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    Le géologue Pierrick Graviou nous invite à découvrir, en photos, 5 curiosités géologiques à travers la Bretagne. Les articles complets sont à découvrir sur le site The Conversation.

    À propos de l’auteur

    Docteur en géologie, Pierrick Graviou travaille depuis plusieurs années sur l’inventaire national du patrimoine géologique. Il a ainsi été amené à découvrir et à étudier de nombreux sites géologiques remarquables, tant en Outremer (Guadeloupe, Saint-Pierre et Miquelon, La Réunion, Mayotte, Polynésie) qu’en France métropolitaine. Auteur d’une quinzaine d'ouvrages de médiation scientifique, il anime également des conférences et des excursions sur le terrain.

    Le trou de l’Enfer, Morbihan

    Le mystère de la Roche-aux-Fées

    Première étape, un impressionnant dolmen d’Ille-et-Vilaine.

    Situé à une trentaine de kilomètres au sud-est de Rennes, sur la commune d’Essé (Ille-et-Vilaine), le dolmen de la Roche-aux-Fées impressionne au premier regard par ses dimensions tout à fait exceptionnelles : près de 20 mètres de longueur pour 6 mètres de largeur et quatre mètres de hauteur.

    L’allée couverte de la Roche-aux-Fées

    L’allée couverte de la Roche-aux-Fées : le plus grand dolmen de France et l’un des plus beaux monuments mégalithiques de Bretagne.

    © BRGM - Pierrick Graviou 

    Mais ce qui surprend surtout le visiteur averti, c’est la nature des roches mises en œuvre dans l’édification du monument, très différentes de ce que l’on peut trouver dans le sous-sol environnant. Car si ce sous-sol est essentiellement formé de schistes gris verdâtres très fracturés et peu résistants, les éléments qui constituent le dolmen s’identifient à des grès rougeâtres beaucoup plus adaptés à la construction.

    Il faut donc se rendre à l’évidence : les blocs gigantesques utilisés à la Roche-aux-Fées n’ont pas été extraits localement. Ils ont été transportés depuis un autre lieu qui, si l’on en croit les études géologiques et archéologiques, se situe à environ 5 kilomètres plus au sud, au cœur de la forêt du Theil.

    Chaos granitique, Finistère

    La bouteille, la tortue et la patte d’éléphant

    Seconde étape, un drôle de monde né de l’érosion.

    Inutile de chercher ! Il ne s’agit pas ici d’une référence à une fable de Jean de la Fontaine que vous auriez pu ne pas connaître, mais simplement d’évoquer quelques noms de rochers granitiques rencontrés sur différents sites touristiques bretons.

    Du Pays bigouden à Ploumanac’h (Côtes-d’Armor), en passant par Huelgoat ou Brignogan (Finistère), pour ne prendre que quelques exemples, ces rochers souvent gigantesques sont bien présents dans les paysages, tant à l’intérieur des terres que sur le littoral.

    La Pointe du Château à Ploumanac’h

    Le chaos granitique de la Pointe du Château, à Ploumanac’h (Côtes-d’Armor).

    © BRGM - Pierrick Graviou

    Ils sont à l’origine de nombreuses légendes et réveillent l’imagination. Mais comment se forment-ils ?

    Le granite, dont sont faites ces « sculptures » naturelles, est une roche d’origine magmatique. Sa lente cristallisation, à quelques kilomètres de profondeur, est suivie par sa rétraction et par l’apparition d’un réseau de fractures, appelées diaclases.

    Grande carrière de kaolin, Morbihan

    Un voyage spatio-temporel

    Troisième étape, des pierres à l’exceptionnelle longévité.

    Un jour d’août 2020, en baie de Lannion : les vacanciers profitent de la marée basse pour dénicher quelques palourdes ou traquer les éventuelles crevettes restées prisonnières des mares résiduelles…

    En s’adonnant ainsi à leur loisir favori, ils ne se doutent certainement pas, qu’à cet endroit même, affleurent les roches les plus anciennes de France.

