La France a hérité d'un long passé industriel, durant lequel les préoccupations et les contraintes environnementales n'étaient pas celles d'aujourd'hui. Des écoles ont pu être implantés à l’emplacement d’anciennes activités industrielles, sans que la mémoire n’en ait été conservée.
17 février 2015

Anciens sites industriels et établissements scolaires

Film présentant le pourquoi, les enjeux et les modalités de mise en œuvre, au niveau national et au sein des établissements, de la démarche de diagnostic des sols dans les lieux accueillant les enfants et les adolescents (2014). 

© MEDDE / BRGM / IFFO-RME

-Comme la plupart des pays industrialisés, la France a hérité d'un long passé industriel, durant lequel les préoccupations et les contraintes environnementales n'étaient pas celles d'aujourd'hui. Le paysage urbain a évolué et les zones industrielles, autrefois implantées en périphérie, ont été rattrapées par l'urbanisation. D'autres activités situées en centre-ville, comme les pressings, les menuiseries ou les stations-service, manipulaient, elles aussi, des produits qui ont pu s'accumuler dans les sols. Les effets de ces substances étaient, alors, peu connues. Or, certaines se sont révélées dangereuses pour la santé humaine. Aujourd'hui, des habitations, des jardins potagers, des parcs ou, encore des écoles, ont pu être implantés sur ces sites sans que la mémoire des activités passées n'ait été conservée. Depuis 1996, un inventaire historique des services et des sites industriels a été demandé par le ministère en charge du Développement durable. Cet inventaire compte près de 300 000 sites, mais ne peut être exhaustif. La base de données Basias fournit de nombreuses informations sur les activités passées. En revanche, elle ne permet pas de connaître les produits utilisés et l'état réel des sols. Ces sols peuvent aussi bien être sains que pollués. Le 2e Plan national Santé Environnement prévoit de réduire les expositions dans les bâtiments accueillant des enfants. C'est pourquoi l'État entreprend une démarche visant à vérifier la qualité des lieux de vie dans les établissements recevant des jeunes ayant été construits sur ou à proximité d'une ancienne activité industrielle. 

-Avant de vérifier la qualité de vie de nos jeunes citoyens, il faut d'abord identifier tous les établissements qui ont pu être influencés par cette pollution historique. Et ce n'est pas si simple. M. Koch-Mathian, bonjour. Pouvez-vous nous expliquer comment est établie la liste des établissements concernés ? 

-Le rapprochement se fait par croisement entre 2 bases de données. La base de données des anciens sites industriels, appelée Basias, et les bases de données des établissements accueillant ces populations dites sensibles. Dans cet exemple, nous avons un établissement scolaire dont la cour de récréation a été agrandie sur un ancien établissement qui était une station-service qui avait fermé. 

-Les établissements concernés sont forcément superposés à d'anciens sites industriels ? 

-On peut avoir 2 types d'établissements. Soit superposés soit ayant une limite commune. 

-La liste que vous obtenez à l'issue de ce travail de repérage est-elle définitive ? 

-Elle n'est pas définitive. Une fois que cette liste est publiée, les acteurs locaux peuvent nous faire remonter des informations. 

-La démarche concerne-t-elle toute la France ? 

-La démarche concerne la France entière. Une 1re liste a été achevée en 2010 concernant 70 premiers départements. Les départements restants font l'objet d'une 2e liste finalisée fin 2012. 

-Pourquoi le 2e repérage a-t-il été plus long ? 

-Les inventaires d'anciens sites industriels Basias n'étaient pas achevés sur ces départements fortement industrialisés et, également, fortement urbains, et qui comportent de nombreux établissements. 

-Et pour la région Rhône-Alpes ? 

-Cette région est bien concernée par la démarche. Les travaux de repérage et de croisements sont encore en cours et permettront d'établir une 3e liste qui sera diffusée ultérieurement. 

-Une fois la liste des établissements concernés établie, des bureaux d'études sont mandatés par le BRGM pour réaliser des diagnostics. Anne-Marine Robert, bonjour. 

-Bonjour. 

-En quoi consiste la 1re phase du diagnostic ? 

-La 1re phase du diagnostic consiste à mener 2 études simultanément. D'une part, faire une recherche historique sur la parcelle de l'établissement et les environs et, d'autre part, réaliser une visite approfondie de l'établissement pour déterminer la configuration des bâtiments et les usages aux droits de l'établissement. 

-Concrètement, que recherchez-vous durant cette 1re phase ? 

