Situation hydrogéologique au 1er septembre 2024
En août, la période de vidange se poursuit sur la quasi-totalité des nappes et les niveaux sont généralement en baisse (86%). La situation reste très satisfaisante, avec 70% des niveaux au-dessus des normales mensuelles. Seules les nappes du littoral du Roussillon, du Languedoc, du Cap-Corse et du littoral oriental de Corse enregistrent des niveaux très inférieurs aux normales mensuelles.
En septembre, les tendances dépendront essentiellement des précipitations efficaces locales et de la sensibilité de la nappe. La vidange devrait rester active jusqu’à l’étiage, qui survient habituellement entre mi-octobre et novembre. Les niveaux de l’étiage 2024 (basses eaux) devraient être particulièrement satisfaisants sur une grande partie du territoire. La situation devra être surveillée sur les nappes qui affichent actuellement des niveaux modérément bas à très bas (Roussillon, Languedoc, est et nord Corse).
Carte de France hexagonale de la situation des nappes d'eau souterraine au 1er septembre 2024.
© BRGM
Tendances d’évolution
L’automne et l’hiver 2023-2024 ont été caractérisés par une forte recharge des nappes sur une grande partie du territoire et par une recharge faible dans les Pyrénées, le Roussillon, le littoral ouest du Languedoc et la Corse. Les pluies printanières ont permis de soutenir les niveaux voire de recharger les nappes jusqu’en mai. La vidange est restée active durant l’été mais sa vitesse était souvent réduite grâce à des apports pluviométriques et à une pression faible des prélèvements.
En août 2024, la vidange prédomine avec 86% des niveaux en baisse (77% en juillet). Ce constat n’est pas surprenant du fait de précipitations déficitaires sur une grande partie du territoire durant le mois. De plus, les pluies estivales sont rarement efficaces pour la recharge des nappes : l’eau réussissant à pénétrer dans les sols est presque entièrement reprise par la végétation et ne s’infiltre que très peu en profondeur.
La vidange est en cours en août sur les nappes réactives, très sensibles à l’absence de pluie efficace. Les niveaux sont en baisse, une tendance habituelle durant l’été. Localement, la vitesse de vidange est freinée par l’apport de pluies efficaces ponctuelles et locales (exemple : Massif armoricain de la Bretagne à la Vendée, sud du Massif Central des Cévennes aux Grands Causses, Corse). Ces pluies ont pu engendrer des recharges momentanées mais sont souvent restées insuffisantes pour inverser les tendances mensuelles.
Concernant les nappes inertielles, les niveaux sont en baisse depuis avril pour l’Artois et depuis mai ou juin pour le Bassin parisien et le couloir Rhône-Saône. Le centre du Bassin parisien a profité de pluies excédentaires durant le printemps et l’été. La vidange reste fortement ralentie en août, conséquence d’une infiltration lente en profondeur des pluies efficaces de ces dernières semaines. Ainsi, les niveaux sont globalement stables sur les nappes de la craie et des formations tertiaires de la Brie au Tardenois, de Bourgogne et du Gâtinais ainsi que de la Beauce.
Situation comparée entre le 1er septembre 2023 et le 1er septembre 2024
Carte de France hexagonale de la situation des nappes au 1er septembre 2023 (à gauche) et au 1er septembre 2024 (à droite).
© BRGM
Situation des nappes
La recharge 2023-2024 a été très excédentaire sur une grande partie du territoire. En fin d’hiver, la situation des nappes était donc très satisfaisante. Les pluies du printemps et de l’été ont permis de soutenir voire d’améliorer l’état des nappes. Seule exception, la recharge a été déficitaire et les situations des nappes sont restées défavorables sur les Pyrénées-Orientales, l’Aude et la Corse.
La situation n’évolue que peu entre mai et août 2024. Les niveaux des nappes sont majoritairement au-dessus des normales mensuelles : en août 2024, 17% des points d’observation sont sous les normales mensuelles, 13% sont comparables et 70% sont au-dessus (pourcentages identiques en juin et juillet).
La situation est beaucoup plus favorable que celle observée l’année dernière, en août 2023, où 62% des niveaux se trouvaient sous les normales mensuelles. Seules les nappes des Pyrénées-Orientales et de la Corse conservent des niveaux plus bas qu’en août 2023. Août 2024 se classe au deuxième rang des mois d’août les plus humides pour les nappes depuis 30 ans (après août 2001 avec 83% des niveaux au-dessus des normales mensuelles).
