Dans une région volcanique comme la Caraïbe, la géothermie constitue l’une des ressources vertes les plus prometteuses.
27 novembre 2015

Cette série de vidéos a été créée dans le cadre du projet européen Géothermie Caraïbe 2 visant à initier une politique caribéenne de développement de la géothermie. 

Géothermie, pilier de la transition énergétique

Dans une région volcanique comme la Caraïbe, la géothermie constitue l’une des ressources vertes les plus prometteuses.

Le projet européen Géothermie Caraïbe 2 vise à initier une politique caribéenne de développement de la géothermie.

© Géothermie Caraïbe

- 2013 a été la 1re année où la puissance installée d'énergies renouvelables dans le monde a dépassé la puissance installée d'énergies fossiles. En 2013, on a construit plus de centrales solaires, éoliennes, géothermiques, biomasse que de centrales gaz et pétrole. Il se passe quelque chose. 

- La révolution est en marche. Les énergies fossiles laissent désormais la place aux énergies renouvelables. Dans une région volcanique comme la Caraïbe, la géothermie s'avère être l'une des ressources vertes les plus prometteuses. 

- La question des énergies fossiles pose à la fois un problème stratégique. Aujourd'hui, nous dépendons d'un produit qui est de plus en plus rare, qui est un produit polluant et qui pèse de plus en plus sur le pouvoir d'achat des ménages, des industries et des pays. 

- Aujourd'hui, si je valorise les énergies renouvelables en Martinique, c'est autant de pétrole qui est acheté en moins. Jusqu'ici, le pétrole, je l'achète pas aux Martiniquais ni aux Français. Donc c'est de l'argent qu'on garde. 

- Demain, s'il y a des tensions sur l'approvisionnement, le 1er marché qu'on va songer à approvisionner, c'est certainement pas celui de la Guadeloupe. D'autres passeront avant nous. Donc il importe, pour des petits territoires comme le nôtre, d'être, quelque part, comme pour la production alimentaire, autosuffisants dans ce qu'on produit, dans ce qu'on consomme. 

- Aujourd'hui, la Guadeloupe, la Martinique et la plupart des îles de l'arc antillais sont dépendantes à environ 90 % des importations de pétrole ou de charbon pour produire leur électricité. Cela représente un poids énorme dans la balance commerciale, mais pas seulement. 

- Ici, les populations vivent principalement sur les côtes et nous sommes certainement concernés par la montée des eaux. La plupart des bassins de population se trouvent sur les côtes. Il va falloir réfléchir aux conséquences que peut avoir le réchauffement climatique sur les autres problèmes de circulation atmosphérique tels que les cyclones. 

- On subit des attaques du changement climatique. On s'en plaint. Pour se plaindre, il faut quand même être soi-même exemplaire. 

- Pour vous donner un ordre d'idée, nos consommations électriques actuelles ont un potentiel d'émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère qui est plus de 15 fois supérieur à la moyenne nationale du fait de l'utilisation d'énergies fossiles. 

- Pour réduire l'impact environnemental de la production d'électricité, la 1re solution serait d'en produire moins. 

- 1er pilier, qui semble le moins évident, et qui est, pourtant, quelque part, particulièrement important, c'est la maîtrise de la consommation d'énergie. Avant de produire de l'énergie, il faut éviter d'en gaspiller. 

- Tant qu'on ne maîtrise pas la consommation et qu'on n'arrive pas à inverser la courbe de croissance, on peut mettre tous les efforts qu'on veut sur la production énergétique, sur la lutte contre les changements climatiques, mais ça ne sert à rien. 

- L'autre versant de la transition énergétique, le développement des énergies renouvelables. En la matière, le potentiel des îles de la Caraïbe est impressionnant. Photovoltaïque, éolien, hydraulique, biomasse et la géothermie. Une diversité de ressources purement locales qui permet d'envisager une sortie progressive de l'ère des énergies fossiles. 

- Nos territoires sont de formidables hot spots de biodiversité. Il faut aussi préserver l'environnement. Il faut aussi préserver le lieu. Agir sur la transition énergétique, c'est pouvoir aussi se donner des moyens de muter et de transformer nos économies, qui sont souvent des économies de comptoir, en des économies où nous utilisons notre biodiversité au service du développement. 

