Les précipitations importantes à partir de mi-octobre et la mise en dormance de la végétation permettent d’initier une recharge des nappes phréatiques. 65% des niveaux restent sous les normales.
16 novembre 2023

Situation hydrogéologique au 1er novembre 2023

En octobre, les niveaux des nappes sont en phase de transition. Les précipitations importantes à partir de mi-octobre et la mise en dormance de la végétation permettent d’initier une recharge des nappes : 41% des niveaux sont en hausse. Les tendances sont cependant contrastées selon la pluviométrie et la réactivité de la nappe.

Les pluies infiltrées sont insuffisantes pour engendrer une amélioration notable de l’état des nappes. La situation reste proche de celle de septembre : 65% des niveaux sont sous les normales mensuelles en octobre (66% en septembre). L’état des nappes demeure contrasté. Les niveaux sont sous les normales mensuelles sur une grande partie du pays, notamment sur le pourtour méditerranéen, le couloir Rhône-Saône et le sud de l’Alsace.

En novembre, les tendances dépendront essentiellement des cumuls pluviométriques. Les pluies importantes annoncées début novembre devraient permettre de généraliser la recharge à l’ensemble des nappes et d’observer une amélioration des situations. En début de période de recharge, il est primordial de laisser le temps aux réserves en eau fragilisées de se reconstituer durablement. La situation devra être particulièrement surveillée sur les nappes continuant d’afficher des niveaux bas à très bas.

Carte de France hexagonale de la situation des nappes d'eau souterraine au 1er novembre 2023.

Carte de France hexagonale de la situation des nappes d'eau souterraine au 1er novembre 2023.

Carte établie le 10 novembre 2023 par le BRGM, à partir de données de la banque ADES acquises jusqu’au 31 octobre 2023. Source des données : banque ADES (ades.eaufrance.fr) / Hydroportail (hydro.eaufrance.fr) / Fond de carte © IGN. Producteurs de données et contribution : APRONA, BRGM, Conseil Départemental de la Vendée, Conseil Départemental des Landes, Conseil Départemental du Lot, EPTB Vistre Vistrenque, Parc Naturel Régional des Grandes Causses, Syndicat Mixte d’Etudes et de Travaux de l’Astien (SMETA), Syndicat Mixte pour la protection et la gestion des nappes souterraines de la plaine du Roussillon (SMNPR).

Cette carte présente les indicateurs globaux traduisant les fluctuations moyennes des nappes. Ils sont établis à partir des indicateurs ponctuels relevés au niveau des points de surveillance du niveau des nappes (piézomètres).

L'indicateur "Niveau des nappes" compare le mois en cours par rapport aux mêmes mois de l’ensemble de la chronique, soit au minimum 15 ans de données, et jusqu'à plus de 100 ans. Il est réparti en 7 classes, du niveau le plus bas (en rouge) au niveau le plus haut (en bleu foncé).

Les zones grises correspondent à des secteurs sans nappes libres, c'est-à-dire avec une couche imperméable ou semi-perméable au-dessus de la nappe, et/ou des secteurs comportant une très faible densité de points de suivi. Ce dernier cas concerne notamment les zones montagneuses dont les nappes sont petites et hétérogènes.

L'indicateur "Évolution des niveaux" traduit la variation du niveau d'eau du mois échu par rapport aux deux mois précédents (stable, à la hausse ou à la baisse).

Ces indicateurs globaux rendent compte de situations et de tendances générales et ne tiennent pas compte d'éventuelles disparités locales.

© BRGM

Évolution des tendances observées sur les piézomètres de mars 2023 à octobre 2023.

Évolution des tendances observées sur les piézomètres de mars 2023 à octobre 2023.

© BRGM

Tendances d’évolution

La période de recharge 2022-2023 a été déficitaire sur une grande partie du territoire. Les pluies du début du printemps et de l’été ont permis d’engendrer des épisodes de recharge et surtout de soutenir les niveaux sur les nappes réactives et les secteurs très arrosés ainsi que de limiter les prélèvements. En septembre, la vidange s’est poursuivie, conséquence de pluies déficitaires et d’une végétation encore active en lien avec des températures élevées.

En octobre 2023, la période de recharge s’amorce. Les tendances sont hétérogènes et se répartissent entre hausse pour 41% des points d’observation, stabilité pour 29% et baisse pour 30% (respectivement 12%, 18% et 70% en septembre).

