Ce film aborde sous forme pédagogique l’état des connaissances sur le fonctionnement du littoral sableux d’Occitanie et retrace l'évolution des stratégies et des pratiques de gestion du trait de côte sur ce même territoire.
25 février 2019

Gestion du trait de côte sur le littoral sableux de la région Occitanie - Version courte

Version courte. 

© Préfecture Occitanie / BRGM

Le littoral est une frontière, l'espace de rencontre entre la terre, la mer et l'atmosphère. C'est l'interface de milieux aux propriétés particulières dont l'interaction complexe permet de tracer le trait de côte.  

Le trait de côte, ou ligne de rivage, est une notion difficile à définir. C'est l'interface entre le sable et la mer. 

Le trait de côte est, par essence, mobile et fluctuant, et se déplace au fil du temps, des saisons, de la météo. 

On parle souvent du "recul du trait de côte". Ce n'est pas un phénomène récent, mais son ampleur s'est accrue ces dernières décennies. Il est dû à l'action des vagues, entraînant les sédiments des plages. C'est l'érosion littorale. 

Elle s'exprime selon plusieurs formes et se généralise sur la plupart des rivages français. En cause : des phénomènes naturels, pouvant être associés à des facteurs humains. Ses conséquences sont peu perceptibles au quotidien, mais les tempêtes, en accélérant de manière spectaculaire l'érosion des plages, nous rappellent régulièrement la fragilité de l'espace littoral. 

Tout le monde apprécie le bord de mer, mais sous son apparente simplicité se cachent une structure et un fonctionnement assez complexes. Mais je vois arriver Yann Baloin, du Bureau de Recherches Géologiques et Minières. Il va nous expliquer tout ça. 

Bonjour, Yann. 

Bonjour, Vincent. 

Peux-tu réexpliquer le fonctionnement du système plage/dune ? 

Le système plage/dune est composé de trois compartiments entre lesquels s'effectuent des mouvements de sable sous l'action du vent, des houles et des vagues. Le 1er compartiment est la plage immergée, la partie sous-marine, sur laquelle on trouve des bancs de sable appelés barres pré-littorales. On a ensuite la plage émergée, sur laquelle on pose sa serviette. Enfin, le cordon dunaire qui constitue un stock de sable important. 

Très bien. En Méditerranée, les marées sont faibles, alors qu'est-ce qui cause les mouvements de sable ? 

Les principaux facteurs d'évolution sont la houle, générée par le vent, et les vents qui font bouger les grains de sable. On a aussi les niveaux extrêmes lors des surcotes de tempête. Les vagues sont générées par l'action du vent. Au large, dans les océans et les mers, elles se propagent librement. C'est la houle. Lorsque ces vagues arrivent à proximité de la côte, leur déformation va induire des courants de plusieurs types. On a d'abord les courants d'entraînement, c'est le courant du large vers la côte qui permet l'accumulation de sable sur les côtes, appelée l'accrétion. On a ensuite les courants de retour qui sont les courants qui génèrent 

du transport vers le large. Ce sont notamment ces courants qui génèrent la variation saisonnière des profils de plage. Pendant l'hiver, on a un entraînement du sable vers les barres d'avant-côte. Au printemps, on a les courants plus favorables qui regénèrent la plage en sable. Le déferlement des vagues à l'approche de la côte va générer un courant parallèle au trait de côte, la dérive littorale. C'est ce phénomène qui a le rôle principal dans l'évolution des plages, en termes d'accrétion, d'érosion ou de stabilité des côtes. 

L'installation d'un ouvrage de protection dans la zone côtière doit modifier ces courants, non ? 

Les ouvrages peuvent localement perturber les déplacements sableux et vont paradoxalement accentuer l'érosion sur les littoraux adjacents. Pour quantifier l'accrétion ou l'érosion d'une côte, il faut chiffrer les volumes sableux mis en jeu. Pour cela, quand on regarde un littoral schématique, on peut avoir une embouchure fluviatile, un système de port ou encore une côte rocheuse. On va pouvoir découper ce système littoral en plusieurs compartiments qui sont relativement indépendants les uns des autres et au sein desquels on va pouvoir calculer un bilan sédimentaire. Pour calculer ce bilan sédimentaire, 3 paramètres sont utiles. Le 1er : les entrées sableuses dans ce compartiment. 

