Retour sur l’état des nappes phréatiques au cours de l’année hydrologique 2023-2024. La recharge 2023-2024, excédentaire sur une majorité des nappes, a permis de compenser les déficits de 2022-2023. La situation globale des nappes a ensuite peu évolué durant la période de vidange 2024.
3 décembre 2024

Bilan global de l’année hydrologique 2023-2024

La situation à l’étiage 2023, en début d’année hydrologique 2023-2024, était globalement peu satisfaisante. L’automne et l’hiver 2023-2024 se sont caractérisés par une recharge excédentaire sur une grande partie du territoire et par une recharge faible sur les Pyrénées, le Roussillon, le littoral ouest du Languedoc et la Corse. L’état des nappes s’est considérablement amélioré entre octobre et novembre 2023 puis s’est maintenu jusqu’au printemps grâce aux épisodes successifs de recharge. Les pluies de fin d’hiver (mars) et du début du printemps (avril-mai) ont permis d’engendrer des épisodes de recharge et de repousser le début de la période de vidange. Les pluies infiltrées durant la période de recharge 2023-2024 ont permis de compenser les déficits de 2022-2023 et la situation des nappes était satisfaisante en fin de période de recharge sur une majorité des nappes. Les déficits restaient prononcés sur le Roussillon, le littoral du Languedoc, les plaines orientales de Corse et le Cap-Corse.

La période de vidange 2024 s’est mise en place progressivement à partir d’avril. Durant le printemps et l’été 2024, les périodes humides ont continué à se succéder. Les pluies ont pu être suffisantes pour s’infiltrer en profondeur, générer des épisodes de recharge notamment durant le printemps et soutenir les niveaux. De plus, la pression des prélèvements a probablement été faible. La situation globale des nappes a donc peu évolué durant la période de vidange 2024 et est restée généralement supérieure aux normales. A l’automne, lors de l’étiage 2024, la situation des nappes était très excédentaire sur une large partie du territoire. Seules les nappes de la plaine du Roussillon, du massif des Corbières et de la vallée de l’Aude affichaient des niveaux préoccupants, après des recharges 2022-2023 et 2023-2024 inexistantes et des pluies absentes à peu soutenues durant le printemps et l’été 2024.

Situation en début d’année hydrologique

Les plus basses eaux 2023 (étiage) marquent le début de l’année hydrologique 2023-2024. Elles sont survenues un peu tardivement sur la plupart des nappes, conséquence de pluies déficitaires et d’une végétation encore active en début d’automne en lien avec des températures élevées. Le décalage entre les pluies et le début de la période de recharge dépend essentiellement de la réactivité de la nappe. Ainsi, l’étiage 2023 s’est échelonné entre fin octobre et mi-décembre pour les nappes inertielles et durant la seconde quinzaine d’octobre sur les nappes réactives. Quelques nappes réactives ont atteint l’étiage entre août et septembre 2023, les orages de fin d’été ayant stoppé la baisse des niveaux : sud-ouest, plaine d’Alsace, bordure cévenole et vallées de l’Hérault et de l’Orb. Enfin, des basses eaux ont été enregistrées très tardivement, entre février et début mars 2024, sur les nappes de la Côte d’Azur. Les nappes de la plaine du Roussillon et du massif des Corbières n’ont pas observé de basses eaux, du fait d’une vidange continue durant l’automne et l’hiver 2023-2024.

La situation à l’étiage 2023 était globalement peu satisfaisante. Concernant les nappes inertielles du Bassin parisien et du couloir Rhône-Saône, les niveaux étaient généralement sous les normales, de modérément bas à bas. La situation était plus défavorable sur les nappes du Sundgau (sud de l’Alsace) et du Dijonnais, de la Bresse et de la Dombes. Seules les nappes de l’Artois et de l'Avant-Pays savoyard présentaient des niveaux au-dessus des normales, ces secteurs ayant bénéficié de plusieurs épisodes de recharge durant l’été 2023. Concernant les nappes réactives, la situation était hétérogène. Les niveaux étaient satisfaisants, de modérément bas à modérément hauts sur l’ouest, de l’Artois et la Champagne à la Nouvelle Aquitaine. Ce constat s’explique par plusieurs épisodes de recharge enregistrés durant le printemps et l’été 2023, qui ont permis d’améliorer ou de maintenir l’état des nappes de ces secteurs. Sur l’est, le Massif central et le sud-est, les niveaux des nappes réactives étaient modérément bas à très bas. L’étiage 2023 s’est avéré particulièrement intense sur les nappes de la plaine du Roussillon, des calcaires du massif des Corbières, des alluvions de l’Hérault, de l’Orb et de la Côte-d’Azur. Les cumuls de pluies infiltrées durant l’année hydrologique 2022-2023 sont restés très insuffisants pour compenser les déficits accumulés depuis l’année hydrologique précédente.