Concernant les nappes réactives, l’évolution de leur état durant l’été dépend des cumuls pluviométriques locaux et de la pression des prélèvements. Entre juillet et août 2024, les situations n’évoluent que peu. Elles se dégradent légèrement sur une bande centrale, du Périgord et la Garonne aval à la vallée de la Saône, ainsi que sur le Cotentin et le Boulonnais. Ces secteurs abritent des nappes très sensibles au déficit de pluies efficaces survenu en juillet et août.
La situation d’août 2024 demeure très satisfaisante pour une grande partie des nappes réactives qui affichent des niveaux modérément hauts à très hauts. Ce constat s’explique par une recharge 2023-2024 excédentaire et par un soutien important des niveaux par les pluies du printemps puis, plus ponctuellement, de l’été.
Des niveaux moins favorables, de proches des normales à bas, sont la conséquence d’un déficit de pluies plus prononcé. Ainsi, dans les Côtes d’Armor, les niveaux sont modérément bas à bas, du fait de l’absence d’épisodes de recharge depuis avril. Les nappes du centre du Massif central (Limagne et volcans d’Auvergne) ont connu une recharge 2023-2024 déficitaire. Leur situation s’est améliorée avec les pluies du printemps et se dégrade à nouveau avec les déficits de l’été. Les niveaux peuvent atteindre des niveaux bas au droit de la chaîne des Puys et de la plaine du Forez. Enfin, les nappes de Provence sont globalement proches des normales, mais les niveaux sont localement hétérogènes notamment dans la plaine de la Durance.
La situation des nappes du littoral du Roussillon et de l’ouest du Languedoc reste très dégradée. Les niveaux sont bas sur les nappes des alluvions de l’Aude, de l’Hérault et de l’Orb, conséquence d’une recharge hivernale déficitaire. Sur la plaine du Roussillon et le massif des Corbières, l’état des nappes est très préoccupant. Les niveaux continuent de baisser en août, atteignant parfois des minima historiques, et les situations se dégradent. La nappe profonde du pliocène du Roussillon apparait à un niveau modérément bas du fait de la forte diminution de la pression des prélèvements, engendrant une remontée locale des niveaux. Cependant de nombreux secteurs observent toujours des niveaux très bas.
Enfin, l’état des nappes de Corse reste très contrasté. Les niveaux sont inquiétants, de modérément bas à très bas, sur le Cap Corse et les plaines orientales. Ils sont supérieurs aux normales mensuelles sur le littoral ouest.
Concernant les nappes inertielles de l’Artois, du Bassin parisien, du Sundgau (sud Alsace) et du couloir Rhône-Saône, les situations n’évoluent que peu depuis juin. Les tendances inhabituellement stables ou localement en hausse sur le sud-est du Bassin parisien ont pour conséquence une amélioration de l’état de la nappe des calcaires et sables tertiaires de la Brie au Tardenois et de la nappe de la craie séno-turonienne de Bourgogne et du Gâtinais.
La situation des nappes inertielles est très satisfaisante, avec des niveaux généralement au-dessus des normales mensuelles. Les nappes de la Beauce, du Sundgau, du Dijonnais, Bresse et Dombes présentent une inertie très prononcée. Leur situation s’est grandement améliorée avec la recharge 2023-2024 très excédentaire mais leurs niveaux restent modérément bas à proches des normales. Des situations locales peuvent être plus contrastées et moins favorables. Ainsi, la nappe de la craie normande au sud de la Seine, le nord et l’est de la nappe de Beauce, la nappe de la molasse miocène du nord de la Drôme observent toujours des niveaux proches des normales à modérément bas.
Nappes présentant des situations très favorables
De nombreuses nappes présentent des situations très favorables, avec des niveaux hauts à très hauts par rapport aux mois d’août des années antérieures :
- Les nappes réactives des sables albiens et néocomiens et des calcaires jurassiques du pourtour du Bassin parisien (Lorraine, Côte-des-Bars, Berry, Brenne et nord du seuil du Poitou) ont bénéficié d’apports pluviométriques durant le printemps et l’été ;
- Les niveaux des nappes réactives des calcaires jurassiques et crétacés du pourtour du Bassin aquitain (sud du seuil du Poitou, Charentes, Périgord et bassin Angoumois, Causses du Quercy) ont été fortement soutenus par les pluies printanières ;
- Certaines nappes inertielles du Bassin parisien (Sologne et Santerre, Bourgogne et Gâtinais, Brie et Tardenois) et de l’Artois ont connu une recharge 2023-2024 très excédentaire et qui s’est prolongée tardivement.
