Situation hydrogéologique au 1er décembre 2024
Après un début de recharge des nappes très actif en octobre, les tendances de novembre 2024 sont contrastées. Seuls 46% des points suivis observent des niveaux en hausse.
Les situations se sont dégradées entre octobre et novembre 2024. Elles restent cependant très satisfaisantes puisque 65% des niveaux restent au-dessus des normales mensuelles. La situation est inquiétante sur les nappes du Roussillon avec des niveaux très bas et localement dans la vallée de l’Hérault (alluvions et sables astiens) et sur le littoral sud-est de Corse.
Durant l’hiver, les tendances et l’évolution des situations dépendront essentiellement de la pluviométrie. La recharge devrait se poursuivre sur les secteurs arrosés et la situation devrait alors se maintenir ou s’améliorer. En cas de précipitations insuffisantes, les tendances à la baisse pourraient se généraliser et l’état des nappes se dégrader rapidement sur les nappes réactives et lentement sur les nappes inertielles.
Les niveaux des nappes réactives étant redescendus, le risque d’inondation par remontée des nappes réactives semble s’éloigner. Il convient cependant de rester vigilant si la recharge reprend activement sur les secteurs affichant en novembre des niveaux hauts à très hauts.
Carte de France hexagonale de la situation des nappes d'eau souterraine au 1er décembre 2024.
© BRGM
Tendances d’évolution
La période de recharge débute habituellement avec les pluies efficaces de fin août et de septembre sur les nappes réactives et entre octobre et novembre sur les nappes inertielles. En 2024, la recharge hivernale s’est mise en place dès septembre sur les secteurs arrosés abritant des nappes réactives et s’est généralisée courant octobre à l’ensemble des nappes.
En novembre 2024, la recharge est active mais ralentit fortement : 46% des points suivis enregistrent des niveaux en hausse (71% en octobre). Les tendances contrastées s’expliquent par les cumuls pluviométriques locaux et par la réactivité de la nappe.
La recharge se poursuit en novembre sur les nappes inertielles du Bassin parisien et du couloir Rhône-Saône. Elle peine à se mettre en place sur les nappes inertielles de la craie de l’Artois, du plateau picard et de Normandie et sur la nappe du Sundgau (sud Alsace) où les niveaux restent stables ou en baisse. Sur ces secteurs, les pluies infiltrées lentement ces deux derniers mois sont encore insuffisantes pour compenser les sorties d’eau (sources, cours d’eau, mer).
La plupart des nappes réactives observent des tendances locales contrastées, entre baisse, stabilité et hausse, selon les cumuls pluviométriques. Les niveaux sont clairement en hausse sur les nappes réactives du Massif armoricain ainsi que du littoral du Roussillon et du Languedoc. Au contraire, ils sont en baisse généralisée pour les nappes de Lorraine, de la plaine d’Alsace et des vallées des Alpes, de la Saône et du Rhône amont. À noter que la vidange est particulièrement rapide sur certains piézomètres. Cela s’explique à la fois par des pluies efficaces déficitaires et par une vitesse de décharge plus élevée lorsque les niveaux sont très hauts comme c’était le cas le mois dernier. En effet, plus les niveaux sont hauts et donc la pression élevée, plus une nappe débite et se vidange rapidement.
Situation comparée entre le 1er décembre 2023 et le 1er décembre 2024
Carte de France hexagonale de la situation des nappes au 1er décembre 2023 (à gauche) et au 1er décembre 2024 (à droite).
© BRGM
Situation des nappes
Les niveaux à l’étiage 2024, survenu entre septembre et octobre, étaient particulièrement hauts, du fait d’une recharge 2023-2024 excédentaire et d’un fort soutien des niveaux par les pluies efficaces du printemps puis plus ponctuellement de l’été. Seules exceptions, l’état des nappes est resté défavorable sur les Pyrénées-Orientales, l’Aude, le Cap Corse et les plaines orientales de Corse, après une recharge 2023-2024 déficitaire et des pluies absentes à peu soutenues durant le printemps et l’été 2024.
En novembre 2024, les niveaux des nappes sont très satisfaisants sur une grande partie du territoire : 15% des points d’observation sont sous les normales mensuelles, 20% sont comparables et 65% sont au-dessus (respectivement 12%, 10% et 78% en octobre 2024).