Situation des nappes d'eau souterraine à l’étiage 2023.

Situation des nappes d'eau souterraine à l’étiage 2023.

L’indicateur Standardisé des Niveaux Bas (avant la recharge hivernale), ou ISN-B, traduit l’écart à la moyenne (normale) des niveaux journaliers minimums atteints en fin de période de décharge. Cet indice permet un classement des niveaux journaliers de basses eaux des nappes (de très bas à très hauts) par rapport aux niveaux journaliers de basses eaux enregistrés sur la période de référence 2001-2024.

Selon le type de nappes (inertielles/réactives) et les secteurs (en lien avec la pluviométrie, l’activité de la végétation et les volumes prélevés), les basses eaux ne surviennent pas à la même date. L’ISN-B ne permet pas de visualiser l’état des nappes à une date ou un mois donné mais représente les niveaux journaliers des basses eaux, atteints avant la période de recharge.

Carte établie le 6 novembre 2024 par le BRGM, à partir de données acquises jusqu’au 30 septembre 2024. Source des données : ADES (ades.eaufrance.fr) / Hydroportail (hydro.eaufrance.fr) / Fond de carte © IGN.

Producteurs de données et contribution : APRONA, BRGM, Conseil Départemental de la Vendée, Conseil Départemental des Landes, Conseil Départemental du Lot, EPTB Vistre Vistrenque, Parc Naturel Régional des Grandes Causses, Syndicat Mixte d’Etudes et de Travaux de l’Astien (SMETA), Syndicat Mixte pour la protection et la gestion des nappes souterraines de la plaine du Roussillon (SMNPR).

© BRGM

Analyse de la période de recharge 2023-2024

Les nappes sont alimentées principalement durant l’automne et l’hiver car la pluviométrie est généralement plus abondante, l’évaporation est faible et la végétation reste peu active et ne prélève pratiquement pas d’eau dans les sols. La hausse des niveaux dépend de la durée potentielle de la recharge et l’importance des précipitations durant cette période.

L’impact de la pluie efficace sur la nappe (temps de réponse et variation des niveaux) est conditionné par l’épaisseur et la nature des terrains traversés. Le temps de réponse peut être de quelques jours pour une nappe réactive (alluvions, sables, calcaires karstiques crétacés et jurassiques, formations de socle) et de plusieurs semaines pour une nappe inertielle (craie crétacée, sables et calcaires éocènes d’Artois-Picardie et du Bassin parisien ainsi que formations miocènes, plio-quaternaires et fluvio-glaciaires du Sundgau au sud de l’Alsace et des plaines situées à l’est du Rhône et de la Saône). Les niveaux des plus hautes eaux, observés en fin de période de recharge, sont en général enregistrés entre mars et mai.

Evolution de la recharge des nappes

Sur les deux-tiers nord et le sud-ouest du territoire, les tendances se sont inversées dès mi-octobre 2023. La période de recharge 2023-2024 s’est alors mise en place rapidement et de façon synchrone sur quasiment toutes les nappes. Ce constat s’explique par les précipitations importantes survenues à partir de mi-octobre. Les cumuls pluviométriques ont également été conséquents en novembre et décembre 2023 et les tendances sont demeurées très majoritairement en hausse. En janvier et février 2024, la recharge s’est ralentie avant de repartir en mars. Les pluies de fin d’hiver (mars) et de début du printemps 2024 (avril-mai) ont engendré des épisodes de recharge sur les secteurs les plus arrosés et ont permis de repousser le début de la période de vidange. En détails sur les nappes réactives, l’automne et l’hiver 2023-2024 ont été marqués par plusieurs épisodes conséquents de recharge. Un premier pic a été enregistré mi-décembre 2023 et correspond pour de nombreux points suivis aux plus hautes eaux observées. Un second pic important est survenu entre fin février et début mars 2024. Enfin, les pluies du printemps 2024 ont engendré des pics de crue en avril et ponctuellement en mai. Sur les nappes inertielles, l’évolution des niveaux s’est faite graduellement durant l’ensemble de la période de recharge.