Ces entrées sableuses se font principalement en provenance des bassins versants via l'exutoire des fleuves. On peut aussi avoir des entrées sableuses du large vers la côte. Le 2e paramètre, ce sont les fuites sédimentaires, c'est-à-dire les pertes de ce compartiment, que ce soit vers les cordons lagunaires lors des plus grosses tempêtes, ou vers le large avec les courants de retour. Enfin, il faut connaître les stocks sédimentaires déjà implantés dans la cellule, et donc, notamment, l'épaisseur de sable sur l'intérieur de cette cellule. Avec ces chiffres, on établit un bilan sédimentaire de ce compartiment qui permet de caractériser l'érosion ou l'accrétion de ce littoral.  

Il vaut mieux ne pas réagir à chaud après une tempête, mais plutôt prendre le temps de l'analyse. 

Le plus souvent, la plage va cicatriser naturellement et retrouver une grande majorité de son sable après quelques semaines. C'est le phénomène de résilience. 

Le littoral languedocien est constitué de côtes sableuses basses et de côtes à lido. Un lido est un cordon littoral séparant une lagune de la mer. 

Sur ce type de côtes, on trouve des conditions particulières. D'une part, un phénomène de marée très faible, ne dépassant pas 30 cm en moyenne. D'autre part, on observe une forte fréquence de surcote, liée à la pression atmosphérique, aux vents et aux vagues pendant les tempêtes.  

Des vents forts, des terres peu élevées, des lidos étroits. Le littoral languedocien est un espace vulnérable et le budget sédimentaire des cellules peut être impacté par des phénomènes d'origine naturelle ou anthropique.  

Les phénomènes naturels qui agissent sur le littoral sont les tempêtes qui peuvent provoquer des submersions marines et l'érosion des côtes. Quant aux facteurs liés à l'activité humaine, on peut évoquer l'extraction de sable, les carrières, le nettoyage mécanique de la plage, l'arasement dunaire et l'urbanisation en général. Mais le facteur le plus impactant sur l'évolution du littoral et des plages est lié à l'aménagement des bassins versants et en particulier du lit des cours d'eau. À l'état naturel, les rivières transportent jusqu'à la côte les sédiments provenant de l'érosion des bassins versants, contribuant ainsi au bon équilibre du budget sédimentaire des plages. Mais la construction de barrages, de seuils, ainsi que les pratiques d'extraction de matériaux dans le lit des fleuves, ont progressivement bloqué les sédiments et privé les plages de leur sable. Jusqu'à une époque récente, l'homme s'adaptait aux fluctuations du trait de côte en évitant de pérenniser son installation à proximité du bord de mer. Le développement industriel et surtout touristique des années 50 et 60 modifie considérablement le paysage côtier. 

En 1963, la mission Racine, du nom de son responsable, met en œuvre une politique d'aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon avec des chantiers de grande ampleur. 

Dans son sillage, de nombreux sites désormais voués au tourisme balnéaire ou à l'industrie sont aménagés. Des espaces jouent un rôle majeur dans l'équilibre dynamique du système littoral. Les cordons dunaires, par exemple, disparaissent, et d'autres sont gagnés sur la mer. 

Dès lors, pour beaucoup, la fluctuation du trait de côte n'est plus envisageable, puisque des pans entiers de l'économie dépendent de sa fixité. Pour assurer cette fixité, de nombreux ouvrages sont construits, les ouvrages longitudinaux de hauts de plages, murs, perrés, enrochements, ou installés sur le fond du proche littoral, les brise-lames, protègent la dune des actions de la mer et cherchent à fixer le trait de côte. 

