Un plongeon au coeur des nappes d'eau souterraine de la région Centre-Val de Loire, pour mieux comprendre leur fonctionnement.
15 janvier 2016

Nappes d'eau souterraine en région Centre-Val de Loire

A la découverte des nappes d'eau souterraine en région Centre-Val de Loire. 

Vidéo réalisée dans le cadre du SIGES (Système d’information pour la gestion des eaux souterraines) Centre-Val de Loire. 

© BRGM 

Découvrons un domaine peu connu, caché sous nos pieds. Parcourons la région Centre-Val de Loire, pour plonger au cœur de ces nappes d'eau souterraines. La Loire, plus long fleuve de France, est essentiel à notre territoire. Parmi les autres grands cours d'eau, on compte ses principaux affluents : le Cher, l'Indre, la Vienne et le Loir. Partons au sud-est de la région, près de Saint-Amand-Montrond. Lorsqu'il pleut abondamment, les eaux ruissellent, et si le sol est suffisamment gorgé d'eau, elles s'infiltrent en profondeur dans le sous-sol. Dans cette zone, le sous-sol est constitué essentiellement de sables et de grès qui permettent à l'eau de s'écouler. L'eau s'infiltre d'abord dans les premiers mètres du sous-sol qui correspondent à la zone non saturée. Et lorsqu'elle atteint une couche géologique imperméable, l'eau s'accumule et constitue une zone saturée en eau : c'est l'aquifère. Une nappe souterraine désigne l'eau contenue entre les grains de la roche ou dans ses fissures, et le terme d'aquifère désigne le réservoir géologique saturé en eau. Les fentes du tube de forage permettent à l'eau de rentrer. C'est la crépine. On mesure le niveau d'eau de la nappe avec une sonde qu'on met en place dans le forage. C'est ainsi qu'on établit le niveau piézométrique de la nappe souterraine. La nappe s'écoule horizontalement. Lorsqu'elle passe sous une couche argileuse imperméable, l'eau ne peut plus monter. La nappe est bloquée et devient captive. Elle s'écoule alors très lentement. Dans cette nappe captive, l'eau va donc se trouver sous pression. En forant à travers la couche imperméable, l'eau va monter dans le tube, et s'il y a assez de pression, elle peut même jaillir spontanément à la surface. On dit alors que le forage est artésien. Dans une zone située entre Châteauroux et Bourges, découvrons un aquifère d'un autre genre. Descendons maintenant le cours du Cher. Cette rivière traverse à présent la Champagne berrichonne. Le sous-sol est constitué par une roche calcaire. Étant souvent fissurée, l'eau peut s'infiltrer et s'écouler facilement. La nappe de ce secteur est libre et alimentée par les eaux de pluie. Elle alimente la rivière grâce à des sources, ou de manière diffuse, à travers le lit du cours d'eau. Pour connaître le sens d'écoulement de la nappe, les hydrogéologues réalisent simultanément des mesures du niveau de la nappe au niveau de plusieurs forages. Cela permet de tracer des courbes d'égale altitude de la nappe et d'aboutir ainsi à une carte piézométrique. Celle-ci indique les sens d'écoulement de la nappe. Le moteur de l'écoulement est la gravité. Ici, la nappe s'écoule vers le Cher qui constitue un point bas. En suivant le cours de la rivière jusqu'à sa confluence avec la Loire, on rejoint