Sur le sud-sud-est, les déficits pluviométriques ont perduré durant l’automne et le début de l’hiver. Les nappes ont observé des niveaux en forte hausse à partir de fin février 2024. La recharge est restée active seulement jusqu’en mars sur les nappes du littoral du Languedoc. Les apports pluviométriques du printemps 2024 ont permis d’enregistrer des niveaux en hausse jusqu’à début avril sur les nappes de la Provence et de Côte d’Azur et jusqu’à mai sur les reliefs du sud du Massif central, du Languedoc et des Pyrénées. Les piézomètres de la plaine du Roussillon et du massif des Corbières n’ont pas enregistré d’épisodes notables de recharge et les tendances sont restés orientées à la baisse durant tout l’automne et l’hiver 2023-2024. Les pluies d’avril 2024 ont eu un effet négligeable sur ce secteur.

En Corse, après un épisode de recharge en novembre 2023, les niveaux sont restés en baisse. De nouvelles pluies efficaces se sont infiltrées en mars et début mai 2024, engendrant une recharge conséquente sur le littoral ouest et sud mais faible sur les plaines orientales et le Cap Corse.

Évolution des tendances observées sur les piézomètres d'août 2023 à mai 2024.

Évolution des tendances observées sur les piézomètres d'août 2023 à mai 2024.

© BRGM

Bilan de la recharge des nappes

L’automne et l’hiver 2023-2024 se sont caractérisés par une recharge très active et longue sur une large partie nord et sud-ouest du territoire. Elle a notamment été très excédentaire sur les nappes d’Artois-Picardie, du sud-ouest du Bassin parisien, du nord de la plaine d’Alsace, du couloir Rhône-Saône et d’une partie de la Provence. Seuls les secteurs du socle de la Bretagne ouest et du Cotentin à la Mayenne ont été moins arrosés et les nappes y ont enregistré une recharge proche des normales.

Au sud-sud-est, les pluies infiltrées de mars et avril 2024 ont permis de compenser les déficits des mois précédents sur les nappes du sud du Massif central, de la bordure cévenole, de la Provence et de la Côte d’Azur. Les recharges étaient conformes aux normales à très excédentaires. Enfin, la recharge a été déficitaire sur les Pyrénées (vallées amont), le littoral du Languedoc et le nord-est de la Corse. La recharge a été inexistante sur les piézomètres de la plaine du Roussillon et du massif des Corbières.

Bilan de la recharge des nappes d'eau souterraine 2023-2024.

Bilan de la recharge des nappes d'eau souterraine 2023-2024.

L’Indice Standardisé de Recharge apparente, ou ISVS-R, permet de qualifier la hausse de niveau observée durant la période de recharge survenant habituellement entre l’automne (basses eaux) et le printemps (hautes eaux). Il permet de faire une estimation de l’écart par rapport à des conditions de référence (période 2001-2024). Un ISVS-R fort correspond à une recharge hivernale forte, soit excédentaire (favorable à des niveaux hauts) par rapport à celles observées entre 2001 et 2024, et inversement un ISVS-R faible correspond à une recharge hivernale faible, soit déficitaire.

Cette recharge apparente correspond à la variation de stock maximale lors de la phase de recharge, qui inclut la vidange continue de la nappe et les épisodes de recharge continus ou ponctuels. Cet indicateur permet de comparer les variations de stocks entre les différentes années, sur la période de référence 2001-2024, et non de comparer les apports entre les différentes années.

Carte établie le 6 novembre 2024 par le BRGM, à partir de données acquises jusqu’au 30 septembre 2024. Source des données : ADES (ades.eaufrance.fr) / Hydroportail (hydro.eaufrance.fr) / Fond de carte © IGN.

