L’équipe isotopique du BRGM et des chercheurs associés ont découvert un nouveau processus de formation des gaz dans les schistes noirs. Leur étude, publiée dans la prestigieuse revue PNAS, devrait aider à mieux comprendre la formation de ces ressources dites non-conventionnelles mais aussi à mieux identifier l’origine des fuites éventuelles de gaz proches des puits d’exploitation.
5 avril 2022
Mesures de flux de gaz du sol dans les environs de la Fontaine Ardente du Gua en Isère

Mesures de flux de gaz du sol dans les environs de la Fontaine Ardente du Gua (Isère).

© BRGM - Wolfram Kloppmann

Le gaz naturel reste un combustible fossile de transition très utilisé à l’heure où le monde se détourne du charbon pour se tourner vers des sources d’énergie moins polluantes. Si d’importantes réserves conventionnelles existent sur différents continents, une partie significative de ce gaz naturel est, depuis le début de ce siècle, produit à partir de réservoirs d’hydrocarbures dits non conventionnels tels que les schistes noirs, notamment en Amérique du Nord.

Historiquement, on distinguait trois origines dans la formation du gaz naturel. Les microorganismes qui se nourrissent de la matière organique produisent du gaz microbien formé dans des milieux sans oxygène et à basse température. Quand les schistes noirs, au cours de leur histoire géologique, sont enfouis à des profondeurs ou règnent des températures élevées, la même matière organique se décompose en gaz dit thermogénique. Enfin, quand certaines roches s’altèrent au contact de l’eau, des réactions chimiques complexes impliquant de l’hydrogène naturel produisent du gaz dit abiotique.

L’étude entreprise par les chercheurs du BRGM et des experts canadiens et suisses démontre qu’il existe une quatrième source de gaz naturel, celle qui est générée par la radiolyse de la matière organique dans les schistes. En effet, outre la matière organique, les schistes noirs contiennent fréquemment des radioéléments tel que l’uranium. Leur radioactivité naturelle peut interagir, souvent sur ces centaines de millions d’années, avec la matière organique pour produire ce nouveau type de gaz "radiolytique", contenant du méthane, de l’éthane et du propane. Sans être radioactif lui-même, il peut se mélanger au sein des schistes avec les gaz thermogéniques et, éventuellement, microbien. A première vue, ce gaz ne se distingue en rien des autres types de gaz naturel. Ce n’est qu’une analyse fine de sa nature chimique et des signatures isotopiques du carbone qui le compose qui a permis à l’équipe de recherche de mettre en évidence son existence dans de nombreuses formation schisteuses du monde entier.

Une étude conduite dans le cadre du projet européen H2020 SECURe

Conduite dans le cadre du projet européen SECURe (programme Horizon 2020), cette étude scientifique pourrait, au-delà d’une meilleure compréhension de la formation des gaz des réservoirs non conventionnels, permettre de mieux déterminer l’existence éventuelle de fuites vers des milieux géologiques de proche surface. En effet, lorsque la surveillance des eaux souterraines et des sols à proximité des exploitations de gaz de schiste révèle des concentrations élevées de méthane, celles-ci peuvent être liées à la migration du gaz à partir de diverses formations géologiques sous-jacentes mais aussi au fond environnemental. Il peut notamment s’agir de gaz biogénique généré près de la surface, sans lien avec le gaz exploité. Prendre en considération l’origine radiolytique d’une partie du gaz dans certaines formations schisteuses permet de mieux identifier les gaz du réservoir profond, ce qui constitue un enjeu important pour l’évaluation des risques et impacts potentiels de l’exploitation de gaz naturels dans des réservoirs non conventionnels.

Référence

Natural gas of radiolytic origin : An overlooked component of shale gas (Proceedings of the National Academy of Sciences, 2022) - par Naumenko-Dèzes M., Kloppmann W., Blessing M., Bondu R., Gaucher E., Mayer B.

A propos de PNAS

Fondé en 1914, PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences) est la revue officielle de l’Académie des sciences des États-Unis. Considérée comme l’un des médias scientifiques pluridisciplinaires à comité de lecture les plus prestigieux, il publie plusieurs milliers d’articles par an sur des recherches de pointe.

Le savoir-faire isotopique au BRGM

Depuis ses prémices dans les années 40, l’étude isotopique continue de se développer dans les milieux de la recherche. Un même élément chimique peut comporter des masses atomiques différentes (pour un même nombre de protons, le nombre de neutrons peut varier) : ce sont ses isotopes. Certains atomes sont stables quand d’autres, radioactifs, se désintègrent dans le temps. La possibilité de distinguer ces isotopes facilite ainsi les datations géologiques mais permet aussi de retracer l’origine et les transformations des éléments dans le sous-sol ou les eaux. Au sein de son centre scientifique et technique de La Source, le BRGM bénéficie d’une infrastructure analytique très complète pour l’étude isotopique d’un grand nombre d’éléments chimiques.

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