    Des roches tout à fait exceptionnelles que l’on rencontre uniquement dans ce secteur de Bretagne et en Normandie, vers le Cap de la Hague, à l’extrémité septentrionale du Cotentin.

    Les roches les plus anciennes de France exposées sur la grève de Pors-Raden

    Les roches les plus anciennes de France (deux milliards d’années) exposées sur la grève de Pors-Raden (Trébeurden, Côtes-d’Armor).

    © BRGM - Pierrick Graviou

    Ici, dans le Trégor, on peut les voir à Locquirec (Finistère), sur la plage du Moulin de la Rive, ou encore à Trébeurden (Côtes-d’Armor), sur la petite grève de Pors-Raden.

    Dans les deux cas, les analyses chimiques effectuées sont incontestables : il s’agit de roches qui ont cristallisé à partir d’un magma granitique au sein de la croûte terrestre, à plusieurs kilomètres de profondeur… il y a environ deux milliards d’années, soit près de la moitié de l’âge de la Terre ! Bien plus que se proposent les machines à remonter le temps dans les romans de science-fiction.

    Schistes plissés, Morbihan

    La kersantite, une pierre bénie des dieux

    Quatrième étape, une roche aussi sombre que spirituelle.

    Si les monuments mégalithiques, comme les menhirs et les dolmens, sont emblématiques de la Bretagne, les calvaires ne sont pas en reste avec de très nombreux exemplaires répartis sur l’ensemble du territoire breton.

    On peut ainsi en rencontrer au hasard d’une promenade à l’intérieur du pays, s’identifiant le plus souvent à une croix ou, plus rarement, à un édifice plus ou moins imposant, comme à Pleyben ou à Plougastel-Daoulas (Finistère). Il ne s’agit alors plus d’un simple monument religieux, mais d’une véritable œuvre d’art, admirablement et finement sculptée, sur laquelle sont représentées des scènes de la vie du Christ.

    Une scène du calvaire de Pleyben réalisée en kersantite

    Une scène du calvaire de Pleyben (Finistère) réalisée en kersantite et représentant la nativité.

    © BRGM - Pierrick Graviou

    Il s’agit de la kersantite : une roche sombre qui doit son nom au hameau de Kersanton, situé au fond de la rade de Brest, sur la commune de Loperhet. C’est là, il y a environ 280 millions d’années, que s’est formée cette roche peu commune résultant de la cristallisation d’un magma venu s’injecter sous forme de filons au sein de roches sédimentaires plus anciennes.

    Chaos granitique, Finistère

    Les Monts d’Arrée, des montagnes d’un autre temps

    Dernière étape, de mystérieux chicots rocheux.

    Culminant à près de 400 mètres d’altitude sur les communes de Commana et de Plounéour-Menez (Finistère), les Monts d’Arrée forment l’un des paysages les plus singuliers et les plus emblématiques de la Bretagne intérieure. La lande d’ajoncs et de bruyères y est omniprésente, laissant simplement émerger ici et là quelques chicots rocheux armant les crêtes souvent balayées par les vents ou enveloppées de brouillard.

    Schistes et quartzites déchiquetés par l’érosion forment les plus hauts sommets des Monts d’Arrée

    Schistes et quartzites déchiquetés par l’érosion forment les plus hauts sommets des Monts d’Arrée.

    © BRGM – Pierrick Graviou

    Les reliefs y sont donc très modestes, ce qui n’empêche en rien les habitants du pays de se considérer comme des montagnards. Ils n’ont pas tout à fait tort si l’on se réfère à l’histoire géologique de ces contrées sauvages témoignant d’un autre temps. C’était il y a environ 420 millions d’années…

    À cette époque, l’Armorique est encore un domaine insulaire, séparé d’un gigantesque continent – le Gondwana – par un océan sur les bords duquel se déposent des sédiments : argiles et sables fins, qui vont peu à peu se compacter et s’enfouir sous l’effet de leur propre poids pour se transformer en schistes et quartzites.