Producteurs de données et contribution : APRONA, BRGM, Conseil Départemental de la Vendée, Conseil Départemental des Landes, Conseil Départemental du Lot, EPTB Vistre Vistrenque, Parc Naturel Régional des Grandes Causses, Syndicat Mixte d’Etudes et de Travaux de l’Astien (SMETA), Syndicat Mixte pour la protection et la gestion des nappes souterraines de la plaine du Roussillon (SMNPR).

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Situation des nappes en fin de période de recharge

La période de recharge s’est généralement terminée à partir d’avril 2024. Cependant les dates des plus hautes eaux, observées en fin de période de recharge, se sont étalées dans le temps selon les cumuls des pluies printanières et la réactivité de la nappe.

Concernant les nappes inertielles de l’Artois, du Bassin parisien, du Sundgau (sud Alsace) et du couloir Rhône-Saône, les plus hautes eaux ont été enregistrées entre mi-avril et fin mai 2024. Des niveaux en hausse ont été enregistrés tardivement, jusqu’en juin et juillet 2024 sur les secteurs les plus inertiels de la nappe de la craie de Normandie, de Picardie et de la Bourgogne, sur la nappe de Beauce et sur les nappes des formations plioquaternaires et miocènes du Dijonnais, de la Bresse et de la Dombes. La lente infiltration des pluies printanières explique cette fin de recharge très tardive.

Concernant les nappes réactives, les plus hautes eaux sont survenues en avril 2024 sur une grande partie du territoire et en mars 2024 sur les Pyrénées, le sud du Massif central et en Languedoc. A noter que ces plus hautes eaux n’ont pas toujours correspondu à la fin de période de recharge 2023-2024, puisque des pluies survenues au printemps ont pu permettre d’engendrer des épisodes de recharges jusqu’en mai.

La situation observée en fin de période de recharge 2023-2024, lors des plus hautes eaux, dépendait de la situation lors de l’étiage 2023, du bilan de la recharge 2023-2024 et de la cyclicité de la nappe. Globalement, les pluies infiltrées durant la période de recharge ont été très excédentaires et ont permis de compenser les déficits accumulés durant les années hydrologiques 2021-2022 et 2022-2023 et d’améliorer l’état des nappes. En conséquence, la situation des nappes en fin d’hiver 2023-2024 était très satisfaisante sur une grande partie du territoire.

Les nappes réactives, à cyclicité annuelle, sont sensibles aux pluies infiltrées, du fait d’écoulements rapides au sein du sous-sol. L’état des nappes réactives des deux-tiers nord, du sud-ouest s’est considérablement amélioré dès la fin de l’automne 2023 et s’est maintenu jusqu’au printemps 2024 grâce aux épisodes successifs de recharge. Les nappes présentaient des niveaux au-dessus des normales en fin de période de recharge 2023-2024. Sur le pourtour méditerranéen, la situation était plus contrastée. Les pluies printanières ont pu permettre de compenser les déficits pluviométriques de l’automne et de l’hiver 2023-2024. Ainsi, les niveaux étaient au-dessus des normales en Provence et sur l’ouest et le sud de la Corse. La faible recharge a fortement impacté les nappes du Languedoc, du Roussillon, et localement les nappes des plaines orientales de Corse et du Cap-Corse. Sur ces secteurs, les niveaux sont alors restés sous les normales. Ces niveaux atteignaient des niveaux préoccupants, très bas, sur les nappes de la plaine du Roussillon et du massif des Corbières.

Les nappes inertielles, à cyclicité pluriannuelle, ont une résistance importante aux sécheresses et une réponse lente aux pluies infiltrées. La situation générale s’est améliorée graduellement, de 2 à 3 classes, entre les basses eaux 2023 et les hautes eaux 2024. Ainsi, les nappes inertielles du Bassin parisien, du Nord-Isère et de l’Est-lyonnais ont enregistré des niveaux de hautes eaux 2024 modérément hauts. Du fait de leur inertie importante, les niveaux des nappes de la Beauce, du Sundgau (sud Alsace), du Dijonnais, de la Bresse et de la Dombes, du Bas-Dauphiné étaient moins satisfaisants, proches des normales à modérément bas. Enfin, les niveaux de la nappe de la craie en Artois-Picardie et de l’Avant-Pays savoyard étaient plus satisfaisants lors de l’étiage 2023 et étaient donc très hauts en fin de période de recharge.

