Les précipitations abondantes de fin octobre et de novembre ont eu un impact bénéfique sur les nappes phréatiques. Leur recharge a débuté et 78% des points d’observation sont en hausse.
14 décembre 2023

Situation hydrogéologique au 1er décembre 2023

Les précipitations abondantes de fin octobre et de novembre ont eu un impact bénéfique sur les nappes. La recharge des nappes a débuté et 78% des points d’observation sont en hausse.

Les pluies infiltrées en profondeur ont permis d’engendrer une amélioration notable de l’état des nappes réactives et plus nuancée sur les nappes inertielles. La situation s’améliore considérablement : 48% des niveaux sont au-dessus des normales mensuelles en novembre (14% en octobre). L’état des nappes est géographiquement très contrasté. Les niveaux sont très favorables sur les nappes réactives des deux-tiers nord et du sud-ouest mais restent sous les normales pour les nappes de la Corse, du pourtour méditerranéen, de la plaine de la Limagne, du couloir Rhône-Saône, du sud de l’Alsace et du Bassin parisien.

Durant l’hiver, les tendances et l’évolution des situations dépendront essentiellement de la pluviométrie. La recharge devrait se poursuivre sur les secteurs arrosés et la situation devrait alors se maintenir ou s’améliorer. En cas de précipitations insuffisantes, la vidange pourrait reprendre et l’état des nappes se dégrader. La situation devra être particulièrement surveillée sur les nappes de la côte méditerranéenne, du couloir Rhône-Saône et du Sundgau (sud Alsace), fragilisées par un étiage sévère.

Carte de France hexagonale de la situation des nappes d'eau souterraine au 1er décembre 2023.

Carte de France hexagonale de la situation des nappes d'eau souterraine au 1er décembre 2023.

Carte établie le 11 décembre 2023 par le BRGM, à partir de données de la banque ADES acquises jusqu’au 30 novembre 2023. Source des données : banque ADES (ades.eaufrance.fr) / Hydroportail (hydro.eaufrance.fr) / Fond de carte © IGN. Producteurs de données et contribution : APRONA, BRGM, Conseil Départemental de la Vendée, Conseil Départemental des Landes, Conseil Départemental du Lot, EPTB Vistre Vistrenque, Parc Naturel Régional des Grandes Causses, Syndicat Mixte d’Etudes et de Travaux de l’Astien (SMETA), Syndicat Mixte pour la protection et la gestion des nappes souterraines de la plaine du Roussillon (SMNPR).

Cette carte présente les indicateurs globaux traduisant les fluctuations moyennes des nappes. Ils sont établis à partir des indicateurs ponctuels relevés au niveau des points de surveillance du niveau des nappes (piézomètres).

L'indicateur "Niveau des nappes" compare le mois en cours par rapport aux mêmes mois de l’ensemble de la chronique, soit au minimum 15 ans de données, et jusqu'à plus de 100 ans. Il est réparti en 7 classes, du niveau le plus bas (en rouge) au niveau le plus haut (en bleu foncé).

Les zones grises correspondent à des secteurs sans nappes libres, c'est-à-dire avec une couche imperméable ou semi-perméable au-dessus de la nappe, et/ou des secteurs comportant une très faible densité de points de suivi. Ce dernier cas concerne notamment les zones montagneuses dont les nappes sont petites et hétérogènes.

L'indicateur "Évolution des niveaux" traduit la variation du niveau d'eau du mois échu par rapport aux deux mois précédents (stable, à la hausse ou à la baisse).

Ces indicateurs globaux rendent compte de situations et de tendances générales et ne tiennent pas compte d'éventuelles disparités locales.

© BRGM

Évolution des tendances observées sur les piézomètres d'avril à novembre 2023.

Évolution des tendances observées sur les piézomètres d'avril à novembre 2023.

© BRGM

Tendances d’évolution

La période de recharge débute habituellement avec les orages de fin août sur les nappes réactives et entre octobre et novembre sur les nappes inertielles. En 2023, la vidange s’est poursuivie tardivement, conséquence de pluies déficitaires et d’une végétation encore active en lien avec des températures élevées. La période de recharge s’est amorcée à partir de fin octobre, avec la mise en dormance de la végétation et l’arrivée d’épisodes pluviométriques importants. En octobre, la période de recharge s’est amorcée et les tendances étaient hétérogènes.

En novembre 2023, la période de recharge s’est généralisée à l’ensemble des nappes. Les niveaux sont en hausse pour 78% des points d’observation (41% en octobre).

