Situation hydrogéologique au 1er mai 2024
En avril 2024, les tendances sont hétérogènes. La période de recharge se termine : les niveaux sont généralement en baisse sur les nappes réactives et restent en hausse sur les nappes inertielles.
L’état des nappes est très satisfaisant sur une grande partie du territoire, notamment sur les nappes réactives, du fait d’une recharge 2023-2024 excédentaire. La situation est défavorable, avec des niveaux bas à très bas, sur la nappe inertielle du Sundgau (sud Alsace) et sur les nappes de l’Aude, du Roussillon et de l’est de la Corse.
La fin de la période de recharge devrait se confirmer en mai. La situation des nappes inertielles devrait se stabiliser en mai puis se dégrader lentement jusqu’à l’automne. Les évolutions des nappes réactives dépendront essentiellement des cumuls pluviométriques, de l’évapotranspiration et des demandes en eau. La situation devra être particulièrement surveillée sur les nappes qui affichent actuellement des niveaux bas à très bas ainsi que sur les secteurs fortement sollicités par des prélèvements.
Carte de France hexagonale de la situation des nappes d'eau souterraine au 1er mai 2024.
© BRGM
Tendances d’évolution
En 2023, la recharge s’est initiée tardivement, à partir de fin octobre, mais est ensuite restée très active sur les deux-tiers nord et le sud-ouest du territoire. Sur le sud-sud-est, les nappes ont observé des niveaux en forte hausse à partir de fin février. A fin mars, la recharge 2023-2024 des nappes était très excédentaire sur une grande partie du territoire, à l’exception du littoral du Languedoc et du Roussillon ainsi que de la Corse.
En avril 2024, les tendances s’inversent et sont hétérogènes, marquant la fin de la période de recharge. Les niveaux sont en hausse pour 44% des points d’observation et sont en baisse pour 39% (respectivement 64% et 16% en mars).
Durant le printemps, la végétation sort de sa dormance et absorbe une grande partie des eaux s’infiltrant dans le sol. Les pluies deviennent alors peu efficaces pour la recharge des nappes. Les tendances d’avril dépendent donc principalement de l’inertie de la nappe et des cumuls pluviométriques locaux.
Concernant les nappes inertielles de l’Artois, du Bassin parisien, du Sundgau et du couloir Rhône-Saône, les niveaux demeurent en hausse. Ces nappes présentent un temps de réponse long aux pluies efficaces. Les recharges d’avril correspondent à l’infiltration lente des pluies de la fin de l’hiver et du début du printemps. La recharge diminue cependant en intensité en fin de mois et les niveaux semblent se stabiliser.
Les tendances observées en avril sur les nappes réactives dépendent des pluies efficaces locales. Ainsi, les niveaux sont en hausse sur les nappes du sud-est des alluvions et des formations tertiaires des vallées des Alpes, du Bas-Rhône, de la Durance et de la Côte d’Azur. Un épisode notable de recharge est enregistré début avril parfois soutenu par un épisode moins marqué en fin de mois. Ailleurs, la période de vidange se met progressivement en place. Les niveaux sont stables sur les nappes du nord-est et du Languedoc, en réponse aux pluies de fin mars et d’avril. Les niveaux sont en faible baisse sur les nappes réactives des deux-tiers ouest et de Corse. Enfin, les pluies ont été insuffisantes en avril sur la plaine du Roussillon et le massif des Corbières pour engendrer une recharge significative des nappes.
Situation comparée entre le 1er mai 2023 et le 1er mai 2024
Carte de France hexagonale de la situation des nappes au 1er mai 2023 (à gauche) et au 1er mai 2024 (à droite).
© BRGM
Situation des nappes
La situation des nappes à l’étiage 2023 était peu satisfaisante, les niveaux des nappes étant généralement sous les normales mensuelles. La recharge importante survenue à partir de fin octobre 2023 a eu un effet notable sur les nappes. Les épisodes successifs de recharge durant l’hiver et le printemps ont permis de conserver les niveaux des nappes réactives très au-dessus des normales. La situation générale s’est améliorée lentement sur les nappes inertielles et les situations de mars étaient hétérogènes.
En avril 2024, la situation continue de s’améliorer par rapport au mois précédent. L’état des nappes est globalement très satisfaisant : 22% des points d’observation sont sous les normales mensuelles, 13% sont comparables et 65% sont au-dessus (respectivement 27%, 15% et 58% en février). La situation est plus favorable que celle observée l’année dernière, en avril 2023, où 68% des niveaux se trouvaient sous les normales mensuelles. Seules les nappes des Pyrénées-Orientales et de Corse conservent des niveaux plus bas qu’en avril 2023.