La situation est plus favorable que celle observée l’année dernière, en novembre 2023, où seuls 48% des niveaux se trouvaient au-dessus des normales mensuelles. Plusieurs nappes observent toutefois des niveaux plus bas qu’en 2023 : nappes de l’Artois, nappes de Lorraine, nappes du Massif armoricain ouest, nappes du Massif central ouest, nombreuses nappes du Bassin aquitain et nappes des Pyrénées-Orientales.
L’état des nappes inertielles s’est graduellement amélioré durant l’année hydrologique écoulée et il est globalement satisfaisant en novembre 2024. En détail, la situation se dégrade légèrement entre octobre et novembre 2024 sur les nappes inertielles d’Artois-Picardie, du fait d’un début de recharge peu intense. Les niveaux y sont modérément hauts. Concernant les nappes inertielles du Bassin parisien, du Sundgau et du couloir Rhône-Saône, les situations n’évoluent pas entre octobre et novembre. La situation est modérément haute sur le centre et l’ouest du Bassin parisien à haute voire très haute à l’est (partie amont) et au sud. Les niveaux sont comparables aux normales à modérément hauts sur le couloir Rhône-Saône. Enfin, la situation de la nappe du Sundgau s’améliore très lentement sur les derniers mois mais demeure modérément basse en novembre, conséquence de sa très forte inertie.
Les situations se dégradent par rapport au mois précédent sur une grande majorité des nappes réactives, souvent d’une classe notamment sur l’Artois, le nord et l’ouest du Massif armoricain, le Bassin aquitain et l’ouest du Massif central, voire de deux classes sur le quart nord-est. Les nappes réactives sont sensibles aux déficits pluviométriques et la vitesse de vidange est plus élevée lorsque les niveaux sont très hauts comme le mois dernier. La situation des nappes réactives demeure cependant très satisfaisante, avec des niveaux globalement conformes aux normales à modérément hauts sur l’est (de la Provence et de l’est du Languedoc à la Lorraine) et en Corse, modérément hauts à hauts sur l’ouest (du Bassin aquitain à l’Artois et à la Champagne) et jusqu’à très hauts sur le pourtour du Bassin parisien et le sud du Massif armoricain. Quelques niveaux atteignant des périodes de retour de 20 ans sont toujours enregistrés ponctuellement sur les nappes des calcaires jurassiques du Berry, sur les nappes du socle du sud du Massif armoricain et sur les nappes alluviales de la Garonne, de la Dordogne et de leurs principaux affluents. A noter que quelques situations locales restent fragiles, avec des niveaux bas à très bas sur la nappe des sables de Valras-Agde, sur la nappe des alluvions de l’Hérault aval et sur les nappes du littoral du sud-est de la Corse.
Les nappes du Roussillon et de l’Aude sont les seules à voir leur état s’améliorer entre octobre et novembre 2024. Les niveaux repassent au-dessus des normales mensuelles sur la nappe alluviale de l’Aude, après près de 3 ans de niveaux déficitaires notamment sur sa partie amont. Cependant, les précipitations de ces dernières semaines sont très insuffisantes pour compenser les déficits pluviométriques accumulés depuis plus de 3 ans sur les Pyrénées-Orientales. Les niveaux restent très bas sur la plaine du Roussillon et bas sur le Massif des Corbières.
Nappes présentant des situations excédentaires
De nombreuses nappes présentent des situations excédentaires, avec des niveaux hauts à très hauts par rapport aux mois de novembre des années antérieures :
- Les nappes réactives à mixtes du pourtour est et sud du Bassin parisien bénéficient de pluies efficaces en novembre et affichent des niveaux hauts à très hauts ;
- Les nappes du socle du sud-est du Massif armoricain restent à des niveaux très hauts, du fait d’apports pluviométriques fin novembre ;
- De nombreuses nappes réactives du Bassin aquitain et de l’ouest du Massif central conservent des niveaux hauts, malgré les faibles pluies de novembre.
Nappes présentant des situations peu favorables
Plusieurs nappes présentent des situations peu favorables avec des niveaux modérément bas à très bas par rapport aux mois de novembre des années précédentes :
- la nappe du Sundgau (sud Alsace) évolue très lentement, du fait de son inertie importante, et observe des niveaux globaux modérément bas ;
- la situation reste fragile localement avec des niveaux bas à très bas sur la nappe alluviale de l’Hérault (partie avale), sur la nappe des sables astiens de Valras-Agde et sur les nappes du littoral sud-est de la Corse ;
- l’état des nappes de l’aquifère multicouche du Roussillon et des calcaires karstifiés du massif des Corbières demeure dégradé, avec des niveaux bas à très bas.