Le mois d’octobre est une période de transition pour les nappes. Les précipitations importantes et la mise en dormance de la végétation permettent une infiltration en profondeur des eaux. Cela se traduit sur les niveaux des nappes par une inversion des tendances. La période de recharge 2023-2024 a débuté un peu tardivement, à partir du milieu du mois d’octobre avec la survenue d’épisodes pluviométriques importants. Les niveaux sont en hausse sur les secteurs arrosés abritant des nappes réactives tandis que les niveaux des nappes inertielles et des secteurs en déficit pluviométrique sont toujours en baisse ou se stabilisent.

Sur une large partie nord de la France, les niveaux des nappes réactives sont en hausse. Seules les nappes du socle du Massif armoricain en Bretagne et en Pays-de-la Loire et du Massif central sont en baisse ou stables, les pluies infiltrées ayant été moins abondantes. Concernant les nappes plus inertielles, les niveaux sont en baisse ou stables sur l’Artois, le centre du Bassin parisien, l’est du Grand-Est et le couloir Rhône-Saône (à l’exception des nappes réactives alluviales). La période de recharge se met en place lentement. Ce constat s’explique par l’inertie du fonctionnement de ces nappes, la pluie infiltrée pouvant mettre plusieurs semaines à atteindre les eaux souterraines.

Sur l’extrême sud et en Corse, les tendances sont hétérogènes. Des précipitations abondantes sont survenues sur certains reliefs et plateaux, généralement en partie amont des bassins versants. La recharge s’est alors amorcée sur les nappes situées sur ces secteurs. Les nappes situées en aval et en relation avec les cours d’eau drainant ces bassins ont également profité d’un épisode de recharge.

Situation comparée entre le 1er novembre 2022 et le 1er novembre 2023

Pour visualiser l'évolution sur un an, faites glisser le curseur sur la carte.
Carte de France de la situation des nappes au 1er novembre 2022.
Carte de France de la situation des nappes au 1er novembre 2023.

Carte de France de la situation des nappes au 1er novembre 2022 (à gauche) et au 1er novembre 2023 (à droite).

© BRGM

Évolution de la situation observée sur les piézomètres de mars 2023 à octobre 2023.

Évolution de la situation observée sur les piézomètres de mars 2023 à octobre 2023.

© BRGM

Situation des nappes

La situation des nappes en fin d’hiver 2022-2023 était peu satisfaisante. Les pluies du printemps et de l’été ont permis de maintenir voire d’améliorer l’état des nappes situées sur les secteurs les plus arrosés.

Les pluies infiltrées de la deuxième quinzaine d’octobre ont été insuffisantes pour avoir un effet notable sur l’état des nappes. La situation générale en octobre reste donc proche de celle de septembre : 65% des points d’observation sont en dessous des normales mensuelles (66% en septembre) et 18% sont très bas (18% en septembre). Cependant, la situation est globalement plus favorable que celle observée l’année dernière, en octobre 2022, où 75% des niveaux étaient situés sous les normales. Des situations locales plus contrastées sont toutefois plus présentes en 2023 qu’en 2022.

La situation en octobre 2023 est hétérogène, avec des niveaux très bas à hauts. L’état des nappes dépend essentiellement du cumul pluviométrique du printemps et de l’été et de leur impact sur les nappes.

Concernant les nappes inertielles, les niveaux sont généralement sous les normales. Les niveaux des nappes de l’Artois, du Bassin parisien, de l’est de la Lorraine et d’Alsace sont généralement modérément bas. La situation est plus défavorable sur le sud de l’Alsace (niveaux bas à très bas) et plus favorable sur le littoral de l’Artois (niveaux modérément hauts). Les niveaux des nappes inertielles du couloir Rhône-Saône sont préoccupants, de bas à très bas. Seules les nappes de l'Avant-Pays savoyard présentent des niveaux au-dessus des normales.

Concernant les nappes réactives, la situation est hétérogène. Les niveaux sont satisfaisants, de modérément bas à modérément hauts, à l’ouest, des Hauts-de-France à la Nouvelle Aquitaine. Ce constat s’explique par plusieurs épisodes de recharge enregistrés durant le printemps et l’été, qui ont permis d’améliorer les situations. Sur le reste du territoire, les niveaux des nappes réactives sont modérément bas à bas. Les nappes des calcaires jurassiques de Lorraine et de la Côte-des-Bars font exception, avec des niveaux proches des normales du fait d’un soutien par les pluies de juillet et août. La situation reste dégradée sur le pourtour méditerranéen et les niveaux sont préoccupants sur les nappes du Roussillon, des calcaires du massif des Corbières et des alluvions de l’Aude. Les pluies de septembre et octobre restent très insuffisantes pour compenser les déficits accumulés depuis 2022.

