Après un séisme, les secouristes peuvent entrer dans des bâtiments menaçant de s’écrouler lors d’une réplique. Il faut donner l’alerte le plus vite possible pour les aider à anticiper.
10 février 2023
Télémètre d’alarme pointant vers un bâtiment instable pendant la conduite d’opération de secours par des équipes USAR (Unité de sauvetage et de recherche).

Télémètre d’alarme pointant vers un bâtiment instable pendant la conduite d’opération de secours par des équipes USAR (Unité de sauvetage et de recherche).

© BRGM - Samuel Auclair

Deux violents séismes à quelques heures d’intervalle

Le lundi 6 février 2023, deux violents séismes de magnitudes 7,8 et 7,5 ont touché le Sud de la Turquie et le Nord de la Syrie à quelques heures d’intervalle. L’urgence est actuellement à l’assistance aux populations sinistrées et au secours des personnes encore bloquées sous les décombres.

Dans des conditions hivernales et sous des températures négatives, c’est une véritable course contre la montre qui s’est engagée. Une course non sans dangers pour les secouristes. C’est pourquoi nous avons mené une étude visant à la mise en place d’un dispositif d’alerte permettant aux secouristes de se mettre à l’abri le plus rapidement possible en cas de répliques sismiques.

Des secours à haut risque

D’abord conduites de manière spontanée par les habitants et par les équipes de secours locales, ces opérations de "sauvetage déblaiement" sont désormais réalisées par des équipes spécialisées (dites "USAR" pour Unité de sauvetage et de recherche) venues du monde entier en réponse à la demande adressée par les autorités turques et syriennes.

Par nature, ces interventions se déroulent dans un environnement dégradé et dangereux. Les répliques sismiques constituent à ce titre un risque majeur pour les équipes qui doivent intervenir dans des bâtiments gravement endommagés dont certaines parties peuvent s’effondrer, y compris en cas de secousses sismiques relativement faibles.

La période qui suit la survenue d’un séisme important est en effet caractérisée par une probabilité accrue de nouveaux séismes (appelés répliques), plus faibles mais constituant encore un danger. C’est ce qu’il s’est déroulé en Turquie avec plus de 400 répliques de magnitude supérieure à 3.0 enregistrées par le Centre sismologique Euro-Méditerranéen dans les 24 premières heures.

Bien que ce risque soit bien connu des équipes de sauvetage, elles ne disposent à ce jour que de peu de moyens pour s’en protéger, avec des pratiques très variables d’une équipe à l’autre.

L’un des outils les plus utilisés demeure le "télémètre d’alarme" : un faisceau laser est pointé vers un bâtiment instable, et une alerte sonore est émise en cas de déplacement de plusieurs millimètres de la structure, malheureusement souvent trop tard au moment même de l’effondrement !

À défaut de prévoir, alerter au plus vite

Le principe d’alerte sismique précoce a été formulé dès 1868 en Californie, dans l’idée de pouvoir alerter San Francisco de l’imminence de l’arrivée d’ondes destructrices engendrées par des séismes localisés à une centaine de kilomètres de la ville.

En principe, il "suffit" d’analyser les premières secondes d’enregistrement des ondes premières (ondes "P", les moins fortes) pour prédire la puissance du séisme ainsi que la sévérité des secousses à venir.

La diffusion de cette alerte s’effectuant ensuite quasiment instantanément, il est possible d’informer des zones non encore atteintes par les ondes sismiques les plus dangereuses : plus l’on est éloigné de l’épicentre et plus l’intervalle de temps séparant l’arrivée de l’alerte et celle des ondes "S" (comme "Secondes"), qui sont responsables d’une grande partie des dommages, est importante, laissant ainsi plus de temps pour réagir.

La principale complexité de mise en œuvre de ce principe vient du fait que le traitement des ondes sismiques doit être réalisé de manière automatique en quelques secondes seulement… Il a fallu attendre plus d’un siècle pour que cette idée soit appliquée pour la première fois au Japon à la fin des années 1980.

Alerter les secouristes quelques secondes avant les secousses destructrices

Constatant d’une part le fort risque encouru par les équipes de sauvetage en cas de répliques, et d’autre part des avancées constantes de la robustesse des systèmes d’alerte sismique précoce, le BRGM a réalisé une étude publiée en 2020 explorant la faisabilité et l’intérêt de doter ces équipes de secours de tels systèmes d’alerte.

L’objectif étant de pouvoir les alerter quelques secondes avant l’arrivée de secousses sismiques. Ce qui est très peu, mais cela peut faire la différence.

Avec des délais espérés entre la réception de l’alerte et l’arrivée des secousses le plus souvent inférieurs à une dizaine de secondes, le bénéfice perçu de ces alertes précoces est multiple. Il va de la simple préparation psychologique permettant de réduire l’effet de surprise pour des alertes extrêmement réduites, à la possibilité de réduire son exposition au risque en se mettant en position de sécurité, en passant par l’arrêt d’activités dangereuses.

Mais un tel système automatisé n’est pas fiable à 100%, et des fausses alertes sont inévitables. Facteur favorable souligné par l’étude, contrairement à d’autres secteurs d’activité dont la criticité rend les fausses alertes inacceptables et le principe d’alerte sismique précoce quasiment inopérant (centrales nucléaires par exemple), l’impact de fausses alertes isolées sur ces activités semble relativement limité.

Bien qu’un tel dispositif d’alerte précoce aux répliques existe déjà au Japon, il demeure largement méconnu est n’est de fait utilisé que par quelques équipes japonaises. A l’heure où les secours, d’une ampleur exceptionnelle, se poursuivent en Turquie et en Syrie pour tenter de sauver un maximum de personnes, il est sans doute opportun de penser au test de ce dispositif par les équipes de sauvetage internationales afin de pouvoir juger de son apport effectif.