Nappes présentant des situations peu favorables
Plusieurs nappes présentent des situations peu favorables avec des niveaux bas à très bas par rapport aux mois d’août des années précédentes, du fait d’un déficit pluviométrique très marqué ces derniers mois ou ces dernières années :
- La situation des nappes du Cap Corse et des plaines orientales de Corse demeure dégradée avec des niveaux locaux modérément bas à très bas ;
- Les nappes alluviales de l’Aude, de l’Hérault et de l’Orb présentent des niveaux bas, après une recharge 2023-2024 déficitaire ;
- L’état des nappes de l’aquifère multicouche du Roussillon et des calcaires karstifiés du massif des Corbières reste dégradé, avec des niveaux très bas, conséquence de déficits pluviométriques enregistrés depuis plus de deux ans.
Comment les nappes se rechargent-elles et comment se vident-elles ?
Le niveau des nappes varie au cours de l’année, entre des niveaux hauts l’hiver (quand la végétation n’absorbe pas l’eau des pluies) et des niveaux bas l’été (période classique de vidange des nappes).
Le devenir d'une pluie est très différent selon la période de l'année et l'état de la surface sur laquelle elle tombe. Traditionnellement, la période de recharge des nappes s'étend du début de l'automne (septembre - octobre) au début du printemps (mars - avril), semestre durant lequel la végétation est en sommeil (avec une évapotranspiration faible) et les précipitations sont en principe plus abondantes. Si l'hiver est sec, la recharge des nappes est très faible.
À partir du printemps et durant l’été, la hausse des températures, la reprise de la végétation, et donc l’augmentation de l’évapotranspiration, limitent l’infiltration des pluies vers les nappes. Entre mai et octobre, sauf événements pluviométriques exceptionnels, la vidange des nappes se poursuit habituellement et les niveaux continuent de baisser jusqu’à l’automne.
Pourquoi certaines nappes se rechargent-elles plus vite que d'autres ?
Les nappes s'écoulent plus ou moins rapidement selon la porosité (pourcentage de vides dans la roche) et la perméabilité (capacité à laisser circuler l’eau – connexion entre ces vides) des aquifères. Plus les vides sont importants, grands et reliés entre eux, plus la nappe s’écoulera vite, et plus elle se remplira, mais aussi se videra vite.
Un même volume d’eau peut parcourir une même distance :
- en quelques années en milieu poreux,
- en quelques mois en milieu fissuré,
- et en quelques jours, voire quelques heures, en milieu karstique.
Nappes inertielles, nappes réactives : de quoi s'agit-il ?
L'impact de la qualité de la recharge hivernale est différent selon la cyclicité de la nappe, c’est-à-dire sa réactivité à l’infiltration d’une pluie.
On parle de nappes :
- réactives (dans des aquifères constitués de sables, graviers, calcaires karstiques, granites altérés). Elles se distinguent par des réactions rapides : elles peuvent se recharger lors de fortes pluies estivales, mais ont également une sensibilité importante à la sécheresse. Leur état de remplissage peut donc varier très rapidement au cours d’une même saison.
- inertielles (dans des aquifères constitués de craie, calcaire non karstique, grès). Leurs réactions sont lentes. Leur cyclicité peut être pluriannuelle, c’est-à-dire qu’elles nécessitent une longue période pour se recharger ou se vidanger.
Prévisions
Les prévisions saisonnières de Météo-France sur les mois de septembre, octobre et novembre privilégient des températures plus élevées que la normale sur l’ensemble du territoire et des conditions plus sèches que la normale sur le sud. Ailleurs, aucun scénario ne se dégage pour les pluies.
Plusieurs passages dépressionnaires, accompagnés de pluies, ont été observés et sont attendus en septembre. Ces précipitations pourraient engendrer des recharges ponctuelles sur les nappes réactives (notamment alluvions, calcaires karstiques et socle). Des tendances mensuelles stables ou à la hausse pourraient alors s’observer en septembre sur les secteurs arrosés. Ces pluies ne devraient avoir que peu d’impact sur les nappes inertielles, leur temps de réaction à un phénomène météorologique étant long.