La recharge 2023-2024 a été nettement excédentaire sur la quasi-totalité des nappes et les pluies du printemps ont permis de maintenir la recharge active, ce qui se traduit par des niveaux actuels très majoritairement entre proches des normales mensuelles et très hauts. Les situations disparates s’expliquent essentiellement par l’intensité de la recharge 2023-2024 et par la réactivité de la nappe aux pluies infiltrées.
L’état des nappes inertielles n’évoluent que très peu entre mars et avril 2024, la recharge s’atténuant courant avril. La nappe de la craie du bassin de l’Artois et la nappe de l’Avant-Pays savoyard enregistrent des niveaux hauts à très hauts, suite à un étiage 2023 peu sévère et à une recharge 2023-2024 exceptionnellement excédentaire. La situation des nappes du Bassin parisien est hétérogène : elle est favorable sur l’amont, avec des niveaux modérément hauts à hauts, et se dégrade vers le sud-ouest, avec des niveaux proches des normales à modérément bas. Certains secteurs présentent des niveaux dégradés, de modérément bas à bas, sur la nappe de la Beauce et localement sur la nappe de la craie de Normandie en partie située au sud de la Seine. La nappe du Sundgau (sud Alsace) reste basse, du fait de sa forte inertie. Enfin, les nappes du couloir de la Saône et du Rhône sont modérément basses à proches des normales mensuelles. Des situations localement dégradées s’observent sur la Dombes, l’Est-lyonnais et le nord de la Drôme.
La situation est très satisfaisante sur de nombreuses nappes réactives. L’état des nappes est généralement stable par rapport à mars. Il s’améliore légèrement uniquement sur les secteurs très arrosés : nappes du pourtour est et sud du Bassin parisien, du centre-nord du Massif central, de la vallée de la Saône et du Jura. Il se dégrade sur quelques nappes très réactives du sud-ouest, impactées par des pluies déficitaires.
Sur les deux-tiers nord et le sud-ouest, les niveaux d’avril sont généralement modérément hauts à très hauts du fait d’une recharge 2023-2024 excédentaire et du soutien des pluies du printemps. Des situations moins favorables se traduisent par des niveaux proches des normales à modérément bas. Ainsi, les nappes de la plaine d’Alsace, de la Limagne et des volcans du Massif central ont connu une recharge moins importante et présentent un comportement moins réactif. Sur le sud-ouest, certaines nappes accusent la mise en place de la vidange dès mars. Les situations peuvent être localement plus dégradées, avec des niveaux modérément bas, sur le sud des Causses du Quercy à l’ouest des Grands Causses.
Jusqu’à fin février ou début mars, l’état des nappes du sud-sud-est demeurait inquiétant. Les épisodes de recharge enregistrés en mars et début avril ont permis d’améliorer considérablement la situation des nappes. En avril, les niveaux sont très satisfaisants, de modérément hauts à très hauts, sur les nappes du sud du Massif Central, du Bas-Rhône, de la Provence et de la Côte d’Azur. Sur le littoral du Languedoc, les pluies infiltrées restent insuffisantes pour combler les déficits enregistrés depuis l’automne 2023. Les nappes présentent des niveaux peu favorables, proches des normales à bas. Enfin, les pluies n’ont pas eu d’impact sur les nappes du massif des Corbières et de la plaine du Roussillon et les niveaux demeurent très préoccupants. Enfin, en Corse, la situation est hétérogène. Des niveaux de bas à très bas se concentrent sur les nappes du littoral nord et est.
Nappes présentant des situations très favorables
De nombreuses nappes présentent des situations très favorables, avec des niveaux hauts à très hauts par rapport aux mois d’avril des années antérieures :
- Les niveaux des nappes du bassin de l'Artois sont la conséquence des recharges excédentaires de 2022-2023 et de 2023-2024 ;
- Les nappes réactives de la bordure est et sud du Bassin parisien (craie de Champagne, sables albiens et néocomiens et calcaires jurassiques) affichent des niveaux hauts à très hauts, du fait d’une recharge très excédentaire ;
- La situation est très satisfaisante sur la frange maritime sud-ouest, des nappes de l’est et du sud du Massif armoricain jusqu’au centre du Bassin aquitain, suite aux précipitations abondantes survenues depuis mi-octobre 2023.
Nappes présentant des situations peu favorables
Plusieurs nappes présentent des situations peu favorables avec des niveaux bas à très bas par rapport aux mois d’avril des années précédentes, du fait d’un déficit pluviométrique très marqué ces derniers mois ou ces dernières années :
- La situation de la nappe inertielle des cailloutis plioquaternaires du Sundgau reste à des niveaux bas, du fait d’un comportement très inertiel ;
- Les niveaux de la nappe alluviale de l’Aude sont bas, les pluies de mars 2024 n’ayant pas permis de compenser le déficit de recharge depuis l’automne 2023 ;
L’état des nappes de l’aquifère multicouche du Roussillon et des calcaires karstifiés du massif des Corbières reste extrêmement dégradé, avec des niveaux très bas, conséquence de déficits pluviométriques depuis deux ans.