Situation des nappes d'eau souterraine en hautes eaux 2024.

Situation des nappes d'eau souterraine en hautes eaux 2024.

L’indicateur Standardisé des Niveaux Hauts (après la recharge hivernale), ou ISN-H, traduit l’écart à la moyenne (normale) des niveaux journaliers maximums atteints en fin de période de recharge. Cet indice permet un classement des niveaux de journaliers de hautes eaux des nappes (de très bas à très hauts) par rapport aux niveaux journaliers de hautes eaux enregistrés sur la période de référence 2001-2024.

Selon le type de nappes (inertielles/réactives) et les secteurs (en lien avec la pluviométrie et l’activité de la végétation), les hautes eaux ne surviennent pas à la même date. L’ISN-H ne permet pas de visualiser l’état des nappes à une date ou un mois donné mais représente les niveaux journaliers des hautes eaux, atteints en fin de période de recharge.

Carte établie le 6 novembre 2024 par le BRGM, à partir de données acquises jusqu’au 30 septembre 2024. Source des données : ADES (ades.eaufrance.fr) / Hydroportail (hydro.eaufrance.fr) / Fond de carte © IGN.

Producteurs de données et contribution : APRONA, BRGM, Conseil Départemental de la Vendée, Conseil Départemental des Landes, Conseil Départemental du Lot, EPTB Vistre Vistrenque, Parc Naturel Régional des Grandes Causses, Syndicat Mixte d’Etudes et de Travaux de l’Astien (SMETA), Syndicat Mixte pour la protection et la gestion des nappes souterraines de la plaine du Roussillon (SMNPR).

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Analyse de la période d’étiage 2024

D’une manière générale, la baisse estivale des niveaux est liée à une faible pluviométrie, à une forte évapotranspiration et/ou à l’activité de la végétation ainsi que de plus fortes sollicitations des eaux souterraines sur certains secteurs (pompages). Généralement à partir d‘avril et jusqu’en automne, les pluies s’infiltrant dans le sol sont entièrement reprises par la végétation. La sécheresse météorologique ou la pluviométrie n’ont alors que peu d’influence sur les niveaux des nappes. Les conditions pour observer des niveaux en hausse et une amélioration de la situation des nappes sont une pluviométrie importante, des sols humides et une végétation peu active. Des épisodes pluvieux abondants ne peuvent avoir un effet observable qu’essentiellement sur les nappes réactives, se traduisant par un ralentissement de la décharge des nappes voire une augmentation souvent temporaire des niveaux. Ces apports ponctuels ont alors un effet bénéfique, car ils permettent de repousser le début de la période de vidange au printemps ou de soutenir les niveaux en été. Durant la période de décharge, la baisse des niveaux peut être fortement accélérée sur les secteurs connaissant une forte sollicitation (prélèvements) de la ressource en eaux souterraines.

A la fin de la période de décharge, la nappe atteint son niveau le plus bas de l’année : cette période s’appelle l’étiage ou période de basses eaux. Ces niveaux d’étiage sont généralement observés au cours des mois d’octobre à novembre et jusqu’en décembre pour les nappes les plus inertielles. Mais ils peuvent être plus précoces au droit des nappes réactives et survenir avec les orages de fin d’été, dès fin août ou courant septembre, qui marquent le début de la recharge.