La vidange devrait donc se poursuivre pour la plupart des nappes et les épisodes de recharge devraient rester ponctuels et peu intenses jusqu’à la mise en dormance de la végétation et la survenue d’épisodes pluviométriques abondants. La période d’étiage (basses eaux) sur les nappes s’observent habituellement entre mi-octobre et fin novembre.
L’évolution de l’état des nappes dans les prochaines semaines dépendra essentiellement des cumuls pluviométriques. La pression des prélèvements estivaux devrait s’alléger en fin d’été. Sur une grande partie du territoire, les niveaux d’août sont favorables et les situations globales de septembre devraient rester au-dessus à proches des normales.
Concernant les nappes inertielles, les évolutions se font très graduellement et les situations ne devraient que peu changer entre août et septembre. Des tensions locales pourraient apparaître en cas d’étiage tardif dans des secteurs affichant actuellement des niveaux sous les normales ou sur des secteurs fortement sollicités par des prélèvements (exemple : craie de Normandie au sud de la Seine, Beauce, molasse miocène du nord de la Drôme).
L’état des nappes réactives peut évoluer rapidement. La situation des nappes pourrait se maintenir voire s’améliorer plus ou moins rapidement selon les cumuls pluviométriques locaux. Elle pourrait se dégrader en l’absence de soutien par les pluies et sur des secteurs fortement sollicités par des prélèvements.
Dans le sud de la France, les nappes du littoral du Roussillon, du Languedoc, de l’est et du nord de la Corse doivent continuer à faire l’objet d’une vigilance renforcée. L’état actuel de ces nappes est peu satisfaisant à très préoccupant et l’étiage 2024 s’annonce très sévère. La période de recharge 2024-2025 devra faire l’objet d’une surveillance accrue.
Prochain bulletin sur le niveau des nappes d'eau souterraine
Notre bulletin sur la situation des nappes d'eau souterraine paraît désormais tous les mois, en milieu de mois.
La prochaine édition sortira à la mi-octobre 2024.
État des nappes d’eau souterraine : un suivi assuré par le BRGM
L’eau souterraine est une ressource très utilisée : en France hexagonale, elle représente près des deux tiers de la consommation d’eau potable et plus du tiers de celle du monde agricole. Elle est aussi largement exploitée dans le secteur industriel. Les nappes d’eau souterraine dépendent de recharges cycliques.
Le BRGM assure la surveillance du niveau des nappes phréatiques et de la qualité des eaux souterraines en France hexagonale. Découvrez les actions menées par le service géologique national et les ressources et bases de données disponibles sur l'eau souterraine en France.
Carte établie le 10 septembre 2024 par le BRGM, à partir de données de la banque ADES acquises jusqu’au 31 août 2024. Source des données : banque ADES (ades.eaufrance.fr) / Hydroportail (hydro.eaufrance.fr) / Fond de carte © IGN. Producteurs de données et contribution : APRONA, BRGM, Conseil Départemental de la Vendée, Conseil Départemental des Landes, Conseil Départemental du Lot, EPTB Vistre Vistrenque, Parc Naturel Régional des Grandes Causses, Syndicat Mixte d’Etudes et de Travaux de l’Astien (SMETA), Syndicat Mixte pour la protection et la gestion des nappes souterraines de la plaine du Roussillon (SMNPR).
Cette carte présente les indicateurs globaux traduisant les fluctuations moyennes des nappes. Ils sont établis à partir des indicateurs ponctuels relevés au niveau des points de surveillance du niveau des nappes (piézomètres).
L'indicateur "Niveau des nappes" compare le mois en cours par rapport aux mêmes mois de l’ensemble de la chronique, soit au minimum 15 ans de données, et jusqu'à plus de 100 ans. Il est réparti en 7 classes, du niveau le plus bas (en rouge) au niveau le plus haut (en bleu foncé).
Les zones grises correspondent à des secteurs sans nappes libres, c'est-à-dire avec une couche imperméable ou semi-perméable au-dessus de la nappe, et/ou des secteurs comportant une très faible densité de points de suivi. Ce dernier cas concerne notamment les zones montagneuses dont les nappes sont petites et hétérogènes.
L'indicateur "Évolution des niveaux" traduit la variation du niveau d'eau du mois échu par rapport aux deux mois précédents (stable, à la hausse ou à la baisse).
Ces indicateurs globaux rendent compte de situations et de tendances générales et ne tiennent pas compte d'éventuelles disparités locales.