Comment les nappes se rechargent-elles et comment se vident-elles ?
Le niveau des nappes varie au cours de l’année, entre des niveaux hauts l’hiver (quand la végétation n’absorbe pas l’eau des pluies) et des niveaux bas l’été (période classique de vidange des nappes).
Le devenir d'une pluie est très différent selon la période de l'année et l'état de la surface sur laquelle elle tombe. Traditionnellement, la période de recharge des nappes s'étend du début de l'automne (septembre - octobre) au début du printemps (mars - avril), semestre durant lequel la végétation est en sommeil (avec une évapotranspiration faible) et les précipitations sont en principe plus abondantes. Si l'hiver est sec, la recharge des nappes est très faible.
À partir du printemps et durant l’été, la hausse des températures, la reprise de la végétation, et donc l’augmentation de l’évapotranspiration, limitent l’infiltration des pluies vers les nappes. Entre mai et octobre, sauf événements pluviométriques exceptionnels, la vidange des nappes se poursuit habituellement et les niveaux continuent de baisser jusqu’à l’automne.
Pourquoi certaines nappes se rechargent-elles plus vite que d'autres ?
Les nappes s'écoulent plus ou moins rapidement selon la porosité (pourcentage de vides dans la roche) et la perméabilité (capacité à laisser circuler l’eau – connexion entre ces vides) des aquifères. Plus les vides sont importants, grands et reliés entre eux, plus la nappe s’écoulera vite, et plus elle se remplira, mais aussi se videra vite.
Un même volume d’eau peut parcourir une même distance :
- en quelques années en milieu poreux,
- en quelques mois en milieu fissuré,
- et en quelques jours, voire quelques heures, en milieu karstique.
Nappes inertielles, nappes réactives : de quoi s'agit-il ?
L'impact de la qualité de la recharge hivernale est différent selon la cyclicité de la nappe, c’est-à-dire sa réactivité à l’infiltration d’une pluie.
On parle de nappes :
- réactives (dans des aquifères constitués de sables, graviers, calcaires karstiques, granites altérés). Elles se distinguent par des réactions rapides : elles peuvent se recharger lors de fortes pluies estivales, mais ont également une sensibilité importante à la sécheresse. Leur état de remplissage peut donc varier très rapidement au cours d’une même saison.
- inertielles (dans des aquifères constitués de craie, calcaire non karstique, grès). Leurs réactions sont lentes. Leur cyclicité peut être pluriannuelle, c’est-à-dire qu’elles nécessitent une longue période pour se recharger ou se vidanger.
Prévisions
Les prévisions saisonnières de Météo-France sur les mois de mai, juin et juillet ne privilégient aucun scénario pour les pluies et des températures plus élevées que la normale sur l’ensemble du territoire.
Durant les prochains mois, les eaux s’infiltrant dans le sol seront principalement reprises par la végétation et ne s’infiltreront que peu en profondeur. La vidange devrait alors se généraliser courant mai sur l’ensemble des nappes du territoire. Elle devrait se poursuivre jusqu’à la mise en dormance de la végétation, soit jusqu’à octobre à fin novembre, et/ou la survenue d’épisodes pluviométriques abondants. Durant la période estivale, les épisodes de recharge devraient rester ponctuels, localisés et peu intenses. Les conditions pour observer des niveaux en hausse et une amélioration de la situation des nappes seront une pluviométrie importante, des sols humides et une nappe réactive. La sollicitation des ressources en eau par les prélèvements influencera également l’état des nappes.
Courant mai, en l’absence de précipitations suffisantes, la vidange devrait se généraliser à l’ensemble des nappes. Les niveaux devraient alors rester en baisse et la situation devrait se dégrader, rapidement sur les nappes les plus réactives et les plus sollicitées par des prélèvements et lentement sur les nappes inertielles et peu exploitées.
Concernant les nappes inertielles, les précipitations de mai ne devraient pas engendrer de recharge. Les tendances devraient se stabiliser et la vidange débuter courant mai et perdurer jusqu’à l’automne, sauf événements pluviométriques exceptionnels. La situation des nappes inertielles devrait se stabiliser en mai puis se dégrader graduellement durant l’été. Les prélèvements en eau souterraine pourraient accélérer la vidange de ces nappes et des situations localement dégradées pourraient apparaître.