- Les objectifs de développement des énergies renouvelables sont vraiment très ambitieux. Ils ont été actés fin 2012 dans le plan régional énergétique de la Guadeloupe et ils consistent ni plus ni moins à atteindre l'autonomie énergétique de la Guadeloupe à partir d'énergies renouvelables en 2050. 

- Pour faire face à ces objectifs, les schémas régionaux de la Guadeloupe et de la Martinique prévoient un développement parallèle de tout le potentiel renouvelable local. Dans ce contexte, les objectifs intermédiaires pour 2030 en Guadeloupe accordent déjà un rôle prépondérant à la géothermie. 

- 34 % de l'électricité produite proviendra de la géothermie. Pourquoi ? Parce que la géothermie, c'est une source stable, en continu, qui n'est pas exposée aux aléas climatiques. Et, dans ce domaine, nous faisons figures de pionniers, de précurseurs, car la Guadeloupe a la seule centrale géothermique qui fonctionne dans la Caraïbe. 

- Nous avons la chance, en Caraïbe, et, en particulier, en Martinique de disposer de gisements. Le potentiel visé à l'horizon 2030 est de près de 50 MW. Ça veut dire que la géothermie va occuper une place centrale dans le mix énergétique de demain. 

- La géothermie, c'est une bénédiction, ce truc. On est dans un chapelet d'îles volcaniques. Vous avez cette ressource en sous-sol, qui est inexploitée, de réservoirs d'eau chaude qui, potentiellement, peuvent produire de la vapeur pour fabriquer de l'électricité. Et ça, c'est en dessous de nous. C'est là. Vous n'avez pas à aller la chercher ailleurs. Elle est là. 

- Aujourd'hui, la géothermie est extrêmement développée en Amérique centrale et aussi en Californie. La plus grande centrale du monde est en Californie. La centrale de géothermie, elle fait 1 GW. C'est 4 fois la puissance maximale appelée par le réseau martiniquais. Donc ça peut marcher. 

- La géothermie, c'est une énergie renouvelable qui ne produit pas de gaz à effet de serre. C'est une énergie de base. Ça veut dire qu'elle est disponible et qu'elle fonctionne tous les jours, nuit et jour et qu'elle ne dépend pas de facteurs extérieurs comme le soleil ou le vent. 

- Pour fournir un réseau électrique, on distingue 2 grands types d'énergies, les énergies à flux variable, soleil, vent, marée, dont la disponibilité varie suivant les conditions climatiques, et ce qu'on appelle les énergies de base. Elles sont à même de fournir le réseau en continu sans baisse de puissance. C'est le cas de toutes les énergies fossiles, mais aussi de la biomasse et de la géothermie. 

- L'idée, c'est qu'on s'appuie sur les énergies de base, c'est-à-dire les énergies non-intermittentes. C'est là l'intérêt de la géothermie. C'est aussi l'intérêt de la biomasse. Donc vous avez intérêt, premièrement, à développer ces énergies de base derrière et, deuxièmement, les énergies intermittentes qui viendront compléter. 

- Tout naturellement, il est temps qu'on utilise ce dont on est riche. On ne peut pas continuer à utiliser pétrole et charbon alors qu'on a du soleil, du vent, de la biomasse. Même nos déchets, dont on ne sait que faire, peuvent permettre de produire de l'énergie. On a la géothermie. 

- Les nombreux avantages de la géothermie et, en particulier, sa forte disponibilité sur le territoire en font donc logiquement un pilier majeur de la stratégie de transition énergétique dans les îles des petites Antilles. Mais alors, pourquoi ne pas avoir développé cette ressource plus tôt ? Le potentiel géothermique de la région est pourtant connu depuis plus de 50 ans. 

- La géothermie, c'est des énormes investissements. C'est des investissements très, très rentables. C'est l'énergie la moins chère qu'on connaisse aujourd'hui, qu'on soit capable d'envisager dans les territoires des petites Antilles, mais c'est d'énormes investissements, et très risqués. Un programme de géothermie, ça commence par des forages. Et, ici, on est comme dans le forage pétrolier. On sait qu'il y a un réservoir. On sait qu'il y a un potentiel, mais, à un moment, il faut faire des trous. Et, au moment où on fait des trous, il y a, malheureusement, 2 chances sur 3 d'échouer. 