Evolution de la vidange des nappes

La période de vidange 2024 a été atypique : courte et peu intense. Elle s’est mise progressivement en place à partir d’avril 2024. Cependant, les cumuls pluviométriques ont été suffisants durant le printemps pour conserver des sols humides et satisfaire les besoins en eau de la végétation. Des pluies ont alors pu s’infiltrer en profondeur et soutenir voire recharger les nappes jusqu’en juin. La vidange est restée active durant l’été 2024 mais sa vitesse a souvent été réduite du fait d’apports pluviométriques ponctuels et d’une probable pression faible des prélèvements. A noter que l’impact des précipitations sur les nappes s’est atténué en avançant dans la saison estivale. En effet, avec la reprise de la végétation et la hausse des températures, les pluies infiltrées ont tout d’abord permis d’humidifier les sols et d’alimenter la végétation. Les précipitations ont donc été bénéfiques pour les nappes uniquement sur les secteurs suffisamment arrosés pour répondre à ces besoins et ainsi garantir une infiltration des pluies en profondeur. La période de vidange a pris fin un peu précocement, entre septembre et octobre 2024.

La vidange s’est mise en place tardivement sur les nappes inertielles, entre avril et juin voire juillet 2024 pour les secteurs les plus inertiels. Habituellement, la vidange se poursuit sans interruption jusqu’à l’automne, avec la mise en dormance de la végétation et la survenue des premières précipitations importantes, et les pluies du printemps et de l’été n’ont que peu d’impact sur les nappes inertielles. Cependant, compte tenu des cumuls pluviométriques importants et des sols humides durant l’été 2024, une partie des pluies ont pu s’infiltrer en profondeur. De plus, les prélèvements, notamment pour l’irrigation, ont probablement été limités. La vitesse de vidange est donc restée réduite durant l’été 2024 et l’état des nappes a continué de s’améliorer très lentement. Certaines nappes inertielles du Bassin parisien et du couloir Rhône-Saône ont même gagné une classe, entre les hautes eaux 2024 et les basses eaux 2024.

La situation globale des nappes réactives est demeurée relativement stable durant la période de vidange 2024. Les tendances et la situation des nappes ont évolué selon les épisodes de recharge et les périodes où la vidange a prédominé. Sur une grande partie du territoire, l’état des nappes réactives est resté supérieure aux normales mensuelles. Ce constat s’explique par un soutien important des niveaux par les pluies efficaces du printemps 2024 puis plus ponctuellement de l’été 2024. De plus, les pluies ont permis une diminution plus ou moins significative de l’irrigation et d’alléger ainsi la pression sur les ressources en eau souterraine. L’état des nappes est resté défavorable sur les Pyrénées-Orientales, l’Aude, le Cap Corse et les plaines orientales de Corse, après une recharge 2023-2024 déficitaire et des pluies absentes à peu soutenues durant le printemps et l’été 2024. Ces secteurs sont demeurés en tension avec des niveaux bas à très bas persistants durant tout l’été. Sur les nappes du Roussillon, les restrictions sur l’usage des eaux souterraines ont permis de ne pas dégrader une situation déjà très préoccupante.

Évolution des tendances observées sur les piézomètres de mars à octobre 2024.

Évolution des tendances observées sur les piézomètres de mars à octobre 2024.

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Situation des nappes en fin de période de vidange

Les mois de septembre et d’octobre sont habituellement une période de transition pour les nappes. Les précipitations importantes et la mise en dormance de la végétation permettent une infiltration en profondeur de l’eau. Cela se traduit sur les niveaux des nappes par une inversion des tendances. Ces dernières années, la période de recharge a été retardée par la végétation restant active tardivement, du fait de températures douces, et par des pluies efficaces insuffisantes. En 2024, les conditions pour engendrer des épisodes de recharge ont été réunies dès la fin de l’été sur de nombreux secteurs : les sols étaient humides et les températures faibles ont limité l’évapotranspiration et ont permis la mise en dormance de la végétation en octobre. La recharge hivernale s’est donc mise en place un peu plus précocement sur l’ensemble du territoire, entre septembre et octobre 2024.

Les premières recharges ont été observées durant la seconde quinzaine d’août 2024 avec les orages de fin d’été. Localement, la vitesse de vidange a été freinée par l’apport de pluies efficaces ponctuelles. Ces pluies ont pu engendrer des recharges momentanées principalement sur des secteurs arrosés abritant des nappes réactives : sud de la plaine d’Alsace, sud-ouest du Bassin aquitain, sud du Massif central des Cévennes aux Grands Causses, Corse. L’étiage 2024 (plus basses d’eaux) a été enregistré un peu précocement, généralement durant la première quinzaine de septembre sur une grande partie de la moitié sud du territoire et en Corse et entre fin septembre et octobre sur la moitié nord ainsi que sur le Roussillon, le Languedoc et le sud du Massif central.