Consécutivement aux précipitations survenues à partir de mi-octobre et qui ont perduré en novembre, les nappes ont commencé leur recharge entre fin octobre et fin novembre. Le décalage entre les pluies et le début de la période de recharge dépend essentiellement de la réactivité de la nappe. Ainsi, les basses eaux ont été atteintes dès la fin d’octobre pour les secteurs les plus arrosés abritant des nappes réactives. Certains points des nappes inertielles du Bassin parisien et du Sundgau (sud Alsace) affichent un étiage plus tardif, entre mi-novembre et fin-novembre.

Ces phénomènes sont habituels pour cette période de l’année : la végétation est en dormance et une grande partie des pluies s’infiltre vers les nappes. A noter cependant que les précipitations très excédentaires ont engendré des augmentations des niveaux sur les deux-tiers nord et le sud-ouest de la France, d’autant plus rapides et importantes que la nappe est réactive. Ces pluies efficaces ont été bénéfiques pour assurer une forte recharge sur les nappes.

Sur le pourtour méditerranéen, les tendances sont plus contrastées. Les épisodes de recharge de fin octobre à début novembre ont essentiellement bénéficié aux nappes de haute et moyenne altitude. Dans les plaines et sur la côte, la recharge s’est amorcée fin octobre mais la vidange a ensuite repris. Enfin, en contexte de faibles précipitations, la recharge ne semble pas avoir débutée sur les nappes de la plaine du Roussillon et sur le massif des Corbières.

Situation comparée entre le 1er décembre 2022 et le 1er décembre 2023

Pour visualiser l'évolution sur un an, faites glisser le curseur sur la carte.
Carte de France hexagonale de la situation des nappes au 1er décembre 2022.
Carte de France hexagonale de la situation des nappes au 1er décembre 2023.

Carte de France hexagonale de la situation des nappes au 1er décembre 2022 (à gauche) et au 1er décembre 2023 (à droite).

© BRGM

Évolution de la situation observée sur les piézomètres d'avril à novembre 2023.

Évolution de la situation observée sur les piézomètres d'avril à novembre 2023.

© BRGM

Situation des nappes

La situation des nappes en fin d’hiver 2022-2023 était peu satisfaisante. Les pluies du printemps et de l’été ont permis de maintenir voire d’améliorer l’état des nappes situées sur les secteurs les plus arrosés.

Les pluies infiltrées à partir de la deuxième quinzaine d’octobre ont eu un effet notable sur les nappes. La situation générale s’est améliorée en novembre : 41% des points d’observation sont en-dessous des normales mensuelles, 11% sont comparables et 48% sont au-dessus (respectivement 65%, 21% et 14% en octobre). La situation est plus favorable que celle observée l’année dernière, en novembre 2022, où 70% des niveaux étaient situés sous les normales. Seules les nappes du Languedoc et du Roussillon conservent des niveaux plus bas qu’en 2022.

La situation en novembre 2023 est très hétérogène, avec des niveaux très bas à très hauts. L’évolution de l’état des nappes entre octobre et novembre dépend du cumul pluviométrique de ces dernières semaines et de la réactivité des nappes.

Sur les deux-tiers nord du territoire et sur le sud-ouest, les épisodes de recharge ont été très bénéfiques. Les nappes réactives réagissent rapidement aux précipitations automnales. Les situations s’améliorent considérablement et les niveaux sont très satisfaisants, généralement de modérément hauts à très hauts. Concernant les nappes mixtes à inertielles, les situations évoluent lentement et sont hétérogènes. L’état des nappes est favorable sur l’Artois, l’est de la Lorraine, la plaine d’Alsace et l’Avant-Pays savoyard. La situation reste dégradée sur les nappes inertielles à mixtes du centre et de l’ouest du Bassin parisien, de la plaine de la Limagne, du Sundgau (sud Alsace) et du couloir Rhône-Saône. Des niveaux préoccupants, de bas à très bas, sont toujours observés localement dans le Bassin parisien et le couloir Rhône-Saône.

Dans le sud-est de la France, l’état s’améliore légèrement sur les nappes des massifs de socle (sud Massif Central) et de calcaires (Grands Causses, bordure cévenole et Provence) et n’évolue pas sur les nappes des plaines et de la côte méditerranéenne. Les situations restent généralement sous les normales mensuelles. Les niveaux sont préoccupants sur les nappes du Roussillon, des calcaires du massif des Corbières et des alluvions de la côte du Languedoc. Les pluies restent très insuffisantes pour compenser les déficits accumulés depuis 2022.