- Quand on commence, on a un risque important, notamment le risque géologique. Le risque géologique, c'est la possibilité que, malgré toutes nos études, toutes nos connaissances, on n'arrive pas à trouver la ressource qui puisse être exploitable. Donc on a un risque qui est maximum au début et qui va diminuer au fur et à mesure des différentes étapes. Tant qu'on n'a pas foré pour aller voir directement s'il y a une ressource, il y aura toujours un risque. 

- À chaque fois, c'est 2, 3, 4 millions d'euros par forage avec le risque qu'il soit sec. Derrière, il y a la construction de l'usine, les forages d'exploitation. Ça coûte très cher. 

- Pour produire ça, il faut des partenaires territoriaux motivés. Deuxièmement, il faut des partenaires techniques motivés pour bien concevoir le projet avec nous. 

- Et l'idée qu'avait le BRGM dès le départ, à laquelle on a souscrit, c'est de dire qu'en Guadeloupe, et si on y ajoute la Dominique, vous avez un potentiel masse critique nécessaire pour attirer de gros industriels et pour constituer une vitrine qui permette, encore une fois, de se projeter vers l'extérieur. 

- Le projet d'implantation d'une centrale géothermique de 100 MW à la Dominique en partenariat avec la Guadeloupe et la Martinique est le 1er d'une série de projets d'envergure prévus dans l'arc antillais à Saint Kitts, à Montserrat et ailleurs. 

- Et je crois qu'il y a la vocation à créer ce qui, à mon avis, est essentiel, une coopération énergétique caribéenne. La Dominique est un gisement. Est-ce qu'on peut se concevoir en tant que Caribéens et dire que le gisement dominiquais n'a vocation qu'à servir la Dominique ? 

- Pouvoir alimenter les 2 îles qui l'entourent, que sont la Guadeloupe et la Martinique, serait, pour elle, une source de revenu. La géothermie serait le pétrole de la Dominique et pourrait permettre à son gouvernement d'avoir suffisamment de devises pour améliorer ses infrastructures et la vie de sa population. 

- Demain, on arrive à avoir ne serait-ce que ce tronçon Martinique, Dominique, Guadeloupe interconnectées avec de l'exportation en électricité vers les 2 territoires, quelque part, c'est une révolution pour nous tous. 

- Loin de concerner le seul trio Guadeloupe, Dominique, Martinique, le projet d'interconnexion électrique des 3 îles ouvre la voie à un possible réseau d'envergure caribéenne. 

- Comme on l'a fait pour le haut débit, aujourd'hui, vous savez qu'il existe, c'est la Guadeloupe qui l'a initié, à l'époque, une entreprise guadeloupéenne a initié le câble à haut débit, qui part de Porto Rico et qui arrive jusqu'à Trinidad. Demain, cette idée de connexion de l'ensemble des îles de la Caraïbe pour la production d'électricité, c'est quelque chose qui est dans tous les tuyaux. La Banque mondiale a fait une étude sur l'interconnexion électrique des îles tout simplement parce que ça permet d'avoir des plus gros réseaux. C'est beaucoup plus facile à gérer. Ça coûte moins cher. C'est plus stable. Ça n'a que des avantages. 

- Nous sommes des ZNI, comme on dit aujourd'hui, des Zones Non Interconnectées. Nous allons devenir des zones interconnectées, à l'échelle internationale. Grâce aux volcans qui, naguère, généraient plus de peur que de bien, les nations, les États, les peuples de la Caraïbe vont pouvoir agir ensemble comme les peuples d'Europe et de l'Amérique le font déjà. 

- En parallèle de ces projets communs de développements industriels et environnementaux, se dessine donc aussi une nouvelle façon de s'envisager en tant que Caribéen. 

Géothermie, le souffle de la Caraïbe

Dans le chapelet d’îles volcaniques que forme l’arc antillais, la géothermie est une énergie à fort potentiel. 