Mais leur présence tend à accroître la réflexion de la houle, accentuant le phénomène d'érosion devant l'ouvrage, ce qu'on appelle l'affouillement. Ils entraînent aussi un abaissement du profil de plage, et une diminution de sa largeur, et aggrave la tendance à l'érosion des zones non protégées de part et d'autre de l'ouvrage. Les ouvrages transversaux, tels que les épis, ont pour but d'arrêter partiellement le transport sédimentaire dû à la dérive littorale. Mais ils bloquent justement la dérive littorale et le transit sédimentaire naturel. Ils entraînent une zone d'accrétion en amont des rives et une zone d'érosion en aval des rives par déficit sédimentaire. Lorsqu'ils sont installés en batterie, ils peuvent modifier fortement les courants de la côte vers le large, entraînant une érosion accrue entre chaque épi et l'abaissement de l'estran. Si l'intervention sur le milieu est encore souvent retenue comme une nécessité compte tenu des enjeux économiques, il apparaît aujourd'hui indispensable d'ajuster finement les actions sur le littoral pour le protéger contre l'érosion. Ainsi, les interventions au coup par coup et dans l'urgence, laissent la place, depuis quelques années déjà, à une prise en compte plus globale et approfondie de la situation. 

Cette nouvelle façon d'aborder la gestion du littoral, voulue par la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, a été adoptée par l'État en 2012.  

Aujourd'hui, il existe un panel de nouvelles techniques plus ou moins lourdes et abordables pour les collectivités. Aucune ne constitue une réponse unique, une solution miracle. Chaque contexte étant différent, la construction d'un projet doit y être adaptée et prendre en compte la durée de vie des aménagements. 

Le littoral est un espace dynamique, vivant. Il est parfois modifié de façon spectaculaire après une tempête. Face au phénomène d'érosion du trait de côte et de submersion marine, il n'existe pas de solution miracle. Nous devons continuellement renforcer notre connaissance du fonctionnement du littoral. L'observation des phénomènes doit nous aider à construire à l'échelle locale des solutions adaptées qui prennent en compte de manière globale les enjeux humains, économiques, et le patrimoine naturel. Longtemps, on a pensé que se protéger face à la mer était une solution pérenne. Aujourd'hui, on a pris conscience que ce n'était qu'une solution transitoire. Désormais, il faut penser autrement le territoire et imaginer une adaptation des usages, donc une recomposition des espaces littoraux face aux risques d'érosion et de submersion marine. Agissons aujourd'hui, pour préserver  l'attractivité et le cadre de vie du littoral de demain.

Gestion du trait de côte sur le littoral sableux de la région Occitanie - Version longue

Version longue. 

© Préfecture Occitanie / BRGM 

Le littoral est une frontière, l'espace de rencontre entre la terre, la mer et l'atmosphère. C'est l'interface de milieux aux propriétés particulières dont l'interaction complexe permet de tracer le trait de côte. 

Le trait de côte, ou ligne de rivage, est une notion difficile à définir. C'est l'interface entre le sable et la mer. 

Le trait de côte est par essence mobile et fluctuant. Il se déplace au fil du temps, des saisons, de la météo. 

On parle parfois du recul du trait de côte. Ce n'est pas un phénomène récent, mais son ampleur s'est accrue au cours des dernières décennies. Ce recul est dû à l'action des vagues qui entraînent les sédiments des plages, c'est l'érosion littorale. 

Elle s'exprime selon plusieurs formes et se généralise sur la plupart des rivages français. Ses causes sont liées à des phénomènes naturels pouvant être associés à des facteurs humains. Ses conséquences sont parfois difficiles à percevoir, mais les tempêtes, en accélérant l'érosion des plages, viennent régulièrement nous rappeler la fragilité de l'espace littoral. 

On apprécie tous le bord de mer. Mais sous son apparente simplicité se cache un fonctionnement assez complexe. 

Voici Yann Balouin, du Bureau de Recherches Géologiques et Minières, il va nous expliquer tout ça. 

Bonjour, Yann. 

