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    Nicolas Charles, géologue au BRGM et auteur de plusieurs guides géologiques publiés par BRGM Éditions, propose un panorama des curiosités géologiques en France à travers 5 sites emblématiques.
    3 août 2021

    À propos de l’auteur

    Docteur en géologie, Nicolas Charles est géologue au BRGM, le Service géologique national. Il participe à de nombreux projets à l'international et en France sur la cartographie géologique et les ressources minérales. Depuis 2016, il coordonne un projet européen de formation en géosciences en Afrique (PanAfGeo) visant à renforcer les partenariats entre services géologiques européens et africains. Auteur de nombreux ouvrages de médiation scientifique sur le patrimoine géologique français, il anime aussi des conférences sur la géologie et les ressources minérales.

    Côte de Granite Rose

    De la pierre à la rose, du magma au chaos

    La côte bretonne tout en dentelle rose et bleue.

    Entre Ploumanac’h et Trébeurden, la côte bretonne revêt ses plus beaux habits et inspire de nombreux artistes. Des rochers aux formes insolites se parent d’un camaïeu de rose aux reflets changeants et dont la roche qui les compose donne son nom à la Côte de Granit Rose. À chacun son orthographe entre poètes et géologues, granit pour les littéraires et granite pour les scientifiques.

    Chaos du Château sur la Côte de Granit Rose

    Chaos du Château sur la Côte de Granit Rose à Pors-Rolland, Perros-Guirec.

    © BRGM - Nicolas Charles

    Le granite rose breton est une roche magmatique, issue de la cristallisation d’un magma à quelques kilomètres sous terre il y a environ 300 millions d’années. Elle est constituée comme toutes les roches granitiques de différents minéraux cristallisés les uns avec les autres, et sans espace entre les grains. Le quartz est gris et translucide, la biotite est noire et en feuillets, le feldspath est blanc laiteux ou alors ici teinté de rose par des oxydes de fer, à l’origine de la célèbre couleur de ce granite breton.

    Bloc de calcaire, Corse

    Le Bec de l'Aigle, témoin d’un continent disparu entre Corse et Provence

    À La Ciotat, proche des calanques de Marseille, s’élève une pointe rocheuse pour le moins inhabituelle.

    L’être humain aime attribuer aux nuages des formes familières, c’est aussi le cas pour les montagnes. À La Ciotat, près des célèbres calanques de Marseille, une forme évocatrice se détache de l’horizon : le Bec de l’Aigle. C’est un cap rocheux emblématique de cette partie du littoral provençal qui rappelle sans équivoque le profil d’une tête d’aigle.

    L’éperon minéral s’élance vers la Méditerranée et exhibe une roche brune à gros galets que les géologues appellent « poudingue ». Cette roche s’est formée il y a environ 90 millions d’années. Elle témoigne d’un continent disparu, lointain cousin de la Corse et de la Sardaigne.

    Le Bec de l’Aigle

    Le Bec de l’Aigle, La Ciotat.

    © BRGM - Nicolas Charles

    À cette période reculée, la région de La Ciotat se situe sur les bords d’un continent faisant face à la Provence et a priori solidaire de la Corse et de la Sardaigne. Ce continent s’érodait et les sables, graviers et galets transportés par les fleuves, se sont accumulés dans des deltas au pied de cette terre émergée. L’un d’eux constitue aujourd’hui le poudingue du Bec de l’Aigle. La disparition de cette « Atlantide » séparée de la Provence par une petite mer intérieure, est liée à la naissance de la mer Méditerranée qui découle de la rotation dans le sens inverse des aiguilles d’une montre de la Corse.

    Les grottes de la falaise sont des cavités karstiques dont le calcaire d'âge Crétacé supérieur a été exploité en carrière souterraines, Charente-Maritime

    Entre terre et mer, histoire d’un estuaire charentais

    Hôte des « Fines de Claire », l’estuaire de la Seudre mélange eaux douces et eaux salées et accueille une riche biodiversité, fruit d’une évolution géologique récente.

    Entre terre et mer, une succession insolite de formes géométriques se dessine dans la première région ostréicole de France. Marais, digues, claires, chenaux et villages apparaissent entremêlés vus du ciel le long de l’estuaire de la Seudre, en Charente-Maritime. Ce fleuve côtier long d’environ 65 kilomètres termine sa course dans l’océan Atlantique entre Marennes et La Tremblade. L’eau douce s’écoule depuis sa source, à Saint-Genis-de-Saintonge, jusqu’à Saujon, cité thermale où l’eau salée marque le début de l’estuaire.

    Les rives sont constituées d’anciens marais salants aménagés dès le VIIe siècle. Aujourd’hui, ils sont pour la plupart abandonnés ou reconvertis en prés salés, et en claires pour l’affinage de la célèbre « Fine de Claire », l’huître d’appellation Marennes-Oléron.