La période de vidange se caractérise souvent par une dégradation progressive de la situation des nappes. Cependant, la décharge 2024 a été atypique, avec un fort soutien par les pluies infiltrées et une probable faible pression des prélèvements. Ainsi, ces épisodes de recharge se sont traduits par une amélioration ou le soutien de l’état général des nappes réactives et inertielles. La situation des nappes à l’étiage 2024 était généralement excédentaire.

Sur les nappes inertielles d’Artois-Picardie, du Bassin parisien et du couloir Rhône-Saône, les situations se sont graduellement améliorées durant l’année hydrologique 2023-2024. Les niveaux de l’étiage 2024 étaient généralement modérément hauts à hauts. Ils ont atteint des niveaux très hauts sur le bassin Artois-Picardie, en Champagne, en Brie et en Tardenois. Des niveaux comparables aux normales à modérément bas étaient toujours présents sur les nappes de la Bresse et Dombes et du Sundgau, conséquence de leur très forte inertie.

La situation des nappes réactives des deux-tiers nord et du sud-ouest était excédentaire, avec des niveaux d’étiage généralement hauts à très hauts. Quelques nappes moins réactives ou ayant été moins soutenues durant le printemps et l’été 2024 présentaient des niveaux d’étiage modérément hauts à comparables aux normales. Les niveaux d’étiage très hauts concernent principalement les nappes très réactives des calcaires jurassiques et crétacés (Boulonnais, Jura, pourtour du Bassin parisien et pourtour du Bassin aquitain). D’autres nappes réactives sont également concernées : grès vosgiens de Lorraine, socle du sud du Massif armoricain et du sud du Massif central, formations plioquaternaires du Bassin aquitain, alluvions de la Garonne amont, des vallées des Alpes, du Bas-Rhône et de la Durance.

Sur le pourtour méditerranéen et en Corse, la situation était restée fragile durant une partie de l’été 2024 sur de nombreux secteurs. Elle était hétérogène lors des basses eaux 2024, selon les pluies infiltrées durant le printemps et l’été 2024. L’étiage 2024 s’est de nouveau avéré particulièrement intense sur les nappes de la plaine du Roussillon, des calcaires du massif des Corbières et des alluvions de l’Aude. Les cumuls de pluies infiltrées durant l’année hydrologique 2023-2024 sont restés très insuffisants pour compenser les déficits accumulés lors des 2 années hydrologiques précédentes.

Situation des nappes d'eau souterraine à l’étiage 2024.

Situation des nappes d'eau souterraine à l’étiage 2024.

L’indicateur Standardisé des Niveaux Bas (après la décharge estivale), ou ISN-B, traduit l’écart à la moyenne (normale) des niveaux journaliers minimums atteints en fin de période de décharge. Cet indice permet un classement des niveaux journaliers de basses eaux des nappes (de très bas à très hauts) par rapport aux niveaux journaliers de basses eaux enregistrés sur la période de référence 2001-2024.

Selon le type de nappes (inertielles/réactives) et les secteurs (en lien avec la pluviométrie, l’activité de la végétation et les volumes prélevés), les basses eaux ne surviennent pas à la même date. L’ISN-B ne permet pas de visualiser l’état des nappes à une date ou un mois donné mais représente les niveaux journaliers des basses eaux, atteints en fin de période de décharge.

Carte établie le 6 novembre 2024 par le BRGM, à partir de données acquises jusqu’au 30 septembre 2024. Source des données : ADES (ades.eaufrance.fr) / Hydroportail (hydro.eaufrance.fr) / Fond de carte © IGN.

Producteurs de données et contribution : APRONA, BRGM, Conseil Départemental de la Vendée, Conseil Départemental des Landes, Conseil Départemental du Lot, EPTB Vistre Vistrenque, Parc Naturel Régional des Grandes Causses, Syndicat Mixte d’Etudes et de Travaux de l’Astien (SMETA), Syndicat Mixte pour la protection et la gestion des nappes souterraines de la plaine du Roussillon (SMNPR).

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