant. C'est, malheureusement, peu réjouissant quand on regarde ça.
Et puis, l'acceptabilité sociale des projets. L'acceptabilité de ces projets dépend, entre autres, de la présence ou non de sous-produits radioactifs. Beaucoup de gisements de terres rares ont le très mauvais goût de contenir du thorium et de l'uranium. L'uranium, c'est peut-être pas le plus inquiétant. Il a un marché. S'il y a suffisamment d'uranium, on peut le sortir économiquement, le vendre et on n'a pas à en faire un tas d'uranium qu'on laisse sur place. Par contre, le thorium, aujourd'hui, est un des rares éléments du tableau de Mendeleïev qui n'ait pas encore un marché à hauteur de sa production potentielle. Il y a quelques usages du thorium, mais ça va pas chercher très loin. Il faut entreposer ce thorium. La bonne idée, c'est de l'entreposer pendant 30 ans. Dans 30 ans, il y aura un marché du thorium, il y aura des réacteurs nucléaires en grandes quantités marchant à l'uranium 233, produit à partir de thorium 232. Je pense que c'est un des avenirs du mix énergétique, mais ça ne sera pas avant 30 ou 40 ans. En attendant, il faut le stocker. Ce thorium pose quand même quelques problèmes d'entreposage. Ça peut se faire, mais ça a un prix et ça ne doit pas être fait n'importe comment. Et vous avez toute de suite des problèmes d'opinion publique. Dès que vous utilisez le mot "radioactivité", vous suscitez la crainte de la population.
C'est un diagramme qui montre quelques-uns des gisements en cours de développement. En Europe, nous avons un gisement de terres rares en cours de développement avancé, qui est Norra Karr, en Suède, qui appartient à la société Tasman Metals, qui est australienne et où vous avez moins de 10 ppm de thorium. La plupart des autres gisements ont des teneurs plus élevées. C'est une échelle logarithmique. Ça va jusqu'à plus de 10 000 ppm de thorium, ce qui fait beaucoup. Ça fait exactement 1 %. Ça donne des déchets, qui, selon les normes de l'Agence internationale pour l'énergie, sont des déchets qui relèvent de règlementations spécifiques pour leur gestion. C'est beaucoup plus lourd.
Sur le know-how du traitement et de la séparation des terres rares, je ne vais pas vous détailler la partie gauche de l'image, vous pourrez la regarder à la loupe, elle est téléchargeable, aussi, ça vient de l'USGS, c'est un flow sheet simplifié, de traitement métallurgique des terres rares. Il faut savoir aussi que les porteurs de terres rares... Il y a, à peu près, 200 espèces minérales porteuses de terres rares qui sont connues, mais il n'y a de procédés industriels que pour 3 ou 4 de ces terres rares, la bastnésite, la monazite et la loparite. La loparite est déjà un minéral très particulier. Il y a un gisement exploité, dans la péninsule de Kola, en Russie. Il y a un autre minéral dont on va parler beaucoup dans les prochaines années, qui est l'eudialite. Et puis, aussi, le xénotime. Eudialite et xénorime étant 2 minéraux du groupe contenant des terres rares qui ont une particularité, ils sont naturellement très riches en terres rares lourdes et peu radioactifs.
C'est juste un ordre d'idée. C'est le montant, en capital, ce sont les données publiées par les sociétés, le montant en capital qu'elles estiment nécessaire pour démarrer leur opération. Vous voyez, Kvanefjield, 1,530 milliard d'euros. Si vous ne savez pas quoi faire de votre plan B ou de votre livret A, voilà une suggestion, mais rappelez-vous l'avertissement initial. Les inconnues, dans le domaine des terres rares, j'aime bien l'expression, c'est les known unknown, les inconnues connues. On n'a pas la réponse, mais on sait quelles sont les questions. Les questions, pour le futur, c'est quelle va être la capacité de production de la Chine ? Notamment en matière de terres rares lourdes, dont le fameux dysprosium et l'europium. Non, l'europium n'est pas une terre rare lourde, mais il est rare. Le terbium est une terre rare lourde. L'yttrium. Ce sont de vrais enjeux. Quelle va être la capacité des projets situés hors Chine à attirer les investissements initiaux nécessaires à leur développement ? Que vont devenir les projets à forte teneur en thorium ? Que va-t-il se passer avec un tout un tas de gisements qui sont mal documentés pour cause de manque de transparence et qui sont développés sur fonds propres ? Qui va abattre quelle carte et quand ? On ne le sait pas. J'en connais quelques-uns qui jouent dans l'ombre.