alors l'agglomération de Tours. En Touraine, l'hydrogéologie est marquée par la superposition de deux nappes d'eau souterraines très importantes. L'aquifère le plus proche du sol, c'est la nappe de la craie du Séno-turonien. La roche est crayeuse - elle ressemble au calcaire - et est souvent fissurée. La nappe est libre et s'écoule vers les cours d'eau, le Cher et la Loire. Pour exploiter l'eau, une pompe est plongée dans le forage. La nappe de la craie est exploitée surtout pour des usages agricoles, pour l'irrigation des cultures notamment. Le 2e aquifère, c'est la nappe des sables du Cénomanien, situé à environ 100 m de profondeur. Il est constitué de sables, sous couverture d'une formation argileuse peu perméable. La nappe est donc captive. La vitesse d'écoulement de l'eau et son renouvellement sont faibles. L'âge des eaux a été estimé à plus de 10 000 ans. L'eau de la nappe est de très bonne qualité car elle est protégée des polluants liés aux activités humaines, ce qui fait de cet aquifère une réserve stratégique pour l'eau potable. Malheureusement, en raison d'une surexploitation, le niveau de cette nappe a baissé au cours des années 90. Des mesures de gestion sont mises en place depuis plusieurs années afin de réduire les quantités d'eau prélevées. Remontons le cours de la Loire, jusqu'à l'agglomération d'Orléans. L'aquifère est ici constitué par une roche calcaire très fissurée et karstique, c'est-à-dire affectée par un réseau de cavités souterraines. La nappe d'eau souterraine est libre, située à une faible profondeur dans le secteur du Val. Son niveau piézométrique se trouve en général entre 3 et 5 m de profondeur par rapport au sol. Dans le Val d'Orléans, les eaux de la Loire s'infiltrent en grandes quantités vers la nappe souterraine, notamment dans le secteur de Jargeau. Le fleuve et la nappe sont étroitement liés. L'aquifère étant karstique, les écoulements de la nappe sont très rapides, à des vitesses de 200 à 300 m/h environ. La nappe s'apparente alors presque à une rivière souterraine, c'est un cas particulier. Sa nappe s'écoule en direction d'Orléans, et son émergence la plus connue est la source du Bouillon, qui donne naissance au Loiret. La Beauce s'étend au nord d'Orléans. C'est un vaste plateau où dominent les grandes cultures céréalières qui en font un grenier à blé pour la France. Le sous-sol est composé de calcaires fissurés et parfois karstiques. L'essentiel des eaux de pluie s'infiltrent dans le sol et le sous-sol. Au contact d'une formation argileuse, l'émergence de la nappe souterraine peut créer une rivière, comme la Conie, près du village de Conie-Molitard. L'été, le niveau de la nappe baisse car elle est sollicitée pour l'irrigation des cultures, et le débit de la source principale qui alimente la rivière diminue. Pour ne pas surexploiter l'aquifère et tarir les sources, des mesures ont dû être mises en place à la fin des années 90. Ce dernier exemple montre bien le rôle primordial des nappes pour qu'il y ait toujours de l'eau dans les rivières, et pour la faune et la flore qui en dépendent. Même si on ne les voit pas, les nappes d'eau souterraines sont essentielles ! 