Sur les nappes réactives, les tendances de mai et des prochains mois dépendront des cumuls pluviométriques locaux, de l’évapotranspiration et des demandes en eau. La fonte des neiges durant la fin du printemps aura également un impact sur les nappes des massifs alpins. Les épisodes pluviométriques importants pourront provoquer des recharges momentanées, permettant de soutenir les niveaux voire très ponctuellement d’observer une hausse. La situation pourrait alors se maintenir ou s’améliorer localement. Ces infiltrations en profondeur seront cependant restreintes en cas de sols secs, les pluies permettant alors d’humidifier les sols et de répondre aux besoins en eau de la végétation. Les pluies pourraient également permettre d’éviter une trop forte sollicitation des eaux souterraines notamment pour l’irrigation. En absence de précipitations suffisantes, la période de vidange des nappes réactives devrait se poursuivre en mai. En conséquence, la situation devrait se dégrader, d’autant plus rapidement que la nappe est réactive et/ou sollicitée par des prélèvements. En cas d’absence de pluie et de température élevée, le début précoce des campagnes d’irrigation pourrait également influencer la situation des nappes.
Les prévisions sur les prochains mois sont optimistes sur la plupart des nappes. Cependant certains secteurs devront être particulièrement surveillés, du fait de niveaux actuels ne permettant pas de garantir des niveaux satisfaisants durant l’été. Des incertitudes peuvent cependant demeurer selon les cumuls pluviométriques locaux des prochains mois et les sollicitations par des prélèvements. Ces secteurs à surveiller concernent particulièrement les nappes du sud-est du Bassin parisien (partie au sud de la Seine de la craie de Normandie, Beauce, sables cénomaniens de l’est des Pays de la Loire et du Centre-Val de Loire), du sud de l’Alsace (Sundgau), des couloirs de la Saône (Bresse et Dombes) et du Rhône (Est-lyonnais et nord de la Drôme), de la plaine de la Limagne, de la chaîne des Puys, du sud-ouest du Massif Central (entre le sud des Causses du Quercy, l’ouest des Grands Causses et la Montagne noire), des Pyrénées, du littoral du Languedoc, du Roussillon et de la Corse.
Prochain bulletin sur le niveau des nappes d'eau souterraine
Notre bulletin sur la situation des nappes d'eau souterraine paraît désormais tous les mois, en milieu de mois.
La prochaine édition sortira à la mi-juin 2024.
État des nappes d’eau souterraine : un suivi assuré par le BRGM
L’eau souterraine est une ressource très utilisée : en France hexagonale, elle représente près des deux tiers de la consommation d’eau potable et plus du tiers de celle du monde agricole. Elle est aussi largement exploitée dans le secteur industriel. Les nappes d’eau souterraine dépendent de recharges cycliques.
Le BRGM assure la surveillance du niveau des nappes phréatiques et de la qualité des eaux souterraines en France hexagonale. Découvrez les actions menées par le service géologique national et les ressources et bases de données disponibles sur l'eau souterraine en France.
Carte établie le 14 mai 2024 par le BRGM, à partir de données de la banque ADES acquises jusqu’au 30 avril 2024. Source des données : banque ADES (ades.eaufrance.fr) / Hydroportail (hydro.eaufrance.fr) / Fond de carte © IGN. Producteurs de données et contribution : APRONA, BRGM, Conseil Départemental de la Vendée, Conseil Départemental des Landes, Conseil Départemental du Lot, EPTB Vistre Vistrenque, Parc Naturel Régional des Grandes Causses, Syndicat Mixte d’Etudes et de Travaux de l’Astien (SMETA), Syndicat Mixte pour la protection et la gestion des nappes souterraines de la plaine du Roussillon (SMNPR).
Cette carte présente les indicateurs globaux traduisant les fluctuations moyennes des nappes. Ils sont établis à partir des indicateurs ponctuels relevés au niveau des points de surveillance du niveau des nappes (piézomètres).
L'indicateur "Niveau des nappes" compare le mois en cours par rapport aux mêmes mois de l’ensemble de la chronique, soit au minimum 15 ans de données, et jusqu'à plus de 100 ans. Il est réparti en 7 classes, du niveau le plus bas (en rouge) au niveau le plus haut (en bleu foncé).
Les zones grises correspondent à des secteurs sans nappes libres, c'est-à-dire avec une couche imperméable ou semi-perméable au-dessus de la nappe, et/ou des secteurs comportant une très faible densité de points de suivi. Ce dernier cas concerne notamment les zones montagneuses dont les nappes sont petites et hétérogènes.
L'indicateur "Évolution des niveaux" traduit la variation du niveau d'eau du mois échu par rapport aux deux mois précédents (stable, à la hausse ou à la baisse).
Ces indicateurs globaux rendent compte de situations et de tendances générales et ne tiennent pas compte d'éventuelles disparités locales.