Que va-t-il advenir de la construction d'usines de séparation ? Une usine comme La Rochelle, c'est 10 000 t par an de capacité. Ça s'étend pas indéfiniment. C'est compliqué, en plus. C'est là qu'il risque d'y avoir un gros goulet d'étranglement. Beaucoup des nouveaux projets annoncent l'ouverture de mines, mais ils ne parlent pas de l'usine de séparation, qui est nécessaire derrière, qui va les faire, comment ça va se passer. Des rumeurs circulent qu'aux États-Unis, il pourrait se développer le concept d'une usine qui ferait de la métallurgie, enfin de la chimie séparative à façon. Les producteurs pourraient y envoyer leurs minerais, payer les coûts de la séparation. Pourquoi pas. Peut-être qu'en Europe, quelque chose de similaire pourrait se développer.
Et puis la question des brevets. La propriété intellectuelle, aujourd'hui solidement verrouillée à la fois par la Chine et le Japon, ce qui va poser un problème pour tous les nouveaux entrants.
Et puis, les compétences dans l'OCDE aujourd'hui. Que ce soit dans le domaine de la mine, dans le domaine de la métallurgie, dans le domaine de la science des matériaux, je vois plus de têtes blanches que de jeunes. Encore que, là, je vois quelques jeunes. J'espère que vous allez vous précipiter sur ces domaines scientifiques, si vous n'y êtes pas déjà. On est plutôt dans une phase, dans tous les pays de l'OCDE, où on a perdu énormément de compétences absolument stratégiques et on ne s'est pas beaucoup souciés de les reconstituer. En Europe, il y a une forte prise de conscience, mais récente. Ça a commencé en 2008 avec le lancement de l'initiative matières premières de la Commission européenne. Certains États membres, aussi. L'Allemagne a un programme national de recherches très ambitieux qui est bien documenté. Il y a une plaquette d'une quarantaine de pages sur les métaux de haute technologie, qu'ils ont traduite en français pour encourager les coopérations bilatérales. Il y a un projet européen spécifique sur la métallurgie des terres rares qui vient d'être lancé, EURARE, qui est piloté par l'université technique d'Athènes, mais auquel participent tout un ensemble d'acteurs, dont le BRGM, entre autres. La mise en place, toute récente, par la Commission européenne, d'un réseau de sachants des terres rares. J'ai l'honneur de faire partie du comité de pilotage. Le comité de pilotage se réunit la 1re fois la semaine prochaine. Une diplomatie européenne des terres rares. Visites de commissaires européens au Groenland, entre autres. Signatures de protocoles d'accord. J'attends de voir ce qui va concrètement se passer derrière. Il faut jouer avec des centaines de millions de dollars et être prêts à prendre des risques industriels. Ce n'est pas aussi simple que ça. Ce n'est pas en allant se promener avec un marteau de géologue qu'on résout tous les problèmes.
Beaucoup de recherches en cours aussi bien au Japon, aux États-Unis, en Corée sur comment faire pour se passer de terres rares. C'est une vraie question pour la science. C'est comment on fait pour faire des écrans vidéo sans europium, sans terbium, de l'éclairage sans europium et sans terbium, des aimants permanents sans dysprosium. Le néodyme, pas trop de soucis. Comment on fait pour réduire la consommation de terres rares et aussi pour recycler. Rhodia a fait de la recherche, nous avons participé à certaines d'entre elles, sur des procédés pour recycler, par exemple, les poudres luminophores contenues dans les tubes de néon et les ampoules de basse consommation. C'est le process Coléop'terre, qui, aujourd'hui, est au point. Le recyclage de ces poudres luminophores. Il y en a 1 g par ampoule, en moyenne, et 60 % de terres rares dans ce gramme. Multiplié par le nombre d'ampoules, ça fait une ressource très précieuse. Pareil pour le lanthane dans les batteries nickel-métal-hydrure. Il y a aussi des travaux sur le recyclage des aimants permanents.
