Corinne Le Quéré a présidé la première mandature du Haut conseil pour le climat de 2018 à 2024. Scientifique de formation, elle enseigne également les sciences du changement climatique à l’université britannique d'East Anglia et est membre du comité britannique Climate Change Committee. Un pied de chaque côté de la Manche qui lui confère un regard croisé sur l’adaptation au changement climatique en France et en Europe.
16 mai 2025
Corinne le Quéré.

Corinne le Quéré.

© Steve Forrest / Panos-Rea

Extrait de l’interview de Corinne Le Quéré, à retrouver en intégralité dans la revue Géosciences n°28 du BRGM : "Changement climatique, comment s’adapter ?".

Comment réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES) ?

Corinne Le Quéré : Nous devons à la fois faire baisser nos émissions de GES et nous adapter au réchauffement climatique, l’un ne va pas sans l’autre. Nous avons donc un travail important à réaliser car tant que les émissions globales de CO2 n’auront pas atteint la neutralité carbone, le climat va continuer de se réchauffer. Le défi n’est pas seulement de réduire nos émissions de GES mais de s’en débarrasser complètement.

Pour cela il faut un système social, une économie, des infrastructures qui soient bas carbone et bien adaptées au climat de demain. Seule la combinaison de la réduction des émissions de GES et l’adaptation permettra de protéger les ménages, les entreprises et l'activité économique dans son ensemble. Un besoin de protection impératif compte-tenu de la rapidité à laquelle le climat se réchauffe.

Toutefois, certaines émissions de GES ne peuvent pas être totalement évitées…

C. L. Q. : En effet, c’est le cas dans l'agriculture ou dans certaines industries comme l'aviation. Il faut donc en parallèle développer les puits de carbone que sont les forêts et les sols, pour compenser les émissions qu'on ne peut éviter. En France, le plus important puits de carbone provient de nos forêts. Mais elles sont actuellement fragilisées par le changement climatique, les vagues de chaleur, les sécheresses des sols, les feux, les insectes ravageurs… Ainsi, notre puits de carbone forestier a diminué de moitié en 10 ans, au lieu d’augmenter. Il nous faut donc un plan de régénération ou de renouvellement massif de la forêt, sur plusieurs décennies.

Seule la combinaison de la réduction des émissions de GES et l’adaptation permettra de protéger les ménages, les entreprises et l'activité économique dans son ensemble.

Corinne Le Quéré

Le BRGM mène des travaux sur le stockage du CO2, dans le sous-sol. Ces ressources géologiques et les recherches effectuées peuvent-elles vous aider ?

C. L. Q. : Les informations du BRGM doivent être mises en avant pour les questions qui relèvent des besoins du sol, de l'aménagement de l'espace, du fonctionnement hydrologique, des nappes souterraines. Le développement des technologies de capture et de stockage du carbone en France est aussi un sujet mais les lieux de stockage du carbone ne sont pas encore identifiés, il reste beaucoup à faire pour y parvenir et développer une gestion du risque de stockage de carbone. Le stockage de carbone est une des solutions envisageables à mettre en œuvre en France, tout en gardant une vue réaliste du rôle utile mais mineur qu’il peut jouer. Et avoir un développement réaliste devient très important et doit faire partie d’un ensemble de mesures pour la France.

Couverture et extrait du numéro 28 de la revue Géosciences.

Couverture et extrait du numéro 28 de la revue Géosciences.

© BRGM

Géosciences n°28 : Changement climatique, comment s’adapter ?

L'adaptation au changement climatique nécessite d’approfondir encore les connaissances sur les conséquences de l’évolution du climat. Ce numéro de la revue Géosciences du BRGM fait le point sur les recherches dans ce domaine et sur les solutions qui se font jour.

Le BRGM en est un acteur décisif largement mobilisé, à l’appui de l’État et des collectivités notamment sur l’érosion du littoral, le suivi des aquifères et la connaissance des sols argileux.