Plusieurs centaines de séismes se sont produits à Mayotte depuis mai 2018. Alors que l'activité sismique se poursuit, les scientifiques se mobilisent pour comprendre les causes de cet essaim sismique.
17 décembre 2018
Localisation des séismes de magnitude supérieure à 3.8 à Mayotte

Localisation des séismes de magnitude supérieure à 3.8 depuis le début de la crise jusqu’au 29 octobre. 

Les couleurs mauve et bleu correspondent aux séismes les plus anciens, l’orange et rouge aux séismes les plus récents. Le nuage de point vers 45.5°E est apparu à partir de fin août 2018. Le réseau sismique actuel, s'il permet maintenant une bonne détection des séismes de magnitude supérieure à 3.5, reste insuffisant pour une localisation précise des événements. L’incertitude de localisation est de 10-15 km pour un essaim d’à peine 20 km de large. En conséquence les incertitudes de localisations sont trop fortes pour mettre en évidence une orientation préférentielle de l’activité sismique. La profondeur des séismes reste un paramètre indéterminé dans la configuration actuelle du réseau d’observation. 

© BRGM / Bathymétrie HOMONIM, SHOM et GEBCO (2014) 

Une activité sismique dite "en essaim" 

L’activité sismique en cours à Mayotte correspond à un épisode dit "essaim de séismes", qui correspond à de multiples séismes survenant dans une zone délimitée sur une période de plusieurs jours ou plusieurs semaines. Cet épisode se différencie nettement des phénomènes de type "secousse principale suivie de répliques plus petites" ressentis antérieurement à Mayotte. 

Le premier séisme a été détecté le jeudi 10 mai 2018 vers 8h14 heure locale. Mardi 15 mai à 18h48 heure locale, la plus forte secousse jamais enregistrée dans la zone des Comores a été détectée. Elle a atteint une magnitude 5.8 et a été très largement ressentie sur toute l’île de Mayotte ainsi que dans d’autres îles des Comores. 

Depuis, la séquence sismique se poursuit. Néanmoins, depuis le mois de juillet 2018, les magnitudes observées sont plus faibles, signe que l’énergie sismique libérée est moins importante qu’en début de crise avec, malgré tout, quelques séismes ressentis par la population. 

Des séismes situés à environ 50 km au large de Mayotte 

L’épicentre des séismes actuels est situé en mer, dans une zone de l’ordre de 20 km de diamètre située à environ 50 km à l’Est de Mamoudzou. Ils ne produisent pas de dégâts importants et, bien qu’en mer, sont trop faibles pour générer des tsunamis. Compte tenu de la distance, seuls les séismes de magnitude supérieure à 4 sont ressentis par la population (la magnitude représente l’énergie libérée par une source sismique sous forme d’onde pendant un séisme). 

D’autres séismes sont susceptibles d’être ressentis par la population de Mayotte. En toute rigueur et étant données les connaissances limitées dans la région, une secousse de magnitude supérieure à celles déjà observées ne peut être exclue. 

Les stations des réseaux de surveillance sismique internationaux sont éloignées de la zone d'occurrence des séismes et ne détectent que les séismes de magnitude relativement élevées. Les autres séismes sont détectés par les trois stations sismiques du BRGM à Mayotte. Ces stations permettent aussi de préciser les informations obtenues par le réseau international (localisation, magnitude). 

Une connaissance des causes du phénomène qui se précise 

L’apparition de l’essaim sismique en mai 2018 a surpris la communauté scientifique. La connaissance géologique de la zone de l’essaim étant limitée, la compréhension du phénomène se précise au fur et à mesure de l’observation des séismes. Différentes hypothèses sur leurs causes ont ainsi été étudiées. 

En plus des mesures sismiques qui permettent de suivre l’évolution du phénomène, de nouvelles données ont été analysées en octobre et novembre 2018, notamment des données de déformation de la surface de l’île (mesures GPS réalisées par l’IGN). Une équipe du Laboratoire de Géologie de l’Ecole normale supérieure de Paris a ainsi montré que la phase actuelle de l’essaim s’explique par une composante volcanique. 

En parallèle, le 11 novembre 2018, un signal atypique très basse fréquence a été détecté par les réseaux internationaux. Il est visible également sur la station sismique de Chiconi. Ce genre de signaux est caractéristique d’un phénomène volcanique. 

Ces observations appuient donc l’hypothèse d’une conjonction d’effets tectoniques et volcaniques pour expliquer un phénomène géologique intégrant une séquence sismique et un phénomène volcanique. Cette hypothèse sera à valider par de futurs travaux scientifiques. 

De nouveaux moyens d’observation à l’étude 

Depuis plusieurs mois, la communauté scientifique se fédère pour comprendre le phénomène et répondre aux interrogations qui en découlent. Les possibilités de déployer de nouveaux instruments à terre et en mer afin d’améliorer la détection et la localisation des séismes observés sont à l’étude. 

Un dossier de campagne océanographique, impliquant de nombreux acteurs scientifiques (BRGM, Institut de physique du globe de Strasbourg, Institut de physique du globe de Paris, Paris Sorbonne, Ecole normale supérieure de Paris, Ifremer) a également été déposé afin d’explorer à la fois la zone de l’essaim et le contexte régional et produire des données qui aideront à mieux comprendre l’origine du phénomène. 

Une sismicité modérée à Mayotte 

L’épisode actuel s’inscrit dans une sismicité connue et modérée dans le canal du Mozambique. L’archipel des Comores présente, le long de ses 500 kilomètres, une sismicité relativement diffuse dans un contexte tectonique et volcanique. Cette sismicité est régulière avec une fréquence relativement importante de séismes de magnitude proche de 5 dans l’ensemble de la zone. 

La sismicité à proximité immédiate de Mayotte est moins bien connue mais des séismes entraînant des dommages se sont déjà produits dans le passé, par exemple le 1er décembre 1993 (magnitude 5.2). En revanche, aucun séisme destructeur de magnitude supérieure à 6 n’a été enregistré à ce jour à proximité de Mayotte.