    Estuaire de la Seudre

    Estuaire de la Seudre, Charente-Maritime. Marais gâts (anciens marais salants).

    © BRGM - Nicolas Charles

    Ce paysage de marais littoraux, où se rencontrent eaux douces et salées, s’est développé à l’aplomb d’une cuvette topographique guidée par des failles orientées nord-ouest sud-est. Ces cassures du sous-sol ont pour origine la formation des Pyrénées, il y a environ 40 millions d’années.

    La naissance de l’estuaire est en revanche beaucoup plus récente à l’échelle des temps géologiques, elle date du Quaternaire. Au cours de cette période, le niveau marin a fortement varié : il y a environ 20 000 ans, l’océan, plus bas d’une centaine de mètres, a permis aux fleuves de creuser leur lit et former par endroits de véritables canyons à l’emplacement des futurs estuaires charentais (Gironde, Charente, Seudre). Par la suite, les fleuves ont charrié et déposé des sédiments, notamment prisés des vignerons du Médoc. Entre – 12 000 et -8 000 ans, le niveau marin remonte. L’océan envahit les vallées, formant de vastes golfes où se déposent des sédiments fluvio-marins, qui constituent aujourd’hui l’assise des marais littoraux et sont connus localement sous le nom de « bri ».

    La roche de Solutré

    La roche dans un verre à pied – le Pouilly-Fuissé à Solutré

    Quand le paysage s’allie aux hommes pour créer silex et vins.

    Dans le Mâconnais, ce « navire pétrifié », comme aimait à l’écrire Alphonse de Lamartine, domine le vignoble de Pouilly-Fuissé.

    C’est ici, en 1872, qu’a été défini le Solutréen, une culture du Paléolithique supérieur étendue de – 22 000 à -17 000 ans avant notre ère. Les solutréens étaient passés maîtres dans l’art de la taille du silex, avec notamment la feuille de laurier, une forme caractéristique de cette période.

    Roche de Solutré

    Roche de Solutré (493 m) composée de roches calcaires âgées du Jurassique, Saône-et-Loire.

    © BRGM - Nicolas Charles

    Depuis le Moyen-âge, les vignerons ont progressivement et précisément délimité et nommé leurs parcelles de vignes, définissant ainsi des « climats ». Et rien à voir avec le ciel ! C’est une particularité bourguignonne. Selon la définition donnée par l’Unesco, « chaque climat possède des caractéristiques géologiques, hydrométriques et d’exposition particulières. La production de chaque climat est vinifiée séparément, à partir d’un seul cépage, et le vin ainsi produit prend le nom du climat dont il est issu ». Près de la Roche de Solutré, on parlera des climats de « Vers la Roche », « La Levée », « À la Cotonne », etc.

    Eruption volcanique, La Réunion

    La Fournaise, un géant réunionnais point chaud du volcanisme mondial

    Le Piton de la Fournaise, massif emblème de la Réunion et un des plus beaux laboratoires au monde pour étudier le volcanisme explosif comme effusif.

    Pour le géologue, la Terre est un être vivant, qu’il observe et étudie. Sa respiration est d’autant plus palpable lorsqu’il s’agit des volcans, ces géants de feu qui émerveillent petits et grands et font ressentir les forces de la nature.

    À ce titre, l’île de La Réunion est un territoire exceptionnel de biodiversité et de géodiversité, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Deux volcans constituent cette île de l’océan Indien, le Piton des Neiges (3 070 m) endormi depuis 12 000 ans et le Piton de la Fournaise (2 621 m), éveillé depuis environ 450 000 ans et l’un des plus actifs au monde. Les géologues parlent de volcans-boucliers à cause de leur profil arrondi et aplati avec des pentes d’environ 15°.

    Massif du Piton de la Fournaise

    Massif du Piton de la Fournaise, île de La Réunion. Champ de lave de l’Enclos Fouqué (XVIIIe siècle) et cône du Formica Léo (-3000 à -4500 ans).

    © BRGM - Nicolas Charles

    Le volcanisme réunionnais est lié à un point chaud, une zone d’anomalie thermique tout droit venue du manteau. Ce « chalumeau » quasi immobile à l’échelle des temps géologiques serait aussi à l’origine des îles des Maldives, des Chagos, de Rodrigues, de Maurice ou encore des Trapps du Deccan en Inde. L’arrivée du magma à la surface de la croûte terrestre a donné naissance à La Réunion entre – 5 et -9 millions d’années, l’île n’émergeant qu’il y a environ 3 millions d’années, suite à l’empilement de coulées de lave sous-marines.