Bonjour, Vincent. 

Peux-tu réexpliquer le fonctionnement du système plage-dune ? 

Le système plage-dune est composé de trois compartiments qui sont interdépendants et entre lesquels s'effectuent des mouvements de sable sous l'action des vents et des vagues. Le 1er compartiment, c'est la plage immergée. On y trouve des bancs de sables, les barres pré-littorales. Puis la plage émergée où on pose sa serviette. Et le cordon dunaire qui constitue un stock de sable important. 

En Méditerranée, les marées sont faibles. À quoi sont dus les mouvements de sable ? 

Les principaux facteurs d'évolution sont la houle, générée par le vent, et les vents qui bougent les grains de sable. 

On a aussi les niveaux extrêmes lors des surcotes de tempête. Les vagues sont générées par l'action du vent. 

Quand on est au large, dans les océans et les mers, elles se propagent librement. C'est la houle. Et quand ces vagues approchent de la côte, leur déformation va induire différents courants. On a les courants d'entraînement, qui vont du large vers la côte. Ça permet l'accumulation de sable sur les côtes, l'accrétion. On a ensuite les courants de retour qui vont générer du transport plutôt vers le large. C'est notamment ces courants qui génèrent la variation saisonnière des profils de plage. En hiver, on aura un entraînement du sable vers les barres d'avant-côte. Au printemps, on aura les courants plus favorables qui vont régénérer la plage en sable. Le déferlement des vagues à l'approche de la côte va générer un courant parallèle au trait de côte, la dérive littorale. C'est ce phénomène qui a le 1er rôle dans l'évolution des plages, que ce soit en termes d'accrétion, d'érosion ou de stabilité des côtes. 

L'installation d'ouvrages de protection doit modifier ces courants, non ? 

Oui, ils peuvent perturber les déplacements sableux et vont accentuer l'érosion sur les littoraux adjacents. Pour quantifier l'accrétion ou l'érosion, il faut chiffrer les volumes sableux mis en jeu. Quand on regarde un littoral schématique, on peut avoir une embouchure fluviatile, un système de ports ou encore une côte rocheuse. On peut découper ce système littoral en plusieurs compartiments qui sont assez indépendants les uns des autres et dans lesquels on va pouvoir calculer un bilan sédimentaire. Pour calculer ce bilan, il faut connaître 3 paramètres. D'abord les entrées sableuses dans ce compartiment. Ces entrées se font principalement en provenance des bassins versants via l'exutoire des fleuves. On a des entrées sableuses du large vers la côte. Le deuxième paramètre, ce sont les fuites sédimentaires, les pertes de ce compartiment. Que ce soit vers les cordons lagunaires lors des tempêtes ou vers le large avec les courants de retour. Enfin, il faut connaître le stock sédimentaire de la cellule et notamment l'épaisseur de sable sur l'intérieur de cette cellule. Avec ces chiffres, on établit un bilan sédimentaire de ce compartiment qui permettra de caractériser l'érosion ou l'accrétion de ce littoral. 

Il vaut donc mieux ne pas réagir à chaud après une tempête et prendre le temps de l'analyse. 

Oui, souvent, la plage va cicatriser naturellement et retrouver une grande majorité de son sable après quelques semaines, c'est la résilience. 

Le littoral languedocien est constitué de côtes sableuses basses et de côtes à lido. Un lido, c'est un cordon littoral séparant une lagune de la mer. 

Sur ces côtes, on trouve des conditions particulières. D'une part, des marées très faibles, ne dépassant pas 30cm en moyenne. D'autre part, on a une forte fréquence des surcotes, liées à la pression, aux vents et aux vagues pendant les tempêtes. 

Des vents forts, des terres peu élevées, des lidos étroits, le littoral languedocien est un espace vulnérable. Le budget sédimentaire des cellules peut y être impacté par des phénomènes d'origine naturelle ou anthropique. 