Le projet européen Géothermie Caraïbe 2 vise à initier une politique caribéenne de développement de la géothermie. 

© Géothermie Caraïbe 

- Bien avant le développement de l'électricité géothermique, la chaleur géothermale était déjà une source de bienfaits pour les peuples de la Caraïbe. Dans le chapelet d'îles volcaniques que forme l'arc antillais, la géothermie est une énergie en provenance directe des tréfonds de la Terre, dont le véritable potentiel est encore méconnu. 

- L'histoire de l'arc antillais commence il y a presque 50 millions d'années, à l'époque qu'on appelle l'Éocène. Et puis, elle est complexe. Elle est formée de la rencontre de 2 plaques lithosphériques. 

- La plaque atlantique glisse  sous la plaque caraïbe à une vitesse moyenne de 2 cm par an. En s'enfonçant dans le manteau supérieur, la plaque atlantique va libérer les poches de magma, qui vont remonter à la surface et former des volcans qui deviendront les îles que nous connaissons. 

- En Guadeloupe, les études précédentes, menées par un certain nombre d'universités et le BRGM, notamment, ont montré que la ressource se localise à une zone où il y a une intersection entre des failles. Les fluides peuvent bien convecter. Et c'est à cet endroit-là qu'il y a la ressource de Bouillante. 

- Le réservoir qui fournit la centrale géothermique de Bouillante se situe, en effet, au cœur de la chaîne volcanique de Bouillante et au carrefour de plusieurs failles, dont la plus importante est un système qui rejoint directement l'île de Montserrat au Nord-Ouest. 

- Un bon potentiel géothermique, c'est le croisement de plusieurs paramètres. Il y a une activité volcanique particulière, qui doit être récente, qui est la source de chaleur qui va permettre d'avoir de l'eau chaude. Mais il faut que l'eau puisse s'infiltrer et, du coup, rentrer dans ce réservoir et, du coup, être au contact de cette roche chaude pour pouvoir atteindre des températures de 200-250 degrés. Il faut pouvoir avoir des failles parce que ces failles vont permettre, par la circulation de ruissellements d'eau pluviométrique ou d'infiltrations d'eau de mer, de rentrer et d'atteindre ce réservoir. 

- Plus on s'enfonce dans le sol, plus la température augmente. C'est ce qu'on appelle le gradient géothermique. Un gradient géothermique normal, ça varie entre 15 degrés et 45 degrés par kilomètre. Dans les zones qui sont exploitables du point de vue géothermique pour produire de l'électricité, c'est bien plus élevé. Ça peut être 100 degrés par kilomètre. À certains endroits, comme au bain Thomas ou à Bouillante, il y a des manifestations de surface, comme des sorties de fluides. 

- Sur la zone de Bouillante, la température des fluides souterrains peut atteindre jusqu'à 250 degrés. À La Dominique, dans la région du Boiling Lake, les températures en sous-sol peuvent atteindre près de 300 degrés. 

- Ici, on est à ce qu'on appelle la ravine Thomas, où il y a des bains chauds. On voit ces dépôts. C'est d'origine volcanique. Ce sont des roches volcaniques. On voit que ces formations géologiques sont affectées par une faille, qui est là. Elle forme des faces ici. 

-  Au bain Thomas, la source d'eau chaude dont profitent les visiteurs est, en effet, située précisément sur une faille dans la croûte terrestre. 

- Elle a une orientation qui est est-ouest. Et associés à cette faille, au sein des roches qui, elles, sont à une température normale, froides, circulent des fluides qui sont, pour partie, dus à l'infiltration de l'eau de pluie dans les roches et, pour partie, dus à l'infiltration de l'eau de mer dans les roches. Ce mélange passe en profondeur dans les roches, interagit avec la roche, se réchauffe et ressort ici. On voit ici des volutes comme dans une casserole avec de l'eau chaude en bas et de l'eau froide. Ça se mélange avec les vagues. On voit que les fluides ressortent ici, par la faille, pas à côté. Et puis, bien sûr, cette faille se poursuit sous les gens qui profitent des vertus des fluides. Et les fluides sortent le long. 