Comment les nappes se rechargent-elles et comment se vident-elles ?
Le niveau des nappes varie au cours de l’année, entre des niveaux hauts l’hiver (quand la végétation n’absorbe pas l’eau des pluies) et des niveaux bas l’été (période classique de vidange des nappes).
Le devenir d'une pluie est très différent selon la période de l'année et l'état de la surface sur laquelle elle tombe. Traditionnellement, la période de recharge des nappes s'étend du début de l'automne (septembre - octobre) au début du printemps (mars - avril), semestre durant lequel la végétation est en sommeil (avec une évapotranspiration faible) et les précipitations sont en principe plus abondantes. Si l'hiver est sec, la recharge des nappes est très faible.
À partir du printemps et durant l’été, la hausse des températures, la reprise de la végétation, et donc l’augmentation de l’évapotranspiration, limitent l’infiltration des pluies vers les nappes. Entre mai et octobre, sauf événements pluviométriques exceptionnels, la vidange des nappes se poursuit habituellement et les niveaux continuent de baisser jusqu’à l’automne.
Pourquoi certaines nappes se rechargent-elles plus vite que d'autres ?
Les nappes s'écoulent plus ou moins rapidement selon la porosité (pourcentage de vides dans la roche) et la perméabilité (capacité à laisser circuler l’eau – connexion entre ces vides) des aquifères. Plus les vides sont importants, grands et reliés entre eux, plus la nappe s’écoulera vite, et plus elle se remplira, mais aussi se videra vite.
Un même volume d’eau peut parcourir une même distance :
- en quelques années en milieu poreux,
- en quelques mois en milieu fissuré,
- et en quelques jours, voire quelques heures, en milieu karstique.
Nappes inertielles, nappes réactives : de quoi s'agit-il ?
L'impact de la qualité de la recharge hivernale est différent selon la cyclicité de la nappe, c’est-à-dire sa réactivité à l’infiltration d’une pluie.
On parle de nappes :
- réactives (dans des aquifères constitués de sables, graviers, calcaires karstiques, granites altérés). Elles se distinguent par des réactions rapides : elles peuvent se recharger lors de fortes pluies estivales, mais ont également une sensibilité importante à la sécheresse. Leur état de remplissage peut donc varier très rapidement au cours d’une même saison.
- inertielles (dans des aquifères constitués de craie, calcaire non karstique, grès). Leurs réactions sont lentes. Leur cyclicité peut être pluriannuelle, c’est-à-dire qu’elles nécessitent une longue période pour se recharger ou se vidanger.
Prévisions
Les prévisions saisonnières de Météo-France sur les mois décembre 2024, janvier et février 2025 privilégient un scénario plus chaud sur l’ensemble du territoire. Aucun scénario ne se dégage pour les précipitations.
Les tendances et l’évolution des situations des nappes sur les prochaines semaines dépendront exclusivement des pluies infiltrées, et donc des cumuls pluviométriques, et du temps de réponse de la nappe (réactivité / inertie). En cas de pluies efficaces normales à excédentaires, la recharge devrait reprendre activement. Les situations devraient alors se maintenir ou s’améliorer. Si la pluviométrie est insuffisante, les pluies infiltrées ne permettront pas de compenser les volumes de sortie (exutoires naturels et prélèvements). La vidange pourrait alors se généraliser à l’ensemble des nappes réactives dans un premier temps puis aux nappes inertielles si les déficits pluviométriques perdurent plusieurs semaines. Les situations se dégraderont alors, lentement sur les nappes inertielles et rapidement sur les nappes réactives.
A plus long terme, les prévisions sont confiantes quant à l’absence de sécheresse hivernale sur la quasi-totalité du territoire où les nappes affichent actuellement des niveaux au-dessus des normales mensuelles.
Concernant les nappes réactives, ce début de recharge hivernale permet d’espérer des niveaux satisfaisants en sortie d’hiver. Cependant, les niveaux des nappes réactives en début de printemps 2025 restent incertains. En effet, la situation peut également se dégrader rapidement en cas de pluviométrie insuffisante. Les niveaux de l’été 2025 dépendront d’une recharge abondante durant l’hiver et perdurant durant le printemps, afin de repousser le début de la période de vidange.