De nombreuses nappes présentent des situations très favorables, avec des niveaux très hauts par rapport aux mois de novembre des années antérieures :

  • Les niveaux des nappes des calcaires jurassiques du Boulonnais et de la craie marneuse cénomanienne du littoral d'Artois-Picardie sont la conséquence d’une recharge 2022-2023 très excédentaire et des pluies exceptionnelles de ces dernières semaines ;
  • Les nappes des calcaires jurassiques et crétacés du Poitou, de Charentes, du Périgord, du bassin Angoumois et des Causses du Quercy réagissent rapidement aux épisodes pluviométriques conséquents d’octobre et novembre ;
  • Les nappes du socle du bassin de la Vilaine au bocage vendéen ainsi que du plateau du Limousin et de la Chataigneraie sont très sensibles aux pluies excédentaires survenues depuis mi-octobre ;
  • La nappe des formations plioquaternaires du Bassin aquitain a bénéficié d’une forte recharge en octobre et novembre.

Plusieurs nappes présentent des situations peu favorables avec des niveaux bas à très bas par rapport aux mois de novembre des années précédentes, du fait d’un déficit pluviométrique très marqué ces derniers mois ou ces dernières années :

  • La nappe des cailloutis pliocènes du Sundgau affiche des niveaux très bas, du fait de plusieurs recharges hivernales successives peu intenses et d’un comportement très inertiel ;
  • Les nappes inertielles plioquaternaires et miocènes du Dijonnais, de la Bresse, de la Dombes et du Nord Isère affichent des niveaux bas, du fait d’un comportement inertiel et de recharges hivernales successives déficitaires ;
  • Les niveaux de la nappe alluviale de la Cote d'Azur, de l’Hérault, de l’Orb et de l’Aude sont bas, les précipitations étant insuffisantes pour engendrer des recharges notables ;
  • La situation des nappes de l’aquifère multicouche du Roussillon et des calcaires karstifiés du massif des Corbières reste extrêmement dégradée, avec des niveaux très bas. La limitation des prélèvements durant le printemps et l’été a permis de diminuer la pression mais a aussi limité les apports par l’irrigation gravitaire.

Recharge des nappes : 3 questions pour mieux comprendre

Le niveau des nappes varie au cours de l’année, entre des niveaux hauts l’hiver (quand la végétation n’absorbe pas l’eau des pluies) et des niveaux bas l’été (période classique de vidange des nappes).

Le devenir d'une pluie est très différent selon la période de l'année et l'état de la surface sur laquelle elle tombe. Traditionnellement, la période de recharge des nappes s'étend du début de l'automne (septembre - octobre) au début du printemps (mars - avril), semestre durant lequel la végétation est en sommeil (avec une évapotranspiration faible) et les précipitations sont en principe plus abondantes. Si l'hiver est sec, la recharge des nappes est très faible.

À partir du printemps et durant l’été, la hausse des températures, la reprise de la végétation, et donc l’augmentation de l’évapotranspiration, limitent l’infiltration des pluies vers les nappes. Entre mai et octobre, sauf événements pluviométriques exceptionnels, la vidange des nappes se poursuit habituellement et les niveaux continuent de baisser jusqu’à l’automne.

Les nappes s'écoulent plus ou moins rapidement selon la porosité (pourcentage de vides dans la roche) et la perméabilité (capacité à laisser circuler l’eau – connexion entre ces vides) des aquifères. Plus les vides sont importants, grands et reliés entre eux, plus la nappe s’écoulera vite, et plus elle se remplira, mais aussi se videra vite.

Un même volume d’eau peut parcourir une même distance :

  • en quelques années en milieu poreux,
  • en quelques mois en milieu fissuré,
  • et en quelques jours, voire quelques heures, en milieu karstique.

L'impact de la qualité de la recharge hivernale est différent selon la cyclicité de la nappe, c’est-à-dire sa réactivité à l’infiltration d’une pluie.

On parle de nappes :

  • réactives (dans des aquifères constitués de sables, graviers, calcaires karstiques, granites altérés). Elles se distinguent par des réactions rapides : elles peuvent se recharger lors de fortes pluies estivales, mais ont également une sensibilité importante à la sécheresse. Leur état de remplissage peut donc varier très rapidement au cours d’une même saison.
  • inertielles (dans des aquifères constitués de craie, calcaire non karstique, grès). Leurs réactions sont lentes. Leur cyclicité peut être pluriannuelle, c’est-à-dire qu’elles nécessitent une longue période pour se recharger ou se vidanger.
Cyclicité des nappes d'eau souterraine en France hexagonale.