- En Guadeloupe, la région de Bouillante ne serait pas la seule zone favorable à une exploitation géothermique. On recense aussi un potentiel probable aux alentours de la Soufrière et de Vieux-Habitants. On retrouve aussi un potentiel sur les sites bien connus de Ravine Chaude ou Sofaia. 

- La Martinique aussi a ses propres sources d'eau chaude qui témoignent d'une activité géothermique en sous-sol. Les études de prospection ont d'ailleurs révélé un potentiel d'exploitation de la géothermie à température réduite. 

- Ici, on se trouve au niveau de l'aéroport du Lamentin. On a un indice de surface de la géothermie en profondeur. On a une source chaude qui avoisine les 45 degrés avec un dégagement gazeux. On peut retrouver ce type d'indice à plusieurs endroits. Ça traduit le potentiel géothermique de toute la plaine du Lamentin. 

- Il y a déjà eu des forages en Martinique à la fin des années 90, dans la plaine du Lamentin, dans la zone où nous nous trouvons aujourd'hui parce qu'il y a aussi ici un réservoir géothermique. Malheureusement, il n'était pas assez chaud. 

- On se retrouve avec une température qui est entre 80 et 90 degrés. C'est insuffisant pour produire de l'électricité de manière classique. Par contre, cette chaleur peut être valorisée, le puits ayant été creusé dans un bassin d'une zone industrielle. 

- Il s'agit de produire de l'eau froide et de l'eau chaude qui sont distribuées sous la forme de réseaux de froid et de chaleur. Technologie absolument maîtrisée par la France et par ses industries. Pourquoi ? C'est pas connu, mais, aujourd'hui, en Île-de-France, il y a un bon tiers du chauffage d'Île-de-France, du chauffage urbain, du chauffage collectif qui vient de géothermie. 

- Ici, on se trouve à la zone industrielle de Californie, où a été réalisé un forage géothermique en 2001. Ce forage-là fait 700 m de profondeur et on trouve de l'eau à 90 degrés. L'avantage d'avoir un forage en pleine zone industrielle est de pouvoir utiliser cette ressource pour répondre aux besoins directs des bâtiments et des entreprises voisines. 

- Mais le sous-sol de la Martinique ne se limite pas à ces températures réduites. Les études récentes laissent espérer un potentiel propice à la production d'électricité. 

- En haute enthalpie, nous avons des pistes. Nous avons repéré 2 zones, une zone à Petite Anse, les anses d'Arlet, une autre zone au Morne-Rouge, où on soupçonne la présence d'une ressource géothermique intéressante. 

- A l'aide de calculs de géothermomètres, on a pu voir que le 1er réservoir au niveau de la rivière chaude avoisine les 180-200 degrés. Le 2e réservoir, au niveau de la rivière Picodo, tourne autour de 155-180 degrés. Ce sont des températures qui peuvent permettre la production d'électricité. 

- Maintenant, il faut aller vérifier, confirmer cette ressource de manière prudente. On s'attend à trouver 10 à 20 MW de géothermie. 

- Sur la montagne Pelée et les anses d'Arlet, on est sur 2 zones qui sont très sensibles. La montagne Pelée, c'est classé. C'est environnemental. C'est patrimonial. Il faut le dire. Ça appartient à la population martiniquaise. C'est vraiment la volonté de faire attention à ce qu'on va y faire, de ne pas y aller uniquement avec un objectif financier ou industriel. Et puis, les anses d'Arlet, c'est un lieu hautement touristique. On va pas défigurer une zone magnifique, dont nous profitons tous les jours dans notre vie pour un objectif énergétique. On va pas, pour autant, les sanctifier, les sanctuariser au point de ne pas développer l'économie martiniquaise et, surtout, l'emploi en Martinique. 

- Comme à La Dominique, le potentiel géothermique martiniquais se trouve dans des zones écologiquement sensibles. Les projets de géothermie devront comporter une stratégie d'accompagnement efficace pour allier développement et préservation du cadre naturel. 

Bouillante, capitale de la géothermie

Bouillante, en Guadeloupe, est le siège de la première centrale géothermique de toutes les îles Caraïbes. 

Le projet européen Géothermie Caraïbe 2 vise à initier une politique caribéenne de développement de la géothermie. 