Plusieurs nappes présentent des situations favorables, avec des niveaux modérément hauts à hauts par rapport aux mois d’octobre des années antérieures :

  • Les niveaux de la nappe de la craie marneuse cénomanienne du littoral d'Artois-Picardie demeurent modérément hauts, suite à une recharge 2022-2023 très excédentaire et à un soutien par les pluies du printemps ;
  • Les niveaux des nappes de l’isthme du Cotentin et des nappes des calcaires jurassiques du Bessin à la Sarthe sont hauts et modérément hauts, suite aux épisodes conséquents de recharge en fin d’été puis au démarrage de la recharge en octobre ;
  • Les nappes alluviales de l’Adour et du Gave du Pau sont modérément hautes, après plusieurs épisodes de recharge durant le printemps et l’été.

De nombreuses nappes présentent des situations peu favorables avec des niveaux très bas par rapport aux mois d’octobre des années précédentes, du fait d’un déficit pluviométrique très marqué ces derniers mois ou ces dernières années :

  • Les nappes inertielles plioquaternaires et miocènes du Sundgau, du Dijonnais, de la Bresse, de la Dombes et du Nord Isère affichent des niveaux très bas, du fait de plusieurs recharges hivernales successives peu intenses et d’un comportement très inertiel ;
  • Les niveaux de la nappe alluviale de l’Aude sont très bas, la recharge n’ayant toujours pas débuté du fait de précipitations déficitaires ;
  • Les nappes de l’aquifère multicouche du Roussillon connaissent une situation inédite, avec des niveaux très bas. La limitation des prélèvements durant le printemps et l’été a permis de diminuer la pression des prélèvements mais également de limiter les apports par l’irrigation gravitaire.

Recharge des nappes : 3 questions pour mieux comprendre

Le niveau des nappes varie au cours de l’année, entre des niveaux hauts l’hiver (quand la végétation n’absorbe pas l’eau des pluies) et des niveaux bas l’été (période classique de vidange des nappes).

Le devenir d'une pluie est très différent selon la période de l'année et l'état de la surface sur laquelle elle tombe. Traditionnellement, la période de recharge des nappes s'étend du début de l'automne (septembre - octobre) au début du printemps (mars - avril), semestre durant lequel la végétation est en sommeil (avec une évapotranspiration faible) et les précipitations sont en principe plus abondantes. Si l'hiver est sec, la recharge des nappes est très faible.

À partir du printemps et durant l’été, la hausse des températures, la reprise de la végétation, et donc l’augmentation de l’évapotranspiration, limitent l’infiltration des pluies vers les nappes. Entre mai et octobre, sauf événements pluviométriques exceptionnels, la vidange des nappes se poursuit habituellement et les niveaux continuent de baisser jusqu’à l’automne.

Les nappes s'écoulent plus ou moins rapidement selon la porosité (pourcentage de vides dans la roche) et la perméabilité (capacité à laisser circuler l’eau – connexion entre ces vides) des aquifères. Plus les vides sont importants, grands et reliés entre eux, plus la nappe s’écoulera vite, et plus elle se remplira, mais aussi se videra vite.

Un même volume d’eau peut parcourir une même distance :

  • en quelques années en milieu poreux,
  • en quelques mois en milieu fissuré,
  • et en quelques jours, voire quelques heures, en milieu karstique.

L'impact de la qualité de la recharge hivernale est différent selon la cyclicité de la nappe, c’est-à-dire sa réactivité à l’infiltration d’une pluie.

On parle de nappes :

  • réactives (dans des aquifères constitués de sables, graviers, calcaires karstiques, granites altérés). Elles se distinguent par des réactions rapides : elles peuvent se recharger lors de fortes pluies estivales, mais ont également une sensibilité importante à la sécheresse. Leur état de remplissage peut donc varier très rapidement au cours d’une même saison.
  • inertielles (dans des aquifères constitués de craie, calcaire non karstique, grès). Leurs réactions sont lentes. Leur cyclicité peut être pluriannuelle, c’est-à-dire qu’elles nécessitent une longue période pour se recharger ou se vidanger.
Cyclicité des nappes d'eau souterraine en France hexagonale.

