Face à la montée du niveau des océans, l'une des stratégies possibles peut consister à déplacer les infrastructures. Dans l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, un tel processus a déjà débuté.
28 février 2022
En juin 2021, le village de Miquelon vu depuis le bateau de liaison avec Saint-Pierre.

En juin 2021, le village de Miquelon vu depuis le bateau de liaison avec Saint-Pierre.

© BRGM - Xénia Philippenko

S’adapter aux risques côtiers

Les outre-mer et les territoires insulaires situés en zone tropicale sont particulièrement sensibles aux conséquences du changement climatique : on pense particulièrement aux atolls des îles Marshall ou aux îles basses des Maldives dont l’existence même se trouve menacée.

Face aux risques côtiers et particulièrement à l'élévation du niveau de la mer, on distingue généralement quatre attitudes : se protéger, adapter les infrastructures et les comportements, accompagner le changement par des solutions fondées sur la nature, et enfin déplacer les infrastructures.

Cette dernière option, souvent difficile à mettre en place techniquement, réclame de l’expertise, des financements et un processus de concertation entre les différentes parties prenantes.

Dans l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, non loin du Canada, un processus de déplacement a déjà débuté, avec une mobilisation forte de la population tout au long des différentes étapes.

À Miquelon, vivre entouré par l’eau à l’heure des dérèglements climatiques

Le village de Miquelon se trouve au niveau de l’eau, sur un cordon de galet, reliant deux îles aux altitudes plus élevées : l’île du Cap et celle de Miquelon.

Dans les années 2000, l’archipel fait face à plusieurs évènements de submersion, de tempêtes et d’érosion de plus en plus fréquents, plus violents, ce qui engendre beaucoup de dégâts. La menace principale reste la disparition de l’isthme sur lequel est situé le village.

En 2014, le président français François Hollande déclare que Miquelon pourrait disparaître avec la montée du niveau de la mer et annonce la mise en place d’un plan de prévention des risques littoraux (PPRL). Dans le même temps, la question du déplacement du village vers un site moins exposé commence à être évoquée malgré la réticence de la population et des élus.

En 2018, deux tempêtes successives occasionnant de gros dégâts provoquent un retournement de l’opinion. Quelques mois plus tard, lors d’une enquête, c’est alors 89% des personnes interrogées qui se disent en faveur du déplacement du village.

Le village de Miquelon vu d’avion

Le village de Miquelon vu d’avion.

© BRGM - Xénia Philippenko

Accepter la relocalisation, un premier pas vers l’adaptation

Plusieurs facteurs expliquent ce résultat. Premièrement, la mise en place du PPRL et l’interdiction de construire a alerté la population, générant parfois des tensions. Deuxièmement, les tempêtes de novembre 2018 ont rendu plus tangibles les impacts de l’élévation du niveau de la mer et du changement climatique.

Un dernier facteur a fortement joué sur l’acceptabilité du déplacement : le fort attachement des habitants à leur île les conduit à une attitude proactive. Ayant compris que rester dans le village historique ne serait pas possible à long terme, l’attachement au territoire s’est élargi à l’île de façon plus générale, orientant l’opinion vers le déplacement malgré les difficultés inhérentes à la situation.

Où se déplacer ?

La collectivité territoriale propose un déplacement vers la presqu’île du Cap, mais celle-ci, très petite et isolée, n’a pas la faveur des habitants qui préfèrent l’île de Miquelon, plus grande et connectée à l’île voisine de Langlade.

En janvier 2020, lors de la visite de la ministre des Outre-mer de l’époque, Annick Girardin, les habitants manifestent et délimitent visuellement les parcelles de terrain qu’ils souhaitent investir pour le nouveau village.

Entre 2019 et 2022 plusieurs actions sont menées par le maire, accompagné au fil des mois par les élus de l’archipel, la préfecture, les services de l’État et de la collectivité territoriale, ainsi que par différents groupes d’experts et de scientifiques.

La relocalisation de Miquelon est donc initiée, mais doit encore faire face à de nombreux défis - financiers, législatifs, politiques, techniques et environnementaux. S’adapter nécessite d’accepter le changement, mais aussi d’avoir conscience qu’une stratégie peut mettre des décennies avant de se concrétiser. Pendant ce temps, l’élévation du niveau de la mer et ses impacts associés se poursuivent.