L'eau, au cœur de la Beauce

Le BRGM a participé au documentaire "L'eau, au cœur de la Beauce", produit par l'association Centre Sciences. 

Un film de 12 minutes pour expliquer le fonctionnement de la nappe de Beauce et aborder ses ressources en eau souterraine. 

© Centre Sciences 

La nappe de Beauce se trouve entre la Loire la Seine, le Loing et le Loir. C'est là qu'on trouve la formation des calcaires de Beauce. À l'époque, il y a 20 millions d'années, le secteur de la Beauce était un lac, où se sont accumulés des sédiments, qui, petit à petit, se sont accumulés et ont constitué ces fameux calcaires. 

On peut visualiser, imaginer qu'une nappe d'eau souterraine, c'est un peu comme l'eau contenue dans une éponge. Ça peut être parce que la formation géologique, c'est des sables, et donc, il y a une perméabilité, une porosité intrinsèque, où les eaux de pluie qui s'infiltrent dans le sol et vont jusqu'au sous-sol occupent cette porosité, les vides entre les grains de sable. Ça peut être aussi les fissures, les fracturations, dans les roches telles les calcaires. 

La nappe de Beauce, qui est une des principales nappes d'eau souterraine au niveau français, tant par sa superficie que par le volume d'eau stocké, concerne 2 régions, la région Centre et la région Île-de-France, 6 départements, le Loiret, l'Eure-et-Loir, le Loir-et-Cher pour la région Centre, la Seine-et-Marne, l'Essonne et les Yvelines pour l'Île-de-France. Elle est à cheval sur 2 bassins hydrographiques, le bassin de la Seine, au nord, et le bassin de la Loire, au sud. 

Le BRGM, c'est le service géologique national. Établissement public qui s'occupe de tout ce qui traite des sciences de la Terre, notamment des eaux souterraines, en région Centre, où on réalise des études sur les nappes souterraines, les sens d'écoulement, la qualité des eaux souterraines, et, également, le suivi des nappes par le biais de piézomètres. 

On peut faire la manip sur cet ouvrage. La manipulation qui consiste, tout simplement, à introduire la sonde, qui est reliée à un câble avec une mesure au centimètre près. Et on descend jusqu'à la nappe. C'est la surface de la nappe que l'on va mesurer. On atteint 18 mètres. On se rapproche et, normalement... Voilà. On a la lumière qui apparaît quand on atteint... Je soulève légèrement pour vérifier précisément la profondeur. Et je mesure. 18,95 m. Voilà le niveau de la nappe de Beauce sur le site du BRGM. 

Ma collègue est actuellement sur le site de Ruan pour vérifier le fonctionnement de la station de mesure piézométrique. Pour cela, elle va faire une mesure manuelle en immergeant une sonde électrique dans le forage pour vérifier la profondeur du niveau de l'eau et confronter cette valeur avec la valeur fournie par la centrale d'acquisition automatique. Oui, Sylvie. Très bien. Tu es à Ruan. Tu as fait une mesure manuelle, déjà ? 17,44. Je vérifie ça. Je vais faire un appel station pour m'assurer que la liaison téléphonique fonctionne. Dans le cas présent, la mesure rapatriée, 17,44 m, correspond bien à la mesure réalisée sur le terrain. 

La DREAL Centre est chargée du suivi des fluctuations des principales nappes de la région Centre et, plus particulièrement, de la nappe de Beauce. Les outils de suivi du fonctionnement du système, donc nappes et cours d'eau associés, s'appuient sur le réseau piézométrique, qui se compose de 50 stations de suivi en automatique et en continu des fluctuations de la nappe et est complété par un réseau de stations de suivi du débit des principaux cours d'eau, dont une station sur la Conie, à Conie-Molitard. 

La Beauce a la particularité, ou la chance, de disposer d'une station très ancienne, qui est implantée sur le site industriel de la sucrerie de Toury, qui nous donne des mesures piézométriques depuis le tout début du XXe siècle. Cette station a l'avantage de mettre en lumière le phénomène cyclique des fluctuations de la nappe de Beauce avec des périodes de très basses eaux et de très hautes eaux. Pour les périodes de très basses eaux, on a celle du début des années 90. Elle a été précédée par une situation de basses eaux extrêmes au tout début du XXe siècle. A la différence près que ces niveaux de basses eaux ont été atteints dans des conditions climatiques beaucoup plus critiques que celles observées au début des années 90, ce qui met en évidence l'incidence des prélèvements liés, notamment, au développement de l'irrigation en Beauce à partir des années 60. Cette période de sécheresse et ses conséquences sur les rivières de la Beauce ont été l'occasion d'une prise de conscience collective de la nécessité de mieux gérer cette ressource et, notamment, les prélèvements qui y étaient associés. Cela a coïncidé avec la mise en place d'un 1er système de gestion volumétrique, qui a été mis en œuvre à partir de 1998. Et, en parallèle, a été lancé à partir de l'année 2000, l'élaboration d'un schéma d'aménagement et de gestion des eaux. 