Cyclicité des nappes d'eau souterraine en France hexagonale.

© BRGM

Cyclicité des nappes d'eau souterraine en France Hexagonale. © BRGM

Prévisions

Les prévisions saisonnières de Météo-France sur les mois de novembre, décembre 2023 et janvier 2024 privilégient des températures plus élevées sur l’ensemble du territoire. Des conditions plus humides que la normale sont attendues sur l’ouest du territoire. Aucun scénario ne se dégage concernant les précipitations sur l’est. 

La végétation s’est mise en dormance durant le mois d’octobre. La diminution des prélèvements, à partir de la fin d’été, permet d’alléger la pression sur les eaux souterraines. Les tendances de ces prochaines semaines dépendront donc exclusivement des pluies infiltrées, et donc des cumuls pluviométriques, et de l’inertie de la nappe. L’inversion des tendances devrait se poursuivre avec les pluies infiltrées en novembre. La période de recharge devrait alors se généraliser à l’ensemble des nappes.

Concernant les nappes réactives, les tendances et l’évolution des situations de ces prochaines semaines dépendront exclusivement des pluies infiltrées, et donc des cumuls pluviométriques. Les précipitations conséquentes annoncées en novembre devraient engendrer des épisodes de recharge. Les situations pourraient alors commencer à s‘améliorer, d’autant plus rapidement que le cumul des pluies infiltrées est important. En cas de pluviométries déficitaires, la vidange pourrait reprendre sur les secteurs impactés. La situation des nappes se dégradera alors notamment sur les nappes les plus réactives et celles fragilisées par un étiage sévère. A plus long terme, les niveaux en début de printemps 2024 dépendront d’une recharge abondante durant l’automne et l’hiver. A noter que les pluies printanières permettront également de repousser le début de la période de vidange. Sur les secteurs actuellement défavorables, il faudra des cumuls de pluies efficaces importants et bien répartis dans les prochains mois pour reconstituer durablement les ressources en eau souterraine.

Concernant les nappes inertielles de l’Artois, du Bassin parisien et du couloir Rhône-Saône, la phase de vidange ralentit voire est stoppée fin octobre. Ce constat laisse présager une amorce prochaine de la recharge hivernale. La situation devrait commencer à évoluer en novembre, avec l’infiltration en profondeur des pluies d’octobre. L’état des nappes ne devrait cependant évoluer que lentement durant l’automne et jusqu’au printemps, soit en s’améliorant si les pluies efficaces sont excédentaires, soit en se dégradant si elles sont déficitaires et ne compensent pas les sorties d’eau vers les exutoires naturels (sources, cours d’eau, mer) et anthropiques (prélèvements). Sur les nappes affichant des niveaux très bas à l’étiage (Sundgau et couloir Rhône-Saône), il semble très peu probable de compenser les déficits accumulés depuis plusieurs années et de retrouver des niveaux au-dessus des normales en 2024.

En début de période de recharge, il est primordial de laisser le temps aux réserves en eau fragilisées de se reconstituer durablement. L’unique solution pour préserver l’état des nappes, et ainsi maintenir la continuité entre eaux souterraines et eaux superficielles, est de limiter les prélèvements en eau. La recharge 2023-2024 conditionnera les niveaux de l’année prochaine. Durant l’automne, l’hiver et le début du printemps, période favorable à la recharge, la situation devra donc être surveillée sur l’ensemble des nappes du territoire et plus particulièrement sur les nappes ayant enregistré un étiage 2023 sévère.

Prochain bulletin sur le niveau des nappes d'eau souterraine

Notre bulletin sur la situation des nappes d'eau souterraine paraît désormais tous les mois, en milieu de mois.

La prochaine édition sortira à la mi-décembre 2023.

Bras de Loire en basses eaux, Maine-et-Loire

État des nappes d’eau souterraine : un suivi assuré par le BRGM

L’eau souterraine est une ressource très utilisée : en France hexagonale, elle représente près des deux tiers de la consommation d’eau potable et plus du tiers de celle du monde agricole. Elle est aussi largement exploitée dans le secteur industriel. Les nappes d’eau souterraine dépendent de recharges cycliques.

Le BRGM assure la surveillance du niveau des nappes phréatiques et de la qualité des eaux souterraines en France hexagonale. Découvrez les actions menées par le service géologique national et les ressources et bases de données disponibles sur l'eau souterraine en France.

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