Dans le cadre de la 21ème Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP21), qui s'est déroulée à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, des scientifiques du BRGM se sont exprimés lors d'interviews et de tables rondes sur les conséquences du changement climatique, et les actions possibles d'atténuation et d'adaptation.
15 janvier 2016

Elévation du niveau de la mer : interview de Gonéri Le Cozannet (BRGM) à Solutions COP21

Dans le cadre de la Conférence Paris Climat 2015, le BRGM a participé à l'événement Solutions COP21, au Grand Palais à Paris, du 4 au 10 décembre 2015. Sur le pavillon "Recherche et climat" du ministère de l'Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, les chercheurs ont présenté 32 solutions pour le climat. Interview de Gonéri Le Cozannet (BRGM) (Paris, 2015). 

© Pôle EDD - Canopé Amiens 

Je suis Gonéri Le Cozannet. Je travaille au BRGM, au service géologique national dans l'unité risques côtiers et changement climatique, qui est rattachée à la direction des risques et de la prévention. Par rapport aux risques qui sont en lien avec le changement climatique, il y a un sujet de préoccupation majeure, qui est l'élévation du niveau de la mer. L'élévation du niveau de la mer, on s'attend à ce qu'elle cause des risques majeurs de submersion marine, et peut-être d'érosion côtière. 

Des exemples précis. Aujourd'hui, ce qui se passe, on travaille sur... L'équipe dans laquelle je travaille travaille sur la modélisation des phénomènes de submersion marine. Notamment, on a travaillé sur des sites comme Gâvres, en Bretagne, Hyères, en région PACA. Également en Languedoc-Roussillon, la zone de Palavas-les-Flots. Et ce qu'on voit de manière assez systématique, c'est, à partir du moment où on est sur des zones basses, comme, par exemple, des lits d'eau sableux, des zones très basses, qui sont à peine quelques mètres au-dessus du niveau de la mer, les risques de submersion marine augmentent de manière extrêmement importante dès lors que le niveau de la mer s'élève de 50 cm. 

Le niveau de la mer, il a déjà augmenté de 20 cm depuis 1870. Et le problème, c'est qu'il va continuer à augmenter. Donc, on est sûr que le niveau de la mer va continuer à augmenter. Même si aujourd'hui, on arrêtait les émissions, il monterait de quelques millimètres par an. Donc, on ne peut pas arrêter l'élévation du niveau de la mer. En revanche, ce qu'on peut faire, c'est limiter la vitesse d'élévation du niveau de la mer en limitant les émissions de gaz à effet de serre. C'est ce qu'on espère qui va se passer en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, mais il y a une part des effets auxquels on n'échappera pas. C'est au moins quelques dizaines de centimètres d'élévation du niveau de la mer à la fin du XXIe siècle. Et quelques dizaines de centimètres d'élévation du niveau de la mer, ça augmente de manière très importante la fréquence et l'intensité des submersions marines. 

C'est un premier sujet sur lequel on est obligés de s'adapter, à ce phénomène-là. Les zones sensibles, elles sont identifiées, mais c'est pas uniquement le BRGM qui fait ça. Il y a, par exemple, en France, plusieurs mécanismes réglementaires qui font qu'on définit quelles sont les zones les plus... On identifie les zones les plus vulnérables à l'élévation du niveau de la mer. C'est à travers, par exemple, les territoires à risque d'inondation important, les plans de prévention des risques. Une fois qu'on a identifié ces sites, le problème, c'est de savoir : comment fait-on pour s'adapter sur ces sites-là ? Et donc, là, il y a... L'idée, c'est de... On va pas interdire de construire dans toutes les zones basses. Ce serait absolument pas possible parce que les gens ont des priorités pour le développement. On va essayer de faire des modélisations des submersions marines les plus précises possibles et qui prennent en compte les conséquences inévitables de l'élévation du niveau de la mer. 

Donc, par exemple, il y a un mécanisme qui s'appelle le plan de prévention des risques littoraux. Dans ce mécanisme, on modélise une tempête, on regarde quelle est son extension maximale et on superpose 60 cm d'élévation du niveau de la mer. 60 cm d'élévation du niveau de la mer, c'est ce à quoi on ne peut pas échapper, dans tous les cas, en 2100. Et les zones qui sont inondées par cette modélisation définissent une zone sur laquelle on interdit de construire de nouveaux bâtiments. Ça, c'est un premier mécanisme qui est en cours. Depuis 2011, on prend en compte cette élévation du niveau de la mer dans les plans de prévention des risques côtiers. C'est une première mesure en faveur de l'adaptation des littoraux à l'élévation du niveau de la mer. 

