Contrairement à d’autres variables climatiques, le niveau de la mer continuera à s’élever bien après la stabilisation des températures globales.
7 avril 2022

Un article de Gonéri Le Cozannet (BRGM), co-auteur du rapport du groupe 2 du Giec, publié en février 2022, sur les impacts du changement climatique, les risques associés et les stratégies d’adaptation.

L’élévation du niveau de la mer tient une place toute particulière dans le second volet du 6e rapport d’évaluation du GIEC publié en février 2022. Contrairement à d’autres variables climatiques telles que les températures et les précipitations, le niveau de la mer continuera à s’élever bien après la stabilisation des températures globales, puisque les glaciers de montagne et les calottes de glace en Antarctique et au Groenland mettront des siècles à s’ajuster aux nouvelles températures.

Ainsi, s’il reste aujourd’hui possible de limiter le taux d’élévation du niveau de la mer autour de 4mm/an, il n’est plus possible de stabiliser le niveau de la mer lui-même.

Le rapport alerte donc sur le caractère singulier de l’adaptation à l’élévation du niveau de la mer. Alors que nous commençons tout juste à percevoir l’augmentation de la fréquence des submersions chroniques sur certains sites tels que Venise ou la côte est des États-Unis, nous connaissons déjà les étapes suivantes : une généralisation et une intensification des submersions à marée haute, lors de tempêtes ou de cyclones, la salinisation d’estuaires et de nappes côtières, et enfin, la submersion permanente ou l’érosion de littoraux bas ou sableux.

Ces enjeux ont motivé la rédaction, au sein du rapport de février 2022, d’une synthèse sur les risques liés à l’élévation du niveau de la mer.

Cette synthèse énonce clairement que notre capacité à nous adapter aux risques côtiers actuels et futurs dépendra de deux actions immédiates :

  • un respect des accords de Paris afin de stabiliser le réchauffement climatique en deçà de 2 °C au-dessus des périodes préindustrielles ;
  • une adaptation aux effets inéluctables de l’élévation du niveau de la mer.

Comment évaluer l’évolution du niveau de la mer dans le futur ?

Les niveaux marins évoluent au cours des temps géologiques : ils se sont élevés et abaissés plusieurs fois au cours des dernières centaines de milliers d’années. Mais s’il était relativement commode de déplacer un campement pour nos ancêtres du paléolithique, il n’est pas possible de faire de même aujourd’hui pour Venise ou New-York. Le niveau de la mer s’élève aujourd’hui à un rythme accéléré en raison de l’expansion thermique des océans, de la fonte des glaciers de montagne et des calottes de glace en Antarctique et au Groenland. Jusqu’à quel point le niveau de la mer s’élèvera-t-il dans 10, 50, 80 ou 500 ans ? L’ambition du projet PROTECT est d’apporter des éléments de réponse à cette question.

© PROTECT

Stabiliser le climat en deçà de 2 °C pour donner du temps à l’adaptation

Les observations des marégraphes et des satellites altimétriques montrent que l’élévation du niveau la mer s’accélère. De 1,4mm/an au XXe siècle, elle est aujourd’hui d’environ 4mm/an. Limiter le réchauffement climatique, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, accorde davantage de temps à l’adaptation.

Au-delà de 2 °C, la vitesse de l’élévation du niveau de la mer pourrait atteindre 1cm/an en moyenne globale après 2050, et peut-être davantage dans le cas d’une fonte rapide des calottes de glace au Groenland, et surtout en Antarctique. Ainsi, entre 2 °C et 2,5 °C de réchauffement climatique, les littoraux se remodèleront pendant des siècles et des millénaires, menaçant de submersions des zones littorales dans lesquelles vit entre 0,6 et 1,3 milliard de personnes aujourd’hui. Les bénéfices d’une politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de stabilisation du changement climatique sont donc évidents pour les littoraux.

S’adapter à l’élévation du niveau de la mer

S’adapter relève désormais de l’urgence. Certes, on observe aujourd’hui des progrès en matière d’adaptation. C’est le cas par exemple en France depuis au moins 25 ans avec les évolutions progressives des politiques de prévention des risques littoraux ou de la stratégie de gestion du trait de côte.

Cependant, quel que soit le pays considéré, l’adaptation n’est jamais complète. En France, elle se focalise sur l’échéance de 2100, alors que des submersions à marée haute interviendront bien avant, et que les développements actuels peuvent avoir des conséquences à plus long terme, et mener en dernier recours à des impasses. Par ailleurs, l’adaptation côtière demande beaucoup de temps, parfois plusieurs décennies. À Venise, il a fallu plus de 40 ans pour mettre en place le système MOSE permettant de prévenir les phénomènes d’aqua alta de plus en fréquents.

Quels littoraux voulons-nous pour demain ?

La question de l’adaptation à l’élévation du niveau de la mer ne se limite pas à des mesures techniques telles que la protection du littoral, la relocalisation d’enjeux, ou la construction de maisons sur pilotis.

Elle nous invite à réfléchir aux littoraux que nous souhaitons pour demain. Si les transformations décrites dans le rapport du GIEC sont extrêmement importantes, elles s’accompagnent de nombreux bénéfices bien au-delà de la seule question de l’élévation du niveau de la mer. Ne pas utiliser ces solutions proposées par la science, c’est compromettre l’avenir.