Des scientifiques du BRGM proposent une nouvelle méthode pour tracer le lithium de nos batteries électriques et encourager une gestion plus durable des ressources minérales.
11 octobre 2022
Pegmatites :  roches contenant des substances minérales utilisées dans les technologies vertes (Haute-Vienne, 2015).

Les pegmatites sont des roches contenant des substances minérales (ex. lithium) utilisées dans les technologies vertes (ex. batterie au lithium pour les véhicules électriques) (Haute-Vienne, 2015).

© BRGM - J. Duron

On aime bien savoir d’où viennent les produits que l’on consomme, preuve en est l’AOC de tel fromage ou vin, l’étiquetage de la provenance des fruits et légumes, l’affichage des conditions équitables de production de telle tablette de chocolat ou du café. Mais alors que l’impact environnemental et social associé à nos appareils électroniques entre de plus en plus dans les consciences (pénurie d’eau, bilan carbone, conditions de travail, respect des peuples indigènes, etc.), on ne peut pas encore savoir d’où vient le lithium, un des éléments les plus problématiques dans les batteries actuellement, et donc s’assurer de son origine.

Nous proposons une approche géochimique qui établit une « empreinte digitale » du lithium afin de tracer le lithium de nos batteries et, potentiellement, d’offrir des garanties pour une extraction socialement et environnementalement durable.

Le lithium, nouvel « or blanc »

Le lithium a un rôle clé dans les batteries rechargeables des appareils électroniques portables (tablettes et téléphones), des moyens de transport électriques (véhicules hybrides et électriques, scooters et vélos électriques) et pour les technologies stationnaires de stockage d’énergie, indispensables pour le développement des énergies renouvelables intermittentes. En d’autres termes, les « sels de lithium » sont actuellement une des clés de voûte à la transition énergétique décarbonée.

Avec la demande croissante en lithium, les impacts environnementaux et sociaux liés à l’exploitation minière vont augmenter, ainsi que les attentes des consommateurs en termes de garanties sur l’origine du lithium et des efforts déployés pour réduire son impact environnemental et social.

Une chaîne d’approvisionnement complexe

La chaîne d’approvisionnement pour la fabrication des batteries est complexe et divisée en de nombreuses étapes, généralement réalisées dans des lieux et des pays différents : l’exploitation minière, la métallurgie d’extraction et de purification, la synthèse des matières actives de la cathode, la fabrication des éléments de la batterie et l’assemblage des packs de batteries.

En raison de la complexité de cette chaîne d’approvisionnement, il est difficile pour les utilisateurs finaux de s’assurer que le lithium est issu d’une filière d’approvisionnement responsable et durable.

Les « empreintes digitales » du lithium

Pour aider à contrôler et à certifier l’origine et le commerce de la production de lithium, nous proposons une méthode analytique, basée sur l’analyse isotopique du lithium. En effet, le lithium possède deux isotopes stables (les isotopes sont des variantes du même élément, qui se distinguent par leur masse), que l’on retrouve tous les deux dans les échantillons de lithium, mais leur proportion varie en fonction du minerai, et en particulier des conditions physico-chimiques de formation.

Cette « empreinte digitale » est, dans la plupart des cas, conservée jusqu’au lithium des batteries qui se trouvent dans nos voitures et nos téléphones. En d’autres termes, en analysant nos batteries, nous pouvons savoir d’où provient le lithium qui la compose grâce à une analyse isotopique.

Vers la certification d’une filière d’approvisionnement en lithium responsable et durable

Dans le contexte de volonté politique de réindustrialiser la production de batteries en Europe, et de défense de filière de production des batteries durables et responsables, avoir les moyens de certifier le lithium est important.

L’aspect crucial pour le lithium sera le développement de la base de données de référence contenant les signatures isotopiques complètes et actualisées des différents produits disponibles sur le marché. Cette base de données devra être incrémentée au fur et à mesure de l’exploitation de nouveaux gisements ou du développement de nouveaux procédés d’extraction et de purification. Pour ce faire, il sera nécessaire de collaborer avec les miniers et producteurs de sels de lithium pour évaluer la signature de leurs produits. Cette collaboration entre la recherche publique et les différents acteurs de la filière est une condition sine qua non pour le développement d’une filière d’approvisionnement en lithium responsable et durable.