Les phénomènes naturels agissant sur le littoral sont les tempêtes qui peuvent provoquer des submersions et l'érosion des côtes. Les facteurs liés à l'activité humaine sont l'extraction de sable, les carrières, le nettoyage mécanique de la plage, l'arasement d'une aire et l'urbanisation en général. Mais le facteur le plus impactant est lié à l'aménagement des bassins versants et en particulier du lit des cours d'eau. Les rivières transportent jusqu'à la côte les sédiments provenant de l'érosion des bassins versants, contribuant ainsi au bon équilibre du budget sédimentaire des plages. Mais la construction de barrages, de seuils, et l'extraction de matériaux dans le lit des fleuves ont progressivement bloqué les sédiments et privé les plages de leur sable. Entre 1960 et 2000, la population du Languedoc-Roussillon a gagné un million d'habitants. De nos jours, l'attractivité du littoral ne faiblit pas et la croissance démographique des départements littoraux ne devrait pas s'essouffler. Conséquence de la forte densité de population, une artificialisation du littoral élevée et donc plus d'enjeux à protéger. Jusqu'à récemment, l'homme s'adaptait aisément aux fluctuations du trait de côte en évitant de pérenniser son installation près de la mer. Le développement industriel et touristique des années 50 et 60 modifie considérablement le paysage côtier. 

En 1963, la mission Racine, du nom de son responsable, met en œuvre une politique d'aménagement touristique de ce littoral avec des chantiers de grande ampleur. 

Dans son sillage, de nombreux sites désormais voués au tourisme ou à l'industrie sont aménagés. Des espaces jouant un rôle majeur dans l'équilibre du système littoral, les cordons dunaires, par exemple, disparaissent et d'autres sont gagnés sur la mer. 

Dès lors, pour beaucoup, la fluctuation du trait de côte n'est plus envisageable. Puisque des pans entiers de l'économie dépendent de sa fixité. Pour assurer cette fixité, de nombreux ouvrages sont construits. Les ouvrages longitudinaux de haut de plage, murs, perrés, enrochements, ou installés sur le fond du proche littoral, les brise-lames, protègent la dune de la mer et visent à fixer le trait de côte. 

Mais ils accroissent la réflexion de la houle, accentuant le phénomène d'érosion devant l'ouvrage. C'est l'affouillement. Ils entraînent aussi un abaissement du profil de plage et une diminution de sa largeur et aggravent la tendance à l'érosion des zones non protégées de part et d'autre de l'ouvrage. Les ouvrages transversaux, tels que les épis, ont pour but d’arrêter, au moins partiellement, le transport sédimentaire dû à la dérive littorale. Mais ils bloquent justement la dérive littorale et le transit sédimentaire naturel. Ils entraînent une zone d'accrétion en amont des rives et une zone d'érosion en aval des rives par déficit sédimentaire. Installés en batterie, ils peuvent modifier fortement les courants vers le large, entraînant une érosion accrue entre chaque épi et l'abaissement de l'estran. 

Malgré le succès de certaines opérations, le bilan global, environnemental et économique, reste mitigé. Sur le littoral, on voit plutôt des ouvrages dits "durs". Est-ce la direction dans laquelle le Parc Naturel Marin veut poursuivre ? 

Non, pas du tout. 4 000km2, 100km de côtes, le Parc Naturel Marin a une délégation de gestion du domaine public maritime. Son but est de réfléchir à 15 ans, mais il doit travailler avec tous les utilisateurs de cet espace, accompagné par une équipe de professionnels qualifiés sur tous les thèmes de la mer. Et grâce à ça, il faut qu'il y ait un fonctionnement démocratique moderne, local, qui fait que, avec l'État, nous soyons capables d'accompagner tous les projets et de réfléchir à tous les problèmes connus. On voit les résultats aujourd'hui. La population est emballée, la population s'implique et la population veut et nous demande de préserver ce patrimoine et cette culture de la mer Méditerranée. Et pour le trait de côte, nous travaillerons dans ce sens. 