© Géothermie Caraïbe 

- Ben, je suis Jules Cairo, Bouillantais, et puis, j'ai travaillé à la centrale dans les années 70, jusqu'à 2010. 

- Bouillante, cette bourgade de la Côte-sous-le-vent, en Guadeloupe, porte bien son nom. On y trouve des sources d'eau chaude aux vertus bien connues des habitants. Aujourd'hui, Bouillante est le siège de la 1re centrale géothermique de toutes les îles Caraïbe. 

- La centrale se trouve juste derrière. C'était l'ancien terrain de foot. Derrière les buts, vous aviez une source chaude, qui était là et qui bouillonnait. C'était tout simplement... Vulgairement, on appelait ça des marécages, c'était des espèces de mangroves avec une activité. Il y avait des sources chaudes. Et tout ça, c'était dans toute la partie, même la route qui passe derrière, les vanilliers, et tout, c'était plein de sources chaudes. 

- Ce qui n'était qu'un vaste marécage sulfureux est devenu la centrale énergétique Géothermie Bouillante. 

- C'est le BRGM qui, dès les années 60, a commencé à faire les études pour comprendre, caractériser, définir un potentiel géothermique en Guadeloupe. Il y a eu plusieurs phases avec la 1re centrale qui a été construite en 86. 

- Au départ, c'était expérimental. On a mis en place cette turbine, ce groupe turbo-alternateur. C'était justement pour voir où on pouvait aller. On a produit pendant des années, jusqu'en 2005. 

- Il n'y avait pas encore d'idées, de stratégie de développement. C'est quelque chose qui est venu plus tard, en 2006. C'est venu avec la mise en service de Bouillante 2 et le coût de l'énergie qui a augmenté. Et la fin des énergies fossiles qui se profilait. On était dans un contexte où on cherchait à développer des énergies renouvelables. 

- Le fait d'avoir découvert 2 autres puits là-haut, avec un débit vapeur suffisant, ils ont dit : "On va mettre en place la 2e turbine." 11 mégawatts, quand même. 

- Le défi qu'il y a eu avec Géothermie quand ils l'ont prise, c'est de faire de la centrale une exploitation, que ça produise l'électricité à partir de la géothermie. Ça a été une réussite. Et la réussite a été constatée en 1998 et c'est de là que le conseil d'administration de Géothermie Bouillante a décidé de dire : "Nous allons faire 2 forages sur la plateforme de BO-4." Ces 2 forages qui ont été faits ont été une réussite totale en 2000 qui a permis d'avoir 2 forages très productifs pour la construction de B2. 

- Ici, on a 2 puits en production et 2 puits en observation. Dans le tuyau, on a un fluide diphasique. C'est un mélange d'eau et de vapeur. Arrivé en tête de puits, ce fluide est à 169 degrés. Donc ça traverse des vannes. On peut comparer ça à des robinets. Ensuite, le fluide est transporté dans le tuyau, jusqu'en bas. 

- Pour capter la chaleur de la Terre, on commence par forer des puits. Á Bouillante, ces puits permettent de faire remonter à la surface ce qu'on appelle un fluide diphasique, un mélange d'eau et de vapeur sous pression. 

- Vous êtes dans une centrale géothermique. La différence dans une centrale thermique, c'est qu'on n'a pas besoin de chaudière, comme une centrale classique thermique, et de chauffer par le biais d'un combustible. Ça peut être le charbon, ça peut être le gaz, la bagasse, ici, qu'on utilise comme combustible. Ou le nucléaire, ailleurs, pour pouvoir, justement, chauffer cette eau-là et vaporiser cette eau-là pour pouvoir aller faire travailler cette vapeur-là sur une turbine. 

