Note explicative sur l’expertise du BRGM relative au projet de réserves de substitution dans les Deux-Sèvres - Rapport RC-71650-FR (juin 2022).
13 février 2023

Cadre Général

Cette expertise a été demandée et financée en 2021 par la Société Coopérative Anonyme de l’eau des Deux-Sèvres (ou COOP 79), maître d’ouvrage des projets de création de réserves de substitution sur le bassin de la Sèvre-Niortaise-Mignon. L’objectif était de simuler les effets d’un nouveau scénario de prélèvement proposé par la COOP 79. L’étude a été effectuée avec pour objectif à terme, d’alimenter une étude d’impact.

En 2013, 2016 et 2019, le BRGM avait déjà été sollicité par la COOP79 pour évaluer l’impact de ses projets successifs de réserves de substitution. En 2021, suite au recours déposé par des associations d’opposants contre les arrêtés préfectoraux antérieurs, le Tribunal Administratif de Poitiers a demandé une modification des volumes autorisés, d’où la nécessité de prendre en compte un nouveau scénario.

Un comité de suivi de l’étude du BRGM a été mis en place. Il était composé des entités suivantes : DDT79, Chambre d’agriculture des Deux-Sèvres, Coordination Marais Poitevin (France Nature Environnement), Département des Deux- Sèvres, Établissement Public du Marais Poitevin, Agence de l’eau Loire Bretagne, Fédération de pêche, ARS, Syndicat des eaux du Vivier, ainsi que plusieurs maires.

L’expertise réalisée par le BRGM n’est pas une étude approfondie, ni une étude d’impact de toutes les conséquences possibles des prélèvements d’eau envisagés. Il ne s’agit pas non plus d’un article de recherche scientifique soumis à l’évaluation de la communauté scientifique. Il s’agit d’une étude répondant à une commande précise, donnant lieu à un rapport technique permettant de répondre aux questions posées avec les limites associées.

L’étude réalisée consiste en une simulation des prélèvements d’eau envisagés et de leurs impacts sur le niveau des nappes d’eau souterraines et sur les débits des cours d’eau, à l’aide d’un modèle. Le modèle hydrodynamique utilisé par le BRGM est le seul existant actuellement permettant de répondre aux objectifs contractuels. Les scénarios testés ont été fournis par la Coopérative.

Le modèle utilisé est un modèle régional intitulé "Jurassique" (modèle de gestion hydrodynamique maillé réalisé sur la nappe du Jurassique). Il a été élaboré dans le cadre d’études antérieures de service public du BRGM (rapports RP-59288- FR et RP-64816-FR). Il est calé sur la période 2000-2011. En toute rigueur, cette période de référence ne permet pas de prendre en compte les conditions météorologiques récentes et encore moins futures. Mais elle permet d’évaluer ce qui se serait passé si les réserves de substitution avaient été mises en place au cours des années 2000-2011, sachant que ces années sont représentatives de situations météorologiques contrastées (années humides et sèches). C’est ce modèle qui a notamment contribué aux études relatives à la constitution du dossier d’autorisation loi sur l’eau en 2014 puis 2016-20. L’actualisation du modèle n’est pas du ressort de la COOP 79. Elle nécessite des moyens conséquents qui n’ont pas pu être mis en oeuvre ces dernières années. À partir de financements publics décidés en 2021, cette actualisation couvrant la période 2000-2020 est désormais en cours et devrait aboutir fin 2024. En fonction des besoins exprimés, elle pourrait permettre le cas échéant d’envisager de nouvelles simulations incluant des scénarios d’impact du changement climatique tel que prédit.

Pour l’étude dont les résultats ont été publiés en juillet 2022, 2 simulations ont été réalisées : une simulation du scénario de stockage de la COOP79 et une simulation du scénario de stockage cumulé avec les projets connus sur le secteur d’étude, avec comparaison à l’état simulé de référence (historique 2000-2011) et aux résultats obtenus en 2016 et 2019.

Les simulations ont donc été réalisées et calées sur la période de référence 2000-2011 (la même que pour les études précédentes), qui intègre des années caractéristiques humides ou sèches, période jugée pertinente par le comité de suivi et représentative scientifiquement (hors changement climatique).

Les résultats attendus étaient uniquement focalisés sur l’identification de l’incidence de ces prélèvements pour stockage, sur les niveaux de nappes, les échanges nappes/rivières et le débit des cours d’eau. Le devenir de l’eau dans les réserves (utilisation, évaporation…) est hors du périmètre de la simulation actuelle et ne faisait pas partie des questions posées au BRGM.

Le schéma d’utilisation des réserves de substitution, les volumes et seuils associés ne sont pas du ressort du BRGM. Ces éléments sont de la responsabilité de la COOP et des services de l’État compétents, sur la base entre autres, des expertises disponibles, dont celle du BRGM. La prise en compte des évolutions climatiques, non simulé dans l’étude, est importante. En effet, la récurrence de périodes de sécheresse hivernale pourrait conduire de manière répétée à des niveaux de nappe inférieurs aux seuils réglementaires, compromettant le remplissage des réserves certaines années.

Focus sur quelques points techniques sujets à discussion

Le BRGM considère que le modèle permet de répondre aux questions posées par la COOP 79 à l’échelle du bassin versant Sèvre-Mignon-Courance. Le modèle repose sur un découpage de l’espace en mailles d’un km de côté. Le périmètre de l’étude correspond à plus de 2000 mailles en surface (2000 km2) ce qui reste valable dans le cadre d’une approche globale du bassin versant.

Le modèle en l’état (sans maillage affiné) ne peut néanmoins pas répondre aux problématiques ultra-localisées comme un champ captant sur quelques mailles, ou l’impact d’un seul prélèvement. Mais il est possible d’utiliser les résultats du modèle à l’échelle du bassin Sèvre-Mignon-Courance qui apporte une approche pertinente et utile sur les relations interbassins et l’effet cumulé des prélèvements.