On a travaillé sur la question de l'érosion côtière dans des îles en Polynésie, et mes collègues ont travaillé sur le risque cyclonique. Alors, les questions qui se posent... Le risque cyclonique, c'est extrêmement pratique. C'est une zone dans laquelle il n'y a pas énormément de cyclones, mais il peut y en avoir. Notamment, par exemple, il y a eu une séquence cyclonique en 83 qui a causé des submersions marines majeures, notamment dans les atolls des Tuamotu. Ce que font mes collègues, c'est modéliser ces submersions marines liées aux cyclones. Moi, j'ai plus particulièrement travaillé sur l'érosion côtière des atolls. La question qui se posait, c'est que, pour différentes raisons, il se trouve que depuis 60 ans, la Polynésie a subi une élévation du niveau de la mer plus rapide que la moyenne, d'environ 30 %. Au lieu que ce soit 1,7 mm par an pendant 50 ans, ça a été plutôt 2 à 3 mm, 2 à 2,5 mm par an selon les atolls. Et la question qu'on se posait, c'est si les atolls... On observait déjà des impacts de l'élévation du niveau de la mer sur ces atolls, dans la mesure où ils étaient déjà soumis à une élévation du niveau de la mer plus rapide que la moyenne. En fait, ce qu'on voit, c'est que, quand même, aujourd'hui, la mobilité du trait de côte de ces atolls est principalement gouvernée par les effets des actions anthropiques, des vagues, des cyclones, etc. 

Ce que ça veut dire, ça renforce un petit peu l'idée selon laquelle on peut encore échapper à un recul généralisé du trait de côte pour beaucoup de zones basses. On peut y échapper à condition que le niveau de la mer ne s'élève pas trop vite. Et c'est vrai que ce n'est possible que dans le cas du scénario où on baisse fortement les émissions de CO2. En revanche, si on émet beaucoup de CO2, en 2100, on a 2 / 3 de chances d'être entre 0,5 et 1 m, et on a 1 / 3 de chances d'être au-dessus. Et surtout, à ce moment-là, on a 1 cm d'élévation du niveau de la mer par an. Donc, ça veut dire que tous les 20 ans, on prend 20 cm d'élévation du niveau de la mer. 20 cm, c'est toute l'élévation du niveau de la mer depuis 1870. Donc, c'est vraiment la situation que l'on veut éviter. Et c'est dans ce cas-là, d'élévation du niveau de la mer rapide, qu'on aurait un recul généralisé du trait de côte. Et on peut probablement y échapper si on réduit fortement les émissions de gaz à effet de serre.

Economie circulaire : interview de Laurent Rouvreau (BRGM) à Solutions COP21

Dans le cadre de la Conférence Paris Climat 2015, le BRGM a participé à l'événement Solutions COP21, au Grand Palais à Paris, du 4 au 10 décembre 2015. Sur le pavillon "Recherche et climat" du ministère de l'Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, les chercheurs ont présenté 32 solutions pour le climat. Interview de Laurent Rouvreau (BRGM) (Paris, 2015). 

© Pôle EDD - Canopé Amiens 

Je suis Laurent Rouvreau. Je suis ingénieur-chercheur au BRGM. Mon domaine de recherche, c'est plutôt le domaine du recyclage, de la gestion des matériaux du BTP, et plus particulièrement des déchets du BTP. 

Pour retraiter ces déchets dans le cadre d'une économie circulaire, il y a 2 échelles auxquelles il faut travailler. Il y a d'abord une échelle classique, qui est celle du procédé, c'est-à-dire qu'on va réfléchir à la façon de recycler ces matériaux, comment on va démonter les bâtiments, comment séparer les différentes composantes, comment réintroduire chacune de ces composantes dans un nouveau produit, un nouveau matériau, un nouveau bâtiment. Ça, c'est l'approche, on va dire, à l'échelle du procédé. 

Et il y a une autre approche, qui est l'approche globale, ou l'approche systémique, qui est de se dire : "Avant d'avoir une action sur un procédé "ou sur le recyclage d'un matériau ou d'un produit, "je vais d'abord essayer de comprendre "comment tout ça s'organise dans l'économie, "comment tout ça s'organise dans l'économie nationale, dans l'économie d'une région, d'une collectivité" de manière à voir où je pourrais avoir une action la plus efficace possible. Est-ce que je dois avoir... Si on prend l'exemple des déchets du BTP, on va d'abord se dire : "Ces matériaux, ils viennent d'une carrière. "J'ai exploité des matériaux dans une carrière "que je vais ensuite transformer dans une industrie, "pour construire, pour aménager. "Et puis, un jour, je vais démolir ce bâtiment "ou le réhabiliter, et donc générer des déchets, qui sont ces matériaux." Et je vais avoir comme objectif de réutiliser ou de remettre dans le cycle la plus grande partie possible de ces matériaux déchets, que l'on appelle de la matière première secondaire. 

Cette économie circulaire, on va pouvoir la prendre en compte, par exemple, parce que, si on recycle davantage de matériaux au moment de la déconstruction des bâtiments, on va diminuer les besoins énergétiques, puisqu'on va aller chercher ces matériaux moins loin, donc on va avoir moins de camions, moins d'énergie consommée pour aller chercher ces matériaux, moins d'énergie consommée pour exploiter ces matériaux. 