- En géothermie, la chaudière, c'est la Terre. Une fois remonté à la surface, le fluide diphasique est envoyé au séparateur. Comme son nom l'indique, on y sépare la vapeur de l'eau. C'est la vapeur sous pression qui est envoyée vers la turbine dont elle actionne les hélices, ce qui entraîne alors l'alternateur, une énorme dynamo qui produit ainsi de l'électricité. Une fois sortie de la turbine, la vapeur d'eau est envoyée au condenseur, où elle est refroidie avec de l'eau de mer, puis renvoyée dans la baie à une température inférieure à 45 degrés, comme le prévoit la réglementation. L'eau issue du séparateur est quant à elle réinjectée directement dans le réservoir. Malgré toute cette machinerie, la géothermie reste l'une des alternatives les plus fiables et les moins impactantes de toutes les énergies renouvelables actuelles. 

- Le liquide qui sortait de la centrale vient forcément de la terre, et est très chargé en différents éléments minéraux. Plus du  sel, une forte température... Enfin, différents éléments qui font que, du coup, ils avaient peur que le milieu marin soit déséquilibré et que les écosystèmes marins soient fragilisés, perturbés, disparaissent. Voilà. Du coup, le résultat, c'est que depuis 2008, en fait, il y a pas de dégradation, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas d'influence négative de la centrale sur les communautés marines présentes dans la baie. 

- Mais l'évacuation de l'eau chaude dans la nature est une technique de moins en moins usitée. Aujourd'hui, les usines modernes se dotent d'unités de réinjection afin de maintenir le niveau et la pression du réservoir. Á Bouillante, une réinjection partielle a été mise en place afin de permettre une exploitation durable de la ressource. Mais le désagrément le plus spectaculaire d'une centrale géothermique s'avère tout à fait invisible : c'est l'odeur. 

- En passant à Bouillante, les gens disent : "Ça sent l'oeuf pourri." Effectivement, ça sent l'oeuf pourri. On est bien contents de dire que quand on sent, ça veut dire qu'on produit. Et c'est très bon pour nous. Pour les riverains, un peu moins. 

- Pour répondre à ce désagrément, Géothermie Bouillante a récemment mis en place un système d'oxydation thermique pour limiter les émanations désagréables. Après avoir été un indispensable laboratoire d'expérimentation, la centrale de Bouillante est aujourd'hui devenue une unité de production fonctionnelle capable de délivrer au réseau jusqu'à 15 mégawatts d'électricité. Mais la géothermie, en Guadeloupe, est cependant loin d'avoir livré tout son potentiel. 

- Actuellement, la géothermie représente à peu près 4 % du mix énergétique. En revanche, le potentiel de développement est, selon nous, très important. Nous pensons que dans un 1er temps, le potentiel sur la zone même de Bouillante pourrait permettre de tripler, en fait, la production actuelle. Et donc, de donner une part qui avoisinerait les 20 % dans le mix énergétique à horizon 2020 si on arrive à l'exploiter en totalité. 

- Il y a un site qui a été retenu, situé au nord de la baie, qui a l'office d'une étude de préfaisabilité et qui n'est pas encore totalement fini, mais qui permet de contraindre un potentiel à 30 mégawatts. 

- Tout le long de l'arc antillais, d'autres projets d'exploitation de réservoirs géothermiques sont en cours de développement. Si la Dominique a déjà bien avancé, Saint-Kitts-et-Nevis prévoit aussi la construction d'une centrale et d'autres programmes exploratoires sont menés à Montserrat, à Sainte-Lucie, à la Martinique et ailleurs. 

- On savait quand même qu'il y avait ces potentiels dans les îles voisines de la Caraïbe. Dès le départ, l'idée, ça a été de continuer à développer Bouillante, mais aussi de développer dans les îles qui étaient les plus proches de nous : la Dominique et Sainte-Lucie pour la Martinique. 

- La géothermie, c'est quand même un trait commun à de nombreuses îles de la Caraïbe, qui sont des îles volcaniques. Nous, la Guadeloupe, en tant que précurseurs étant dans le pays où on a déjà une expérience, nous cherchons maintenant à faire partager cette expérience de la Caraïbe. Nous pensons qu'avec l'orientation qui est prise aujourd'hui par le BRGM et l'arrivée de nouveaux partenaires, nous allons pouvoir élaborer un système référentiel d'intégration environnementale et d'acceptation sociale, que nous pouvons aller exporter dans la Caraïbe. 