L’outil le mieux adapté pour répondre à la question de l’impact cumulé des prélèvements sur un bassin est le modèle hydrodynamique maillé, ce qui est le cas de celui utilisé pour l’expertise BRGM. Il permet de prendre en compte la localisation des prélèvements et les volumes associés. Les résultats sont analysés à plusieurs échelles d’information :

  1. le piézomètre (station de mesure du niveau d’eau, qui permet d’apprécier l’estimation de l’impact en un point et pour une période donnée) ;
  2. la cartographie de la différence de niveaux d’eau entre deux simulations qui fournit une estimation de l’impact d’un projet sur l’ensemble du modèle, mais pour une date donnée.

Le croisement de ces informations permet d’avoir une vision d’ensemble des résultats des simulations.

Le rapport ne fait pas d’analyse à petite échelle des résultats (c’est-à-dire finement à des endroits donnés) ; si les résultats sont discutés sur les piézomètres, c’est que ce sont les seuls points mesurés qui permettent une visualisation temporelle des résultats. Les résultats repris dans la synthèse et dans la conclusion sont principalement ceux en sortie de bassin versant, intégrateurs des phénomènes à l’échelle de l’ensemble du bassin.

Le modèle prend en compte le réseau hydrographique principal. Les débits de ce réseau principal intègrent de fait les débits des petits cours d’eau car se jettent dans le réseau principal. Les cours d’eau, représentés de manière simplifiée (principe de modélisation) sont en relation avec la nappe (la surface d’échange nappe-rivière est pleinement intégrée).

Pour intégrer des éléments à une échelle plus locale, donc avec un maillage plus fin, et pour que cela se justifie, il faudrait :

  • Disposer de données spatiales et temporelles plus fines et notamment disposer de chroniques de mesures adaptées sur lesquelles se caler ;
  • Connaitre avec le même niveau de finesse les différents processus physiques à l’oeuvre (ex. : fonctionnement des zones humides ou des tourbières).

Des interrogations existent sur la marge d’erreur du modèle et sa prise en compte dans l’expertise réalisée. Le rapport 2022 ne commente pas l’écart constaté entre 2 simulations par rapport aux chroniques réellement observées, ce qui ne correspond pas non plus à une incertitude du modèle. En effet, il ne faut pas confondre incertitudes au sens strict (marge due aux incertitudes sur les paramètres d’entrée), qualité du calage (écart entre simulé et observé), et comparaison entre scénarii simulés.

Une phrase du rapport de 2022 a pu prêter à confusion : « La marge d’erreur des simulations d’un modèle est difficile à calculer. On peut toutefois considérer dans cette étude qu’une différence de charge piézométrique entre deux simulations inférieure à 2 centimètres est dans la marge d’erreur du modèle. De même, une différence de débit sur un cours d’eau entre deux simulations inférieure à 5 L/s entre dans la marge d’erreur du modèle ».

Les « 2 cm » et « 5 L/s » évoqués représentent l’écart entre les deux simulations à partir duquel le BRGM considère que le modèle réagit à un changement de paramètres, ici un changement des prélèvements. Autrement dit, un écart inférieur à 2 cm n’aurait pas de signification. Cette valeur est empirique et donne une limite d’interprétation des résultats. Si le modèle met en évidence une différence entre deux simulations, quelle que soit la qualité du calage, cette différence représente toutefois une tendance, en particulier si la dynamique piézométrique est bien représentée, même si les valeurs sont à prendre avec précaution. La quantification a été faite par différentiel entre la simulation et la référence, par le biais des graphiques et des cartographies.

Cette affirmation est également indépendante de la taille de maille du calcul et du type de modèle.

Le modèle est actuellement considéré comme bien calé avec une bonne restitution des valeurs de piézométrie observées. Les bilans hydriques (relation entre les flux d’eau entrants et sortants d’un système considéré sur un intervalle de temps donné) n’ont pas été intégrés dans le rapport car ce degré de détail n’était pas attendu. Les bilans et les convergences ont cependant été vérifiés lors de la dernière actualisation.

Un modèle actualisé jusqu’en 2020 ou 2021 devrait être disponible fin 2024 (diminution de la taille de maille, allongement de la période de simulation, modification des pas de temps de calcul, reprise de la géométrie).

Augmenter la résolution spatiale du modèle (taille de maille) suppose de reprendre entièrement le modèle géologique sur lequel se base le modèle hydrogéologique, de reprendre le linéaire des cours d’eau, etc. Le BRGM a prévu 18 mois de travaux sur ces sujets dans le programme d’actualisation.

Intégrer de nouvelles années de simulations suppose d’intégrer tous les prélèvements correspondants à cette période. On peut noter que ces données ne sont disponibles qu’à l’année n+1 au mieux. Cela nécessite un travail précis de croisement des différentes sources de données. Augmenter la résolution temporelle du modèle (pas de temps) est possible mais suppose de savoir comment répartir les prélèvements sur la période. Dans le cadre de la nouvelle actualisation, il est prévu de travailler sur cet aspect (bilans hydriques journaliers et pas de temps de calcul hydrodynamiques plus précis).

Il faut ensuite passer par une nouvelle étape de calage (vérification des piézométries et débits déjà entrés dans le modèle, ajustements si nécessaire, ajout et calage des nouveaux points et des nouvelles connaissances).

Le BRGM a de plus fourni toute ou partie des paramètres du modèle à différents organismes, avec une convention associée. Le modèle utilisé dans le cadre de cette étude est d’ailleurs mis en ligne sur la plateforme AQUI-FR.