J'en ai terminé. C'est la page de pub pour le BRGM. Donc si vous voulez vous documenter, il y a, bien sûr, d'innombrables sources d'informations, essentiellement en langue anglaise. Nous maintenons, à la demande du gouvernement français, du ministère de l'Écologie, un site, mineralinfo.fr, vous avez l'adresse ici, où vous pourrez télécharger notre revue, que nous publions 2 fois par an, qui s'appelle "Géosciences", à gauche. Le numéro 15, l'année dernière, à l'occasion de Rio + 20, avait consacré tout un ensemble d'articles sur différentes facettes des matières premières minérales dans un contexte de développement durable. Nous publions, 10 fois par an, une revue, tout ça est gratuit et téléchargeable, qui s'appelle "Écomine", qui est l'actualité mondiale de l'industrie minérale des matières premières. Et si vous voulez savoir ce que nous savons aujourd'hui, plutôt ce que nous savions en 1992, parce que tout le développement de la connaissance du sous-sol français s'est arrêté avec la fin de l'Inventaire minier national, mais les données acquises entre 1975 et 1992 sont disponibles en ligne. Quiconque peut aller voir précisément. Vous pouvez zoomer très précisément. Vous pouvez voir les points d'analyse, les teneurs analysées, sachant qu'à l'époque, les procédés analytiques n'étaient pas aussi sensibles qu'aujourd'hui et on n'analysait pas des éléments comme les terres rares en routine. Ni l'indium, ni le germanium, ni le gallium. Ce qu'on regardait, c'était l'attente des pouvoirs publics de l'époque, le cuivre, le plomb, le zinc, l'or, etc.
Et puis, j'ai l'honneur de faire partie de l'équivalent du GIEC, mais pour les ressources naturelles, l'International Resource Panel, du programme des Nations unies pour l'environnement. Vous avez un lien Internet, où vous pouvez télécharger un ensemble de rapports, dont certains ont trait aux métaux et aux matières premières. Un rapport sur ce qu'on sait sur le stock de métaux existants hors sol dans l'humanité, ce qu'on a déjà extrait et qui est physiquement présent dans nos infrastructures, nos biens de consommation, etc.
Un autre sur l'état du recyclage. Il y a un tableau périodique des éléments, coloré, qui vous montre ce qu'on recycle à plus de 50 % comme éléments ou d'autres et, malheureusement, pour les métaux rares, c'est, généralement, des taux de recyclage de moins de 1 %. Un autre rapport, encore, qui est sur l'impact des métaux tout au long de leur cycle de vie. C'est un rapport tout récent, rendu public en avril cette année. Et puis, enfin, un rapport sur options, limites et infrastructures pour le recyclage qui montre que, si le recyclage est quelque chose qu'il faut développer, ça va de soi, c'est le bon sens, malheureusement, il y a aussi de nombreuses limites, thermodynamiques, mais, aussi, l'extraordinaire complexité des assemblages. Un téléphone mobile contient plus d'or, à la tonne, ou plus de palladium, qu'un minerai naturel. Une carte électronique, ça va entre 150 et 300 g d'or à la tonne. Un beau minerai d'or, c'est 5 g à la tonne. C'est une extraordinaire richesse. Sauf qu'il y a un téléphone là... Là, dans la salle, on pourrait peut-être collecter les vôtres. Vous voulez bien qu'on les mette au recyclage ? On va tous aller les tremper dans le cyanure en sortant. C'est bien pour récupérer l'or. Il y a certains éléments que l'on recycle facilement et d'autres qui sont dans des puces, etc. où les assemblages sont plus complexes que ce qu'on a dans un minerai naturel. Aujourd'hui, pour des raisons économiques, souvent, parfois, aussi, technologiques, on ne sait pas encore les recycler de façon efficace. Merci pour votre attention et, surtout, pour votre invitation.
La conférence aborde les usages des terres rares, l'évolution de l'offre et de la demande de ces minerais, les enjeux géopolitiques associés à leur exploitation, ainsi que les perspectives offertes par la substitution et le recyclage.