- Nous accompagnons aussi, avec la région, des projets qui sont des projets plus internationaux dans la Caraïbe, puisque le potentiel géothermique est commun avec d'autres îles, notamment avec notre île voisine, qui est la Dominique. Un projet actuel pourrait permettre, s'il arrive à son terme, de vraiment augmenter tellement la part de géothermie qu'elle pourrait représenter la principale énergie renouvelable, mais aussi jusqu'à un tiers de notre mix énergétique. Vous voyez que les potentiels de développement sont très importants en matière de géothermie. C'est une énergie à laquelle on croit beaucoup en Guadeloupe. 

Dominique, l’île 100% verte

La petite île volcanique de la Dominique s’apprête à devenir l’un des tous premiers pays à produire une électricité 100% renouvelable. 

Le projet européen Géothermie Caraïbe 2 vise à initier une politique caribéenne de développement de la géothermie. 

© Géothermie Caraïbe 

- Quelque part entre l'océan Atlantique et la mer des Caraïbes, au cœur de l'archipel des petites Antilles, la petite île volcanique de la Dominique s'apprête à devenir l'un des tout 1ers pays à produire une électricité 100 % renouvelable. 

- Malgré cette conscience écologique, difficile, pourtant, pour une petite île indépendante, de se passer d'une ressource pas très nature. 

- L'importation de diesel pour produire de l'électricité coûte chaque année 17 millions de dollars aux Dominiquais, soit près de 10 % du PNB du pays. 

- Des ressources renouvelables, la Dominique en est bien pourvue, à commencer par ses 365 rivières. Mais la ressource la plus importante de l'île est à peine visible à l'œil nu. C'est la vapeur d'eau. 

- L'énergie géothermique, un potentiel sous-estimé que l'on retrouve dans la plupart des zones volcaniques récentes. Partout où vous avez un volcan en activité, vous avez des chances d'avoir une ressource favorable à la production d'électricité. Et dans les îles de la Caraïbe, les volcans, c'est pas ça qui manque. 

- C'est dans le cadre d'une coopération européenne avec les îles françaises voisines qu'est réalisé le programme de géothermie à la Dominique. Des études de faisabilité menées, notamment, par la région Guadeloupe, l'ADEME et le BRGM, avec le soutien des fonds européens, ont permis d'évaluer le potentiel de la vallée de Roseau à près de 120 MW d'électricité. Une puissance qui dépasse de loin les besoins actuels des foyers dominiquais. 

- D'ici 2 ans, la Dominique s'apprête donc à remplacer presque toute sa production électrique à base de diesel par une énergie renouvelable propre et économique. 

- Un projet est actuellement à l'étude pour déployer des câbles sous-marins qui relieront la Dominique à ses 2 grands voisins, la Guadeloupe et la Martinique. L'électricité géothermique deviendra alors l'un des tous 1ers produits d'exportation de la Dominique avec le savon. Dans la vallée, les avis sont partagés. Si beaucoup d'habitants y voient une opportunité de développement, certains se posent des questions quant à l'impact d'un tel projet sur leur cadre de vie. 

- C'est un cabinet d'étude guadeloupéen qui est chargé d'anticiper et de suivre les implications environnementales du développement de la géothermie à la Dominique. 

- Les enjeux qui ont été vraiment identifiés... Contrairement à ce qu'on peut avoir en géothermie Bouillante, là, on est dans un milieu naturel très important. On est dans des forêts. On est dans des vallées qui n'ont pas encore été exploitées la plupart du temps. C'est un enjeu naturel qui est très important. Il va vraiment falloir... 

- Le prendre en compte. 

- Le prendre en compte parce qu'il y a des espèces endémiques, il y a des espèces rares. 

- La forêt tropicale, qui recouvre la majeure partie de l'île, est une des merveilles de la Dominique et un atout touristique primordial. C'est pourtant elle qui devra faire de la place aux infrastructures du projet. 

- Malgré son récent développement industriel et touristique, la Dominique a su préserver une bonne part de son magnifique cadre naturel. L'implantation d'une industrie géothermique sur son sol est désormais un enjeu de développement majeur. La géothermie, c'est, à la fois, un atout certain pour l'économie du pays, mais aussi une formidable opportunité pour continuer à conserver la qualité si précieuse de son environnement.