Le BRGM a mené avec le WWF Guyane le projet TAO, pour caractériser la provenance géographique de l’or et ainsi lutter contre l’orpaillage illégal.
22 février 2016

TAO (Traçabilité analytique de l’or de Guyane) – Les enjeux

Caractériser la provenance géographique de l’or pour lutter contre l’orpaillage illégal : tel est l’objectif du projet TAO, mené par le WWF Guyane en partenariat avec le BRGM. Dans ce premier épisode, découvrez les enjeux de la traçabilité de l'or de Guyane (2015). 

© BRGM / WWF Guyane 

Le plateau des Guyanes fait partie intégrante de l'Amazonie, l'un des milieux les plus riches de la planète. L'Amazonie abrite une biodiversité exceptionnelle avec plus d'une espèce sur 10 connue sur Terre. Elle joue aussi un rôle fondamental dans l'équilibre climatique global de la planète. 

Au sein de l'Amazonie, le plateau des Guyanes est une région particulièrement importante. Sa biodiversité est originale, distincte de celle qu'on peut trouver ailleurs en Amazonie. Et c'est aussi, aujourd'hui, la partie la mieux préservée du massif amazonien. 

La principale menace qui pèse sur les forêts du plateau des Guyanes, c'est l'orpaillage incontrôlé. Ici, en Guyane, l'orpaillage illégal. L'orpaillage, c'est l'activité minière d'extraction de l'or. Lorsqu'il est illégal, il a lieu en dehors de toutes contraintes en termes de respect de l'environnement, des travailleurs avec des impacts particulièrement néfastes sur les milieux naturels et donc le cadre de vie et les ressources des populations de l'intérieur guyanais. 

Les orpailleurs illégaux exploitent l'or là où ils trouvent des gisements, que ce soit à l'intérieur ou en dehors des aires protégées. Donc on a de la déforestation, de la destruction des cours d'eau et une pollution sur ces cours d'eau plusieurs centaines de kilomètres en aval qu'on appelle une pollution en matières en suspension. C'est ça qui va donner aux cours d'eau cet aspect laiteux, boueux et impropre à la vie aquatique. 

Une autre source importante de pollution, c'est le mercure, que les orpailleurs illégaux utilisent dans le processus d'extraction de l'or. Le mercure, c'est un neurotoxique puissant, un poison très violent pour l'homme et pour les êtres vivants en général. Le problème de la pollution au mercure, c'est qu'une fois qu'elle est là, il est très difficile de s'en débarrasser. C'est une pollution qui subsiste. Aujourd'hui, on estime que 70 à 80 % de l'or qui est vendu dans le monde est d'origine inconnue, donc potentiellement d'origine illégale. 

Le problème, c'est qu'on ne peut pas facilement distinguer de l'or qui serait originaire d'une mine déclarée de l'or qui serait originaire d'une mine illégale. Le projet TAO que nous menons actuellement va nous permettre de mieux connaître l'or guyanais et ses caractéristiques physico-chimiques afin de voir si certains signaux peuvent nous donner une indication d'origine géographique. 

Aujourd'hui, en Guyane, on estime qu'il y a environ 10 t d'or produites illégalement chaque année. C'est 5 à 10 fois plus que ce qui est produit officiellement. Pour cela, nous avons réalisé un échantillonnage de l'or auprès des opérateurs miniers sur le territoire guyanais en essayant d'avoir la meilleure couverture géographique possible. 

Ces échantillons sont ensuite envoyés aux laboratoires du BRGM, à Orléans, qui cherche les éléments traces dans l'or. Notamment les éléments traces susceptibles de donner des indications sur la provenance géographique de cet or.

TAO (Traçabilité analytique de l’or de Guyane) – Les analyses

Caractériser la provenance géographique de l’or pour lutter contre l’orpaillage illégal : tel est l’objectif du projet TAO, mené par le WWF Guyane en partenariat avec le BRGM. Dans ce deuxième épisode, découvrez les analyses nécessaires pour remonter à l'origine de l'or (2015). 

© BRGM / WWF Guyane 

En ce qui concerne la caractérisation de l'or, la problématique, c'est que, pour le moment, on ne sait pas quelle va être la signature la plus efficace pour remonter ou pour tracer cet or et pour être sûr à 100 % ou avec une confiance suffisante pour dire que cet or vient de Guyane et ne vient pas d'ailleurs. Les grains sur lesquels on va travailler sont des grains qui ont été remaniés par les cours d'eau. Donc ils ont perdu, sans doute, une partie des signatures originales qu'ils avaient dans le gisement de départ. Ils ont pu perdre, donc, leurs caractéristiques chimiques, ils ont perdu leur forme. Ils ont perdu, sans doute, des inclusions minérales qui étaient présentes à l'intérieur et qui permettaient de remonter au gisement. Tous ces paramètres-là, c'est ceux qu'on va essayer de mettre en évidence pour trouver la provenance de l'or. 