Bien sûr, on va reconsommer une partie de cette énergie dans le cadre des procédés de recyclage, mais on aura, malgré tout, un système qui sera plus vertueux dans le sens où on fera mieux avec un peu moins d'énergie. Ça contribue indirectement à la réponse climatique, puisqu'on est dans un système qui permettra, à la fois, de préserver de la matière première, qui est non renouvelable, les matériaux de carrières, ce sont pas des matériaux exploitables à l'infini, contrairement à ce qu'on pense de manière générale. Et puis, en plus, parce qu'à partir du moment où on aura une économie de proximité, puisqu'on recyclera les matériaux près de leur lieu de consommation, on aura besoin de moins d'énergie pour ça. 

Les grandes pistes de la recherche, elles sont, comme je l'ai dit tout à l'heure, dans 2 grandes voies. La première, c'est la compréhension de l'organisation globale de tout ça, puisque, pour agir sur les flux de matériaux, sur leur organisation et sur l'énergie, la consommation qui est associée à tout ça, il faut bien avoir décomposé tous ces éléments, bien comprendre comment tout ça fonctionne. Puis, à partir de là, on peut avoir des actions sur les procédés, sur une meilleure utilisation de ces matériaux. Donc, ça, c'est une piste. 

On a également l'amélioration des performances de ces matériaux. Par exemple, est-ce que je peux construire autant de mètres carrés, voire plus, en consommant moins de matériaux ? Est-ce que je peux imaginer des matériaux qui soient plus performants, donc qui soient moins consommateurs en matière, mais également qui soient moins consommateurs en énergie ? 

Après, il y a une autre piste encore qu'on peut imaginer. C'est utiliser davantage de matériaux renouvelables, comme, par exemple, le bois. On voit maintenant, dans la construction, la consommation de paille, de fibres diverses et variées, qui sont des matériaux renouvelables, ce qui peut offrir aussi, dans une certaine mesure, des pistes pour une moindre consommation et un meilleur bilan énergétique de tout ça. 

Ressources en eau souterraine : interview de Serge Lallier (BRGM) à Solutions COP21

Dans le cadre de la Conférence Paris Climat 2015, le BRGM a participé à l'événement Solutions COP21, au Grand Palais à Paris, du 4 au 10 décembre 2015. Sur le pavillon "Recherche et climat" du ministère de l'Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, les chercheurs ont présenté 32 solutions pour le climat. Interview de Serge Lallier (BRGM) (Paris, 2015). 

© Pôle EDD - Canopé Amiens 

Serge Lallier. Je suis ingénieur hydrogéologue au Bureau de recherches géologiques et minières, et donc en charge de l'étude et du comportement de la ressource en eaux souterraines. 

L'instrument que vous voyez ici est un instrument tout à fait simple. Il simule un forage qui serait foré dans le sol et qui atteindrait le niveau de l'eau de la nappe souterraine, et il sert tout simplement à mesurer le niveau de cette eau dans ce réservoir souterrain. Un peu à l'image d'un appareil qui mesurerait le niveau d'un liquide dans un réservoir quelconque, alors que là, notre réservoir, c'est ce qu'on appelle un aquifère, donc une couche dans le sous-sol qui est porteuse d'eau. 

L'état des nappes phréatiques en France est évidemment variable, mais disons que sur un plan global, la France ne souffre pas de problèmes d'eau, sauf ponctuellement et régionalement. Vous avez certainement entendu au travers des médias que parfois, il existe des tensions en matière de ressources d'eau, et donc des restrictions d'usage, mais, encore une fois, cela revêt un caractère plutôt régional, local, mais retenons qu'au niveau global, en France, nous ne souffrons pas de problèmes de ressources en eau. 

Le BRGM étudie ces ressources afin de pouvoir les qualifier et il œuvre également comme opérateur de l'État, justement, pour fournir au travers de ce réseau d'instrumentations, qui sont composées d'environ, en France, un peu plus de 3 000 de ces appareils pour avoir une situation de l'état général de nos réservoirs souterrains en temps réel et pouvoir fournir tous ces renseignements à l'administration d'un point de vue quantité avec ces appareils, mais aussi, au travers de ce réseau, d'un point de vue de qualité. BRGM et changement climatique, ça revêt divers aspects. Ça revêt, évidemment, puisque nous sommes dans le sujet, la problématique de la ressource en eau, donc essentiellement de sa gestion, puisque, encore une fois, il n'y a pas de problèmes de fond. 

Le changement climatique impacte aussi toute la zone littorale. Comme vous le savez, la problématique de remontée du niveau des mers n'est pas sans effets, justement, sur l'érosion et donc la stabilité de ce littoral, et très généralement, donc, de son recul. Et comme autre thème lié au changement climatique, on peut évoquer, évidemment, tout ce qui a trait aux énergies renouvelables. En particulier, nous pensons à la géothermie, c'est-à-dire récupérer la chaleur des couches profondes du sol et l'exploiter.