-On cherche à retracer les anciennes activités polluantes, les localiser par rapport à l'établissement, déterminer la typologie des pollutions qui sont associées. On cherche aussi à comprendre le comportement des eaux souterraines aux droits de l'école. Et, pour la partie visite de l'établissement, on cherche à localiser les salles de classe, les logements de fonction, à comprendre la configuration de chaque bâtiment, à savoir la présence ou non de vides sanitaires, de sous-sols, etc. Et, pour les espaces extérieurs, on cherche à identifier les zones de sol à nu, les éventuels jardins potagers ou pédagogiques. 

-Cette étude historique et documentaire et la visite de l'école va permettre de conclure que la configuration actuelle de l'établissement ne pose pas de problème ou, alors, nécessite, compte tenu des incertitudes, de réaliser des investigations complémentaires aux droits de l'établissement. Le diagnostic peut être arrêté à partir du moment où on a suffisamment d'informations pour pouvoir soit exclure l'établissement de la démarche, par exemple, si le Basias, l'établissement industriel, va être distant de l'école, et non pas superposé ou en contiguïté, ou, alors, si toutes les informations montrent que les enfants ne sont pas exposés à des substances issues de cet ancien bâtiment industriel. 

-Dans le cas où les doutes subsistent, il est donc nécessaire que les bureaux d'études retournent dans l'établissement afin de faire des mesures et des prélèvements. Lorsque vous intervenez, en phase 2, quelles sont les mesures que vous allez réaliser ? 

-Les mesures qu'on réalise sont directement liées aux résultats de la 1re phase de diagnostic, donc aux milieux pertinents qu'on a identifiés. Les milieux peuvent être les sols de surface, l'eau du robinet. Pour l'air, on s'intéresse à l'air qui précède l'air intérieur, tel que l'air sous la dalle des bâtiments, l'air des vides sanitaires, des caves ou des sous-sols, quand il en existe ou, encore, l'air du sol le long des bâtiments à 1 m de profondeur. On peut aussi réaliser des mesures sur les eaux d'un puits présent sur l'établissement ou les fruits et légumes qui sont cultivés aux droits de l'établissement. 

-Cette phase d'investigation, comme on peut le voir, dans la grande majorité des cas, va permettre, à elle seule, de conclure. En revanche, si des doutes subsistent sur la qualité de l'air respiré à l'intérieur des bâtiments, des investigations complémentaires vont être nécessaires. 

-Si les mesures sur les milieux qui précèdent l'exposition, c'est-à-dire les sols sous la dalle, mettent en évidence des teneurs susceptibles de poser problème, des campagnes de mesure de l'air intérieur sont réalisées. Ils vont permettre de finaliser le diagnostic de l'établissement. A l'issue de ce diagnostic, les établissements peuvent être classés dans 3 catégories. Soit les sols de l'établissement ne posent pas de problème. Soit les aménagements et les usages actuels permettent de protéger les personnes des expositions aux pollutions, que les pollutions soient potentielles ou avérées. Soit les diagnostics ont montré la présence de pollutions qui nécessitent la mise en œuvre de mesures techniques de gestion, voire la mise en œuvre de mesures sanitaires. 

-Au regard de ces différentes catégories de classement, le retour d'expérience à fin septembre 2012 pour 397 établissements, montre la répartition suivante. A noter que 3 % des établissements sont, finalement, hors démarche, 65 % sont classés en catégorie A, 30 % sont classés en catégorie B et, au final, seuls 2 % des établissements sont classés en catégorie C. 

-En cas de présence d'huile ou de métaux dans les sols, on pourra recouvrir les terres par une terre saine ou les remplacer entièrement. Et si les diagnostics ont montré la présence de pollution dans l'air intérieur, il y a différentes solutions. Aérer quotidiennement les locaux. Rendre étanche le sol. Pomper l'air du sol sous la dalle pour qu'il ne puisse plus remonter dans les bâtiments. Quoi qu'il arrive, si une pollution est identifiée, des mesures sont prises afin qu'elle ne puisse pas influencer les lieux de vie. A ce jour, aucune prise en charge sanitaire n'a été nécessaire. Depuis 2010, la réalisation des diagnostics confirme l'intérêt de cette démarche d'anticipation, qui participe à une approche objective et rationnelle de la qualité de nos milieux de vie. La construction de cette mémoire environnementale ne peut être réalisée que progressivement, sur plusieurs années. Le pilotage interministériel, l'implication des acteurs locaux concernés, l'information anticipée et adaptée des personnels des établissements, des élèves et des parents d'élèves ont permis de mener la démarche sereinement. Fort de cette expérience, les diagnostics sont engagés dès 2013 dans les 21 départements concernés par la seconde vague.