Faire du citoyen un "capteur" pour mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain en cas de catastrophe naturelle, grâce à la puissance des réseaux sociaux. C'est la démarche menée par le BRGM avec la plateforme Suricate-Nat qui collecte et analyse en temps réel les informations de la twittosphère liées à des risques naturels en France.
7 février 2019
Suricate-Nat intercepte des mots-clés (séisme, inondation, lieux...) dans les tweets des utilisateurs pour essayer d'appréhender le plus justement possible une situation de risque

Suricate-Nat intercepte des mots-clés (séisme, inondation, lieux...) dans les tweets des utilisateurs pour essayer d'appréhender le plus justement possible une situation de risque. 

© BRGM 

Grâce à la réactivité des utilisateurs des réseaux sociaux, la géolocalisation des tweets, le nombre de messages, leur précision, sont autant d'indicateurs qui peuvent servir de capteurs pour mesurer l'importance d'une catastrophe

Grâce à la réactivité des utilisateurs des réseaux sociaux, la géolocalisation des tweets, le nombre de messages, leur précision, sont autant d'indicateurs qui peuvent servir de capteurs pour mesurer l'importance d'une catastrophe. 

© BRGM 

Citoyenneté, collaboratif, science participative… Autant de mots-clés que le BRGM essaie, à travers ses outils et ses plateformes numériques, de promouvoir dans le domaine des Sciences de la Terre.

À ce titre, l’exploitation des réseaux sociaux constitue pour les scientifiques à la fois une source d’informations considérable remontant du terrain, et un moyen moderne d’impliquer les citoyens et de leur communiquer une culture du risque. C’est l’ambition qu’a le BRGM avec la plateforme Suricate-Nat sur les risques naturels qui vise à collecter, informer et prévenir grâce aux réseaux sociaux et en particulier Twitter. Le BRGM et l’université de Technologie de Troyes (UTT), avec le soutien de la Fondation MAIF, ont en effet mis en ligne cette plateforme web pour faire des réseaux sociaux une nouvelle source d’information citoyenne pour la surveillance des risques naturels.

Des citoyens "capteurs" 

L’objectif, sur les séismes dans un premier temps puis progressivement sur d’autres aléas comme les inondations et les mouvements de terrain, est de capter les tweets d’internautes relatifs à des événements, de reconnaître automatiquement les posts de témoins apportant une information de première main sur un événement, et d’envoyer à ces témoins des tweets les invitant à se connecter sur la plateforme pour apporter plus d’informations. 

La survenue de catastrophes naturelles est en effet caractérisée par une difficulté à décrire la situation. Il se crée une phase critique pendant laquelle l’enjeu principal est de mobiliser un maximum d’informations disponibles en provenance du terrain pour tenter de construire une représentation réaliste de la situation.

Or la grande réactivité de témoins sur les réseaux sociaux permet d’envisager de les utiliser pratiquement comme des "capteurs" en temps réel d’une situation de catastrophe naturelle. 

Illustration d'une surveillance multicapteurs (technologiques et humains) pour la diffusion de l'information en temps réel déterminants dans la gestion de crise pour prendre compte rapidement de l'ampleur des catastrophes

Illustration d'une surveillance multicapteurs (technologiques et humains) pour la diffusion de l'information en temps réel déterminants dans la gestion de crise pour prendre compte rapidement de l'ampleur des catastrophes. 

© BRGM 

Science participative et IA 

Concrètement, la plateforme Suricate-Nat, dont la première version a été lancée fin 2017, permet donc de collecter des informations « primaires » émises par les citoyens sur les catastrophes naturelles, et d’exploiter ces données pour informer et prévenir le public sur les risques. C’est un nouveau type d’outils au service des géosciences et des pouvoirs publics pour un suivi au plus près des catastrophes naturelles et de leurs effets.

Les tweets émis en français faisant référence à des mots-clés liés aux séismes, par exemple, sont collectés, puis traités automatiquement par des algorithmes d’intelligence artificielle. L’analyse des messages permet de construire à la volée des indicateurs relatifs à l’intensité des phénomènes. Dans un second temps, les messages sont soumis aux internautes qui peuvent ainsi contribuer à l’analyse pour compléter et améliorer les modèles prédictifs. 

Twitter est parfaitement adapté à ce type d’application, de par son immédiateté (grâce aux messages courts de 280 caractères), et à sa couverture (de plus de 6 millions d’utilisateurs en France). Mais le travail d’analyse des tweets n’est pas simple, c’est pourquoi il est fait appel à l’IA : les volumes de données sont considérables, il faut parvenir à distinguer une rumeur d’une information, être capable d’analyser l’historique, et traiter des messages qui ne sont pas toujours qualitatifs et informatifs. 

L’outil d’analyse automatique, développé par le BRGM, permet ainsi la suppression des messages postés par des robots et les duplications ; le système procède également à une détection sur dépassement de seuil en utilisant un algorithme inspiré de la sismologie. Les tweets sont triés entre "témoins directs" et "non-témoins", puis sont géolocalisés et enrichis, sur la plateforme, par des questionnaires pour les témoins et par une classification manuelle établie par des internautes volontaires. 

Les algorithmes ont été élaborés avec les données Twitter issues du séisme de Barcelonnette, survenu le 7 avril 2014, et qui demeure le plus important enregistré en France depuis plus de dix ans. D’ores et déjà, près d’une trentaine d’événements sont référencés sur la plateforme Suricate-Nat, parmi lesquels les inondations de la région parisienne de janvier 2018 ou certains des innombrables séismes qui ébranlent Mayotte quotidiennement depuis le mois de mai 2018. 

Au final, le principal objectif reste sociétal en matière de prévention et de sécurité afin de rendre le "citoyen connecté" pleinement acteur en cas de survenue de catastrophes naturelles. Une contribution significative au développement de la culture du risque des populations.