La finalité du SAGE de la nappe de Beauce a été de fixer les règles de gestion des ressources en eau, donc de la nappe et des cours d'eau associés, pour les années à venir. Pour ce faire, il a mis en place un dispositif de gestion volumétrique des prélèvements agricoles pour l'irrigation. Et, en cours de campagne, on va suivre le débit des rivières. Sur chacune des 9 stations de référence, on a des seuils en débit : un seuil d'alerte, un seuil de crise et, au franchissement de ces seuils, on va être amenés à prendre, en cours de campagne, des mesures de limitations complémentaires, qui vont prendre la forme de jours d'interdiction. 

On peut imaginer un grand réservoir qui occupe la Beauce. Et l'eau contenue dans ce réservoir est alimentée quasi exclusivement par les eaux de pluie. L'eau de la nappe émerge au niveau de ses sources et va alimenter les cours d'eau, le réseau d'eau de surface. On juge, aujourd'hui, du bon état d'une ressource en eau souterraine sur sa capacité à alimenter correctement, notamment durant l'été, les milieux aquatiques superficiels et, notamment, les rivières. L'objectif étant d'assurer un débit suffisant dans ces rivières afin de garantir notamment les usages liés à la survie de la faune aquatique. 

Les usages qui entraînent des prélèvements dans la nappe de Beauce sont, d'abord, les prélèvements pour l'alimentation en eau potable, ces prélèvements sont de l'ordre de 100 millions de mètres cubes par an, les prélèvements pour les usages industriels, d'environ 30 millions de mètres cubes par an, et, enfin, les prélèvements pour l'agriculture, pour l'irrigation des cultures. Ils peuvent varier de 150 millions de mètres cubes par an en années plutôt humides et jusqu'à 400 millions de mètres cubes les années avec les printemps et été les plus secs, comme on a rencontré au début des années 90. 

Pour ce qui concerne les entrées dans le système, la nappe va se recharger sur une période qui s'étale, de manière générale, d'octobre à avril, par les pluies efficaces. Ces pluies efficaces sont une portion des pluies qui tombent à l'automne et en hiver. Elles sont de l'ordre de 130 mm par an, en moyenne, ce qui correspond, ramené à la surface de la nappe de Beauce, à un volume total d'environ 1,3 milliard de mètres cubes. 

La nappe de Beauce présente la particularité, du fait de son caractère essentiellement libre, à savoir non protégé par des horizons géologiques relativement imperméables, d'être relativement vulnérable aux pollutions de surface. Le constat est fait, aujourd'hui, d'une dégradation de la qualité de l'eau. Un certain nombre d'actions sont mises en œuvre depuis de nombreuses années, d'abord de manière réglementaire, mais, également, basées sur le volontariat, notamment au travers des mesures agri-environnementales. Les perspectives que nous annoncent les spécialistes du climat, qui travaillent sur le réchauffement climatique, notamment, nous annoncent des années moins arrosées et des hivers plus doux et plus courts. Cela aura, vraisemblablement, pour conséquences de diminuer les volumes d'eau qui participent à la recharge de la nappe et, également, d'accentuer, au cours des printemps et des étés, les étiages des rivières. D'où l'intérêt, dans les années à venir, de pouvoir mettre en œuvre le dispositif de gestion volumétrique tel qu'il figure aujourd'hui dans le SAGE et de pouvoir l'expérimenter et de juger de son efficacité si nous étions amenés à être confrontés, comme par le passé, à des périodes de sécheresse accrue. 

Si on a des informations fiables sur les prévisions en termes de changements climatiques et en termes d'évolution de températures, de précipitations, d'évolution des précipitations, on pourrait modéliser, savoir comment va évoluer la ressource. D'une part, on peut très bien poursuivre les recherches et avancer dans la compréhension et dans l'amélioration du modèle qui permet de représenter le fonctionnement de la nappe et, en fonction des évolutions des recherches sur le changement climatique au niveau de la France et au niveau mondial, on pourra très bien intégrer ces éléments-là pour faire des prévisions sur la manière dont va évoluer la ressource, la nappe de Beauce.