Dans le but de caractériser la provenance de nos grains d'or, on va mettre en place toute une série de tests. On a parlé tout à l'heure de la caractérisation morphoscopique, c'est-à-dire la forme des grains, leur degré d'émoussé, leur degré d'usure, savoir s'ils ont beaucoup voyagé, pas beaucoup voyagé. Ensuite, on va passer à l'analyse, je dirais, semi-chimique, au microscope électronique à balayage plus la caractérisation des micro inclusions minérales qui pourraient être présentes dans ces grains d'or et symptomatiques d'un gisement donné. 

Ensuite, on va passer à de l'analyse chimique, cette fois-ci de façon plus précise, de façon ponctuelle, avec la micro sonde électronique, qui na vous permettre d'atteindre des seuils de détection de l'ordre de quelques centaines de ppm dans le meilleur des cas. Certains éléments, on pourra les doser. Par contre, d'autres, à des teneurs encore plus faibles que ça, de quelques ppm ou quelques dizaines de ppm, on va devoir utiliser d'autres techniques comme l'ablation laser. Et puis, je dirais que l'outil ultime que l'on va essayer de tester sur nos grains d'or, en fait, ça va être de l'analyse isotopique, en particulier du plomb, pour essayer, effectivement, d'avoir encore une signature supplémentaire. 

La combinaison de ces différents paramètres, donc les teneurs chimiques, les morphologies, les rapports isotopiques vont êtres combinés, en fait, pour essayer, effectivement, de trouver une signature d'un grain d'or provenant d'un gisement donné.

TAO (Traçabilité analytique de l’or de Guyane) – Les applications

Caractériser la provenance géographique de l’or pour lutter contre l’orpaillage illégal : tel est l’objectif du projet TAO, mené par le WWF Guyane en partenariat avec le BRGM. Dans ce troisième épisode, découvrez les applications concrètes d'une traçabilité physico-chimique de l'or (2015). 

© BRGM / WWF Guyane 

- Les problèmes associés au phénomène d'orpaillage illégal sont multiples. Le 1er qui vient, naturellement, c'est l'impact sur l'environnement, sur cette forêt préservée et, notamment, au sein du parc amazonien de Guyane. Il y a d'autres, bien entendu, impacts. Des impacts en termes de criminalité. Donc de sécurité. Sécurité vis-à-vis des populations locales qui vivent au plus près des garimpeiros, mais aussi sécurité de ces garimpeiros à travers tous les crimes et délits qui peuvent être commis en forêt. 

- La traçabilité de l'or devrait avoir des applications certaines dans le cadre judiciaire sur plusieurs points. Le 1er point, la possibilité de faire des comparaisons physico-chimiques entre différents prélèvements. Des prélèvements saisis dans le cadre de procédures judiciaires et des prélèvements faits sur site afin de localiser la provenance de l'or. 2e point. À l'international, on peut envisager de travailler sur la captation des avoirs criminels à l'étranger tout simplement en identifiant la provenance de l'or qui se trouve dans les comptoirs du Suriname ou du Brésil, puisque la majeure partie de l'or extrait de Guyane illégalement part au Brésil ou au Suriname. 

- Nous sommes ici sur une concession minière qui appartient à la compagnie minière de Boulanger. En tant qu'opérateur minier, mais aussi et surtout en tant que président de la grappe ORkidé, je considère que cette action va dans le bon sens dans la mesure où elle va permettre de différencier l'or produit par les opérateurs légaux de l'or qui peut être produit illégalement. Vous n'êtes pas sans savoir qu'en Guyane, malheureusement, il y a beaucoup d'opérateurs illégaux. Outre le fait que les clandestins et les illégaux pillent les réserves qui pourraient être exploitées par les opérateurs légaux, ils conduisent à véhiculer une mauvaise image de l'activité minière parce que les populations ont parfois du mal à faire la différence entre ce qui se passe dans les mines légales et dans les mines clandestines. 

- La SAAMP est un acteur majeur dans les métaux précieux depuis plus de 40 ans. en France et dans les DOM-TOM, puisque nous sommes implantés en Guyane. Aujourd'hui, ce qui est intéressant avec le procédé TAO, c'est, justement, de proposer de l'or tracé de Guyane. L'idée directrice, c'est d'avoir vraiment un produit qui bénéficierait d'une appellation d'origine contrôlée, qui serait du 100 % "made in France". L'idée, encore une fois... Nous, nous avons la possibilité de travailler avec des fabricants, des joailliers, l'industrie de la bijouterie. L'investissement... Ou même l'industrie générale. Nous avons la possibilité de vendre notre or et ce qui serait vraiment très intéressant pour tous nos clients, ça serait d'avoir un or qui serait traçable, propre et français. 

- Dans la globalité, ce qui est important, c'est de savoir que l'or est extrait de manière responsable et répond à certains standards, que ce soient des standards d'origine, comme une appellation d'origine contrôlée, ou que ce soient des standards économiques, environnementaux ou organisationnels sur le terrain. Et, pour ça, il faut une série de standards qui soient solides et qui soient vérifiés sur le terrain à l'origine auprès de la mine. Il faut dire que la traçabilité physique... Le but de la traçabilité physique, c'est de garantir au consommateur à la fin que son or provient bien d'un site et d'une mine.