Cyclicité des nappes d'eau souterraine en France hexagonale.

© BRGM

Cyclicité des nappes d'eau souterraine en France Hexagonale. © BRGM

Prévisions

Les prévisions saisonnières de Météo-France pour les mois de décembre 2023, janvier et février 2024 privilégient des températures plus élevées sur l’ensemble du territoire et des conditions plus humides que la normale sur une grande partie nord du territoire. Aucun scénario ne se dégage concernant les précipitations sur le pourtour méditerranéen. 

Les tendances et l’évolution des situations de ces prochaines semaines dépendront exclusivement des pluies infiltrées, et donc des cumuls pluviométriques, et du temps de réponse de la nappe (réactivité / inertie). En cas de pluies efficaces normales à excédentaires, la recharge devrait se poursuivre. Les situations devraient alors se maintenir ou continuer à s’améliorer. Si la pluviométrie est insuffisante, les pluies infiltrées ne permettront pas de compenser les volumes de sortie (exutoires naturels et prélèvements). La vidange pourrait reprendre sur les nappes des secteurs impactés et la situation se dégradera, lentement sur les nappes inertielles et rapidement sur les nappes réactives.

Sur les nappes des deux-tiers nord et du sud-ouest, le début de la recharge 2023-2024 est très excédentaire. Les précipitations annoncées en décembre devraient engendrer de nouveaux épisodes de recharge et les prévisions saisonnières sont optimistes.

Concernant les nappes réactives, ce début de recharge hivernale permet d’espérer des niveaux satisfaisants en sortie d’hiver. Cependant, la situation peut également se dégrader rapidement en cas de pluviométrie insuffisante. Les niveaux de l’été 2024 dépendront d’une recharge abondante durant l’hiver et perdurant durant le printemps, afin de repousser le début de la période de vidange.

L’état des nappes inertielles de l’Artois, du Bassin parisien, du Sundgau et du couloir Rhône-Saône devrait continuer à s’améliorer progressivement dans les prochaines semaines avec l’infiltration lente des pluies de l’automne. A plus long terme, des pluies excédentaires seront nécessaires durant tout l’hiver pour retrouver des niveaux comparables à au-dessus des normales. La reconstitution des réserves en eau souterraine d’ici le printemps est cependant difficilement envisageable, sauf pluviométrie très excédentaire sur les prochains mois, sur les secteurs affichant des niveaux très bas en novembre.

Concernant les nappes du pourtour méditerranéen, les tendances et l’évolution des situations sont très incertaines et dépendront du cumul pluviométrique de ces prochains mois. Le retour à des niveaux au-dessus des normales d’ici la sortie d’hiver 2023-2024 sera possible en cas d’épisodes pluviométriques importants et bien répartis dans les prochains mois. L’atteinte de niveaux normaux sera compliquée pour les nappes affichant des niveaux très bas en novembre. Il semble difficilement envisageable de reconstituer durablement les réserves des nappes du Roussillon d’ici le printemps 2024.

En début de période de recharge, il est primordial de laisser le temps aux réserves en eau fragilisées de se reconstituer durablement. L’unique solution pour préserver l’état des nappes, et ainsi maintenir la continuité entre eaux souterraines et eaux superficielles, est de limiter les prélèvements en eau. La recharge 2023-2024 conditionnera les niveaux de l’année prochaine. Durant l’hiver et le début du printemps, période favorable à la recharge, la situation devra donc être surveillée sur l’ensemble des nappes du territoire et plus particulièrement sur les nappes ayant enregistré un étiage 2023 sévère.

Prochain bulletin sur le niveau des nappes d'eau souterraine

Notre bulletin sur la situation des nappes d'eau souterraine paraît désormais tous les mois, en milieu de mois.

La prochaine édition sortira à la mi-janvier 2024.

Réseau de surveillance des eaux souterraines, Pyrénées Orientales

État des nappes d’eau souterraine : un suivi assuré par le BRGM

L’eau souterraine est une ressource très utilisée : en France hexagonale, elle représente près des deux tiers de la consommation d’eau potable et plus du tiers de celle du monde agricole. Elle est aussi largement exploitée dans le secteur industriel. Les nappes d’eau souterraine dépendent de recharges cycliques.

Le BRGM assure la surveillance du niveau des nappes phréatiques et de la qualité des eaux souterraines en France hexagonale. Découvrez les actions menées par le service géologique national et les ressources et bases de données disponibles sur l'eau souterraine en France.

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