Aux choix stratégiques : défendre le littoral ou accepter qu'il recule, la défense quasi systématique a, dans un 1er temps, été privilégiée. 

Si l'intervention sur le milieu est souvent retenue comme une nécessité économique, il apparaît indispensable d'ajuster finement les actions sur le littoral pour le protéger de l'érosion. Les interventions au coup par coup et dans l'urgence laissent la place à une prise en compte plus globale et approfondie de la situation. C'est d'autant plus nécessaire que le changement climatique pourrait amplifier les problèmes. Cette nouvelle façon d'aborder la gestion du littoral est celle voulue par la stratégie nationale de gestion du trait de côte. 

La stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, adoptée par le ministre de l'Environnement en 2012, constitue une véritable feuille de route partagée entre l'État et les collectivités dans une démarche de connaissance et de stratégie locale pour prendre en compte l'érosion côtière dans les politiques publiques. Cette stratégie vise à repenser l'aménagement du territoire en recourant à des techniques souples de gestion du trait de côte, en arrêtant l'implantation de biens d'activité dans les secteurs où les risques littoraux sont forts ou en relocalisant les activités lorsque cela s'avère inéluctable, dans un souci de prévention des risques et de développement durable. 

Aujourd'hui, on a un panel de nouvelles techniques plus ou moins abordables pour les collectivités. Mais aucune ne constitue une solution miracle. La construction d'un projet doit s'adapter à chaque contexte et prendre en compte la durée de vie des aménagements. 

D'année en année, on voyait ce lido, qui est une bande de sable très étroite entre la mer et l'étang de Thau, s'amincir. 

Donc il était nécessaire de reconstruire la plage. Pour cela, il fallait reculer la route qui était en place et reconstituer le cordon dunaire. Et malgré cela, à des endroits où on a pas pu reculer suffisamment, on a dû mettre en place des boudins dits "atténuateurs de houle". Ce sont des brise-lames immergés qui ne coupent pas la vue de l'horizon quand on est allongé sur le sable fin. Ils sont installés à 350m du trait de côte, ce qui permet d'avoir les houles hivernales qui sont cassées et qui au lieu de venir buter sur les enrochements de l'ancienne route déposent au contraire les sédiments venus du large et repartent lentement vers le large sans entraîner les sédiments qui ont été apportés. Donc c'est ça, le résultat et déjà, en 3 ans, on a vu que la plage s'était engraissée de plus d'un mètre. C'est un vrai bénéfice. Il a fallu, en plus, rajouter des rechargements partiels et il y a plus de 400 000m3 qui ont été apportés localement avec la même origine géologique et la même granulométrie. C'est un projet qui est un projet européen exemplaire. Cet investissement de 55 millions d'euros correspond à un besoin. L'économie, le tourisme, la protection de la nature. C'est un ensemble, dans sa globalité, en préservant l'environnement et l'économie de nos territoires. 

Et c'est bien le but de faire coïncider les 2. Ce qui peut être particulièrement difficile dans certains cas. 

Sur la commune de Vias, le cordon dunaire n'existait plus, puisque les campings et les habitations étaient venus au plus près de l'eau durant des décennies. Et donc, le but de ce projet est de reconstituer une plage naturelle avec un fonctionnement sédimentaire à l'échelle de la cellule sédimentaire. 1er temps, une phase de travaux concrète, les aménagements que vous avez pu voir. Reconstitution du cordon dunaire, rechargement des plages en fonction des transferts de sédiments. Et, en parallèle, on travaille sur le plus long terme, sur la recomposition spatiale au niveau de l'urbanisme, aussi, la commune de Vias travaille sur son PLU, sur tout ce secteur-là. Comment s'adapter aux risques ? Voilà. Alors, ce projet est vraiment un projet d'envergure. Ces aménagements auront un coût global de 30 millions d'euros. Ce qui est important, c'est le côté solidaire. Solidaire entre territoires. Car tout ce qui est fait en amont a forcément une conséquence en aval. On est rentré dans cette logique-là. On ne peut plus faire comme on fait pendant des décennies, ne regarder que devant son pas de porte et ne pas penser aux populations qui sont plus loin. Donc, vraiment, ce projet-là représente cette solidarité de territoires. 

