Un article publié par le BRGM dans la revue Continental Shelf Research montre l’impact de la hausse du niveau des mers sur les marées à l’échelle de l’Europe du Nord-Ouest.
10 avril 2017
 La baie du Mont-Saint-Michel

Dans la baie du Mont-Saint-Michel, la hauteur de pleine mer maximale, rencontrée par exemple pendant l’année 2009, pourrait être réduite de 15% de la remontée du niveau marin (i.e. de 15 cm pour une hausse du niveau marin de 1 m). D’autres zones côtières plus au nord-est, comme Calais, verraient au contraire leur marnage augmenté avec un risque accru en termes d’érosion et de submersion. 

© BRGM - Flora Lucassou 

L’augmentation du niveau des mers causée par le changement climatique aura une influence sur les marées en Europe du Nord-Ouest, des côtes d’Espagne du Nord jusqu’à la Norvège. Dans certaines zones, les écarts entre pleine mer et basse mer (marnage) seront renforcés, par exemple en Manche Est de la pointe du Cotentin jusqu’à Calais. Dans d’autres le marnage sera plus faible, notamment en Manche Ouest (Baie du Mont-Saint-Michel par exemple). Les modifications de hauteur de pleine mer et basse-mer par rapport au niveau moyen pourraient être de l’ordre de 15% de la remontée du niveau marin, soit l’équivalent de 15 cm en plus ou en moins si la mer monte d’1 mètre. 

Ces effets, en particulier en Mer du Nord, seront différents suivant les stratégies de défenses côtières. Par exemple, dans la zone Sud/Sud-est de la Mer du Nord, une protection au niveau des rivages actuels engendrerait une augmentation des hauteurs de pleine mer alors qu’une absence de protection engendrerait une diminution des hauteurs de pleine mer dans cette zone. Ainsi les niveaux de marée futurs ne résulteront pas juste d’une somme entre les niveaux de marée actuels et la hausse du niveau marin : suivant les sites, la remontée du niveau marin et les stratégies de protection contre la submersion modifieront significativement les caractéristiques de marée. Les résultats obtenus reposent sur un calcul mathématique par modélisation, prenant en compte les caractéristiques physiques des marées et des bassins maritimes. Par exemple la diminution des frottements de l’eau sur le fond lorsque le niveau d’eau augmente. 

Des simulations jusqu’à 10 m de hausse du niveau des mers 

Les simulations ont porté sur des scénarios de variations du niveau marin très larges : de -0,25 m, soit le niveau représentatif du siècle passé, à +10 m qui est une valeur considérée possible d’ici 2300 en cas de poursuite des émissions de gaz à effets de serre. 

Deux sortes d’hypothèse ont été retenues. La première porte sur une hausse uniforme du niveau des mers sur l’ensemble de la zone, avec des tests sur différentes hauteurs. A noter que cette remontée uniforme génère des modifications de marée non uniformes. La deuxième considère une hausse non uniforme du niveau de la mer d’ici 2100. En outre, deux stratégies de défenses contre la submersion ont été considérées : soit des défenses de hauteur infinie au niveau des rivages actuels, soit une absence de défenses. 

 Simulation des marées dans le cas d’une hausse non uniforme du niveau de la mer d’ici 2100

Simulation des marées dans le cas d’une hausse non uniforme du niveau de la mer d’ici 2100, qui correspond au scénario médian RCP4.5 du dernier rapport du GIEC. 

Les calculs effectués constituent une première projection réaliste des modifications que pourraient subir la marée d’ici là, avec des variations non uniformes entre -10 et 10 cm. La figure (a) montre le scénario de remontée du niveau marin considéré et les figures (b) et (c) montrent l’effet de cette remontée du niveau marin sur la hauteur de pleine mer par rapport au niveau moyen (respectivement en mètres et en pourcentage de remontée du niveau marin local). L’analyse a porté sur une année type où les niveaux de pleine mer étaient les plus forts (2009 en l’occurence). 

© BRGM 

Sur le plateau continental européen, la première étude de modélisation sur ce sujet date de 1989, tandis que la plupart des études ont été réalisées ces cinq dernières années. C’est néanmoins la première fois que des simulations sont effectuées sur l’ensemble de l’Europe du Nord-Ouest, avec une décomposition des marées aussi fine. Ces calculs ont pu être menés grâce au modèle MARS développé par l’Ifremer et à la Tidal Toolbox, outil de post-traitement relatif à la marée conçu par le Legos (Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiale). 

L’effet du niveau marin sur les marées est actuellement étudié par plusieurs équipes impliquées dans le Programme mondial de recherches sur le climat, et son "Grand Challenge" niveau de la mer. Une synthèse de ces résultats sera vraisemblablement intégrée dans les futurs rapports du GIEC (rapport spécial sur l’Océan et la Cryosphère et 6ème rapport d’évaluation). 

Des risques d'érosion et de submersion accrus à l'avenir 

Le 5e rapport du GIEC a confirmé l’accélération de l’augmentation du niveau de la mer due au changement climatique. Globalement, depuis 1870, ce niveau s’est élevé de 20 cm. Alors qu’il montait au XXe siècle de 1,7 mm par an, le rythme est désormais évalué à 3,2 mm par an. Ainsi, à l’horizon 2100, les études prévoient une augmentation supplémentaire de 50 cm à 1 m et peut-être davantage. 

Les conséquences de cette augmentation de niveau se feront sentir à la fois sur l’érosion des côtes et sur les risques de submersion des zones proches du rivage. Sur ce dernier point, la remontée du niveau marin pourra être un facteur aggravant sur deux tableaux : d’une part les submersions permanentes de zones basses (notamment de marais côtiers ou d’îles basses, entraînant alors leur disparition) ; d’autre part, des submersions temporaires liées à des submersions marines, qui seront plus intenses et plus fréquentes à l’avenir.