Dans le massif du Jura, l’impact du réchauffement climatique sur la pollution des eaux par les nitrates impose de renforcer les mesures limitant les rejets d’azote.
19 juin 2023

Les rivières comtoises dans le massif du Jura connaissent depuis plusieurs décennies une dégradation chronique de la qualité de leurs eaux. Cela s’est traduit par des épisodes de mortalités piscicoles lors des dix dernières années affectant les rivières - pourtant emblématiques pour la pêche - de la Loue, du Doubs, mais aussi du Dessoubre, l’Ain ou de la Bienne.

Comme dans la plupart des rivières françaises, celles du massif du Jura n’échappent pas à la présence de polluants chimiques de diverses origines, affectant la vie du milieu aquatique et sa capacité d’auto-épuration. Les excès en nutriments (azote et phosphore principalement) sont l’une des premières causes de déséquilibre provoquant un développement algal qui asphyxie le milieu aquatique (eutrophisation). Ces excès proviennent des amendements agricoles pour fertiliser les cultures, mais aussi des rejets domestiques et industriels.

Le paradoxe jurassien

Il est possible de retracer l’histoire de la contamination des eaux sur la base d’une étude rétrospective des données de concentration en nitrate. Dans le massif du Jura, l’analyse de leur évolution depuis les années 70 indique une inflexion dans les années 2000 de tendances qui étaient à la hausse dans les années 80-90, sans pour autant engendrer aujourd’hui une réduction majeure du niveau de pollution des eaux.

Une forme de paradoxe jurassien se dessine alors pour ce milieu agricole extensif, car la diminution des rejets d’origine agricole depuis quelques décennies ne suffit pas à inverser la tendance à la dégradation de la qualité des eaux.

Une explication de ce paradoxe se trouve dans le contexte géologique de ce territoire. Le massif du Jura est constitué de sols peu profonds développés sur des roches calcaires, dites karstiques, qui laissent s’infiltrer très rapidement l’eau jusqu’à de grandes profondeurs (plusieurs centaines de mètres). L’eau infiltrée dans les fissures se retrouve en quelques heures transportée dans des réseaux souterrains et des cavités (pénétrables par l’homme en spéléologie par exemple) jusqu’aux sources qui alimentent les rivières.

L’influence des sécheresses

Durant la période sèche, les sources et les rivières sont alimentées par des eaux issues des réserves les plus anciennes des aquifères enrichis par la recharge des nappes des années précédentes. Et à la fin de cette période, lorsque le sol se réhumidifie (lors des premières pluies importantes à l’automne), on y observe de plus forts reliquats azotés disponibles au lessivage rapide vers les eaux souterraines et les rivières.

Cet exemple des rivières comtoises illustre la vulnérabilité de certains bassins agricoles qui, malgré une relative faible pression anthropique (agriculture extensive), sont caractérisés par une dégradation chronique de la qualité des eaux. La particularité des bassins karstiques mais également leur sensibilité aux épisodes de sécheresse sont mises en avant pour expliquer en partie ce déséquilibre.

Or plus d’un tiers de la France hexagonale est couverte par les karsts (Normandie, bassin Parisien, Jura, Causses du Sud-Ouest et du sud de la France, massifs des Préalpes et de Provence, etc.) et de grandes villes françaises dépendent de cette ressource pour leur alimentation en eau potable (Paris, Montpellier, Orléans, Besançon…).

Lors de la dernière décennie, 7 des 10 années les plus chaudes ont été enregistrées en France, amplifiant le risque de sécheresse. Dans ce contexte préoccupant, nous devons alors redoubler d’efforts pour diminuer la pression polluante en nutriments si l’on souhaite retrouver un bon état écologique pour les territoires les plus sensibles comme les bassins karstiques.