En effet, l'état de certains littoraux et le besoin de maintenir le trait de côte nécessitent de plus en plus un travail en concertation.

Le trait de côte, il y a pas mal d'années qu'on l'aborde. Au départ, on l'abordait seuls, les communes. Puis l'État est devenu de plus en plus exigeant. Il demandait un schéma directeur. Donc on s'est dotés d'un service à la communauté urbaine et nous y avons ajouté un observatoire du littoral qui nous permet de prendre régulièrement des mesures et d'avoir les données exigées par l'État lorsque nous présentons des dossiers de protection. Il y a des enjeux différents suivant le type d'érosion. Il y a d'abord la protection douce, les endroits où il s'agit de protéger. Notamment les endroits où il y a encore de la dune. On protège avec des ganivelles pour permettre à la dune de se reconstituer. Et ensuite, il y a des enjeux plus importants, c'est des enjeux où il faut protéger les habitations et les populations. Ce sont des protections dites "dures", c'est-à-dire brise-lames, enrochements, rechargements de plages. Voilà ce qu'on opère chaque année depuis une dizaine d'années. 

Comme celle d'échelle spatiale, la notion d'échelle de temps est un facteur-clé dans la réussite des opérations. 

La protection du trait de côte est un phénomène à voir dans le temps. C'est pas "je protège un jour et je vois ce qui se passe". Non, il faut avoir une vision perspective de la problématique. Et sur certains secteurs, il a fallu non pas abandonner le trait de côte, mais réfléchir à une protection à plus long terme. Sur les secteurs naturels, comme celui sur lequel nous sommes, le lido du petit et grand Travers, il y a eu 2 projets emblématiques. Le projet de rechargement massif pour apporter du matériau. Et le projet de renaturation du site. Ce qui nous a été demandé, c'est notamment de travailler sur un recul de la route qui était un phénomène perturbant dans le site. C'est pour ça qu'on a supprimé la route et on a recréé... Car l'ambition des élus, c'était de continuer à avoir sur ce site un tourisme important, populaire, gratuit. Donc on a conservé les capacités d'accueil du site, mais en améliorant son fonctionnement naturel. Suppression de la route, apport de sable et on est en train de voir comment le site se comporte et comment la nature réinvestit... Car l'ambition était la renaturation. Comment la nature réinvestit ces lieux sans les sanctuariser, sans en priver le public. 

Donc on a redonné de la place au fonctionnement naturel en allongeant la partie dune, le cordon dunaire. 

Oui, le cordon dunaire a maintenant plus de profondeur pour se déplacer en fonction des agressions de la mer. Il a du matériau pour s'enrichir. Et on dit qu'une plage, c'est 3 éléments, un cordon dunaire, une plage émergée, une plage immergée. Là, il a de la profondeur pour réagir face aux agressions de la mer. 

Il existe différentes techniques pour réhabiliter les dunes. D'abord, la pose de ganivelles, ces barrières qui empêchent le piétinement. Elles servent aussi de brise-vent et facilitent le dépôt du sable. On y associe la revégétalisation dunaire. Le développement du couvert végétal est la meilleure garantie pour assurer la fixation des sables dunaires. 

Aujourd'hui, forts de ces expériences, État et région espèrent un nouvel élan pour l'Occitanie, le Plan Littoral 21 qui placera le littoral au cœur de l'attractivité de la région et qui, en matière de gestion intégrée du trait de côte, maintient les grands principes nationaux. 