Concernant les nappes inertielles de l’Artois, du Bassin parisien, du Sundgau (sud Alsace) et du couloir Rhône-Saône, compte tenu d’un étiage satisfaisant et d’un début de recharge précoce, les niveaux du printemps 2025 seront probablement satisfaisants, proches à au-dessus des normales.
L’atteinte de niveaux normaux au printemps 2025 reste compliquée sur les nappes de la plaine du Roussillon affichant des niveaux très bas en novembre. Il semble difficilement envisageable de reconstituer durablement les réserves de ces nappes sur les prochains mois.
Le risque à court terme d’inondations par remontée de nappe semble s’éloigner concernant les nappes réactives. En effet, après des niveaux hauts à très hauts généralisés sur de nombreuses nappes en octobre, les niveaux de novembre 2024 sont redescendus à des niveaux moins élevés. Cependant, une recharge particulièrement abondante des nappes réactives au cours des prochaines semaines pourrait engendrer de nouveau des niveaux exceptionnellement hauts et significativement impacter les milieux superficiels.
Concernant les nappes plus inertielles, le risque d’inondation par remontée de nappe reste généralement encore très incertain car il dépend des cumuls pluviométriques à l’échelle de la nappe sur l’ensemble de la recharge 2024-2025. L’évolution des niveaux des nappes inertielles devra donc être particulièrement surveillée durant l’hiver avec un risque plus important au printemps 2025. Des nappes moins inertielles du Bassin parisien enregistrent cependant des niveaux hauts à très hauts en novembre et pourraient atteindre des niveaux historiquement hauts durant l’hiver. Une surveillance accrue est préconisée sur ces secteurs pour les semaines à venir :
- Nappe mixte de la craie marneuse turonienne de Champagne ;
- Nappe mixte des calcaires et sables tertiaires de la Brie au Tardenois.
Prochain bulletin sur le niveau des nappes d'eau souterraine
Notre bulletin sur la situation des nappes d'eau souterraine paraît désormais tous les mois, en milieu de mois.
La prochaine édition sortira à la mi-janvier 2025.
État des nappes d’eau souterraine : un suivi assuré par le BRGM
L’eau souterraine est une ressource très utilisée : en France hexagonale, elle représente près des deux tiers de la consommation d’eau potable et plus du tiers de celle du monde agricole. Elle est aussi largement exploitée dans le secteur industriel. Les nappes d’eau souterraine dépendent de recharges cycliques.
Le BRGM assure la surveillance du niveau des nappes phréatiques et de la qualité des eaux souterraines en France hexagonale. Découvrez les actions menées par le service géologique national et les ressources et bases de données disponibles sur l'eau souterraine en France.
Carte établie le 10 décembre 2024 par le BRGM, à partir de données de la banque ADES acquises jusqu’au 30 novembre 2024. Source des données : banque ADES (ades.eaufrance.fr) / Hydroportail (hydro.eaufrance.fr) / Fond de carte © IGN. Producteurs de données et contribution : APRONA, BRGM, Conseil Départemental de la Vendée, Conseil Départemental des Landes, Conseil Départemental du Lot, EPTB Vistre Vistrenque, Parc Naturel Régional des Grandes Causses, Syndicat Mixte d’Etudes et de Travaux de l’Astien (SMETA), Syndicat Mixte pour la protection et la gestion des nappes souterraines de la plaine du Roussillon (SMNPR).
Cette carte présente les indicateurs globaux traduisant les fluctuations moyennes des nappes. Ils sont établis à partir des indicateurs ponctuels relevés au niveau des points de surveillance du niveau des nappes (piézomètres).
L'indicateur "Niveau des nappes" compare le mois en cours par rapport aux mêmes mois de l’ensemble de la chronique, soit au minimum 15 ans de données, et jusqu'à plus de 100 ans. Il est réparti en 7 classes, du niveau le plus bas (en rouge) au niveau le plus haut (en bleu foncé).
Les zones grises correspondent à des secteurs sans nappes libres, c'est-à-dire avec une couche imperméable ou semi-perméable au-dessus de la nappe, et/ou des secteurs comportant une très faible densité de points de suivi. Ce dernier cas concerne notamment les zones montagneuses dont les nappes sont petites et hétérogènes.
L'indicateur "Évolution des niveaux" traduit la variation du niveau d'eau du mois échu par rapport aux deux mois précédents (stable, à la hausse ou à la baisse).
Ces indicateurs globaux rendent compte de situations et de tendances générales et ne tiennent pas compte d'éventuelles disparités locales.