L'aménagement du littoral d'Occitanie, contrairement à celui de nombreuses autres régions, résulte d'une démarche volontariste de l'État visant à valoriser le potentiel touristique, jusqu'alors inexploité de la région, en mettant en œuvre une politique d'aménagement globale. La mission Racine, qui a été lancée en 1963, fut l'un des projets touristiques et urbanistiques les plus importants de France et d'Europe dans la période des 30 Glorieuses. Ces grandes stations touristiques incarnaient la modernité en apportant une réponse urbaine qui articulait politique de massification du tourisme et préservation des espaces naturels, préfigurant ainsi l'installation d'un Conservatoire du littoral. Une nouvelle démarche ambitieuse, comme l'avait été la mission Racine, doit pouvoir se mettre en place aujourd'hui. 

En tant que préfet d'Occitanie, j'assure la coordination opérationnelle de cette démarche. 

La mission Racine a bouleversé le trait de côte et notamment notre littoral avec la création d'une vingtaine de stations avec des ports de plaisance. 30 000 anneaux, d'énormes investissements. Il était important, aujourd'hui, avec l'attractivité de notre région, je rappelle, 55 000 habitants par an, 5 millions de touristes sur nos côtes, de réfléchir à une structuration et donc le Plan Littoral 21 est né avec la volonté politique de Carole Delga, signé avec le 1er ministre, copiloté avec la Caisse des dépôts et consignations. Il s'agit de travailler sur 3 axes stratégiques. Le 1er, sur la résilience écologique, de faire une vraie vitrine, donc française. Le 2e axe, on est sur l'économie, l'économie qui irrigue le territoire. Et puis le 3e, on est sur cette notion de bien vivre ensemble. Donc, de la cohésion sociale sur un territoire qui avait besoin de retrouver un peu quelques vertus. Les enjeux sont multiples, mais j'en prendrai 2 ou 3. 

Ils sont liés aux changements climatiques, c'est l'érosion et la submersion marine au niveau des PPRL. Et puis, bien sûr, de pouvoir apporter une vraie réponse dans le cadre de la stratégie que nous portons, mais également que porte les services de l'État sur la stratégie de la mer et du littoral. Là, nous sommes sur les enjeux de compléter ce qui, aujourd'hui, a été fait dans les stations. Mais en tenant compte de cette biodiversité très fragile, 40 000ha de lagune. Donc il faut vraiment que le Plan Littoral 21 soit adapté à cette offre. Les 2 exemples qui me viennent à l'esprit, donc le 1er, c'est le grand Castelou. C'est une grande demeure appartenant au Conservatoire. Narbonne porte ce projet, aidée par les collectivités, d'en faire une référence en termes de maison de biodiversité. Également une maison du Parc naturel de la Narbonnaise. Et puis un 2e enjeu sur l'habitat. Comment apporter un habitat nouveau qui peut avoir, demain, une signature nouvelle et qui pourrait être identifié à notre région Occitanie ? 

Le littoral est un élément-clé de l'attractivité et de l'identité de la région Occitanie. Les 215km de rivages régionaux sont soumis à une forte érosion. La diversité des usages doit être protégée, surtout l'aquaculture, la préservation des espaces naturels comme les lagunes, les propriétés du Conservatoire du littoral ou le parc marin du Golfe du Lion. Les questions d'occupation de la bande côtière, fragile et convoitée, doivent bénéficier d'une approche plus globale dans un souci d'adaptation des usages des espaces littoraux face aux risques d'érosion, mais aussi de submersion. 

Le littoral est un espace dynamique, vivant. Il est parfois modifié de façon spectaculaire après une tempête. Face aux phénomènes d'érosion du trait de côte et de submersion marine, il n'y a pas de solution miracle. Nous devons renforcer notre connaissance du fonctionnement du littoral. L'observation des phénomènes doit nous aider à construire, à l'échelle locale, des solutions adaptées qui prennent en compte les enjeux humains, économiques et le patrimoine naturel. 

Longtemps, on a pensé que se protéger de la mer était une solution pérenne. Aujourd'hui, on a compris que c'était une solution transitoire. Il faut penser autrement le territoire et imaginer une adaptation des usages. Donc une recomposition des espaces littoraux face aux risques d'érosion et de submersion. Agissons aujourd'hui pour préserver l'attractivité et le cadre de vie du littoral de demain.